DT - 10
Ecrit par Nobody
C'était bien de retrouver son frère, se dit Ahmed. Il expira la fumée qu'il venait d'inhaler et s'enfonça dans son transat, sentant la lourdeur de l'air autour de lui. Le vent léger caressait la terrasse, mais l'atmosphère était encore chargée de tensions, comme si les événements des derniers jours flottaient encore dans l’air, prêts à surgir à tout moment.
Karim était rentré se coucher. Lui, il se remémorait ces trois derniers jours, des jours qu’il n’était pas prêt d’oublier. Les souvenirs affluaient dans son esprit, inlassables et oppressants, comme une mer déchaînée que l’on ne pouvait apaiser.
Trois jours plus tôt
Il sentait qu'il allait tout casser. La haine se dégageait de lui, comme une aura brûlante qui enveloppait chacun de ses gestes. Si jamais on lui faisait du mal, il se sentait capable de meurtre. L’idée de s’abandonner à cette rage lui était presque douce, une promesse de soulagement immédiat.
Il gara sa voiture avec une violence qui fit crisser les pneus contre l’asphalte. Puis il se précipita à l’intérieur. La maison était silencieuse, trop silencieuse. L’intérieur qu’il trouva était vide et ouvert. Personne. Il ferma les yeux un instant, chassant cette sensation étrange qui le saisissait, avant de prendre sur lui pour ne pas tout casser. La colère était un poison qui montait lentement dans ses veines.
Il se précipita vers son bureau, s'assit brusquement, et saisit son téléphone. Ses doigts tremblaient légèrement. Il contacta ses anciens hommes de main. Ils avaient besoin d'eux. Après avoir reçu la confirmation qu’ils viendraient tous, il appela Karim.
– Viens tout de suite s'il te plaît.
Puis il raccrocha, se tenant le visage entre les mains, l’angoisse d’un avenir incertain l'étreignant. C’est ainsi que Karim le trouva vingt bonnes minutes plus tard.
– Qu'est-ce qu'il y a, Ahmed ? Tu ne devais pas dîner avec Sarah ?
Il s'assit devant Ahmed, et ce dernier, en proie à un tourbillon intérieur, prit une grande inspiration. Il lui raconta tout, son récit se déroulant dans une série de scènes floues et chaotiques. À la fin de son récit, il leva les yeux vers son ami d'enfance, et ce qu’il y lut lui fit l’effet d’un coup de poing dans le ventre. Karim le tenait pour responsable de la disparition de Sarah.
– Sais-tu que tu es le seul responsable ici, Ahmed ? Sais-tu que je me retiens pour ne pas te cogner ? Sais-tu que t'es minable quand tu te comportes comme tu l'as fait ?
Les mots de Karim frappèrent Ahmed avec la brutalité d'une lame acérée. Il accusa les coups sans broncher. Il avait mal, mais c’était une douleur qu’il méritait. Les paroles de son frère étaient aussi lacérantes que la vérité. Cependant, il ne se voilait nullement la face ; il savait que c’était lui qui avait laissé tout cela arriver.
– Oui, je le sais.
À cet instant, un coup frappé à la porte l’empêcha de continuer. Karim le regardait, un sourcil levé, attendant une explication. Mais avant qu'il ait pu dire quoi que ce soit, les hommes qu'ils avaient contactés firent leur apparition.
– Vous avez fait vite, les gars, dit Ahmed d'un ton sec.
– Bonsoir, boss, répondit l'un d'entre eux, respectueux, mais la tension palpable dans l’air était évidente.
Ils étaient en tout et pour tout six hommes dans le bureau : Ahmed, Karim, et les quatre nouveaux venus. L’atmosphère devenait lourde, presque suffocante, à mesure que les voix se faisaient plus basses, plus tendues.
– Attends, t'es sérieux là, Ahmed ?
– Aux grands maux, les grands remèdes, Karim, répondit-il sans hésitation.
Ahmed se mit alors à parler avec ses hommes. Les discussions allaient bon train, mais il n’avait ni l’envie ni le temps de se prendre la tête avec Karim à cause de ça. Cette histoire, à cause de lui, le mettait dans un état qu’il n’avait pas connu depuis longtemps.
– Tu sais, Ahmed, je ne me suis pas déplacé pour rester avec un enfant qui pleure pour un jouet perdu. Alors, lorsque vous allez régler vos problèmes de couple, faites-nous signe. D'ici là, prends bien soin de lui, Ahmed dit Django un de mes anciens associés
Karim se leva brusquement et fonça sur Django. Sans prévenir, il lui asséna un coup de poing. La haine, toujours cette haine, semblait déborder de lui. C’était toujours comme ça quand il était dans la même pièce que Django. Une animosité palpable, plus qu’une simple dispute.
