Cynthia (5)

Ecrit par Cynthia

Je me sens lourde ces derniers temps, je ne sais pas si c'est la pression que je me mets ou bien si c'est mon besoin constant de vouloir tout évacuer qui me fait me sentir aussi...patraque! Je veux dire, tout va bien, tout va systématiquement bien. Le stage se déroule à merveille, je suis très contente ainsi que mon supérieur de mes progrès et aussi de ma capacité de m'adapter à chaque patient, je souffre certes de racisme mais je n'en fais point cas depuis bien des lustres maintenant. 


Je veux dire vingt-quatre ans de vie ici, l'on s'en rend bien compte que la xénophobie est un fait, pas une supposition ou quelque chose dont l'on peut en débattre mais c'est vraiment présent! L'on ne s'en rend pas compte mais à un certain moment même nos meilleurs amis en sont uns, même ceux qui nous acceptent, implicitement, nous demande toujours, sans par force y faire allusion mais la question est toujours là: Qui est-ce qui vous donne le droit d’être différents? D'avoir la peau foncée ou d’être plus en chair, ce qui évidemment n'est pas le cas pour moi, mais il n'en demeure moins que je sois noire, que j'aie des cheveux pas du tout "disciplinés", que mes lèvres ne soient pas petites et roses comme les leurs et aussi que je sois d'origine africaine. Bien que je sois parfaitement italienne, je connais plus de l'Italie que je ne connaîtrais jamais de mes terres, car j'ai vécu et ai grandi ici, mais ni ici, ni au Congo, je ne suis chez moi, nulle part, je n'appartiens à personne! Je suis une blanche à la peau noire et une noire au caractère des blancs. 


J'ai appris à vivre ainsi, à m'en accoutumer, ce n'est pas si mal que ça dans fond! Si ça l'est! C'est terriblement mal et c'est terriblement blessant et outrageux mais je ne veux pas me targuer d’être une Africaine ou d'adhérer totalement à cette culture juste parce que de mes dix à mes dix-sept ans, j'allais faire trois mois à Kinsasha. Ce serait grossier et aussi injuste pour ceux qui sont des idéalistes fondamentaux et qui recherchent à tout prix cette connexion avec leur passé, et qui ont à cœur le futur de l'Afrique. Moi, je ne l'ai pas, j'ai des problèmes plus gros de survie, je ne suis donc pas panafricaine, je ne veux juste pas me justifier pour qui je suis ou pourquoi je dois être tel que je suis et je pense que cela va dans les deux sens. C'est-à-dire que je ne dois forcément pas me sentir coupable de ne pas être une fille qui rêve d'une Afrique riche et prospère, car si je rêve de cette Afrique là, tout mon être voudra rendre l'Afrique tel quel et je mourrais en essayant. Car je fonctionne ainsi, c'est la loi du tout ou rien! Et je ne dois non plus me sentir coupable d’être noire et de vivre tel que je le sens.


Malgré le fait que tout aille bien, je me sens bouseuse, comme un sentiment d'insatisfaction et de frustration intense. 


Je reçois un appel de Laura:


_hey ma cocotte!


_Salut Laura! 


_Comment tu vas? ça te dit de sortir avec moi ce soir? Alex ne sera pas là, nous allons à Piazza verde et nous irons boire un peu, allez! ça fait un bon bout que nous ne sortons pas ensemble.


Je soupire:


_Laura, merci pour l'invitation mais ça ne me dit absolument rien.


_Tu es 
cloîtrée chez toi depuis combien de jours?


Toujours à se mêler de ce qui ne la regarde pas, celle-ci, je fronce les sourcils avant de lui répondre:


_Cela ne te regarde absolument pas!


_Bon sang! Depuis combien de temps? 


Je rumine d'impatience, je voudrais simplement lui raccrocher au nez mais la connaissant, elle va m’inonder de sms et d'appels et au cas où j’éteins mon téléphone, elle sera devant chez moi dans les vingt minutes qui suivent. Je l'aime bien mais, oh, l'amitié n'est pas une prise en charge!


_Depuis trois jours maintenant!


Un silence étrange s'installe entre nous et je l'entends émettre un:


_Mon Dieu Cynthia as-tu mangé?


_...


_Réponds-moi, putain!


_Oui.


Je n'ai pas mangé, j'ai menti et c'est mieux ainsi.


_Je ne te crois pas Cynthia.


_Crois ce que tu veux! Je t'ai dit la vérité.


_Je viens te chercher ce soir à vingt-une heures et pas la peine de me faire faux bond. Et pas la peine non plus de refuser, tu sors ce soir avec moi, un point c'est tout!


Elle raccroche et je regarde le téléphone complètement ébahie, encore un coup de Laura! Soupir, pourquoi ne l'ai-je pas encore éjectée de ma vie? Je m'étire faiblement du lit et consulte mon horloge: 


_il est midi!


Je me traîne hors du lit et je vais sous la douche, prends mon dentifrice et ma brosse. Je me regarde à travers mon miroir et l'image que celui ci renvoie de moi n'est pas très glorieuse, je suis amaigrie, plus que nécessaire, déjà que je n'étais pas grosse, et j'ai les cheveux en pétard, ça fait trois jours que je suis littéralement off, et que je broie du noir en ruminant des pensées plus désolantes les unes que les autres. à ce rythme, je ne pourrai pas tenir l'alcool ce soir! 

