Le nouvel ami
Ecrit par Farida IB
**** Une semaine plus tard ****
Yumna…
Je sors de l’institut toute excitée, nous venons de finir le concours et tout s’est bien passé. Là, je cours pour l’annoncer à Elias qui me sourit depuis l’autre côté de la route. Je lui saute au cou dès que j’arrive à sa hauteur.
Elias : je n’ai plus besoin de demander si tout s’est bien passé.
Moi : ça, c’est tellement bien passé que j'ai obtenu une bourse.
Il me regarde avec fierté.
Elias : tu vois que tu n’avais pas à t’inquiéter.
Moi : mouais (sortant mon téléphone) je vais l’annoncer à mon père.
Elias : tu vas encore gagner des bonus.
Moi riant : ça, c’est sûr.
Il rit de concert avec moi pendant que je manipule mon téléphone. C’est au moment où je lance l’appel que je vois Eddie sortir de l’institut à son tour, il arbore une petite mine qui m’intrigue. Enfin, il devrait être plus qu’heureux en ce moment d’être sorti majeur de notre promotion au niveau de l’école et dans tout l'État de New-York, et non faire grise mine.
Je le rejoins après m’être excusée auprès d’Elias.
Moi joyeuse : s’lut docteur !
Eddie (me dépassant) : bonsoir,
Moi le suivant : tu vas où pressé comme ça ? C’est toi que nous attendions pour rentrer.
Eddie : je ne compte pas rentrer à la maison avant ce soir.
Je presse mes pas pour le rattraper.
Moi : mais attends, tu vas où ?
Eddie sans se retourner : chez Ian, à ce soir.
Yumna : Eddie come on !
J’arrête de le poursuivre et reste longtemps à fixer l’endroit d’où il est partit au point où je ne sens pas l’arrivée d’Elias. C’est sa voix qui me sort de ma stupeur.
Elias : ton pote a quoi ? Qu’est-ce qui se passe entre vous ?
Moi haussant l’épaule : je ne sais pas, mais je ne vais pas tarder à le savoir.
Elias : ok, j’espère que ce n’est pas à cause de moi. J’ai remarqué qu’il ne m’aime pas beaucoup.
Moi levant le sourcil : tu penses ? Nan, ce n’est pas le genre d’Eddie. Il a surement un problème personnel.
Elias : bof ! Du coup, tu n’as plus appelé ton père.
Moi (recomposant son numéro) : je le fais de ce pas.
Elias : après je t'emmène quelque part, j'ai envie de te montrer un endroit que tu vas immanquablement adorer.
Moi lui souriant : eeuhhmm d’accord.
J'appelle papa qui répond aux abonnés absents du coup je laisse tomber et enfourne le téléphone dans mon sac. Nous prenons le bus pour une destination inconnue. Au cours du trajet, il me raconte ses épopées que j’écoute un peu distraite par mes pensées. Je dois dire que l’attitude d’Eddie m’inquiète un tant soi peu, l’atmosphère entre n’est pas le plus jovial depuis que je suis rentrée. Aux abords, je pensais que notre sortie reportée en était la cause donc j’ai tenu à lui expliquer que c’était involontaire et il m’a dit avoir compris. En fait, je me suis laissée emporter par ma discussion avec Elias. Je sais que c’était une erreur de ma part donc pour me rattraper, je lui ai réitéré mes excuses au lendemain et j’ai planifié une autre sortie qu’il a simplement déclinée. Par la suite, il est froid et un peu distant avec moi sans raison valable. Aussi, j'ai pensé que ça puisse être à cause d’Elias, mais je trouve que ce serait puéril et égoïste de sa part. Il se fait tout le temps des potes et ça ne me dérange aucunement. D’autant plus que je fais de mon possible pour ne pas le pestiférer. Tout compte fait, j’aurai une franche discussion avec lui ce soir, je n’aime pas qu’on se fasse la tête. Je n’aime faire la tête à personne d’ailleurs. Là, c’est sûr que je vais passer une salle journée alors que j’avais tout pour être heureuse aujourd’hui.