– Arrêtez maintenant, cria Ahmed, sa voix ferme et autoritaire.
Les trois autres hommes restaient en retrait, observant la scène avec une tension qu'ils peinaient à cacher.
– Je vous ai dit d'arrêter. Django, lâche-le tout de suite.
Django, qui avait déjà la main levée, s'arrêta net. Il n'osa pas un mot. Le silence se fit, lourd, pesant, presque suffocant. Puis, une nouvelle explosion de violence émana de Karim, comme un démon qui le possédait. À cet instant, Ahmed ressentit une peur viscérale pour son ami.
Ahmed parvint tant bien que mal à les séparer, il poussa fermement Karim derrière son bureau, puis il prit sa place face à Django.
– Django, tu lèves encore une fois la main sur lui ou tu refuses de faire ce que je te dis, t'es mort, ok ? lui murmurait-il à l'oreille.
La menace était froide, mais elle portait. Karim, quant à lui, sortit en trombe de la maison, se lançant dans la nuit comme un animal enragé.
– C'est bon, on peut discuter entre adultes maintenant, dit Django en s'asseyant, tentant de détendre l’atmosphère.
Mais Ahmed ne lâchait pas son regard. Karim l'avait bien amoché. Il soupira profondément avant de reprendre.
– J'ai besoin de vous.
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- T'as une idée de qui ça peut être demanda Karim
- Bien sûr ! C'est Nick,tu en doutes ?
- Mmhh
- Nick! Si seulement j'avais fait plus attention se plaignit Ahmed
J'avais trop de remords
- Bref c'est pas le moment de te perdre comme ça. On garde le plan?
Je regarde Karim
- On garde le plan
Quelques heures plus tard...
– Oh merde, baissez-vous, baissez-vous. Putain!
Django s’était fait remarquer, et les gardes italiens ne tardèrent pas à les prendre en assaut. Ahmed, au cœur du chaos, hurlait des ordres pour riposter. Les coups pleuvaient, violents et rapides, alors que l'adrénaline montait en flèche.
– Me couvrir ! cria-t-il.
Trois hommes se mirent à le couvrir, armes à la main, prêts à affronter ce qui se profilait. Ils pénétrèrent dans l'immense demeure, la tension palpable à chaque pas.
– Merde, un coup avait touché Ken, l’homme à ma droite.
Ahmed leva les yeux pour voir d’où venait le tir, juste avant que le tireur ne chute, fauché par une balle de Bob, l’homme à sa gauche. Ils continuèrent leur progression, l'instinct de survie prenant le pas sur tout le reste.
– Ken, viens avec nous. Il ne faut pas que tu restes sans défense.
Ken, malgré la douleur évidente, serra les dents et suivit son commandant. Le sang coulait, mais il tenait bon.
Au moment de monter, Ahmed se retourna pour le prévenir.
– Tu as intérêt à tenir, Ken, sinon je vais tellement te botter le cul que tu ne vas rien comprendre. Vas-y, resserre ton garrot.
Il voulut retirer son t-shirt pour le lui lancer, mais dans son mouvement, son regard se posa sur le balcon opposé.
– À trois heures ! cria-t-il à ses hommes.
Ce fut Ken, le plus prompt à riposter, qui décocha un tir précis. Il ne laissa aucune chance à l'ennemi.
– Mes respects, mon commandant, lui dit Ahmed avec un coup de tête.
Ils montèrent à l’étage, où plus d’une dizaine de personnes se trouvait. L’atmosphère était tendue, frôlant la panique.
– Ne tirez pas, ne tirez pas, s'il vous plaît, dirent-ils, les mains levées, comme si cela pouvait les sauver. Nous ne faisons que travailler ici
Mais Bob, impitoyable, cria.
– La ferme ! Où est-elle, la fille ?
– Au second étage, première porte à gauche, répondit l’un d’eux, presque en sanglotant.
– Allez-y, foutez le camp. Et faites attention à vous. Il serait judicieux que vous gardiez les mains en l'air. Bob, suis-les.
Ahmed, lui, se dirigea vers la chambre indiquée. Il marqua un temps d'arrêt devant la porte. Et si c’était un piège ?
Pourtant, il ouvrit la porte brusquement, son arme pointée devant lui. Il entra dans la pièce, mais il n’y avait personne dans son champ de vision. Puis il entendit une voix familière.
