Descente aux enfers (1)
Ecrit par Saria
*** Maïté ***
Rick vient de m’annoncer un chiffre hallucinant pour ma dernière prestation. Dix millions de FCFA ! Je ne sais pas comment il a communiqué mais apparemment les gens se sont lâchés ! Le show aura lieu au Radisson Blu Anchorage Hotel située dans victoria island à Lagos. Il parait que ce sont des magnats du pétrole. Moi ça me va tant que ça se passe loin du Bénin... ainsi je ne coure pas le risque de tomber sur Tobi.
Je prépare activement mon voyage : prise de bec avec Anya, dispositions pour Loan pendant mon absence, autorisation d'absence auprès de Mme Sounouvou au centre et le plus dur…parler à Tobi surtout trouver la bonne excuse. J’avoue que depuis le soir où il m’a fait part de ses doutes, je fais attention à ne pas éveiller ses soupçons et lui il essaye de s'amender. Du coup quand je lui ai dit qu’il fallait que je voyage, parce que j’ai entendu parler d’une opportunité de travail au Ghana… Il a compris. Il m’a juste regardé longuement dans les yeux et m’a demandé si j’étais sure que ce voyage en valait la peine, je lui ai dit oui avant de me blottir contre lui.
Après tout est allé très vite, j'avais désormais une date et un lieu...Le reste c'est Rick qui s'en charge. Du coup je ne me concentre que sur ma part du job,j’arrive un jeudi en début
d’après-midi à Lagos ; en gros j’ai trois jours à passer ici au Nigéria.
Je reprends l’avion dimanche, mon show est prévu samedi à partir de 22h, heure
locale. En attendant, Rick qui m’accompagne m’a donné carte blanche pour que je
profite du spa et autres commodités qu’offre l’hôtel.
*** Samedi***
***Rick***
Je suis nerveux, j’espère que Maïté ne va pas se louper, nous avons à faire à un gros poisson… Un très gros même. C’est vrai, je ne sais pas qui c'est mais le plus important c'est que le virement soit fait comme prévu lundi : j’ai traité tout le temps avec son homme de main Ibu Adekpeju. Au début, c’est pour un groupe d’amis que le grand patron organisait, là je viens d’apprendre que finalement il viendrait seul. Je n’en ai rien dit à Maïté de toute façon la salle sera plongée dans le noir, donc elle ne verra pas grand-chose... Du moins au début du spectacle : danse, une barre avait été placé sur la petite scène, puis striptease. Ensuite, ils finiront certainement dans la chambre de la jeune femme. Si c’était au club ce privilège reviendrait à celui des gentlemen qui ce serait montrer le plus généreux. Je regarde ma montre c’est l’heure.
***Fluffy***
Je me regarde dans la glace, le cœur un peu battant. J’étais vraiment belle à couper le souffle : un chapeau à large bord, un top qui s’arrête sous les seins, plusieurs rangs de perles qui coulent de mon cou gracile et s’arrête au niveau de mon nombril, une petite culote, des sandales à talons vertigineux. Le tout d’un blanc lumineux, j’ai choisi cette couleur à dessein après ce soir Fluffy la belle de nuit disparaîtra à jamais ! Je renaîtrai dans la lumière.
D’un pas déterminé je monte sur scène et me donne à fond, j’oublie tout le reste, tout ce qui n’est pas ce monde où j’évolue en ce moment.
*** Une heure et demi plus tard***
J’avançais vers le fond de la salle d’où venait les applaudissements, je n’avais plus qu’un bout de tissu qui couvrait mon mont de vénus, mes perles et mes chaussures. Je marchais en me déhanchant jusqu’à mon spectateur…apparemment c’étais une seule personne, je devinais juste une silhouette…J’avançais jusqu’à ce que la lumière remonte tout doucement d’abord les jambes, les hanches, le buste puis le visage… de…Tobi !
Choquée, je trébuche et m’écroule comme un sac à patates, mon cerveau bug. Non! Non! Non!!!! Je ferme douloureusement les yeux et je les rouvre tout doucement…C’est bien Tobi avec des yeux qui font froid dans le dos, sa bouche n’était plus qu’un mince trait. Il continue d'applaudir en avançant vers moi, arrivé à mon niveau il se penche et me scrute intensément! Seigneur je voudrais mourir! Il me lance un vêtement pour me couvrir.
Tobi (voix glaciale) : Wow ! Juste incroyable, il fallait que je vois pour le croire…C’est fou Fluffy le Papillon de nuit, c’est fou comme vous ressemblez à la femme que j’aime. Sauf qu’elle s’appelle Maïté, qu’elle a un fils autiste de 10 ans, qu’elle est actuellement au Ghana.
Moi (sanglotant) : Tobi pardon ! Je peux t’expliquer
Tobi (froid) : Maïté ou Fluffy ou Cunégonde peut importe comment tu t’appelles tu as loupé toutes les opportunités de m’expliquer quoique ce soit ! Alors tu vas la boucler et on parle affaire…Au fait en t’adressant à moi tu voudras bien dire Prince Oluwatobi Omon Iseyin ou Son Altesse.
Il fait un signe de la main et un homme d’une taille improbable s’approche respectueusement de nous :
-fais entrer l’autre bouffon pour que nous réglions définitivement cette histoire!
