ÉCHAPPÉ DE JUSTESSE

Ecrit par Albert ley kasanda

ÉCHAPPÉE DE JUSTESSE

Je me lève en sursaut, après avoir fait un autre cauchemar différent de tous les autres. Cette fois-ci, j’ai vu Daniel tout en blanc. Il n’arrêtait pas de crier au secours tout au fond d’un puit. Il donnait l’impression de beaucoup souffrir vu qu’il était en larmes. Je m’approchais du puit pour saisir sa main, mais juste au moment où je saisis sa main il se transforma en une bête féroce, mi-homme, mi-animal. Les draps sont mouillés, je suis tout en sueur. On croirait que j’ai fait une longue course à pieds. Mes cheveux sont en bataille. Je tire les rideaux pour m’apercevoir qu’il est déjà huit heures à l’horloge murale. Je descends à la cuisine pour me verser un verre d’eau que je bois en une gorgée. Je m’appuis sur la table de cuisine. Tout est pêle-mêle, comme si quelqu’un y a mis le bazar.

Je peux entendre la sonnerie de mon téléphone depuis la cuisine. Je me demande qui peut bien vouloir me contacter à cette heure de la journée. Je passe la main dans les cheveux puis je me précipite en chambre afin de décrocher l’appel. Angie ! Que me veut cette commère ? L’appel s’est coupée avant que je ne décroche. Je dépose mon téléphone lorsque l’appel reprend. Je soupire, ensuite je décroche.

— Oui allo ! Tu me veux quoi ?

— Je te croyais être une femme de caractère, mais là, je suis carrément déçue. Pas de bonjour ?

— Au cas où j’aurai besoin de te saluer, je te ferai signe. Pour le moment, pas le temps ! Tu parles ou pas ?

— D’accord lionne affamée ! Le boss, il veut te voir dans les trente minutes qui suivent.

Je me demande ce qu’il peut bien me vouloir alors qu’il m’a mis à la porte. Je réfléchis pour me rendre à l’évidence qu’il ne peut pas aussitôt changer d’avis pour se repentir de ses méfaits.

— Dis-lui que je ne viendrai pas.

— Que… Que… Quoi ?

Je raccroche sur le moment et je me dirige vers la douche pour prendre un bain. Je commence à profiter de mon bain lorsque le téléphone se remet à sonner. J’ignore le premier appel. Puis un autre reprend, et encore un troisième jusqu’à un quatrième qui me fait sortir de la baignoire. J’attache une serviette autour des reins, mes longs cheveux encore humides collent sur ma peau moite.

— Oui allo Brenda !

— C’est quoi ce cirque Barbara ? Le patron veut te parler et tout ce que tu trouves à dire c’est que tu n’en as rien à faire ?

— Eh ! Calmes-toi. Si tu veux tout savoir, c’est bien lui qui m’as mise à la porte et crois-moi, je ne vais pas en rester là. Je vais lui porter plainte pour abus de pouvoir.

— Écoutes Barbara, ça suffit ! Arrêtes tout ça et viens voir ce qu’il te veut.

J’expire un moment, puis je me jette sur le lit.

— D’accord, j’arrive.

J’ouvre ma garde-robe pour y prendre un ensemble noir que je mets à toute allure avant de descendre dans les escaliers. Je ne perds pas une seule seconde pour me placer devant le volant de la Peugeot. Je mets Play sur la cassette audio pour me rendre compte que le flash de Daniel était encore branché. Il adorait bien écouter de la musique classique. Elle lui inspirait selon ses dire, et le réconfortait dans ses moments de désespoir. Le son vient me le rappeler et je ne peux pas m’empêcher de couler une larme que j’essuie vite. 

Une demi-heure a été suffisante pour que j’arrive à l’agence immobilière. Je remonte mes lunettes noires pour descendre de la voiture la tête haute. Aujourd’hui plus que jamais, je suis décidée à me faire respecter. Je me dirige vers la réception pour voir Angie. Elle m’ignore pendant quelques minutes jusqu’à temps que j’enlève les lunettes.

— Eh ! Est-ce-que tu ne me vois pas ? Suis-je invisible ? 

— Attends un peu Barbara, pour qui te prends-tu ? Je te rappelle que je ne suis pas ta subalterne.