Elias : queencess qu’est-ce que t’as ? Tu n’as pas beaucoup parlé depuis que nous avons quitté l’institut.
Moi (levant les yeux sur lui) : tu ne m’as pas non plus laissé placer un mot.
Elias (levant la main droite) : je plaide coupable.
Moi : lol tu as tellement défilé devant les juristes !
Elias : tout à fait madame la juge.
J’éclate de rire.
Le bus roule sur cinquante mètres encore avant que je ne me rendre compte que nous sommes à Brooklyn.
Moi arquant le sourcil : on fait quoi à Brooklyn ?
Elias (sourire énigmatique) : je t'emmène dans mon coin secret, tu verras.
Moi : c’est là que tu vas me tuer ?
Elias mdr : pourquoi tu penses que je te tuerais ?
Moi : bah, on ne sait jamais, il y a trop de psychopathes à New-York.
Elias (plissant le front) : tu ne me fais pas confiance ?
Moi (sur le ton de la plaisanterie) : je disais ça pour te taquiner.
Il garde les sourcils froncés.
Moi : ne le prends pas mal s'il te plaît.
Elias : hmm
Moi : Elias ?
Elias : krkrkr je te faisais marcher.
Moi (lui donnant une tape) : ça n’a rien de drôle espèce d’idiot.
Elias voix rauque : c’est moi que tu te traites d’idiot ?
Moi paniquée : euh, non, je ne voulais pas dire ça.
Elias rigolant : j’aime trop ton visage quand tu prends peur. Tu n'as pas le sens d'humour toi.
Moi boudant : il n'y a rien de drôle ici ! J'ai du mal à cerner tes humeurs.
Elias : tu apprendras à me connaître queencess.
Il nous fait descendre dans un quartier populaire.
Moi perplexe : c'est quoi ce quartier ? Tu es sûr qu'on ne court pas de risques ?
Elias (enroulant son bras sur mes épaules) : sois sans crainte, je suis là. Et puis nous allons juste à la plage.
Moi larguée : on a fait tout ce chemin juste pour aller à la plage ?
Elias (sourire accrocheur) : et oui !!
Moi : hmmm.
Elias (me tapotant l’épaule) : tu vas aimer ma gazelle.
Je hoche la tête sceptique. A pied, nous traversons le quartier pour nous retrouver devant une usine abandonnée. Le regard que posent les habitants sur moi tout au long de notre balade est quelque peu avenant, mais savoir Elias à mes côtés me rassure un tant soit peu. Fin jusque là, il ne m’a donné aucune raison de douter de lui. Entre lui et moi le courant était plus que bien passé lorsque j’étais encore à Abu-Dhabi, mais la proximité consolide encore plus nos liens. Étant donné qu’Eddie me boude en ce moment, je me rabats sur lui et je dois dire que j’apprécie énormément sa compagnie. C’est quelqu’un avec qui je peux discuter de tout et de rien, on s’est même découvert beaucoup points communs et très peu de divergences. Il est plutôt posé, il ne se prend pas beaucoup la tête et "zen" contrairement à moi. Du coup, il réussit à m'apaiser et à me rendre plus réfléchie dans mes actes et paroles. Il a également un côté sensible non-apparente que je surkiff. En gros, c’est le bon pote comme Eddie à la différence qu’il sait me recadrer quand il le faut. Enfin vu sa carrure imposante, je fais moins la grande gueule avec lui. La plupart du temps, on s’attarde sur mes cours de défenses et lorsqu’il a le temps, on part à la découverte de bien des endroits que je n'aurais jamais pensés un jour parcourir. Des lieux méconnus et magnifique avec des vues peu pittoresques et très belles à la fois. En tout cas, c’est un bon ami avec qui je vois la vie autrement.
A l'usine, on prend des escaliers qui débouchent sur la dalle au dernier niveau de l'étage.
Elias : on est arrivé !
Moi (le fixant interloquée) : je pensais qu’on allait à la plage.
Elias : mouais, c’est ici la plage. (précisant) Béton plage.
Moi (parcourant les alentours du regard) : waoohh, c’est magnifique ici.
Elias : n’est-ce pas ? C’est ici que je viens souvent me réfugier quand les gangs au quartier me cherchent des noises.
