Pour l'amour de Thomas

Ecrit par Fleur de l'ogouée

Il est 22h et la maman de Thomas n’est toujours pas là, je suis un peu inquiète à cette heure-là elle devrait déjà être là. Je décide de l’appeler mais c’est après deux ou trois sonneries qu’elle répond enfin

-Bonsoir ma fille, je m’excuse oh je suis rentrée au village ce matin

-Oh maman t’es finalement rentrée

-Oui, on m’a appelé hier pour me dire que ton père est malade, j’ai pris la voiture avec une famille là qui partait aujourd’hui à 4h, le temps de venir là-bas chercher la petite c’était compliqué

-Ok maman, je comprends la petite peut rester ici en attendant que papa aille mieux. Est-ce qu’il y a un moyen pour que je vous envois de l’argent au moins pour les médicaments et autres

-Beni soit tu, mais la maladie là on va soigner ça à l’indigénat avec les plantes comme nos ancêtres.

Après avoir pris les nouvelles de tout le monde on a raccroché, la vie veut encore me jouer quel tour. Je me retrouve à devoir prendre soin d’une enfant qui a une mère quelque part dans la nature qui pourrait venir créer un conflit. Les enfants sont au lit, moi je n’arrive pas à fermer l’œil, malgré la tisane que j’ai bue. Je suis désemparée, si elle reste ici je vais devoir revoir mes projets de vie, je vais devoir changée tout ce que j’avais prévue à court et à long terme. Lassée, j’ouvre une bouteille de vin, je me fais couler un bain, je mets un peu de jazz et je laisse mon esprit erré. A partir d’aujourd’hui tout ne sera plus comme avant.

Je me réveille la tête dans les nuages, moi qui suis souvent si matinale, je traîne au lit. Ce sont les enfants qui seront sûrement contents, ils vont pouvoir encore passer du temps ensemble, j’aimerai être aussi naïfs qu’eux et être heureux de cette situation, mais je ne peux pas.

Je les trouve dans la cuisine, ils bricolent le petit déjeuner, des omelettes qui contiennent plus de sel que la mer et des sandwichs dont eux seuls ont le secret, ils sont si beaux les trois enfants de Thomas, son héritage sur cette terre. Je me mets à table et je me fais servir pas mon gentleman de fils, je me fais une bonne tasse de citronnelle, la vie est parfois si agréable. Après un petit déjeuner au goût particulier je décide de faire un tour au bureau, en ce moment j’y vais pas beaucoup, heureusement que j’ai une équipe de choc, ils gèrent tout bien.

Je mets cet ensemble bleu océan un pantalon un peu large et un haut assez près du corps et une paire d’escarpin beige, mon fidèle sac à main GUESS et je suis fin prête, avec ce tissage court, je me sens particulièrement en beauté. Je laisse les enfants avec la dame de ménage et me dirige vers mes locaux. En sortant de l’ascenseur mon cœur rate un battement, pourquoi lui ? Comment ma si courte vie amoureuse peut autant me pourrir la vie.

   

Jérôme Minko

 

Toute cette semaine j’ai rodé dans nos bureaux du centre-ville dans l’espoir de l’apercevoir, je l’ai raté de peu à plusieurs reprises selon les dires du portier, mais aujourd’hui faut croire que c’est mon jour de chance. Mademoiselle Mbourou est là et plus belle que jamais. Une silhouette divinement agencée, une beauté miraculeuse et une attitude mi ange mi démon, un sourire félin, je suis électrisé quand les portes de cet ascenseur s’ouvrent, ce dernier qui a abrité certain de nos plus beaux secrets. Un silence gêné s’installe pendant qu’elle sort, il me faut quelques minutes pour me remettre les idées en place. Elle continue de se diriger vers ses bureaux pendant que je tente de lancer la discussion, je me retrouve fasse à son dos cambré et je m’imagine des choses pas très saines, je marche un peu plus vite pour me mettre entre elle et sa porte d’entrée.

-Mel je ne suis pas un saint, j’ai fait pas mal d’erreur et j’ai été lâche, ce n’est pas dans mes habitudes, je suis quelqu’un d’assez franc et toi tu m’as fait perdre mes moyens, j’ai été idiot, mais reprenant là où nous en étions, je veux te combler mon champagne doré

-Oh bonjour Francine

Je me retourne et il n’y a personne, c’est normal je suis stupide. Francine est en Italie en ce moment avec le petit, pour profiter de la semaine de congés de l’école.

-Tu as réagis comme le chien qui a peur que son maître le prenne en train de faire une bêtise, tu es minable Minko

 

Elle s’en va et je reste un peu bêtement là devant sa porte, il y a quelque chose qui a changé en elle. Elle est si froide et agressive, je retourne d’où je viens, il est peut-être temps pour moi de tourner la page, enfin si elle revient à des meilleurs sentiments je ne dirais pas non.

 

Mélanie Mbourou

 

L’amour ou le flirt ou peu importe ce qu’on a vécu rend aveugle, j’ai vu un bel homme en apparence et je suis tombée sans glissée, alors qu’à l’intérieur il est si moche, on dit qu’il ne faut pas avoir des regrets dans vie, mais j’aurai vraiment pu me passer de lui dans ma vie.

