LUTTER POUR SURVIVRE

Ecrit par Albert ley kasanda

LUTTER POUR SURVIVRE

Je me retourne dans la précipitation, et me rends compte d’un visage familier. Un homme qui, encore hier, jurait de me jeter hors de la maison de mon défunt époux, de gré ou de force. Je me lève à toute allure de la tombe de Daniel. Mon cœur bat à tombeau ouvert, et la rage monte en moi que je ne me retiens de fermer un coup de poing. Il ressemble comme deux gouttes d’eau à mon Daniel. Il est grand de taille, que je n’ose plus fixer ses yeux écarquillés pour une seconde fois. Il regarde l’alliance déposée sur la tombe, et se met à ricaner. Je ne comprends pas ce qu’il me veut au point de me suivre jusqu’au cimetière. Devant moi se trouve Franck Kanteng, le frère ainé de mon défunt époux. 

— Je peux savoir ce que tu me veux ? demandé-je en écarquillant les yeux.

— Toi, dis-moi ce que tu cherches sur la tombe de mon frère.

— Je n’ai pas d’explications à te donner.

Je prends mon sac à mains, et décide de m’en aller lorsqu’il se saisit de mon poignet.

— Où tu vas comme ça ?

— Lâches-moi, tu me fais mal, crié-je en me débattant.

Il me retient un bon moment puis il reprend la bague qu’il enveloppe dans un mouchoir.

— Tu sais quoi Barbara ? tu viens de payer ton billet d’allée. Tu ne vivras plus dans la villa de mon frère avec l’acte que tu viens de poser. C’est un blasphème contre nos ancêtres, vouloir rompre une union avec un mort, sacrilège ! 

Il me relâche aussitôt. Je me mets à me dépêcher vers la voiture. J’ouvre la portière de la Peugeot, je me jette dos contre le siège. Je souffle avant de prendre le volant. Je me rends compte que je viens de commettre une erreur, une erreur qui me coutera peut-être très cher. Je viens de leur donner un motif de me mettre hors de chez moi. Je m’inquiète déjà de ce qui pourra m’arriver demain, j’ai la chair de poule. Je parque la Peugeot au garage, et monte dans les escaliers en sanglots. Il se fait tard. Je m’enferme dans la chambre pour pleurer sur le lit, m’agenouillant sur la moquette. Qu’ai-je fait pour mériter tous ces châtiments ? je ne trouve jamais des réponses à mes questions. Je commence à me faire à l’idée que rien ne sera plus jamais comme avant.

La nuit est vite passée, contrairement à mes dernières nuits cauchemardesques. Je tire les rideaux de la fenêtre tout en baillant. Le soleil est éblouissant que la journée promet d’être bonne. Je passe une main dans les cheveux pour les tirer en arrière. Je cours vers la douche après avoir jeté un coup d’œil à l’horloge. Je n’ai plus droit à l’échec après que le patron m’a offert une seconde chance. Je n’ai pas tardé à sortir de la baignoire afin de me chercher une robe à mettre. Mes habits ne sont jamais en ordre. La servante s’en occupait jusqu’à temps que je ne la remercie. Je fais tout de moi-même, le ménage et le reste. Pour la cuisine, c’est à peine si j’ai encore de l’appétit que je me fais des pâtes. Comme hier, je n’ai pas eu le temps de me faire à manger. Je descends en vitesse à la cuisine où je prends quelques tranches de beurres et deux bananes que j’engloutis en conduisant la Nissan. Je cours à toute vitesse dans les couloirs de l’agence pour me diriger vers la salle de réunion afin d’établir le rapport journalier, comme nous avions l’habitude de le faire. Tous sont déjà présents, ce qui me fait constater mon léger retard. Je tire une chaise pour m’asseoir alors que le patron à la tête courbée sur un tas des papiers.

— Mme Barbara, vous êtes en retard, dit-il en ralentie.

— Euh… Je…

— Ceci est un dernier avertissement. Nous pouvons commencer.

