Détresse
Ecrit par Farida IB
Nahia…
Docteur : madame Sollou, il n’y a pas matière à vous alarmer, nous l’avons fait par pure précaution pour éviter que le sang et l’oxygène ne se propage d’avantage dans son cerveau. Outre la sédation, nous avons mis son corps en hypothermie et je suis certain qu’avec toutes ces interventions, il sera sur pied d’ici quelques jours.
Khalil nous fait lever lentement, je reste blottie dans ses bras pleurant en silence. Le docteur poursuit son exposé sur la raison qui les avait poussée à faire recours à ce palliatif. Ils auraient au moins pu nous avertir que ça paraîtra moins anxieux et angoissant. Là tout ce que j’entends, c’est que mon fils est en train de mourir et ça, c’est plus que ce que je peux supporter. J’ai l’impression que l'on m’arrache le cœur et les tripes du ventre, et qu'on fait des nœuds avec mon estomac. C’est horriblement douloureux.
Moi (dans un sanglot étouffé) : il est dans le coma !
Docteur précisant : nous l’y avons plongé pour lui offrir une chance de survie.
Moi (mettant la main sur ma bouche) : oh mon Dieu ! C’est dire que sa vie s’échappe ?
Khalil (resserrant l’étreinte) : chuuutt Aynia calme toi, il n’a pas dit ça (au doc) n’est-ce pas docteur ?
Docteur : tout à fait, nous avons procédé ainsi pour mettre le cerveau au repos et le protéger en ralentissant son métabolisme. Il est hors de danger immédiat.
Khalil : et ça peut prendre combien de temps pour qu’il se réveille ?
Docteur : quelques heures ou quelques jours, ça dépendra de la réactivité de ses fonctions vitales.
Khalil (hochant la tête) : est-ce que vous avez au moins pu diagnostiquer la cause ?
Docteur : il a probablement subi un choc à la tête. Ça peut être pendant les activités sportives à l’école, un jeu dangereux entre amis. Où il s’est peut être cogné la tête contre un objet rugueux, ou encore un coup sur la mâchoire.
On se regarde Khalil et moi.
Moi : il est tombé en faisant du roller il y a quelques semaines déjà. Mais il a été immédiatement pris en charge donc je ne pense pas que ça puisse être à l’origine de son état actuel.
Docteur : il se pourrait oui, si la prise en charge a été mal faite l’embolie aurait le temps de se propager dans son cerveau. Des examens ne lui ont pas été faits dans ce sens ?
Khalil : non.
Docteur : normalement, c’est le premier diagnostic qu’il faut établir suite à ce genre d’accident. La commotion cérébrale n’occasionne pas de signes visibles et les résultats d’imagerie médicale peuvent être normaux, donc il est essentiel de savoir reconnaître les signes et les symptômes. Assurément, qu’il est devenu émétique, émotif ou s’est-il plaint d’étourdissement, de douleur au cou, le plus fréquent des céphalées.
Moi : des céphalées oui, mais on ne savait pas…
Le reste se perd dans un sanglot.
Docteur : calmez-vous madame, je peux vous assurer qu’il est hors de danger. Nous enclencherons la phase de réveil dès que ses constances vitales redeviendront normales.
C’est Khalil qui lui répond moi, je hoche simplement la tête.
Moi : sniff docteur on peut le voir ?
Docteur : oui, mais il est aux soins intensifs pour le moment et vous ne pourrez le voir qu’à travers les vitres. Cependant vu votre état actuel, il serait préférable que vous attendiez un peu pour le voir.
J’acquiesce de la tête.
Docteur (me tapotant l’épaule) : bien, madame Sollou, je vous recommande d'être fort. Monsieur Sollou, je compte sur vous pour veiller sur elle, enfin sur les deux.
Khalil : docteur merci, je compte bien le faire.
Docteur : tout le plaisir est pour moi.
Moi reniflant : et dire qu’on venait de passer une merveilleuse soirée, Khalil si je le perds ma vie n’aura plus de sens. Je préférerais y mettre fin.
Khalil : ça n’arrivera pas.
J’enfoui ma tête dans son cou en pleurant de plus belle, il desserre l’étreinte et prend mon visage en coupe.