Je passe la moitié de la journée dans les chiffres, bilan mensuels, bilan prévisionnel, fiche de paie à établir, bref j’ai le cerveau en compote. J’ai besoin de me changer les idées, je décide d’aller manger dans un resto pas loin donc j’y vais à pieds, en marchant je croises Henri mon vieil ami du lycée, il est avec deux de ses collègues et eux aussi vont manger un bout, finalement je vais manger avec eux dans un restaurant assez chic, je passe souvent devant en voiture mais je ne me doutais pas qu’à l’intérieur c »tait si beau, je commence à douter de mes goûts, je reste peut-être trop dans le superficiel et je ne vais pas assez dans le détail. Je me commande un basique de la cuisine urbaine le bon vieux poulet fritte et je me prends un bon cocktail avec une dose raisonnable d’alcool

La discussion est fluide Henri et ses collègues me font tellement rire, ils ont de ses histoires à se tordre de rire, je passe un super bon moment. Mais comme tout chose à une fin, il est temps pour chacun de nous de retourner dans son bureau, Henri me rappelle encore que la fête qu’il organise avec sa femme aura lieu dans trois semaines et que Sandra et moi sommes toujours invitées, il passera me déposer le billet demain à l’immeuble où je bosse, il me vante tellement l’effort que sa femme a mis dans l’organisation que je lui rassure sur ma présence, ma prochaine mission convaincre Sandra.

De retour au bureau je me replonge dans mes chiffres, je préfère me casser la tête pendant deux jours et passer à autre chose, que de remettre au lendemain. Toujours concentrée sur ce que je fais, j’entends d’une oreille mon téléphone sonné, je regarde et c’est la dame de ménage donc je réponds

-Allo madame, une femme vient venir déposer une lettre ici là, elle a dit qu’elle est la tante de Mélissa

-Ah d’accord elle est encore là ?

-Non, elle n’est restée que quelques minutes, elle a dit qu’elle est fatiguée de cette histoire et que c’est la dernière fois qu’elle venait à Libreville pour ça

-Ce n’est pas grave, la petite a quand même vu sa tante ?

-Ouhh madame, quand la petite voulait aller faire le bisou à sa tontine, la dame a carrément esquivée, elle a dit à l’enfant qu’elle doit rester loin d’elle avec sa malchance

-D’accord, bon à tout à l’heure

 

Vraiment l’affaire là commence à me donner les maux de têtes en 11ans de vie la petite était là-bas sans problème, mais pourquoi maintenant ? Je savais bien que c’était le début des problèmes. La seule famille maternelle de l’enfant c’est une tante qui ne veut plus rien avoir à faire avec elle, l’histoire est compliquée.

J’ai du malà me reconcentrer je me demande ce qui peut bien être dans cette lettre qu’elle a déposé, je suis pas vraiment patiente, donc je me lèves range mes affaires et je rentre, de toute façon il est déjà 16h30. Quelques minutes plus tard je suis face à cette lettre, j’ai le cœur qui bat vite, quelle journée chargée en émotion. Je décide de la déplier et de la lire, elle n’est pas très longue

<< Bonjour Mélanie, tu ne me connais certainement pas mais moi si. Quand Thomas te décrivait on avait l’impression de te connaitre, j’ai celle qui rêvait de te remplacer. Je suis Alphonsine la mère de Mélissa, te raconter ce qui s’est passé il y a 12ans entre ton mari et moi, oui je pourrai le faire si tu veux mais ce n’est pas le but de ma lettre, je suis à un stade de ma vie où je sens que mon heure a sonné, et ma seule préoccupation à cet instant est ma fille, depuis que ma mère est décédée il y a 6mois la vie a basculée pour elle, balloté de maison en maison aucun membre de ma famille ne veut s’en occuper. A 11ans elle se retrouve presque livrée à elle-même, je t’en prie donne lui le toit qu’elle n’a jamais eu, l’amour maternel que moi-même je ne lui ai jamais donné, c’est mon seul héritage. Je sais que tu as des jumeaux tu es une mère, tu comprends ma détresse, tu es la seule personne vers qui je peux me tourner. Sauve ma fille je t’en prie. Je me trouve au CHL au service des maladies infectieuses. >>

J’essuie la énième larme qui roule le long de ma joue, trop d’émotion se bouscule en moi, aucun son n’arrive à sortir de ma bouche. Je reste là quelques minutes à pleurer silencieusement dans mon lit, machinalement je me lève et récupère l’une des chemises de Thomas que j’ai rangé dans une boite au fond de mon placard, j’ai besoin de ressentir une part de lui à cet instant précis. Je finis par m’endormir, je suis lessivée sentimentalement.

 Le sommeil est de courte durée, il est 17h45 quand je me réveille en sursaut, la lettre est posée à mon chevet, j’ai envie de la déchirer, mais quelque chose m’y empêche. Je rince mon visage et comme téléguidée je décide d’aller à l’hôpital où est interné Alphonsine, je mets une robe en pagne ample et des sandales. En sortant de la chambre je les trouve assis devant des dessins animés, ils vont rester tout seuls je n’en ai pas pour longtemps. Je demande à la petite quel est le nom de sa mère, après un moment d’hésitation elle me le dit Alphonsine Mba Ndong. En route vers l’hôpital je me demande ce que je vais faire là-bas, aller rendre visite à une dame que je ne connais pas, dans des conditions étranges. Le temps de réflexion fut court, je suis déjà devant l’hôpital, c’est plus le moment de faire marche arrière. Il est écrit que l’heure des visites va de 18h45 à 20h15, il ne reste que 15 minutes donc ce n’est pas bien grave, je vais prendre ce temps pour aller acheter des choses à rapporter en général on apporte aux gens hospitalisés des fruits donc je paie des oranges, bananes et raison et deux bouteilles d’eau minéral. Plus que 5minutes, je tourne dans tout l’hôpital pour chercher le servie dans lequel elle est internée, je suis trop stressée en m’approchant. Je dois rentrer chez moi, je fais quoi ici. Je suis partagée entre partir et rester. 

La veuve