Moi : je vois.
Il nous dirige d’un côté de la dalle tout en me montrant quelques immeubles de grands chefs d’entreprise.
Elias (sur l’entrefaite) : ce qui est bien, c’est que si je te tue ici, on ne te retrouvera jamais.
Je suis parcourue d’un frisson.
Elias ton doucereux : je suis désolé, je ne voulais pas te faire peur, je dois vraiment arrêter mes blagues pourries.
Moi : ce n’est pas grave.
Il me plaque contre lui d’un geste vif, ce qui me fait pousser un cri de stupeur.
Elias : pardonne moi pour ça aussi, j’avais envie de le faire depuis que je t’ai vu sortir de l’institut.
Je déglutis mal à l’aise.
Moi : euh d’accord, mais là, tu m’étouffes.
Il me relâche aussi brusquement qu’il m’avait enlacé. Nous prenons place sur le rebord de la dalle, on reste ainsi un moment sans parler.
Elias reprenant : ça te dit qu’on sorte ce soir, histoire de fêter ta réussite ?
Moi réfléchissant rapidement : ce soir… Euh, j’avais prévu passer la soirée avec Eddie.
Elias : il peut venir lui aussi, comme ça, on apprendra à se connaître tous les deux.
Moi : bonne idée, je vais le prévenir.
Elias : ok !
Je prends mon téléphone et entreprends d’écrire à Eddie.
Moi écrivant : hey boo ça te dit une sortie ce soir ? C’est Elias qui invite.
Eddie en réponse : je ne rentre pas ce soir, j’espère que tu t’amuseras bien avec ton nouvel ami.
Elias (le regard rivé sur l’écran) : il dit quoi ? Il vient ?
Moi : non, il ne rentre pas ce soir. (écrivant) Ed tu me fais un pseudo crise de jalousie ou quelque chose du genre ?
Eddie : il y a de quoi nan ? Un mec surgit dans ta vie et d’un coup, je n’existe plus.
Moi vexée : tu n’as pas le droit de me dire ça, tu t’es mis à l’écart toi-même. Tu ne veux pas faire les choses avec nous à chaque fois qu’on te le propose.
Elias : c’est toujours à propos du rencard ou vous parlez d’autres choses ?
Moi : donne-moi quelques minutes s’il te plaît.
Elias : ok.
Eddie (répondant à mon dernier message) : je vais faire les choses avec ton type que je le connais où ? Il n’est pas mon ami à ce que je sache.
Moi dépassée : on en reparlera quand tu seras rentré.
Eddie : Comme tu voudras.
Je prends une grande inspiration, cette histoire commence à prendre une tournure qui ne me plaît pas.
Elias : il y a un problème ? Pourquoi tu deviens triste d’un coup ?
Moi : rien, on peut rentrer s’il te plaît ?
Elias dubitatif : euh ok, si tu veux.
En rentrant à la maison personne ne dit mot. Elias a compris que je ne suis pas d’humeur a parlé donc il s’occupe de son téléphone. En ce qui me concerne, je ressasse les propos d’Eddie et ce serait mentir que de vous dire que ça ne me bouleverse pas. Je ne comprends pas pourquoi il pense cela alors qu'il a lui même pris ses distances. Qu'est ce que je dois faire de plus ? Me partager en deux ? Chasser Elias ? Tssuipp ! Ça commence à bien faire !!
Quand on arrive à New-York, Elias m’escorte chez moi avant de rentrer. J’arrive à notre étage en ruminant tout ça, c'est la lumière dans l’appartement d’Eddie qui me fait sortir de mes pensées. Je me rapproche et appuie sur la sonnette, il ouvre presqu’aussitôt la porte et me regarde avec une expression déception dans le regard.
Eddie : ah, c’est toi ?
Moi : tu attendais quelqu’un d’autre ?
Eddie : oui.
Moi : tu m’as dit que tu ne rentrais pas ce soir.
Eddie (haussant l’épaule) : j’ai changé d’avis.
Moi (fronçant les sourcils) : et tu n’as pas pensé à me le dire ?