Khalil (cherchant mon regard) : hey regarde-moi.
J’ai la tête baissée.
Khalil doucereux : Aynia regarde moi s’il te plaît.
Je finis par lever la tête.
Khalil : il ne lui arrivera rien, tu m’entends ? Et à toi non plus, il va se réveiller plus tôt que tu le penses. Il a besoin de toi plus que jamais, il n’aurait pas aimé te voir dans cet état. Il voudrait voir à ses côtés la femme joviale, forte, un peu bornée, qui fait souvent semblant d’être sévère alors qu’au fond elle est douce comme une fleur.
Je souris faiblement.
Khalil susurrant : il va bien aller, je te le promets.
Moi : tu es sûr ?
Khalil hochant la tête : aussi sûr que deux et deux font quatre, Dieu est au contrôle mon cœur. On ira le voir si tu es prête, tu verras qu’il dort simplement et qu’il se réveillera une fois la sieste finie.
Moi la petite voix : je veux y aller maintenant.
Khalil me fixant dubitatif : tu es sûre ?
Je hoche la tête en me mordant les lèvres pour ne plus pleurer alors qu’il essuie mes larmes d’un revers de main. On se renseigne auprès de la première infirmière qu’on trouve ensuite, on se retrouve devant l’une des salles d’urgence en blouse visiteur, charlotte et tout l’arsenal de protection. Il est placé en position semi-assise, intubé, ventilé avec des tuyaux partout. Malgré ce spectacle déconcertant, il a l’air endormi et bon enfant. Je le regarde et mon cœur se serre à nouveau, la boule d’angoisse dans mon ventre se décuple. Je préfère le Nabil brise-tout au Nabil inconscient qui me fait face en ce moment. Mon pauvre bébé, ma vie, mon Dieu. Il faut toujours qu’il se passe quelque chose à chaque fois que tout semble bien aller dans ma vie.
Depuis que nous avons quitté, je n’arrête pas de me demander ce qu’il serait advenu s’il était ailleurs qu’avec moi cette nuit. Les souvenirs de ses crises lorsqu’il était encore tout petit ne cesse d'affluer dans ma tête. C'étaient des moments de grandes anxiétés, mais ce n’est rien comparé à ce que je ressens en ce moment.
Je commence à faire des exercices de respiration pour baisser la tension qui commence à monter. Je pense que Khalil s’en est rendu compte, il me frotte affectueusement le bras d’une main et de son autre pouce, il me caresse la paume de la main et toute la pression redescend aussitôt. Il finit par m’entourer l’épaule et nous reconduit dans la salle d’attente où nous trouvons Bilal et sa femme désorientés et paniqués.
Bilal ton inquiet : que s’est-il passé, il est où ?
Khalil répondant : il est encore aux soins intensifs.
Bilal : pourquoi aux soins intensifs ? Qu’est-ce qu’il a ? Il a fait un accident ?
Khalil : non, ils l’ont placé sous sédation.
Sadi en panique : mon Dieu, que s’est-il passé ? Il n’avait rien quand il quittait chez nous hier soir.
Moi (me remettant à pleurer) : je ne sais pas, je me suis réveillée avec l’impression d’être à côté d’une chaudière. C’est en le touchant que je me suis rendue compte que c’était lui la source de chaleur, il était plus que brûlant et ne réagissait pas.
Bilal : c’est pour ça qu’il a été plongé dans le coma ?
C’est Khalil qui lui explique.
Bilal (dès qu’il finit) : le docteur chez qui je l’ai envoyé l’autre fois n’a pas pu détecter ce problème non plus. Mais depuis quand il fait du roller (me fixant) pourquoi tu ne m’as rien dit ?
Moi : c’était un petit accident, du moins c’est ce que je pensais donc je ne voulais alarmer personne.
Bilal maugréant : voilà où ta négligence nous as mené, on aurait pu détecter le problème à temps.
Sadi (lui pressant le bras) : chéri calme-toi, c’est arriver parce que ça devrait arriver. Ce dont il a besoin, c’est de nos prières.
Khalil : ça, c’est clair !
Il tape un point dans le mur et va s’asseoir sur la chaise en face, mes parents arrivent sur l’entrefaite.