Je me brosse les dents puis me fais couler un bain. Je vais ensuite ouvrir toutes les fenêtres pour aérer la pièce. Une fois cela fait, je suis plus épuisée que jamais et je me roue sur la barre de chocolat qui est dans mon tiroir que je mange avec précipitation. Je me couche pour le laisser faire de l’effet et une demi-heure plus tard, je suis d'attaque pour faire le ménage et tout ranger.


Vers dix-huit heures, le tout est impeccable et je peux donc me concentrer sur mes cours et manger une autre barre de chocolat. Deux heures qui me semblent trop courtes plus tard, Laura débarque chez moi et me traîne pratiquement de force dehors.


_c'est bon, de toutes façon, je devais venir!


_Ouais, c'est ça! 


_Mais puisque je te le dis! 


_On y va, non; elle me regarde; mais avant, tu devrais te changer et je ne peux pas marcher avec toi aussi mal vêtue!


_Et qu'est-ce qu'il a  mon habillement?


_Pantalon jeans, tricot et tennis? Vraiment? Ah non!


Elle se dirige vers ma garde robe.


_Je ne comprends pas pourquoi tu aimes autant t'habiller aussi mal, je veux dire, tu as un corps d'enfer et si j'avais ce jolie minous que tu as, jamais je ne me lasserai de faire tourner des têtes!


_Mais qu'est-ce que tu racontes Laura? Je ne suis rien de tout ça!


Elle s'approche de moi et prend mon visage en coupe:


_Tu es belle Cynthia, tu es bien foutue et tu as un jolie visage, tu es une très belle femme. Tu ne te rends même pas compte de l'effet que tu fais autour de toi. 


Je détourne mon visage:


_Tu racontes du n'importe quoi!


_Soit, je sais que j'ai raison, mets toi ça!


_Il en est hors de question!


Elle vient de me présenter une robe droite, bleue turquoise et des mini talons et où irais-je ainsi vêtue? Ah ça non!


_Et pourtant tu vas le mettre!


Nous nous dirigeons vers Piazza verde, dire que je n'aime pas le ton de cet endroit serait mentir. Je comprends si aisément la révolte de tous ces jeunes qui se donnent à toutes sortes de substances illicites et qui vivent comme si demain ne viendrait jamais.Moi, je vis et je laisse vivre et  chacun selon ses déboires et ses passions, pourvu qu'ils ne nuisent pas à personne d'autre qu'à eux-mêmes. 


Je tire sur ma robe bleue  turquoise et j'avance lentement, Laura se tourne vers moi, visiblement contrariée et me dit en tirant la tronche:


_Il y a quelque chose que je ne t'ai pas dit Laura, Alex sera là avec nous et nous avons décidé de continuer en boite de nuit. Ça ne te dérange pas j'espère!


_Si tu veux me ramener chez moi dans deux heures....


_Cynhia! crie-t-elle sur un ton qui se veut réprobateur.


_Bah quoi? Je veux rentrer de suite!


_il en est hors de question, pour aller encore t'enfermer dans ta chambre? Non!


je marmonne timidement un: Qui t'a dit que tu pouvais choisir à ma place? 


_Personne mais vu que tu ne fais rien pour ton propre bien, sortir ne te fera pas de mal non plus. Allez, c'est pour ton bien!


Je m'avance vers elle sans parler toutefois.


Il est vingt-trois heures et demi et je suis saoule , je me trémousse sur un air de Calvin Harris, how deep is your love, je dans e à n'en plus finir! Il y a un blond vraiment trop beau avec qui je parle, je ris à toutes ses blagues, je n'ai aucune idée s'il est amusant ou pas. 


Laura et Alex s'en vont à deux heures du matin et je les rassure que je suis entre de bonnes mains, quelle inconscience!


Je quitte la boite avec mon compagnon et nous arrivons à la porte de San mamolo vers trois heures du matin, et si c'est un psychopathe? J'aime la déco de son appartement, nous continuons à discuter, je ne savais pas en mesure de tenir une conversation, lui y arrive, très bien, il n'est pas saoul et m'observe beaucoup. Quelque chose en lui m'attire, je m'approche de lui tel un aimant près du fer et j'approche mes lèvres des siennes. Je crois que cette audace me vient de l'alcool. Je pose timidement mes lèvres sur les siennes, il ne répond pas à mon baiser et me dit mi-amusé:


_Pas le premier soir ma belle! Cherche à te reposer, je ne veux rien faire que tu regretterais demain.


Je crois lui avoir sorti une phrase comme:


_Putain de gentleman! avant de courir vers les toilettes où j'ai rendu tout ce que mon estomac contenait avant de m'évanouir.


Je me réveille avec un mal de tête carabiné et je suis sous une couverture et un lit douillet que je ne reconnais pas, en pyjama. Tout ce que j'ai fait hier nuit me revient:


_Putain.


J'inspecte toujours la pièce des yeux lorsque la porte de la chambre s'ouvre et je vois mon compagnon d'hier s'avancer vers moi avec un sourire:


_Bonjour Cynthia, je m'appelle Luca, le putain de gentleman, me dit-il le rire dans la voix.


Je crois que j'ai fait une grosse connerie hier soir.


  




























Sous le ciel de Bolo...