Motivation

Ecrit par Aura

Je tourne le verrou et pénètre dans la pièce que j’éclaire tout de suite grâce à l’interrupteur qui est placé à droite de la porte d’entrée. La pièce s’illumine d’un coup et dégage une certaine sobriété. Ce n’est qu’un studio que j’ai loué pour deux mois alors je me dois de ne pas être trop exigeante. Ce studio tombait juste à pic lorsque j’ai appris pour tout récemment.  L’annonce figurait sur internet, depuis trois jours et je n’ai pas hésité un seul instant à le louer. Maintenant je suis là et je peux dire qu’il dépasse mes attentes.  Il est minuscule et surtout très froid avec un caractère impersonnel. Je l’ai voulu ainsi pour une bonne cause. Un matelas au sol, une table à par-ci, une chaise par-là, pas d’espace cuisine, juste une petite salle de bain. Il n’y a point de penderie, mes deux valises vont devoir rester au sol.

Je retire mes baskets et me jette sur le matelas pour reprendre mon souffle. Le voyage a été long et m’a tellement épuisé que j’ai besoin de reprendre mes forces avant de me lancer dans la lutte sanglante qui va bientôt arriver. Ah oui ! Après le départ des enfants, j’ai pris la route pour gagner notre pays voisin où mon ex défunt mari alias Christian NGOMA a élu domicile. C’est fou ce que les gens sont cruels. Les enfants et moi étions en train de pleurer sa mort pendant qu’à quelques kilomètres depuis trois ans, ce cher et tendre se la coulait douce. Bravo, vraiment je suis bluffée. Dix ans aux côtés de cet homme et j’ai l’impression d’avoir à faire à un parfait étranger. Comment peut-on être aussi cruel ? Vider nos comptes en banque, me laisser avec des dettes jusqu’au cou, et surtout prétexter un accident de circulation causant sa mort dans l’explosion de sa voiture. Je croyais que ce n’était qu’au cinéma que l’on voyait ce genre de choses. Mais non, il faut dire que la vie réelle peut-être aussi une scène d’action comme celle que je vis. Dire que j’ai pleuré le bon Dieu d’avoir réduit en cendres ce corps parfait, musclé qui faisait jaillir en moi des orgasmes de ouf. Quelle idiote ! J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, fait face à ma belle-famille qui n’a pas hésité un seul instant à venir rafler tous nos avoirs en prétextant que j’en avais assez profité pendant toutes ces années à ses côtés, et qu’il était plus que temps de déguerpir….Quelle ironie du sort, quand je pense que j’ai nourri cette bande d’affamés, plaidé pour leur cause auprès de ce sorcier ! En tout cas, j’en ai eu ma dose jusqu’à ce que je découvre sur le net une photo de lui dans un article du magazine américain « People » où on parlait d’une étoile montante de la mode qui s’était récemment mariée à un certain Christian NGOMA, un entrepreneur congolais installé à Chicago depuis deux ans. J’ai failli perdre pied ce jour. Quoi ? C’était une blague j’espère. Je suis allée sur internet et j’ai découvert la styliste en question. Il n’y avait pas de photos sur leur mariage, encore moins sur leur vie de famille. Sauf une où il apparaissait en arrière-plan à l’aéroport de DJILI. L’article était récent de deux mois et rapportait que Mireille KASSIE devenue NGOMA posait ses valises à Kinshasa désormais. J’avais pleuré pendant des jours à l’annonce de cette nouvelle, mais j’ai fini par me reprendre car il n’était aucunement faisable de me retrouver en train de perdre aussi facilement pendant que monsieur menait sa belle-vie avec Miss Monde alors que nous croupissons dans la misère et la galère. C’était hors de question !!!

Je me lève et me rends dans la salle de bain où je prends une douche bien froide qui me revigore immédiatement. Je sors le dîner que je me suis achetée en chemin : un sandwich à la salade 4 saisons et me mets à le dévorer. Depuis quelques temps, je fais plus attention à ma ligne disons que c’est la clé de tout : mon apparence physique. Car Christian me connaissait en tant que grosse vache depuis toujours. Je pesais 90 kg à ce moment-là. Après les accouchements, je suis passée à 120 kg et me suis laissée aller après l’annonce de sa mort. Mais avec toutes les menaces que j’ai subi ces dernières années, j’ai perdu beaucoup de poids. Et le plan, m’a poussé à m’impliquer encore plus côté sportif : six mois dans la salle de sport et j’en ressors avec un corps de rêve indiquant 55 kg sur la balance. Je me suis inscrite dans un institut de beauté où mon teint a été traité correctement. Désormais je peux me permettre tous les styles de mon choix. Donc, NGOMA ne me verra pas venir avec tout ce que j’ai à présent comme atouts. L’objectif à présent est de faire amie-amie avec sa femme d’abord avant de m’occuper de mon défunt ex futur mari.

Après mon diner, je récupère mon ordinateur et lance une recherche sur cette femme. Depuis le temps que je me renseigne sur elle, je me rends compte que c’est un monument vivant. Elle est difficile d’accès, sort assez rarement et communique très peu avec ses fans. Les seules informations qui sont publiées sont toujours d’ordre professionnel, ce qui revient à dire qu’elle est quasiment inapprochable, mais cela n’est pas impossible. J’ai appris récemment que sa maison de stylisme était à la recherche de mannequins pour son prochain défilé de mode. Cette information a fait de sorte que je bouscule tous mes plans et bondisse sur cette occasion très rare. Il n’était pas question de la laisser me filer entre les doigts. Le fameux casting aura lieu demain et je suis en train de redouter le pire. J’ai toujours été une vraie froussarde et je me demande si je ne serais pas démasquée plus vite que prévue. En plus je ne fais pas 1m70, mais plus en dessous. Et ça même en talons aiguilles, cela ne change rien, car je mesure à peine 1m65.  Misère !!! Comment vais-je manager avec tout cela ?


Sans crier gare