Des dernières volontés peu claires
Ecrit par Marc Aurèle
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Belle journée ! Diraient certains. Morose ! Diront d’autres, quoi que triste et difficile à vivre pour des gens comme moi.
Nous sommes le 11 décembre et c’est le jour qu’a choisi le notaire pour se décider à rendre lecture du testament d’un homme qui a marqué plus de trente années de ma modeste vie. C’est le jour que l’homme de droit a jugé utile de nous faire convoquer pour donner récit des dernières volontés de feu Héritier CELESTIN, mon défunt patron.
Quoi que simplement vêtu, je m’étais mis sur mon ‘’trente et un ‘’. Je me tenais debout dans le séjour avec à la main la convocation de Maître MEDEDJI, laissant défiler sous mes yeux, trente années de loyaux services. Trente belles années de prospérité, connues aux côtés de cet homme qui plus qu’un patron, était un complice.
La convocation n’était que pour 10 heures, mais le stress et l’émotion m’avaient réveillé quatre heures plus tôt. Trente minutes plus tard, je me tenais debout, les deux mains dans les poches. N’allez pas croire que je m’empressais de savoir ce que mon défunt patron me laissait comme héritage, mais tenez-vous en au fait que je devais y être. J’avais des obligations de révélations qui ne pouvaient se faire que ce jour-là.
Des révélations qui ne pouvaient être faites que par moi, si je m’en tiens aux dernières volontés de cet homme dont la mémoire devrait bien être honorée.
Finalement, je lus sur l’horloge murale que la demi-heure venait de s’écouler après la neuvième heure de cette belle journée de Décembre. Le vent sec et frais de l’harmattan commençait à se réchauffer et soufflait agréablement quand j’arrivai devant l’office du Notaire. Je me hâtai d’entrer et de prendre place dans ce petit public où tous les visages m’étaient bien connus. Je revoyais les petites, Adivihon et Dèhoueffa, une vingtaine d’années en arrière. Toujours aussi mignonnes, m’étais-je dit, avant de porter mon regard sur leur mère, la veuve, réellement affligée par la disparition de cette seconde moitié qu’elle devra faire revivre en elle pour continuer le combat que lui laisse ce brillant homme, son bel amour de toujours, aujourd’hui à jamais enseveli.
La particularité de cette assemblée était la présence de deux visages étrangers à tous ceux qui étaient là. D’aucuns de ces visages pouvaient sembler communs, mais n’étaient pas connus de la petite famille du défunt. Déjà les regards se faisaient inquisiteurs. Le notaire fit son entrée dans la salle d’audience, leva la tête vers la grande horloge et se lança.
-Nous sommes rassemblés en mon étude aujourd’hui pour transmettre les dernières volontés d’un parent, père, grand père, arrière grand-père, arraché à notre affection. Il était à la tête d’un empire avec une kyrielle de responsabilités qui aujourd’hui se répartiront selon le testament qu’il a déposé auprès de nous. En vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous donnons lecture, ce jour, du testament de feu Célestin HERITIER.
L’homme de droit poursuivit alors. En effet, plus qu’un homme de droit, il avait été très proche du défunt et il avait assez de mal à jouer le rôle que lui conférait son titre.
- Je cite, avait-il commencé par annoncer.
‘’ S’il s’avère un jour que je meurs, ce qui fusse des plus évidents à penser d’ailleurs, je souhaite que mes biens soient entièrement conservés dans leur intégrité et régulièrement détenus par leur détenteur respectif au moment de mon soit disant décès. Ceci étant, j’estime que cette décision est valable tant pour mes avoirs, mes dettes que mes actifs immobilisés çà et là.
Je ne saurais être aujourd’hui le père qui partage ce qu’il n’a pas. Il m’était souvent arrivé de me demander si j’avais besoin d’un notaire ? La réponse de mon cher ami, Maître MEDEDJI Yindessou, n’a jamais été négative et c’est pourquoi, le montant de mon compte à la Banque Populaire de France servira au règlement de ses honoraires et la différence reversée à des œuvres sociales, particulièrement aux orphelins de ma fondation, la fondation St CELESTIN que j’ai minutieusement mise en place en la mémoire de mon feu grand-père, pas sans votre accord et que j’ai présidé avec beaucoup de joie.
Hélas, il faudra que l’une de mes filles en reprenne les rennes. Je laisse à Dèhoueffa cette lourde responsabilité. Pour ce qui est de tous les autres actifs en mon nom, j’en laisse l’entière administration à Adivihon qui dispose d’un plan de gestion régulièrement régularisé en présence de votre mère.
Voilà pour ce qui est de mes dernières volontés. Mes enfants, sachez que je vous aime toutes de la même façon avec plus d’amour que je n’ai pour moi-même.
A nous revoir, si nos destins dans l’au-delà se croisaient. ‘’