— Je n’en ai que faire ! Tu es la réceptionniste et donc tu es dans le devoir de supplier aux caprices de tout le monde, compris ? Il est où ton patron ?

— Dans son bureau, maintenant fiche-moi la paix.

— Il était temps.

Je me dirige vers le bureau du nouveau patron au moment où la sulfureuse Rosa surgit de nulle part en m’interdisant tout accès dans le bureau du patron.

— Laisses-moi passer Rosa, je n’ai pas ton temps.

— Tu ne passeras pas, sale veuve ! Tu apportes la poisse.

Prise de colère, je ne peux me retenir de lui coller une baffe en pleine face. Elle devient folle de rage qu’elle essaie de me porter la main, mais je lui retiens le bras.

— N’y penses même pas si tu ne veux pas que je te manque de respect.

Elle se met sur le côté et je continue ma marche gracieuse vers le bureau du patron. Rosa est prise de honte en s’apercevant des regards du personnel qui a assisté à notre petite dispute. Elle ne perd pas une seconde pour s’enfermer dans son bureau. Devant la porte, je peux le voir depuis la vitre. Il est concentré sur les dossiers que je tenais en mains, encore hier. J’hésite à frapper de crainte que je ne le dérange dans son travail. Il enlève ses lunettes de lecture qu’il place dans l’étui, puis il me lance un regard palpitant. Il me fait signe d’entrer, et je ne perds pas le temps pour m’exécuter. Dans mon orgueil, je ne peux que lui tenir tête après l’humiliation qu’il m’a causé hier. J’entre dans le bureau, et je le fixe à mon tour jusqu’à ce qu’il me demande de prendre place.

— Vous n’êtes sérieuse, vous n’allez pas rester debout ?

— Bien sûr que si, je croyais ne plus être la bienvenue dans cette agence.

Il ricane un moment avant de reprendre son air sérieux. Il écarquille ses gros yeux.

— Ne jouez pas avec moi, vous risquerez de le regretter.

Je ne me retiens de rire jaune. Je me tiens debout pour me diriger vers la baie vitrée.

— Vous savez quoi monsieur ? Ce n’est pas très légal de renvoyer quelqu’un sur un coup de tête, sans aucun motif qui ne tienne debout. Ça s’appelle abus de pouvoir.

— Vous essayez de me menacer ?

— À vous de voir. Je n’ai pas de temps à perdre alors allez tout droit au but.

Il tourne son fauteuil dans ma direction, puis il soupire.

— Vous vous croyez maline, n’est-ce-pas ? 

Je papillonne les cils dans tous les sens, puis je tire l’oreille en penchant la tête, faisant mine de n’avoir rien pigé.

— Pardon ?

— Parfait ! Vous en avez l’autorisation. Trainez-moi en justice. Et je vous préviens déjà, je ne mettrai pas mon pied au tribunal. Maitre Rosa s’en chargera.

Ses paroles viennent me mettre dans une colère bleue que je prends mon sac à main pour quitter le bureau.

— Je n’ai pas dit mon dernier mot.

Je sors du bureau dans un air décisif, cependant en tournant le poignet, je me rends compte que je n’ai pas d’autre choix si ce n’est que le supplier de me reprendre en tant que sa secrétaire. Je laisse tomber mon sac à main pour me retourner vers lui.

— Vous ne pouvez pas me faire ça, je vous en prie, il me faut ce travail pour survivre.

Je n’ai pas constaté que les larmes ont coulé de mes yeux au moment où je parlais. Je m’approche de son bureau pour prendre place lorsqu’il me tend un mouchoir blanc afin d’essuyer mes larmes.

Il secoue la tête plus d’une fois, puis il rit dans sa barbe.

— Je te croyais un peu plus forte que ça ! En tout cas, tu en as donné l’air quand tu as pris la décision d’aller me trainer en justice.

— Je… Je suis… Désolée, bégayé-je.

— Ça suffit avec ces larmes de crocodile, vous allez finir par me faire pleurer. Écoutez ! Vous êtes bien Barbara Kanteng ?

— Oui, dis-je en sanglotant.