– Ahmed...
Il tourna la tête et la vit. La peur, l'angoisse et le soulagement s’entremêlèrent dans une vague intense. Putain, elle était là. Il courut vers le lieu d'où provenait sa voix, et avant même de se rendre compte de ce qu'il faisait, il la serra dans ses bras. La sensation de l'avoir retrouvée le submergea, et il ne réfléchissait plus à ses actions. C'était un besoin instinctif, comme si son corps avait agi de lui-même pour la protéger.
Fin flashback
Il s'enfonça dans son transat, le corps lourd, épuisé. Maintenant qu'il l'avait retrouvée, une certaine tranquillité s'installa en lui. Il n'avait plus cette peur constante pour sa sécurité, mais une autre inquiétude prit place : celle de la protéger de Nick. Il n'avait pas oublié leurs comptes, et s'en être pris à Sarah ne faisait qu'ajouter de l'huile sur le feu.
Il savait que Nick ne s'arrêterait pas là. Si rien n'était fait, il recommencerait, c'était inévitable. Mais comment protéger Sarah ? Comment la garder à l'abri de lui, de sa folie, de sa violence ? Il se sentait impuissant, prisonnier de cette situation qui lui échappait. Il ne pouvait pas la garder longtemps ici, un jour ou l'autre il devra bien la laisser s'en aller.
Il commença à imaginer des plans, des solutions pour la protéger, mais la fatigue le rattrapa. Trois jours sans sommeil, trois jours à lutter contre l'épuisement, à rester vigilant, à guetter chaque ombre. Et là, dans cette chaise longue, ses paupières se fermèrent d'elles-mêmes, et le sommeil, lourd et réparateur, l'enveloppa.
La lutte ne finirait pas à son réveil, mais pour l'instant, le silence lui permettait de souffler.
Point de vue Sarah
Mon Dieu ! Seul lui savait à quel point elle souffrait.
Lorsqu'elle se réveilla ce matin-là, ses yeux étaient pleins de larmes, et une douleur lancinante frappait son pied. La douleur semblait s'étendre dans tout son corps, comme une étreinte implacable. Chaque mouvement était une épreuve. Elle craignait, plus que tout, qu’on finisse par lui amputer le pied. Non, pas son pied. C'était impensable.
Les pensées tournaient dans sa tête, se bousculaient, et elle cria :
- Je ne veux pas qu’on m’ampute ! Non, non, laissez mon pied ! Je vais vivre avec la douleur, peu importe, mais pas mon pied !
Elle criait comme une hystérique, les yeux fermés, enfonçant ses ongles dans ses oreillers, jusqu'à ce que la douleur prenne le contrôle de tout son corps.
- Ahmed ! Dis-leur que je ne veux pas qu’on m’enlève mon pied ! Pourquoi tu ne parles pas, Ahmed ? C’est toi qui leur as dit ça, n’est-ce pas ? C’est toi qui leur as dit de me couper le pied, hein ? Je te jure, Ahmed, je ferai tout ce que tu veux, mais de grâce, empêche-les !
Elle commença à suffoquer, les larmes se mêlant à sa détresse. C’était comme si l’air se faisait de plus en plus rare, et qu’elle était sur le point de tout perdre.
Puis la porte s’ouvrit brusquement.
-- Sarah, Sarah…
Elle ne savait pas qui c'était, mais une personne se précipita vers elle, la saisit délicatement par la tête.
Elle continuait à suffoquer, des gémissements désespérés s'échappant de ses lèvres.
-- Allez, ma belle, respire, respire calmement, lui dit-on d’une voix douce, presque rassurante.
La personne prit sa main et la posa sur son cœur. Il battait à une vitesse folle, mais peu à peu, il retrouva un rythme régulier.
-- Sarah, je sais que tu m’entends, commença-t-il calmement. Cale-toi sur ma respiration, s'il te plaît.
Elle ferma les yeux très fort, essayant de se concentrer, d'imaginer cette respiration comme un fil conducteur, une lueur d’espoir dans son chaos intérieur. Elle se força à respirer en rythme avec lui.
Ce qui lui parut une éternité passa avant qu’elle ne parvienne à respirer à nouveau, difficilement certes, mais c’était un début. Avec les encouragements de son sauveur, elle réussit enfin à retrouver un semblant de contrôle.
-- Dites à Ahmed de faire quelque chose… Je ne veux pas qu’on me coupe les pieds, murmura-t-elle faiblement avant de sombrer dans un gouffre sans fin.