De surprise en surprise

Ecrit par Fleur de l'ogouée

Finalement j’ai pris mon courage à deux mains et je me suis dirigée vers le service, en arrivant je n’ai pas trouvé beaucoup de visiteurs, j’ai donné le nom à une infirmière et elle m’a indiquée le lit, on m’a donné une bavette à mettre sur le visage et je dois porter des gants, le tout à payer à 450f chez la major, elles m’ont expliquée que dans la chambre tous les patients sont atteints de tuberculose et comme c’est une maladie contagieuse par l’air il vaut mieux prendre ses précautions. Habillée comme une martienne je rentre enfin je me dirige vers le lit 3 qui est le sien, dès que nos regards se croise, c’est bizarre, elle dit directement mon prénom comme ci elle m’avait vu auparavant

-Mélanie. Mélanie tu es venue, merci

- Bonsoir Alphonsine, je suis Mélanie. Je t’ai apportée ça

Elle s’est assise avec beaucoup de difficulté, a rangé les fruits et a gardé une bouteille d’eau, qu’elle a bu jusqu’à la moitié. C’est l’un des moments les plus gênants de ma vie, je ne sais pas quoi dire.

-Thomas avait raison quand il disait que tu es belle hein, et 12ans plus tard c’est toujours aussi vrai

-Merci, c’est gentil

-Tu sais je ne savais pas que tu viendrais, je pensais que tu aurais jeté la lettre et que tu aurais continué ta vie, je suis reconnaissante rien que pour ta présence ici

- Ce n’est rien, j’ai senti ta détresse de mère et je suis venue

-Je n’ai personne vers qui me tourné, quand tu es ici là c’est pire que quand tu es en prison, nos parents, amis et connaissances nous abandonnent, pour les plus chanceux, ils ont deux ou trois visiteurs par semaines, pour nous autres c’est zéro, même le personnel appelle les cinq dernières chambres le couloir de la mort, tout les sidéens atteints de plus de trois maladies dites opportunistes sont stockés ici avant de mourir.

Je retiens mes larmes de toutes mes forces, je n’ai pas envie de pleurer devant toutes ces personnes qui se battent pour la vie, je n’ai pas envie qu’ils pensent que j’ai pitié d’eux, je serre mon cœur, je relève la tête et j’essaie de poser la seule question cohérente qui me vient à l’esprit

-Tu es ici depuis quand ?

-Moi je suis un dinosaure du service ça fais trois ans que je suis là, mais les deux premières années je faisais des aller-retours on m’hospitalisait un certain temps, et je rentrais à la maison, puis quand mon état se dégradait je revenais.

-Ah donc tu à toujours vécu à Libreville ?

-Non j’étais au sud Cameroun, quand mon état s’est dégradé il y a trois ans et que les résultats ont montrés que j’étais atteinte du VIH, l’homme avec qui je vivais là-bas m’a donné un peu d’argent et m’a gentiment obligé à rentrer au Gabon, j’ai vécu un peu à Oyem et ensuit je suis venue à Libreville

Elle me raconte son parcours du combattant à Libreville, je l’écoute attentivement, j’acquiesce et je souris de temps en temps, je pense qu’elle avait seulement besoin d’une oreille attentive, la parole est moins lente et la prononciation est meilleure au fil de la conversation, l’isolement social ne les aides pas du tout. Deux autres patients se sont mêlés à la conversation et ont retrouvés un peu le sourire. C’est la plus grande leçon que la vie vient de m’enseigner, je dois apprendre à moins me concentrer sur mes petits problèmes et vivre une vie plus altruiste. Après la discussion, elle a demandé des nouvelles de sa fille, je l’ai rassuré

-Que le Seigneur te bénisse Mélanie, cette petite était vouée au même destin sombre que moi, mais Dieu t’as mis sur son chemin, au début quand ma sœur disait qu’elle te cherchait dans tout Libreville pour te remettre l’enfant, j’étais mécontente mais tu te doutes bien, qu’on n’a pas demander mon avis, aujourd’hui je dis que c’est une bénédiction. Mes sœurs sont méchantes, ma fille aurait eu une vie minable si elle était restée avec elles. On discute encore un peu de tout et de rien et puis je prends congé d’elle. En rentrant je me remets en question sur beaucoup de chose, je me sens responsable de cette petite, je sens qu’il faut qu’elle reste avec nous. Je suis très troublée, en arrivant à la maison je vais appeler maman pour avoir son avis, s’occuper d’un enfant qui n’est pas le sien et avec qui on a aucun lien de parenté. J’ai besoin de prendre la bonne décision et non pas d’agir à chaud. Je prends d’abord une bonne douche et je me mets en pyjama puis j’appelle maman, il faut que je lui dise tout

-Je ne sais même pas quoi te dire Méli, la situation est compliquée, agis comme ton cœur te le dicte, pense à Thomas, c’est sa fille, sa descendance, pense à cette femme qui préfère confier sa fille à une inconnue plutôt qu’à sa propre famille. Le choix doit te sembler évident, parce que une fois la décision prise tu ne pourras plus faire marche arrière.

