Décidée
Ecrit par Aura
Il est dix-sept heures à ma montre. Je m’assois sur la grande valise que j’ai pu tant bien que mal réussi à refermer. A cause des efforts fournis, je m’y pose pour reprendre mon souffle. Sans le vouloir mon regard fait le tour de la pièce et je peux constater que le soleil qui se décline à l’extérieur, déverse tous ses derniers rayons dans le séjour, la pièce principale de la maison. Habituellement, je m’installe sur un des fauteuils près de la fenêtre donnant sur le jardin et lis, écoute les cris des oiseaux voler au loin ou encore me rends dans le jardin pour marcher tout en inhalant le parfum rare et riche des fleurs en début de soirée. Bref, je me détends simplement tout en profitant de la beauté de la nature, pendant que les enfants quant à eux jouent ou restent vissés sur le canapé devant un dessin animé intéressant.
Cependant, les choses sont différentes aujourd’hui. Les rayons certes inondent ce séjour, mais cette chaleur ne décongèle pas la fraicheur qui règne depuis quelques temps. Le séjour est vide à présent, mais je peux les yeux fermés deviner l’emplacement de chaque objet qui était présent encore récemment, car je connais cette maison du bout de mes doigts aux orteils de mes pieds. Elle était jusqu’à hier l’un des biens les plus précieux et chers à mon cœur. Mais à présent, ce n’est plus qu’un assemblage de briques comme tout autre. C’est dur d’en arriver à ce niveau mais je n’y peux plus rien. Cette pensée suscite laisse éveiller en moi une profonde tristesse qui se matérialise par deux larmes qui frayent rapidement leur chemin sur mes deux joues. Je suppose que c’est parce que j’ai trop enfoui mes émotions qu’elles apparaissent d’un coup. Quelle idiote je suis pensai-je !! Je me dois d’être très forte, dure, intransigeante et surtout sans pitié pour mener à bien le combat que je veux entamer bientôt. Oui, c’est ce qu’il faut que je sois. Alors je n’ai pas à chialer ni à céder à de quelconques niaiseries.
Sans le vouloir, mon regard se pose sur la porte d’entrée et là comme d’un claquement de doigt, tous mes souvenirs sont revenus à la surface. On aurait dit qu’ils avaient été emprisonné quelque part et étaient maintenant libérés. Ils apparaissent et je me vois franchir l’entrée principale portée par Christian, tous deux souriant ; de vrais tourtereaux. Je me vois heureuse et pétillante de bonheur en visitant cette maison avec pour seul but d’en faire un foyer. Je nous vois acheter chaque meuble dans cette demeure et les installer avec soin. Je nous vois danser tous les deux dans ce séjour, la nuit de nos fiançailles sur un slow langoureux. Je nous vois accueillir tour à tour les naissances de nos enfants dans un bonheur sans pareil. Je nous revois fêter nos anniversaires, nos réussites, nos promotions ou bien pleurer nos échecs et des décès, ou encore se lamenter sur les maladies. Et là je me vois seule au milieu de tous, abandonnée au jour de l’annonce de sa mort, un départ tellement brusque et douloureux, qui a failli me tuer aussi.
Mais là comme pour taire ma tristesse grandissante, une colère sourde et sombre s’empare de moi lorsque ma conscience me rappelle les découvertes et révélations que j’ai eu à faire sur cet homme que je croyais être mon tout. Alors là, je me redresse d’un coup tire mon trolley et me dirige vers la porte d’entrée principale sans un regard en arrière, malgré le poids de la valise. Après avoir placé le trolley dans le coffre, je prends place sur le siège conducteur avant de démarrer en trombe. J’espère de tout cœur que les nouveaux acheteurs ne connaitront pas le même sort que nous.
Pendant que je suis perdue dans mes pensées, Lisa me questionne en disant :
- Maman, où est-ce que nous allons ?
- Chez nous !
- Mais c’est chez nous là-bas ?