Eddie : je ne veux surtout pas vous dérangez ton « ami » et toi.
Moi soupire dépitée : tu me laisses entrer s’il te plaît ? Il faut qu’on parle.
Voix d’Elias derrière moi : Yumna !
Eddie (en français) : ton toutou est revenu te chercher, tu devrais t’en occuper d'abord. Moi j'ai d'autres chat à fouetter.
Aussitôt dit il me claque la porte au nez. Je me tourne vers Elias désarçonnée.
Elias : j’ai oublié de te demander si la sortie tient ou pas.
Moi : pas ce soir Elias, demain.
Elias : demain ça me va.
Moi : ok.
Je n’attends pas qu’il rebrousse chemin avant d’appuyer à nouveau sur la sonnette. Après plusieurs tentatives sans issue, je rentre chez moi déboussolée. Je peux comprendre qu’il fasse de la répulsion à Elias, mais cela ne justifie pas le comportement qu’il a avec moi. L’étendue que prend l’histoire ne me plaît pas alors, mais pas du tout. S’il va jusqu’à refuser de m’ouvrir la porte, c’est qu’il cache un problème très grave. J'ai ma petite idée de qui peut lui soutirer des informations et pourquoi pas décanter la situation ? Je prends mon téléphone et compose son numéro.
Nahia….
Je tourne sur moi-même dans les allées du garage de la clinique en attendant qu’Eddie décroche mon appel. C’est ici que je suis venue me réfugier pour converser tranquillement à cause du bruit autour de Nabil qui soit dit en passant est toujours en salle de réanimation sous assistance respiratoire et nourri par les sondes. En dépit du fait que les pronostics, soient meilleurs qu’il y a une semaine, il n’est toujours pas réveillé. Les médecins restent confiants, mais je vous laisse imaginer mon désarroi au fur et à mesure que les jours passent. Mes espoirs s’atrophient de jour en jour, il était censé faire quelques heures voir quelques jours dans le coma pourtant nous en sommes au même stade depuis une semaine. J’essaie d’être optimiste, de garder la tête froide et de faire abstraction comme me le recommande tout le monde, juste que parfois, c’est trop difficile de le voir coucher sans réaction avec le teint cireux comme s'il était sans vie. La seule chose qui me fait tenir, c'est qu’il devient de plus en plus violent, l s’est même déjà extuber une fois. De plus parfois, il déglutit comme s’il voulait nous parler.
La semaine a été ponctuée de coups de téléphone, de mails, d’sms venant de partout. Que ce soient nos familles respectives, nos amis, et même certains de mes clients. Les membres de ma famille et mes copines viennent presque tous les jours, ma mère et Awa assurent les gardes avec nous. Amou et Liam passent tous les soirs parfois avec les enfants pour les échanges, parfois seuls. Sadi et les sœurs de Bilal alternent les jours, Bilal lui-même fait de temps à temps des tours à la maison, mais il passe le plus clair de son temps ici. Des chaînes de prières, ce sont installées partout pour lui. En tout cas, on se soude tous les coudes pour rendre l’attente moins angoissante. Celui à qui je dois une fière chandelle, c’est Khalil, il est à la fois au four et au moulin. Il n’a pas beaucoup dormi, voir pas dormi du tout. C’est lui qui fait tourner ma boîte depuis le temps et la nuit, il veille à nos côtés. Il n’a pas manqué d’empathie à mon égard, je dirai qu'il est plus affligé que moi, même s’il ne le montre pas. Il pense qu’il en ait responsable, je le sens dans le regard atterré qu’il pose sur Nabil et ça me fait culpabiliser à mon tour parce qu’à priori je l'ai accusé d’être le responsable de l’accident de Nabil.