Pa’a en anii : Nahia qu’est-ce qui se passe ? Il était malade ?
Ma’a (en mode panique) : il est où ? Que disent les médecins ?
Moi : il est dans le coma.
Ma’a part dans des lamentations en langue et pa’a s’exclame en arabe.
Khalil (leur lançant un regard compatissant) : ils l’ont fait pour augmenter ses chances de survie.
Il y a un petit brouhaha, tout le monde parle en même temps.
Sadi : soubhanallah !!
Ma’a en larmes : ils m’ont tué l’enfant, ehh Allahhh je l’avais pressenti.
Bilal : tu ne m’as pas dit ça, il a peu de chance de survie ?
Pa’a (à Khalil) : mon fils explique moi bien cette histoire, qu’ont-ils réellement dit ?
Khalil reprend la parole pour leur expliquer tout en détail.
Ma’a (pleurant de plus bel) : je le savais, les chansons de mort qui n’arrêtent pas de défiler dans ma tête, mon œil droit qui vacille à tout moment. Je savais qu’un mauvais coup se prépare dans ma famille.
Pa’a soupirant : Shaïa, il est dans le coma, il ne va pas mourir.
Ma’a : tu sais que, non, je ne veux même pas y penser. (se levant brusquement) Je dois prier, il faut qu’on s’unisse dans la prière.
Pa’a : c’est le moins qu’on puisse faire.
Ils se lèvent de ce pas et s’en vont vers le couloir menant vers l’entrée. Un silence pesant s’installe, les yeux de Bilal éjectent du feu, sa femme essaie de le calmer pendant que Khalil me berce.
Au lendemain soir, l’hôpital refusait du monde. Aussi bien les membres de ma famille que celle de Bilal ainsi que nos amis pour ceux qui ont pu faire le déplacement, sont là pour nous soutenir. L'état de Nabil est toujours stable, il est sous haute surveillance. Ce qui explique le défilé du corps médical depuis ce matin. Ils défilent seulement sans rien dire et si ce n'était la présence de Khalil il y a longtemps que j'avais fait une crise d'angoisse.
C'est vers 22 h que le docteur de la veille arrive suivie d'une femme en blouse de bloc opératoire.
Docteur : les parents de Nabil Sollou s’il vous plaît.
Nous nous levons tous en même temps, ils nous regardent perplexe pendant que Bilal et moi nous précipitons vers eux .
Docteur (s’adressant à moi) : c’est son père ?
Moi : oui
Docteur : bien, votre fils a repris le contrôle de son organisme.
Voix dans la foule : que Dieu soit loué.
Docteur : néanmoins le plus dur reste à faire, nous voulons enclencher le processus de réanimation comme je l’avais dit à madame. (désignant la dame à côté de lui) Je vous présente le responsable pôle de réanimation de l’hôpital, elle doit vous entretenir sur votre rôle dans ce processus.
Nous : ok.
La responsable (prenant la parole) : comme introduit par mon collègue, mon équipe et moi aurons besoin de votre entière disponibilité et de tout le monde pour recréer un univers familial autour de votre fils. Il va falloir nous faire une liste des repas selon ses goûts, la musique qu’il aime, en bref tout ce qui est susceptible de susciter son intérêt. Dès que vous nous fournirez les informations nécessaires, nous mettrons en place des routines précises pour l’ensemble des soins et les détails par écrit afin qu’ils soient fidèlement répétés chaque jour donc vous devez vous assurer d’avoir deux à quatre personnes à son chevet tous les jours. On vous établira des calendriers de visite.
Je hoche la tête.
Bilal : d’accord, pas de soucis. On peut le voir ?
La responsable : pour le moment, non, attendez d’abord que nous l’installions en salle de réanimation.
Bilal : ok, merci infiniment docteur.
La responsable : je vous en prie.
Docteur : vous avez un vaillant enfant. Il n’a de cesse de lutter avec la sonde, il nous a fallu plusieurs fois lui réadministrer les sédatifs.
Moi : ce n’est pas risqué ?
Docteur : nous minimisons bien sûr les risques.
