Descente aux enfers (2)

Ecrit par Saria

***Tobi***

J’observais la jeune femme en face de moi. Elle avait fini par s’endormir de fatigue et d’angoisse certainement…Jamais personne ne m’avait inspiré un tel mixe d’émotions. Ibu me signale qu’on entre dans Oyo State situé dans le Sud-Oest du Nigéria. Nous venons de faire 237km en voiture, ici on devrait faire un arrêt à Ibadan pour le mariage civil. James un ami à moi et officier assermenté va se charger de la cérémonie. Je regarde ma montre 4h du matin, la voiture s’est arrêtée dans la cour d’un hôtel à l’allure sobre et discrète. Je la soulève délicatement dans mes bras, elle enfouit instinctivement son nez dans mon cou, automatiquement je sens un trouble familier m’envahir…Alors je serre les dents et j’avance, tout avait été réglé d’avance et nous sommes allés directement dans notre chambre. Je compte la laisser dormir jusqu’à 6heures du matin après je la réveille pour qu’elle se prépare.

Vous considérez que je suis fou ? Non et je n’ai pas le temps de réfléchir plus en avant, je suis mon instinct. Je ne sais pas encore ce qui se passera par la suite entre nous encore moins ce que l’avenir nous réserve mais bon…Comment vous dites déjà ? Allons seulement !


***Quelques heures plus tard***

Moi : Maïté ! Maïté !

Je la secoue doucement, elle frémit puis s’étire comme un chat avant d’ouvrir les yeux. Elle était émouvante…C’est la première fois que je la vois ainsi… Dès que nos yeux se rencontrent, elle m’adresse comme une prière muette… Mon masque se remet en place. Alors d'une voix rude je lui dis :

-On est attendu dans une heure chez l’officier d’état civil. Sur la commode, il y a une boîte à l'intérieur tu as de quoi t’apprêter… Le temps que tu finisses Ibu t’apportera du thé vu que tu ne supportes pas le café.

Maïté : Tobi s’il te plaît

Moi (ton sec) : Je t’attends en bas quand tu es prête…N’oublies surtout pas de tenir à carreau, je ne plaisantais pas la nuit dernière !


***Maïté***

Je regarde la porte qui venait d’être claqué, un sanglot me monte à la gorge mais je me retiens. J’aurais beau pleurer toutes les larmes de mon corps rien ne changera dans ma situation actuelle. Je me lève péniblement et me dirige vers la salle de bain... Je vais me laver rapidement puis j’ouvre la boite, à l’intérieur se trouve une magnifique robe verte foncée, elle a un cou fermé et est ouverte dans le dos, juste au niveau de la chûte de rein un gros noeud en mousseline se perdait plus bas dans une petite traîne. Je regarde les accessoires dorées qui vont avec, tout avait été choisi avec goût et soin. Je m’habille et prend le temps de me maquiller afin de cacher les grandes cernes qui me mangent le visage. Lorsque je finis je ne peux m’empêcher de couler une larme, je me marie aujourd’hui ! Et pourtant je suis mal en point, l’homme que j’épouse me déteste !

La cérémonie fut vite expédiée, au moment d’échanger les consentements mon regard rencontre celui de mon époux. Ses yeux étaient rougis certainement de fatigue, vu qu’il ne s’est pas accordé une seconde de répit. En revanche, ils étaient vides de toute émotion, je ne pouvais rien y lire. Les alliances sont belles et mes doigts tremblaient lorsque j’ai dû lui enfiler la sienne. C’est le seul contact que j’aurai avec lui tout le temps que va durer le reste du voyage. Il ne me regarde pas et ne m’adresse pas la parole. Vu que je m’exprime bien en anglais, je devais me tourner vers Ibu pour demander ce dont j’ai besoin.


***Quelques heures plus tard***

Nous arrivons devant une immense clôture ; avec un portail de la même taille en fer forgé sur lequel sont gravées les armoiries de la famille régnante. Dès que nous entrons, une nuée de serviteurs et servantes viennent nous accueillir. Nous traversons plusieurs cours avant d’accéder à l’immense demeure où habitent probablement le roi et le reste de la famille. Un jeune homme qui ressemble énormément à Tobi nous attendait, son frère peut-être…Les deux hommes se font un hug chaleureux.

Jeune homme : Je n’ai pas cru mes oreilles quand père m’a dit que tu venais

Tobi : Bah me voilà !

Jeune homme : Et tu n’es pas seul !

Tobi : Je te présente Maïté mon épouse ...chérie je te présente le Prince héritier du trône d’Iseyin ; Adelana mon jeune frère.

Dès que j'entends chérie mon coeur maboule saute et pourtant on sait ce qu'il en est.

Embarrassée, je ne savais pas si je devrais lui tendre la main ou faire la révérence j’étais comme figée. Comprenant certainement mon problème, il s’avance vers mois et me fais deux bises sonores

Adélana : Tobi arrête de traumatiser l’enfant d’autrui, appelle moi Ade. Le protocole n’est en vigueur dans ce palais que lors des cérémonies officielles. C’est seulement à ce moment que les révérences et titres son exigées.

Moi (timide) : C’est compris…Prince Ade

Nous sommes dirigés vers nos appartements. Tout respirait le luxe et l’aisance ici. Il y avait le bureau de Tobi, une cuisine (même si apparemment tous les repas sont pris en famille), une salle de séjour…Et les chambres : une nursery, une chambre principale séparée par une porte de communication. Dès qu’on se retrouve seuls, Tobi redevient distant.