Je reporte mon attention sur mon téléphone qui sonne toujours dans le vide. J’étais tranquille avec Awa, Noura, la sœur de Bilal et Tina lorsque Yumna m’a appelé pour m’exposer sa situation avec Eddie. Situation que je qualifierai de délicate, on a tous vécu ces moments où notre meilleur (e) ami (e) se fait un nouvel ami. C’est tout nouveau, tout beau donc on délaisse forcément l’autre même sans le vouloir. C’est pour ça que j’approuve totalement la réaction d’Eddie, ce doit être difficile de voir son amie s’éloigner et se lier d’amitié avec quelqu’un d’autre. Je lui ai donc demandé de ne pas laisser cette nouvelle amitié impacter sur l’ancienne et de faire en sorte qu’Eddie ne perde pas la place qu’il occupait dans sa vie. Ce à quoi elle a promis de faire plus attention dorénavant. Toutefois, je pense qu’ils doivent s’asseoir et régler ce problème tous les deux.
Eddie (au bout de la ligne) : allô ? Allô ?
Moi : allô, oui, je suis là.
Eddie : c’est Nahia ?
Moi : mon chéri raté, tu as même oublié ma voix ?
Eddie : même pas la grande, elle est un peu cassée ta voix.
Moi : ce n'est pas faux.
Eddie ton inquiet : tout va bien ? Tu as la voix un peu morne.
Moi : pas terrible, Nabil est hospitalisé depuis quelque temps.
Eddie ton inquiet : oh qu’est-ce qu’il a ?
Moi : une commotion cérébrale.
Eddie : seigneur ! C’est grave ça, et comment il va maintenant ?
Moi : ils l’ont plongé dans un coma duquel il refuse de sortir.
Eddie : il va s’en sortir, il est plus fort que ça.
Moi : c’est ce que tout le monde dit.
Eddie : t’inquiètes, c’est mon bon petit, il ne peut pas nous quitter de si tôt. Je lui ai promis une tablette la dernière fois qu’il était chez Bradley.
Moi : lol à toi aussi, il a demandé une tablette ?
Eddie riant : apparemment, je ne suis pas le seul.
Moi : oui, parce que j’ai refusé de lui en acheté et son père également. Il massacre ces gadgets tout le temps. Mais dès son réveil, je m'occupe de ça. Tout ça ne vaut pas sa vie.
Eddie : en bon parent africain krkrkr, c’est lorsque nous sommes malades que les consciences s’éveillent.
Moi amusée : tout à fait ! (au tac) Sinon, je t’appelle par rapport à une situation que m’a relayée ton amie.
Silence.
Moi : ton silence en dit long, qu’est ce que tu lui reproches au point de lui refuser l’accès à ton appartement ?
Eddie sans ambages : elle me délaisse pour un autre.
Moi : c’est pour ça que tu as pris tes distances et que tu refuses même de lui parler ?
Eddie : oui, je ne veux pas déranger. Elle s’est complètement détachée de moi, ils sont tout le temps ensemble. Il ne lui laisse même plus le temps de faire des choses avec moi et elle de son côté ne fait rien pour le ralentir.
Moi : Eddie le fait que tu sois en attente est effectivement une situation super désagréable et je peux imaginer à quel point ça doit être frustrant pour toi, mais ce n’est pas une raison suffisante de vouloir mettre en péril une si belle amitié. Là, elle reconnaît ses torts et veut se racheter auprès de toi donc il vous faut vous asseoir et discuter.
Eddie : si tant est que son type ne s'invite pas dans le portrait.
Moi : ça, je ne peux pas te le garantir. Par contre, je te demande de le tolérer un tout petit peu vu qu'il est évident que tu ne le supportes pas.
Eddie parlant vite : je ne veux rien à voir avec ce mec.
Moi plissant les yeux : pourquoi tu le prends en grippe sans même le connaître ? Vous avez un antécédent ? Il a l’air louche, c’est ça ?
Eddie : non une antipathie simple.
Moi : mais apprends d’abord à le connaître, c’est peut-être un mec sympa.
Eddie : ce n’est pas forcé que l’ami de mon amie soit le mien.
Moi : Eddie, je te connais, tu es fair play avec tout le monde. Pourquoi tu ne le digères pas lui ?
Eddie : …
Moi : en tout cas, essaye de régler cette histoire avec elle, elle semble très ébranlée par ton attitude.
Eddie : je tâcherai de le faire.
Moi : chouette, tu me feras le compte-rendu plus tard. On se dit à toute.
Eddie : à toute.
Moi : ciao.
