Effet boomerang

Ecrit par Saria

Chapitre 13 : Effet boomerang

***Ouagadougou-Burkina***

***Booba***

J’ai passé ma matinée à la suivre. Qui ? Bah, Selma ! Je sais désormais avec certitude que c’est le point faible de mon ex-frère ami. Quand le « vieux » m'a dit qu’il y avait une femme importante dans sa vie, j’ai d'abord ri pensant à Marlène et je me l’étais faite dans tous les sens. La garce m'a bien eu : elle voulait le beurre, l'argent de Kader et l’argent du beurre, moi. Depuis son divorce avantageux, elle ne me calcule plus vraiment.

Le « vieux » a continué à insister et j'ai pensé à la pétasse de l’école française avec laquelle il s’affiche et le « vieux » m'a dit que celle-là est cachée. La faire mienne reviendrait à prendre le dessus sur Kader et le rendre vulnérable. Puis, je les ai vus ! Ils sortaient du siège du consortium. Quand elle lui parle, il se penche vers elle dans une attitude d’écoute profonde. Elle est déplacée par Brama le chauffeur et garde du corps personnel de Kader.

Le reste n'a été qu'un jeu d'enfant. Je connais suffisamment Kader pour prendre son apparence et lui nuire mais la résistance c’est au niveau du visage. La transformation n’est pas complète, mon visage reste le même, alors je me cache avec un masque. Mais chaque jour, je me rapproche un peu plus de l’objectif. Il y a quelques jours, j'ai failli la prendre mais Kader a été rapide. Il faut dire qu’ils avaient déjà eu une première partie. Le corps et l'esprit de la jeune femme étaient trop détendus, normal ils venaient de connaître la jouissance. C’était pour moi le meilleur moment mais Kader est venu s’interposer !

Je me concentre, elle tourne dans les rayons, regarde les prix avant de choisir.

 

***Selma***

J’étais aux rayons des vins et spiritueux ; j’hésite un peu entre deux vins.

Voix d’homme : A votre place, je prendrais celui de gauche.

Je me retourne pour voir la personne qui n’était pas loin de moi. Elle regardait les whiskies… Un large sourire auquel je réponds spontanément. Vraiment un bel homme, on dirait qu'il a des origines peuhles. J’ai la vague impression de le connaître, c’est assez étrange puisque je suis convaincue de ne l’avoir JAMAIS vu !

Moi : Vous croyez ?

L’homme : Absolument ! Je crois que… c'est pour votre mari ? Ah pardon, je manque à toutes les règles de bienséance ! Je suis Ismaël Alino !

Il a l'accent des benguistes. Vous savez le mien d'accent quoi !

Moi : Enchantée ! Moi c’est Selma… Oui, c'est pour mon homme.

Ismaël : Alors, prenez la bouteille que je vous recommande.

Moi (reconnaissante) : Merci, c'est gentil !

Ismaël : Bon je file ! A bientôt !

Avant que je ne dise ouf, il est déjà parti !

 

***Un peu plus tard au dîner***

*** Kader***

Selma : Alors, il te plaît ?!

Moi : Oui… Toi, tu es allée fouiller dans mes réserves pour voir un peu non ? Ou c'est ta DC qui t'a aidée, je parle de Chérifa.

Selma (rigolant) : Oh l'ingrat ! Je ne me suis faite aider par personne… Ou si un tout petit peu quand-même…

Moi : Oh !!! J’ai des raisons de trembler ?!

Selma : Mais non voyons… C’est un homme assez gentil, il passait faire ses propres courses.

Yacine : Moi à ta place, Papa je garderais les yeux grands ouverts. Elle est belle, ta meuf !

Chérifa et Moi : Pardon ?!

Moi (sévère) : Surveille ton langage, jeune homme !

Chérifa (levant les mains) : En tout cas moi, je n’ai rien soufflé à Tatie hein !

 

L’atmosphère est plutôt détendue ce soir. Depuis la fameuse nuit du gala, je l’ai gardée près de moi. J’ai réussi à repousser son retour de quelques jours. Comme quoi, nous nous retrouvons tout doucement.

Nous restons un peu au séjour après le dîner, avant de monter nous coucher sous les moqueries des enfants… Même Yacine s'en mêle quoi !

Ce soir, je suis épuisé et m'endors tout de suite. Je ne sais plus si ce sont les cris de Selma qui me réveillent ou mon sixième sens. J'ouvre les yeux brusquement, Selma gigote près de moi, tournant la tête dans tous les sens. Son front est couvert de transpiration et elle frissonne.

Selma : Non, non !

Il est revenu le salaud ! C'est tant pis pour lui !