Tobi : tu prendras la petite chambre…Moi je garde la chambre principale

Moi : Ok

Il me décrit ensuite le fonctionnement du palais. Il me parle de la cérémonie de présentation qui aura lieu  dans quelques jours. Je ferai connaissance avec la cour Royale, et l’oracle sera consultée … le fait que je parle anglais devrait faciliter les choses. Je l’écoute en silence, quand il finit je me retire dans ma chambre. Je voudrais au moins me reposer un peu avant ce soir, je rencontrerai le roi et la reine au dîner. Dès que ma tête touche l’oreiller je m’endors, épuisée.

A 20 h j’arrive au dîner au bras de mon époux, dès que nous franchissons l’entrée tout le monde se tourne vers nous. Heureusement, que j’étais très bien habillée et bien maquillée. Un homme d’un certain âge me tend les deux mains, il a une grande ressemblance avec ses fils :

Vieil homme : venez ma chère enfant ne sois pas intimidée, ici c’est juste la famille. Moi je suis le père du voyou que tu as épousé, j'espère qu'il te traite bien sinon tu me le dis!


A ces mots mon coeur se serre... Hum si seulement il savait! Je le salue en faisant la génuflexion et fais de même pour la reine.

Tobi : Bonjour père ! Toi aussi tu m'as manqué!

Malgré l'ironie de la phrase le père et le fils se font une accolade, ensuite je suis présentée au reste des membres de la famille, le Prince Ade et son épouse, Nikè l’unique fille de la fratrie et la plus jeune. Il manquait les deux grands garçons : Tola et Seun. Le premier vit aux Etats-Unis et le second au Brésil.

La soirée se déroule très bien. Ils sont vraiment modernes, loin de l’image que je me suis faite des familles royales africaines. Ils se montraient tous gentils avec moi. Nikè a promis m’expliquer un peu comment va se dérouler la cérémonie de présentation à la cour. Il faut dire que Tobi est le dernier des garçons à se marier, donc comment dire elle est plutôt rôdée. J’essayais de profiter de tout ça car je sais que Tobi m’ignorera dès que nous allons nous retrouver seuls… Je ne m’explique toujours pas pourquoi il m’a épousé.

Effectivement, lorsque nous nous retirons je me retrouve seule dans la chambre. Je me couche et m’endors, je suis réveillée quelques heures plus tard par des gémissements et des halètements : deux personnes faisaient l’amour dans la pièce d’à côté. Je m’assoeis dans le lit, les sens en alerte, la situation s’impose à moi dans toute son horreur, mon époux faisait l’amour à une autre le soir de notre nuit de noces, dans notre chambre d’où il m’a évincé, dans notre lit… Mon cœur se serre douloureusement, je me lève de façon fébrile et cherche mon casque et mon lecteur MP4, j’ai besoin d’écouter de la musique pour ne pas entendre les bruits d’à côté. J’ai pleuré toute la nuit incapable de m’endormir…Comment Tobi peut me faire ça ! Je suis jalouse et je souffre parce que je l’aime ! Parce qu’il donne à une autre ce qu’il m’a refusé. Mais à qui pourrais-je me plaindre ? Personne ! Je lui ai donné des raisons !


***Tobi***

Je travaillais dans mon bureau depuis une heure quand j’entends toquer à la porte.

Moi : entrez !


Je vois Maïté avancer, elle avait une tête à faire peur. J’ai compris tout de suite qu’elle nous avait entendus hier nuit, ma conquête d’un soir et moi. Oh et puis quoi ?! Elle n’est pas en position pour me demander des comptes !


Maïté : Bonjour Tobi…Je voudrais te parler s’il te plaît

Moi : Je t’écoute

Maïté : Ok…Je voudrais rentrer à Cotonou s’il te plaît…ma famille me manque…et je crois que tu n’as pas besoin de moi ici

Moi : Tu te trompes…On attend la cérémonie qui aura lieu dans trois jours…et il y a le téléphone tu peux parler à Anya autant que tu veux…


Je la vois prendre une inspiration, lever les yeux et souffler certainement pour empêcher les larmes de couler. Elle reprend d’une voix tremblante


Maïté : Tobi s’il te plaît laisse moi partir…Je ne pourrai pas survivre à ce traitement, tu m’en veux et tu as raison ! Je n’ai pas d’excuse mais pitié…Tu me brises le cœur et j’ai mal…Laisse moi partir s’il te plaît.

Moi : Je ne vois pas de quoi est-ce que tu parles !

Maïté (pleurant) : Tu ne me parles pas, tu ne me regardes pas… La nuit dernière tu as amené une femme dans notre lit…Je vous ai entendu toute la nuit ! Je ne te juge pas, tu as tes raisons mais je t’en supplie laisse-moi partir !!

Moi : Non ! Maintenant si tu veux bien me laisser j’ai du boulot ! Tu te souviens j’ai déboursé dix millions de FCFA pour te regarder te trémousser à poils ! Alors il faut que je bosse !


Ses sanglots résonnent encore longtemps dans la pièce et même quand je la fais sortir je l’entends encore ! Purée ! J’ai atteins mon objectif : lui faire aussi mal que j’avais mal mais je ne savais pas que je serais aussi malheureux qu’elle. J’ai besoin d’un bol d’air, je prends mes clés et je sors. Je reviendrai par ici quand je serai plus calme.

 

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Pute...et Maman