Quand je retourne dans la chambre de Nabil, il n’y avait plus que Noura et Tina.
Noura (dès que j’arrive) : Nahia on t’a cherché partout dans la clinique, tu étais où ?
Moi (prise d’inquiétude) : il y a un problème avec Nabil ?
Tina : nop, il a juste souri quand j’ai fait une blague. Quand je te dis que cet enfant fait exprès de ne pas ouvrir les yeux.
Je roule des yeux, Noura pouffe de rire. Laissez les choses de Tina.
Noura (redevenant sérieuse) : c’était pour te prévenir que je dois rentrer. J’ai une urgence à la maison.
Moi : ah, d’accord, j’espère qu’il ne se passe rien de grave. J'ai eu ma dose de mauvaises nouvelles.
Noura souririant : t'inquiètes, je dois juste rentrer pour préparer le dîner. Mon mari rentre ce soir.
Moi : ok, je vois.
Elle s’apprête et je l’escorte à sa moto. On n’a pas grande chose donc je rebrousse chemin illico presto. Avec le temps, nos rapports sont demeurés neutres tout comme avec leur frère. On se salue lorsqu’on se croise (ce qui est d’ailleurs très rare) sans plus. Dès que je franchis le seuil de la chambre Tina, se redresse.
Tina (avide d’information) : c’était qui ?
Moi fronçant les sourcils : qui quoi ?
Tina : celui qui t’a retenu au téléphone pendant dix ans.
Moi : lol, c’était la petite sœur de Khalil et…
Tina m’interrompant : ah la belle-sœur ?
Moi faisant la moue : ce n’est pas ma belle-sœur et ce n’est pas qu’avec elle que j’ai discuté. C'est ton beau frère qui m'a retenu tout ce temps.
Tina (réfléchissant) : beau frère, beau frère, lequel ?
Moi : New-York.
Tina : Eddie ? (plissant le front) Elle connaît Eddie ?
Moi : c’est son amie.
Tina l’air perdue : la petite sœur de tonton Lil est une pote à Eddie ?
Moi : mais oui ! Sa meilleure pote, tu ne l’as jamais su ?
Tina (faisant mine de réfléchir) : c’est d’elle qu’il est amoureux ?
Moi : il est amoureux d’elle ?
Tina : yep !
Moi : je comprends mieux leur histoire là, elle le sait ?
Tina : il n'a jamais eu le cran de lui avouer depuis 7 ans !
Moi : ça me rappelle moi même, mais attends 7 ans ?
Tina : sept ma poule.
Moi : ah ça !! Il y a un nouveau type dans la course, le match est serré.
Tina (entrechoquant vivement ses mains) : évoorhh (c’est fini.) le gars est coiffé au poteau.
Moi : ce n’est pas encore le cas, la fille tient à leur amitié.
Tina : leur amitié, tu as dit ! N'est-ce pas qu'il se joue les lâches ? On va lui montrer ce qu’on fait avec.
Moi riant : Tina soit un peu compatissante, d'autant plus que c'est ton beau frère !
Tina : en quoi ? Tout ce que je peux faire, c’est le prévenir, du moins informer son frère pour qu’il le prévienne.
Moi : vous n’êtes pas censés être au courant de l’histoire.
Tina : ah, c’est vrai, j’oubliais que ça vient de ta belle-sœur.
Moi répétant : ce n’est pas ma belle sœur Martine.
Tina : chérie ce n’est pas comme si on ne vous voit pas hein.
Moi : voir qui ?
Tina : bah tonton Lil et toi, façon vous êtes collés cimentés ici.
Moi : ça ne veut rien dire.
Tina (claquant la langue) : en tout cas, il y a une AG que Vanessa a prévue pour ça. Les rumeurs circulent que vous sortez ensemble.
Je me lève du lit et viens prendre place à côté d’elle.
Moi : c’est quoi cette histoire ? Qui a lancé la rumeur ?
Tina : Bilal !
Je la regarde perdue.
Moi : bon explique-moi bien cette histoire parce que je ne comprends rien.
Tina : c’est à toi de me dire si vous sortez ensemble ou non.