Moi : Bébé, réveille-toi !

Je lui fais de petits baisers sur le front en lui parlant doucement. Elle finit par ouvrir les yeux :

Selma (en pleurs) : Oh Kader, c'est horrible ! J’ai vu Ismaël ! Le monsieur du supermarché… il voulait…

Moi : Ismaël ?

Selma : Oui… il est grand du type peuhl… Il a les yeux…

Tout en hoquetant… Elle me décrit Alino !

- Il voulait me…me… il voulait coucher avec moi.

Moi (l'attirant contre moi) : Ce n’était qu'un cauchemar ! C'est fini, tu vois bien qu'on est seuls non ? Tu es en sécurité.

Elle s’agrippe à moi désespérément ; je la sens frissonner, je lui caresse le dos pour l’apaiser. Je crois qu’il vaut mieux que je taise ce qui se passe pour le moment. Il ne sert à rien de l’effrayer encore plus. De toute façon, elle est désormais mienne !

C’est lui qui va ramasser les pots cassés. La dernière fois que j’avais pris Selma de justesse et que j’ai fait le rituel avec elle, elle a été « minée ». Il ne reste plus qu’à attendre.

 

***Deux semaines plus tard***

***Siège du Consortium Kanaté***

Je suis en train de travailler sur un dossier quand le vent commence à souffler… Je reconnais le message. J’entends distinctement dans ma tête « Lève-toi Toro-Gbaitigui, fils des laobés, Toro le guide et rassembleur… »

Mon panégyrique était déroulé, j’ouvre les volets de mon bureau et je vois le tourbillon. Je descends et prends ma voiture. Alors, je suis la force de la nature qui manifestement doit me mener quelque part ; le vent est pour le moment assez discret. J’arrive presqu’en dehors de Ouagadougou, en banlieue. Je réalise en regardant autour de moi que je suis à Djikofè : ici les gens sont dans des logements précaires. J’arrive dans une concession, du genre des « Non loti » comme on le dit ici. Le tourbillon enfle depuis que je suis sorti de la ville.

Il se met au-dessus d’une cabane en feuilles de tôles usées. Je me gare et parcours le reste de la distance à pied. Dès que j’entre, je vois un vieillard assis, il y a un homme amaigri couché. Il flotte comme une odeur de pourriture dans la pièce minuscule et mal éclairée. Le bonhomme, quand il me voit, se prosterne malgré son âge. Je fais un geste de la main et avance en me courbant un peu plus.

Le malade, car c’est bien un malade… fait signe, le vieil homme et un jeune garçon que je viens de remarquer l’aident à se redresser… Booba ! Dans un visage amaigri, un corps squelettique, je reconnais l’homme qui avait partagé mon quotidien pendant quelques années.

Booba (souffle court) : Diaby ! Je suis désolé… Frère, je suis désolé !

Moi : Comment as-tu osé ?! D’abord Marlène maintenant Selma !

Booba : Pardonne-moi… Regarde-moi ! Je…Je vais mourir… Je suis désolé d’avoir convoité tout ce que tu as.

Moi : J’ai quoi ? Qu’est-ce que j’ai, qui pouvait être partagé et que je n’ai pas partagé pas avec toi !

Booba (respiration sifflante) : Pardon ! Regarde… Mon sexe… Il s’est mis à pourrir… Et…Et à s’effriter tout seul… Je sais… Que… Je vais mourir… Pardonne-moi pour que je m’en aille en paix !

Moi (secouant la tête) : …

Je me lève et sors, bien décidé à ne pas le libérer. J’ai la haine ! Cet homme, je l’ai fait ! Tout remonte, la trahison, le mensonge et l’hypocrisie, le cynisme dont il a fait preuve à mon égard ! Qu’il crève ! Et qu’il ne trouve jamais la paix ! Au moment où j’atteins ma voiture, j’entends distinctement Kompoh dans ma tête.

« Retourne dans cette case et libère cet homme ! Ton cœur doit être vide de toute colère et de toute rancune, tu t’en souviens ! Tu as le devoir du PARDON et de la CLEMENCE en toute circonstance ! Retournes-y ! Diaby, retourne dans cette case ou je t’y fais entrer par la force ».

Au même moment je vois le tourbillon foncer droit sur moi, en triplant de volume, je me précipite dans la cabane. Dès que j’entre, il tourne sa tête vers moi, je prends sur moi et prononce les paroles attendues.

Moi : Booba, va en paix !

Une paix intérieure remplace instantanément la haine que je ressens. Je me lève et sors. Je regagne ma voiture ; sans un regard derrière, je mets le contact et sors de la concession.

 

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L'homme qui n'avait...