Je me suis faite une belle frayeur. Il me fixe pour me donner la parole. Puis je me tiens debout pour débuter la réunion.

— Cher tous, je vous salue. Vue cette longue absence à l’agence due à mon état de santé fragile, je ne sais vous parler avec assurance des dernières transactions qu’a effectué cette dernière, toutefois les fruits sont excellents. Nous pouvons constater une légère évolution croissante des revenus, pourtant on peut encore faire mieux. D’après mes observations, il serait préférable d’augmenter en nombre d’immeubles pour accroitre encore plus mos revenus. J’en avais déjà parlé à notre ancien directeur, monsieur Georges, et l’idée n’a jamais abouti avec tout ce qui m’est arrivé. Par l’occasion, j’aimerai bien retourner la parole à monsieur…

Je me tais un moment, et il prend la parole après s’être rendu compte que j’ignore son nom.

— Mr Roger Mulunda ! désolé de ne m’être pas présenté avant avec tout ce que nous avons eu comme contretemps, dit-il en me fixant.

Il boit une gorgée d’eau, et reprend son discours.

— Voilà ! comme vient de le dire Mme Barbara, notre agence est en pleine croissance, cependant on ne doit pas se limiter à ce que nous produisons d’où elle avance l’hypothèse de la construction des nouveaux bâtiments qui nous permettrons d’atteindre l’apogée, parfait ! l’idée n’est pas à rejeter, mais d’où viendra l’investissement ? c’est vous et moi qui devrions le créer. L’entreprise a pu faire un bénéfice annuel d’un million de francs congolais, sans compter les taxes, sur ses locations. Vous et moi sommes d’accord que l’argent n’est ni suffisant, ni concret pour élever les murs, ce qui revient à dire qu’il s’agit d’un projet à long terme. Une autre idée à proposer ?

Un doigt se lève, c’est Sylvain, le notaire de l’agence qui lève le doigt, et à qui on remet la parole.

— Voilà ce que je propose : l’idée de Mme Barbara est loin d’être moche. Comme vous l’avez dit, il s’agit d’un projet à long terme, pourquoi ne pas économiser dix pour cent des bénéfices annuels ? nous savons tous que l’argent ne viendra pas d’un coup.

Mr Roger hoche la tête pendant qu’un autre doigt se lève, celui de la rose épineuse.

— Vous savez quoi ? je ne suis pas d’accord avec l’idée avancée par Mme Barbara, dit-elle en tirant les lèvres, pourquoi investir dans la construction des nouveaux bâtiments si l’on ne peut même pas bien gérer ceux qui sont à notre possession. Pour moi, cette idée de construire des nouveaux bâtiments ne nous mènera nulle part. en tant que gestionnaire financière, je trouve cette idée coûteuse et contre-productive.

Brenda prend la parole après que Rosa finit son discours.

— Je vais essayer d’aller dans le même ordre d’idée que Mme Barbara et Me Sylvain en le complétant. Je trouve notre agence immobilière plus ou moins bornée, pourquoi ? nous ne nous limitons qu’aux seules activités en rapport avec l’idée des immeubles or nous devrions élargir notre champ d’action. Pour ne pas investir dans la mode, les nouvelles tendances ? ça parait futile. Et pourtant cela nous permettra non seulement de gagner un peu d’argent mais aussi, fera la publicité de nos activités, merci.

Mr Roger acquiesce, il donne la sensation d’être satisfait par l’échange, et il prend la parole.

— Je tiens avant tout à vous remercier pour votre présence, et je peux être certain de me retrouver en face des personnes capables.

Il se tient debout et presse sur le bouton d’allumage de l’écran géant qui donne directement à Paris où se trouve la propriétaire de l’agence immobilière, Mlle Audrey Kiluba, une trentenaire qui possède des nombreux capitaux en plein sud de la République Démocratique du Congo. On n’a le droit de lui exposer nos problèmes qu’une fois tous les ans. Elle a suivi toute la réunion, et elle tient à nous faire part de son avis.