Moi : tu serais la première à être au courant si c’était le cas, et tu n'es pas sans ignorer que je n’ai pas encore coupé les ponts avec Manaar.
Tina : tu attends quoi même pour le faire ?
Moi : je m’en occuperai plus tard.
Tina : donc tu vas te mettre avec tonton Lil ?
Moi : ce n’est pas le plus urgent actuellement Tina (passant du coq à l’âne) c’est vraiment gauche que Bilal lance de pareilles rumeurs alors qu’on a notre fils alité entre la vie et la mort.
Tina : c’était bien avant la maladie de Nabil, il a tenu nos maris en conférence toute une nuit à cause de ton pseudo nouvel ami que Nabil appelle affectueusement tonton Lil.
Dès qu’elle énonce son prénom, il commence à faire de gestes incompréhensibles des quatre membres, de mimiques faciales ressemblant à de la douleur. On se lève toutes les deux paniquées.
Khalil…
Je me gare devant la clinique où Nabil est dans le coma depuis une semaine maintenant avec la tête de quelqu’un dont la vie est compliquée. Et ce n’est pas qu’une façon de parler, je suis vraiment à bout. Je vais au bureau pour assurer les arrières de Nahia et surtout pour changer d’esprit, mais rien n’y fit. En dehors de la culpabilité que je ressens vis-à-vis d'eux parce qu'il était sous ma responsabilité le jour où il a fait cet accident à l’origine de son état actuel, ça me fend le cœur de savoir Nahia si mal en point depuis lors. Elle se nourrit et dort peu, elle est terrifiée et moi avec. Je me dévolu à la soutenir comme cela se doit, mais n'empêche que je me sens toujours aussi redevable envers eux. Ma seule prière c'est que Nabil s'en sorte, autrement je m'en voudrais toute ma vie.
Je me dirige vers le hall d’accueil lorsque le reflet du père de Nabil apparaît dans la baie vitrée. Il était tout juste derrière moi donc en quelques pas, il arrive à ma hauteur.
Père Nabil (désolé, je n’ai jamais pu retenir son prénom) : bonsoir,
Moi : bonsoir,
Père Nabil : ta journée s’est bien passée ?
Moi : oui merci et la tienne ?
Père Nabil : je tiens le coup.
Il n’ajoute plus rien et moi non plus. On prend le couloir menant vers la chambre de Nabil avant qu'il ne reprenne.
Père Nabil : tu devrais penser à te reposer, ça fait une semaine d’affilée que tu fais des allers-retours entre la clinique et l’agence de Nahia.
Moi : ça ira.
Père Nabil : ok, heu Nahia et toi travaillez ensemble, c’est bien ça ?
Moi : oui.
Père Nabil : ah ok, je tenais à te remercier pour ton aide et ton soutien envers nous.
Moi : il n’y a pas de quoi, Nabil est comme un fils pour moi.
Il veut parler, mais les mouvements devant la chambre nous interpellent. Nous allons vers Nahia et sa copine d’un pas décisif, Nahia est en pleurs et sa copine tourne sur elle-même l’air désemparé.
Moi : Aynia que se passe t-il ?
Père Nabil : il s’est réveillé ?
Nahia : on ne sait pas ce qui se passe, ils nous ont demandé d’attendre ici.
À travers la fenêtre, on voit deux femmes au bord de son lit. L’une est penchée au-dessus du corps à demi-nu de Nabil, elle lui tient la main et semble lui parler. L’autre, derrière la première, regarde par-dessus son épaule, comme figée. Nabil bouge beaucoup, il ouvre les yeux et agite un bras. Nahia est au bord des larmes, elle semble terrorisée. Elle se tourne vers moi et me lance un regard suppliant. Je me rapproche et la serre très fort dans mes bras en prenant le soin de poser sa tête contre ma poitrine. À un moment, je suis pris de stupeur face à la vision terrible de Nabil qui s’agite, grimace et ouvre de grands yeux. Il donne l’impression de mourir. On voit les deux femmes s’activer avec des gestes rapides et précis. Au bout d’un moment qui m’a semblé une éternité, on l’entend crier « maman !! ».