Je fronce les sourcils d'interrogation, au même moment, je sens une main prendre la mienne. Je me retourne et tombe sur Khalil qui me fait un sourire rassurant auquel je réponds par un sourire tendre. Bilal nous jette un drôle de coup d’œil avant de retourner à sa place.
Ussama…
Youri sms : rendez-vous confirmé, on se voit. À ce soir, j'ai hâte.
Moi : ok
Je pose le téléphone sur la table de mon bureau un peu craintif, je viens de passer avec succès je dirai le premier cap de mon opération séduction. Je devrais m’en réjouir, mais bien au contraire, j’angoisse à l’idée de la rencontrer encore que je serai seul. Le rendez-vous est calé sur ce soir. Le programme, c’est de l’emmener dîner à l’Etihad Towers (le restaurant). C’est Cartia qui a tout planifié et c’est même elle qui a fait les réservations. Elle m’a refilé bon nombre d’idées pour me mettre en confiance, mais je pense qu’il m’en faut beaucoup plus pour l’être. Dire que je suis anxieux en ce moment serait un euphémisme.
Je reprends le portable pour annoncer la nouvelle à Cartia. Elle décroche à la troisième tentative.
Moi : ce n’est pas trop tôt Naimul.
Cartia : lol salam, j’étais occupée.
Moi : wassalam, occupée à faire quoi ?
Cartia : quelque chose.
Moi : mais encore ?
Cartia insistant : quelque chose !
Moi : tu me caches maintenant des choses ?
Cartia : il le faut bien.
Moi : hmm, en tout cas ! Je t’appelle pour te dire que j’ai arrangé un rendez-vous avec Youri.
Cartia : c’est superrr ça, tu as réussis !
Moi : yep, mais je n’ai aucune envie d’y aller.
Cartia parlant vite : mais pourquoi ?
Moi : j’ai peur de ne pas assurer ou même de prendre ma jambe à mon cou.
Cartia : ça va bien se passer, tu n’auras juste qu’à suivre mes recommandations à la lettre.
Moi : mouais, je peux faire ça. Mais ce serait encore mieux si tu pouvais être dans les parages. Je serai fort rassuré de ta présence comme l'autre fois.
Cartia catégorique : nan !
Moi : mais pourquoi ?
Cartia : si je viens, tu ne sauras jamais si tu es guéri ou pas.
Moi boudant : je ne suis pas malade.
Cartia : peu importe, je ne viendrai pas. En plus, ce serait enfreindre à notre commun accord.
Moi : rectification, unilatérale ! Un accord que je trouve stupide par ailleurs. Cartia, nous avons toujours été amis.
Cartia : Sama, c’est mieux ainsi, je te souhaite une bonne chance pour ce soir. Je dois raccrocher, j’ai des choses à faire.
Moi soupir : ok, je te rappelle ce soir.
Cartia : il ne vaut mieux pas.
Moi : Cartia ?
Cartia : je t’ai demandé du temps Sama.
Moi soupire résigné : ok ok j’ai compris.
Click !
Je garde le téléphone en main encore plus désemparé qu’avant. Le fait est qu’elle a décidé de façon arbitraire d’établir une certaine distance entre nous sans raison apparente. J’ai cru qu’elle me faisait une de ses blagues, mais je vois qu’elle est bien sérieuse. C’est dommage parce que Cartia, c’est une fille que j’apprécie en dehors du fait qu’elle soit la seule personne qui arrive à me cerner vraiment. Toutefois, c’est sa décision et je ne peux que me résoudre à l’accepter.
Je range mes effets dans mon porte-document et sors du bureau pour la maison. Au passage, je fais un tour chez le fleuriste et prends des bleuets pour Youri (suggestion de Cartia). Je rentre à la maison et passe directement dans les appartements des parents pour informer ma mère que je dîne dehors ce soir. Elle le prend très bien contrairement à ce que je pensais. Je vais directement me préparer pour ma sortie, c’est pendant que je mets une Rolex au poignet que je décide d’appeler Yumna. Elle a également de bonnes idées qui peuvent toujours servir. Ça sonne plusieurs fois dans le vide, ensuite, je tombe sur sa boite vocale. Celle-là c’est maintenant comme ça, elle ne répond plus au téléphone. Depuis qu’elle est repartie, on ne sait parler qu’une ou deux fois. Je me demande ce qui l’occupe si tant. Au bout d’un moment, je me fatigue et appelle Eddie à la place.