Dès que Rick entre, il laisse échapper un hoquet de surprise. Ses yeux étaient comme s’ils allaient lui sortir de la tête. C’est impossible qu’ils se connaissent et pourtant…
Rick : Docteur que faites-vous là ?!
Tobi : Ah surprise hein…Il faut croire que c'est votre anniversaire! Au fait merci pour les informations de première main que vous m’avez donné. Après organiser tout ceci a été un jeu d’enfant. Bon, je n'ai pas toute la nuit devant moi... Voilà le deal, vous vous rentrez tranquillement à Cotonou, votre virement sera fait dès lundi et vous oubliez qu’un jour vous avez connu cette jeune femme. Vous oubliez également que vous êtes venus à Lagos avec elle.
Rick : et si je ne veux pas ?
Les yeux de Tobi se rétrécirent jusqu'à devenir deux petites fentes lumineuses, il ressemblait à un fauve prêt à attaquer!
Tobi (sérieux) : Je coule votre boîte…Mais ce n’est pas le pire qui pourrait vous arriver…Vous savez qu’un accident est vite arrivé mon cher…Une route qu’on traverse sans faire attention, une bouteille de gaz mal fermée chez soi, des freins de voiture qui lâchent… C’est fou comme on peut ne pas être en sécurité sur cette terre! Ne me tentez pas…
Rick : J’ai compris…Ne vous inquiétez pas
Tobi : Bien…Ibu fais le raccompagner jusqu’à la frontière…Il part immédiatement !
Une fois seuls, il pose à nouveau son regard sur moi et je me recroqueville sur moi-même. J’avais mal, ainsi Rick m’avait trahi. J’ai à peine le temps de m’appesantir là-dessus, Tobi m’ordonne de me lever. Il pose une main de fer sur mon coude et me guide jusqu’à la sortie. Les personnes que nous rencontrons hormis les étrangers le saluèrent avec déférence. Deux hommes ouvraient la marche et Ibu marchait derrière nous, légèrement en retrait. C’est une fois que nous sommes dans un gros 4X4 blindé avec escorte que j’ose enfin poser la question qui me brûle les lèvres.
Moi : Que comptes-tu faire de moi ? Où allons-nous ?
Tobi : On va chez moi, chez mon père ! A Iseyin où mon père est le Aseyin, le souverain si tu veux. Nous y restons dix jours. Le temps de faire la cérémonie de présentations après le mariage…
Moi (paniquée) : qu…quoi ! Tu ne peux pas me garder tout ce temps… Anya va s’inquiéter…et on va se marier pourquoi ?
Tobi : Je peux te garder autant de temps que je veux ! Et fais gaffe à ne pas discuter mes ordres ! Pour ta gouverne j’ai dit à Anya que tu m’avais parlé et que je comprends tout. La pauvre elle semblait tellement soulager qu’elle m’a expliqué qu’elle n’a pas arrêté de te dire de te confier à moi. Je lui ai dit que j’allais t’épouser… que c’était une surprise… alors elle m’a donné tous tes papiers. Les formalités ont déjà été faites.
Moi : Et si je ne veux pas tu me tueras aussi ?
Tobi : Non mais tu m’obligeras à appuyer sur le bouton qui pourrait te rendre folle de douleur…Que tu voudrais mourir mais je veillerai à ce que tu restes vivante pour tout voir.
Je réalise avec horreur à quoi il faisait allusion…ou plutôt à qui
Moi : Loan ! Non tu n’oserais pas ?!
Tobi : Tu veux parier ? Tu crois me connaître n’est-ce pas Maïté ? Tu devrais effacer cette certitude stupide de ta jolie tête. Tu sais de moi ce que j’ai eu envie de te montrer…L’homme que j’ai voulu être pour toi ! Mais au finish tu ne le mérite même pas…Alors évite de me sortir de mes gonds !
Il y avait tellement de hargne et de colère dans ces mots que j’ai pris peur. Oui finalement est-ce que je le connais ? Je me fais toute petite sur mon siège. Il me toise avec dégoût et détourne son regard. Pour moi c’était trop. J’avais la gorge douloureuse à force de stresser. J’espère me réveiller, c’est un cauchemar !
***En route vers Cotonou***
***Rick***
Ah les nigérians ! Tous des truands même quand ils ont l’air bien il faut s’en méfier. Une éternité que je suis dans le milieu et je n’ai rien vu venir. Mes pensées s’envolent vers Fluffy j’espère qu’il ne lui fera rien de mal.
Eh ne me regardez pas de travers. Oui je suis allé voir le médecin, je lui ai tout raconté sur Maïté. J’ai trahi la confiance de cette dernière mais ce que j’ai fait je l’ai fait par amour ! Vous pensez peut-être que c’est facile d’entendre la femme que vous aimez en silence, vous annoncez qu’elle en aime un autre suffisamment pour tourner le dos à ce que vous avez partagé pendant des années. Tout ce que je ressentais pour elle est remonté quand je l’ai entendu me parler de lui. J’ai été torturé par la jalousie, mon espoir c’était qu’il la rejette après avoir appris la vérité. Ainsi, j’aurais pu intervenir en la consolant et qui sait m’aimeras-t-elle enfin ! Mais rien ne s’est passé comme je l’avais prévu ! Espérons qu’il ne lui fasse pas mal. Quand je pense que je suis allé jusqu’à lui parler du dernier show, pensant le narguer !
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