— Bonjour ! ayant suivi votre échange, je peux vous rassurer que vos préoccupations seront prises en compte. Cette agence immobilière n’est pas que mienne, mais c’est notre bien que nous devons tous protéger et lutter pour sa prospérité. Je vous remercie pour ces chiffres qui ne me laissent pas indifférente et je vous dis bon service, une bonne journée à tous.

Le signal se coupe, et Mr Roger nous demande de retourner à nos postes respectifs. Brenda et moi sortons dans la hâte afin que je lui fasse part de ce qui m’arrive en ce moment.

— Je tiens à féliciter l’architecte de cette prospère agence, même si tu aurais dû me soutenir dans l’idée de construire des nouveaux bâtiments.

— Barbara, je n’ai aucune envie de refaire des nouveaux plans pour l’agence, je préfère rester au nouveau poste d’agent immobilier auquel ils m’ont affecté. Pourquoi tu es arrivée en retard ?

— C’est trop long à expliquer ! viens dans mon bureau, je t’explique tout.

Une fois dans le bureau, Brenda prend place alors que je tire les rideaux de la fenêtre. Je prends aussi place et je croise mes bras pour tout raconter à Brenda qui finit par écarquiller les yeux.

— Comment ça ? il te veut quoi encore ce Franck ? ne peut-il pas te foutre la paix une bonne fois pour toutes ?

Je ne sais que dire, je respire juste largement pour faire montre de ma peine.

— Écoutes-moi Barbara, tu ne peux pas te laisser faire cette fois-ci. Je peux déceler l’intention de ta belle-famille. Tu dois lutter comme tu as su le faire pour la première fois.

— Comment ? je ne suis pas trop sûre de te suivre.

— Le fait que Franck ait pris ton alliance n’est pas un hasard, ils vont s’en servir pour t’accuser de tous les crimes du monde.

— J’attends de voir, en tout cas je ne leur ferai pas de cadeau, dis-je en me plaçant devant la fenêtre ouverte de mon bureau.

Je suis sûre d’une chose ; c’est que ma belle-famille ne me laissera pas tranquille tant que je vivrai dans ma maison qu’ils considèrent comme étant celle de leur fils. Le temps a passé si vite que le soleil pointe à l’horizon. Je prends mon sac et ferme mon bureau à clé pour rejoindre Brenda qui m’attend dans la voiture. Pour une première, Rose n’a pas osé me chercher des poux. De toutes les façons, elle est partie trop tôt soit disant qu’elle avait une urgence. J’ouvre la portière arrière pour placer mon sac à main et je m’assois au volant en direction vers la clinique où est interné Mr Georges.

On marche dans les couloirs vers les soins intensifs lorsqu’on se voit interdire l’accès.

— Vous ne pouvez pas entrer.

Liliane se place devant la porte tout en se limant les ongles. Je n’en peux plus de la voir devant moi avec ses airs de grande dame. 

— Liliane, on n’a pas le temps pour ça, dit Brenda.

— Eh bé ! je ne vous connais pas, et c’est inutile de jouer les femmes gentilles.

Brenda écarquille les yeux, ignorant ce qui s’est passé entre ma cousine et moi.

— C’est bon, ne me regardes pas avec ces gros yeux, dis-je à Brenda, je l’ai chassé comme une malpropre l’autre jour que j’ai été virée de l’agence.

Elle soupire et tente d’implorer le pardon de Liliane qui reste catégorique. Quelle voleuse ! elle veut tout simplement un billet de dix-mille francs pour nous laisser passer. J’ouvre mon porte-monnaie et lui tend un billet violet qu’elle saisit avec un large sourire.

— Vous êtes les bienvenues ! Dites, c’est qui vous venez voir comme ça ?

— Pousses-toi, cupide, dis-je en entrant directement dans le dernier couloir qui donne accès à la chambre de Georges.






 


JUSQU'À CE QUE LA MO...