-Je sais maman mais ce qui me semble évident aujourd’hui ne le saura pas forcément dans 10ans

- Ne te torture pas l’esprit, apprends à connaitre mère et fille et vois si tu peux t’en sortir. Sinon vous allez bien

- Oui maman on va tous bien, je peux te déposer les enfants le week-end prochain ?

- Bien sûr, je vais bientôt m’ennuyer quand Sandra va retourner chez elle


On a tiré la conversation en long et en large, ça m’a fait du bien de parler avec elle, je ne suis toujours pas sûr à 100% de ce que je vais faire, mais au moins je sais que je pourrais toujours compter sur elle. Le cœur plus léger, je peux enfin m’endormir, à chaque jour suffit sa peine. 

Ce matin je suis de bonne humeur, je chantonne et je fais des mouvements qu’on peut appeler de la danse, la vie est trop courte pour être triste, aigrie ou vicieuse, aujourd’hui je me suis levée, je marche, je parle, j’ai la santé, toutes ces choses que même la plus grande fortune ne peut payer. Je me prépare pour le boulot tandis que les enfants dorment encore, ils vont se débrouiller avec la dame de ménage pour le petit déjeuner. Ma tenue de ce matin est rayonnante comme mon humeur, j’ai un chignon bien structuré et un léger maquillage, assez frais.

Je prends un café et un sandwich en allant au bureau, je n’aurais pas le temps de descendre manger, je dois me replonger sur mes innombrables calculs. Je plonge la tête la première dans mes dossiers, j’avais faite quelques erreurs que je dois corriger, ensuite il faut que je termine avec toute cette paperasse, ensuite il faudra que j’aille à la banque pour approvisionner le compte de l’agence. A 13h mon téléphone sonne et c’est Henri, il est au pied de l’immeuble avec ma carte d’invitation, on papote vite fait quand je descends, il est pressé donc on se sépare vite, le billet est au nom de Sandra et moi, on va y aller et faire la fête comme des petites filles, c’est l’élément du mois, voir de l’année, quand un riche héritier et épouse une riche héritière, tout est dans la démesure. Ce que j’ai toujours apprécié avec Henri c’est que l’argent ne passe pas au premier plan pour lui, il est intègre et très simple, je suis contente d’avoir renouer le contact avec une si belle personne. Après quelques minutes de pause, je me replonge dans le boulot, je vais en finir aujourd’hui, demain je pourrais passer à autre chose, comme ça le week-end j’aurais l’esprit libre.  

18h20 

J’ai enfin terminé, toute une journée de travail de comptabilité je suis épuisée, mais je repense à Alphonsine a sa solitude, je vais encore allez lui rendre visite, si ma présence peut l’aider à se sentir mieux c’est un plaisir pour moi. Je fonce faire des courses, eau, fruits, objets de toilette, jus de fruits. J’ai le sac remplis de bonne chose, en entrant à l’hôpital je me sens un peu mal. On papote un peu mais comme elle se sent faible et que moi j’ai un peu mal à la tête je ne reste pas longtemps. En retournant à la voiture, je sens ma respiration se couper, mon pouls s’accélère, ma tête tourne, je sens mon corps s’affaler, puis rien.

Quand je réémerge je suis allongée sur un lit d’hôpital et j’ai une perfusion qui coule, j’ai un peu mal aux corps, je suis fatiguée. Un médecin passe par là, je l’interpelle, il me dit qu’on m’a ramassé sur le parking, ils m’ont déjà fait les examens de base, je ne suis ni en hypoglycémie, ni anémié. Il me demande la date de mes dernières règles et je vois très bien où il veut en venir, la seule fois que j’ai fait des malaises dans ma vie, c’est quand j’étais enceinte des jumeaux. SEIGNEUR !!! ne me dites pas que je suis enceinte de ce connard de Jérôme, on a toujours fait attention, mais on ne l’est jamais à 100%, je ne veux pas être enceinte de Jérôme Minko, je refuse ça.


La veuve