- Plus maintenant !
- Pourquoi ?
- C’est ainsi c’est tout.
- Mais papa ne sera pas content si on quitte la maison. Même s’il n’est plus là, on devrait respecter au moins sa volonté.
Sa volonté hein avais-je envie de lui crier ? Sa volonté était de nous voir croupir. Alors il s’en foutait ce salaud ! J’avais envie de lui balancer toutes les réponses cinglantes qui me passent par l’esprit, mais je me ravise à temps pour ne pas la blesser elle et ses frères. Je réponds simplement en disant :
- Les choses changent. Vous devez obéir uniquement à ce que je dis. Je suis votre unique parent à présent, donc on ne discute pas mes ordres. Ok ?
- Okay lancent-ils tous en cœur.
Je continue de rouler, pendant que les enfants se mettent à chahuter comme ils veulent. Les pauvres ne savent pas ce qui se prépare. J’espère qu’ils tiendront le coup et ils ne m’en voudront pas. De toutes façons, je le fais pour eux, pour notre bien-être à tous. Je continue de conduire jusqu’à l’aéroport. Quinze minutes plus tard, je gare dans le parking du garage, sors les bagages du coffre et demandent aux enfants de sortir. Nous allons dans le hall de départ où je tombe sur Jena, ma cousine, qui semble impatiente.
- Oh Naty, tu exagères. Tu en as mis du temps.
- Désolée lançai-je. Ce n’est pas facile de gérer quatre enfants en même temps.
- Hum, tu as la chance que le check-in n’a pas encore débuté.
- Merci, mais je calculais le temps.
Je lui remets les passeports et les billets d’avion des enfants qu’elle fourre dans son sac d’occasion.
- Je crois que tout est ok.
Elles charge les bagages sur deux chariots aidée par un bagagiste. Pendant ce temps, j’essaies d’expliquer aux enfants qu’ils doivent partir avec Jena pour un moment. Comme je m’y attendais, ils refusent de la suivre et se mettent à pleurer. Ils s’accrochent à moi comme des sangsues sans pouvoir me lâcher.
- Maman lance Lisa, on est désolé. On va obéir désormais. Ne nous abandonne pas.
Les jumeaux Karl et Kany en font autant et supplient. Malia qui passe son temps à imiter ses ainés éclatent en sanglots. J’essaies tant bien que mal de les convaincre mais c’est peine perdue. Alors je suis obligée de sortir mes griffes et là ils n’ont pas d’autres choix que de se calmer et de suivre Jena. Ils la suivent finalement avec des regards tristes. Ils se rendent devant le comptoir et font des enregistrements. Après quoi, ils passent les contrôles douaniers et policiers avant de se rendre dans la salle d’attente.
Deux heures après, Jena me signale qu’ils sont dans l’avion sur le point de décoller. Je demande à parler aux enfants, mais elle m’explique qu’ils ne veulent pas me parler. Mon cœur se serre et je raccroche. Plus tard, l’avion Air France finit par décoller et je ressens le plus grand vide qui puisse exister. Je viens de me séparer cruellement de mes enfants. Tout ça pourquoi ? Parce que leur présumé défunt père est revenu comme par hasard à la vie. Ce salaud a non seulement menti sur sa mort, mais encore il a vidé tous nos comptes pour s’enfuir aux USA avec une de ses maitresses nous laissant complètement sur la paille. Maintenant, il est plus que temps de récupérer ce qui revient de droit à mes enfants et donner une bonne leçon à cet imbécile. Mais pour cela, il me fallait d’abord mettre les enfants à l’abris, avant de commencer les hostilités. J’espère que personne ne se plaindra par la suite car ça va faire mal, très très mal. NGOMA, danse encore pendant que tu le peux, car bientôt, tu n’auras que des yeux pour pleurer. Je t’arrive sans être invitée, oui sans crier gare je vais te détruire. Parole de Nathalie.