— J’ai bien lu votre dossier, et vous êtes parmi nos meilleurs employés. Veuve depuis près d’un an, ça ne doit pas être facile pour votre jeune âge, cependant laissez-moi vous donnez un conseil pour la vie ; vous n’êtes pas la première veuve et vous ne serez pas la dernière. Je sais que ça ne me concerne pas, mais vous n’avez pas à mélanger votre quotidien avec votre vie professionnelle. Vous êtes veuve, et vous en souffrez, ok ! Cependant nous ne sommes pas dans un cimetière. Vous avez bien de la chance que je n’ai aucune envie de laisser une veuve sans emploi.

J’écarquille les yeux.

— Ça veut dire que vous me reprenez comme secrétaire ?

Il acquiesce, et je ne peux retenir ma joie.

— Eh ! Retenez-vous, et un dernier avertissement, vous n’aurez plus droit à aucun traitement de faveur. Un an est déjà beaucoup trop pour digérer la mort d’un être cher. La moindre erreur pourra vous faire perdre votre emploi.

Je hoche la tête pour lui montrer mon acceptation.

— Et mettez-vous tout de suite au boulot. Prenez vos dossiers, et j’en veux un rapport écrit d’ici demain matin.

J’acquiesce en prenant les dossiers posés sur sa table. J’ouvre la porte d’un coup de coude et je la referme juste après en affichant un joli sourire. Je n’ai jamais été mieux portante depuis la mort de Daniel si ce n’est qu’en ce moment. La vie ne m’a toujours pas offert de seconde chance, et là, c’est comme si ma vie prend un nouveau tournant, un nouveau départ. Je cours vers Brenda qui est penchée sur son PC. 

— Tadam ! Voici la nouvelle secrétaire du patron… C’est quoi déjà son nom ?

Brenda saute dans mes bras, tellement qu’elle est prise de joie. 

— Ben ! Personne ne sait comment il se nomme, le cachottier. Dis-moi, comment tu t’en es pris ?

— J’ai essayé de le menacer, mais bon ça a tourné en vinaigre. Et j’ai usé de mes larmes pour le faire revenir sur sa décision. Je dois reconnaitre qu’il n’est pas le monstre que je le croyais être.

— Files dans ton bureau, je ne veux qu’on se mette à dos le nouveau patron dont on ignore le nom, haha !

— Très drôle ! 

— Dis, c’est quoi cette rumeur qui circule comme quoi tu as donné une baffe à la rose épineuse ?

— Ah ! On en reparle plus tard, bisous !

Une journée ensoleillée ! Voilà c’est que ma journée est devenue après avoir fait un cauchemar. Je travaille depuis plus de sept quand l’horloge commence à retentir ; il est seize heures et je n’ai pas vu le temps passer. Il ne me reste plus qu’un dossier à traiter que je glisse dans le tiroir au moment où je me lève pour me refaire une beauté. J’ai prévu de me rendre au cimetière comme la commémoration de la mort de Daniel approche à grand pas. Brenda et moi nous sommes séparées à la sortie de l’agence.

Il fait beau, le soleil pointe à l’horizon, éblouissant les pétales des roses du cimetière. Un bouquet de fleurs à la main, les pupilles humides et dilatées, j’avance à petits pas vers la tombe de Daniel. Je ne suis pas passé le voir depuis près d’un an, et aujourd’hui, je prends courage de le faire. Je dépose mon bouquet des fleurs sur la tombe, en remplacement des anciens. Je m’allonge sur la dernière demeure de mon Daniel, pleurant toutes les larmes de mon corps, je ne cesse de lui parler.

« Daniel, je me demande ce qui s’est passé ou ce qui se passe pour subir un tel châtiment. Je t’ai aimé, sincèrement, et je continue de te porter dans mon cœur, pourtant tu n’es plus là. Pourquoi me hanter ? Je n’ai plus la paix, je ne suis plus en paix. Pourquoi me tourmentes-tu ? Je veux juste que tu me laisses refaire ma vie. Tu n’es plus là, et il faut que je continue à vivre, reposes en paix Daniel Kanteng ».

Je sors la bague de mariée du doigt pour le déposer sur la tombe lorsque je sens une main se poser sur mon épaule. Je ne sens plus mon corps, je suis prise de frayeur.






 


JUSQU'À CE QUE LA MO...