Moi d’entrée de jeu : bonsoir mec, ta go est où ?
Eddie : si tu veux parler de Yumna, je ne sais pas où elle est et ce n’est pas ma go.
Je fronce les sourcils.
Moi : qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi tu le prends sur ce ton ?
Eddie : rien.
Moi timoré : tu es sûr hein ?
Eddie : oui.
Moi : ok, tu peux au moins vérifier si elle est chez elle et lui dire s’il te plaît que j’essaie de la joindre ?
Eddie : elle n’y est pas, elle est en vadrouille dans la ville avec l’autre tas de muscle.
Moi : tu parles de qui ?
Eddie : du type qui est intervenu le jour de son incident.
Moi : ah lui ? Ils chillent ensemble ?
Eddie : oui
Moi : là, ça ne sent pas bon.
Eddie soupirant : à qui le dis-tu ?
Moi (voulant le rassurer) : t’inquiètes, c’est l’effet de la nouveauté. Elle te reviendra dès qu’elle se lassera de lui.
Eddie : je n’y crois plus, le type ne cache même pas qu’il s’intéresse à elle. Il s’amène avec des fleurs et tout.
Moi : mais ça devrait plus t’inciter à lui avouer ce que tu sais.
Eddie : pour ça, il faudrait que j’arrive à mettre la main sur elle.
Moi : c’est vraiment compliqué cette histoire.
Eddie : tu l’as si bien dit.
Moi : courage mec, j'imagine à quel point ça doit être difficile pour toi.
Eddie : ça ira, j'attends le bon moment pour lui parler.
Moi : top, la balle est dans ton camp. Bon, je me vois dans l'obligation de te laisser. J’ai rendez-vous toute à l’heure et je risque d’être en retard.
Eddie : ok, à toute !
Je raccroche un peu triste pour lui. Je l’ai senti venir cette histoire, et pour tout vous dire ça craint vraiment pour lui. A priori, c’est sa faute, il a laissé l’affaire traîner en longueur alors qu'il avait toutes les chances de son côté. J’ai plusieurs fois été tenté de révéler la vérité à Yumna et je me suis ravisé à chaque fois parce qu’il est de mise qu’il le fasse lui-même. J’espère tout au moins qu’il sortira gagnant même si le combat promet d’être rude. Bref, je parle de l’autre, il est temps pour moi d’affronter mon combat à moi. Je soupire avant de sortir de la chambre.
....…….
Ça fait trente minutes que je suis dans ma voiture devant le restaurant et ça fait un bon moment que j’ai vu Youri passer l’entrée et prendre place à notre table. Je réfléchis à tout ce qu'on pourrait se dire et en même temps j'ai une folle envie de faire volte face. Il y a deux voix dans mon for intérieur qui tergiverse en ce moment. L'une m'encourage à y aller et l'autre me dit de refluer. Je suis plus tenté à écouter cette dernière parce que tout mon corps est comme paralysé. Je passe encore près de dix minutes dans la voiture avant de sortir finalement mû par une force hégémonique. Elle me repère sitôt et se lève alors que je reste figer devant le véhicule. Elle me regarde tout sourire, ensuite le sourire se dissipe pour laisser place à l'inquiétude. Elle me fixe en mimant « qu’est-ce tu attends ? » À un moment donné, elle se déplace sûrement pour venir me chercher. Tantôt, je commence à transpirer à grosses gouttes avec mes jambes qui menacent de se dérober sous mes reins.
Youri (à quelques mètres de moi) : Ussama, mais vient, qu’est-ce que tu fais ?
Moi : …
Elle arrive et me regarde le front plissé.
Youri : tu veux qu’on aille ailleurs ?
Moi : exxx… Excuse-moi, je dois y aller.
J’arrive à sortir une liasse de billets que je lui tends avant de m’engouffrer dans la voiture et de démarrer en trombe.
Là, c’est clair que je ne retenterai plus jamais de courtiser une femme.