En quête du bonheur perdu.
Ecrit par Rre Byzza
- Hé, sais tu que ton violeur de mari est sorti toi?
Penda se tenait devant sa sœur Astou, qui assise à même le sol jouait avec son fils dans le salon de la maison familiale. Elle leva les yeux sur sa soeur, cachant avec peine son ressentiment. Elle joua à l'étonnée, au fond d'elle elle savait, elle avait compté.
- Qui ça?
- Mactar, tu sais très bien que c'est de lui que je parle.
Astou, depuis les événements tragiques vivait ce calvaire. Penda la tenait personnellement pour responsable de ce qui lui était arrivé. Pas un jour où elle ne déversa sa bile sur elle, pleurant à tout bout de champ. Elle vivait constamment sous agression perpétuelle de Penda, qui n'épargnait même pas au passage son fils. Leurs parents s'étaient rangé de son côté tant et si bien qu'elle avait plus par obligation que par décision personnelle prise sur elle de demander le divorce à Mactar, elle n'avait aucun autre choix possible. Et que signifiait l'immense amour qu'elle éprouvait pour le père de son enfant devant l'ignominie qu'il avait osé faire, dans leur maison, dans leur lit, à sa propre sœur? Non elle n'aurait pas pu trouver de raison d'existence à cet amour!
- Penda, tu sais bien que je ne suis plus mariée à Mactar. Tu peux lui en vouloir, je te le répète, mais pas à moi ta sœur, je suis ta grande sœur, je t'ai toujours protégée. Je l'aurais tué si j'avais pressenti pareil événement!
Astou, tu es coupable d'avoir amené le loup dans la bergerie, tu es coupable de l'avoir amené dans notre famille, de l'avoir laissé nous embobiner et gâcher ma vie! Tu devais être en prison comme lui.
- Comment peux tu dire cela? C'est horrible ce que tu fais. Je comprends ta douleur et je la partage avec toi, tu es ma sœur adorée et je t'aime.
- Je n'ai pas besoin de ton amour, garde le pour ton chien d mari, vous êtes des chiens, même votre enfant ressemble à un chien.
Astou sentait la rage la ronger, elle aurait voulu bondir et étrangler cette pétasse, lui crever les yeux, lui couper sa langue de vipère. Mais au fond d'elle elle se sentait coupable de l'état de sa soeur. Et ses parents qui laissaient faire gardaient bien dans le coeur cette accusation froide contre elle aussi.
Nabou, sa meilleure amie lui répétait souvent qu'elle se devait de trouver un appartement et d'aller y vivre avec son enfant, l'atmosphère délétère de cet environnement plein de haine ne profiterait pas au développement psychologique de son enfant.Mais voilà, sous ses contrées, une femme divorcée qui vit seule dans son propre appartement est de la viande pour les hommes selon la voie de la communauté. Et sa mère à chaque fois qu'elle invoquait cette idée devant elle lui répétait l'air méchant; "est-ce pour aller te prostituer que tu veux sortir de la maison de ton père?".
Astou se sentait désespérément seule, elle était passé du bonheur le plus profond à la plus cruelle des tristesses. Penda ne manquait jamais une occasion de lui faire mal, elle avait même fini par convaincre ses parents de la pousser à se marier avec Thierno leur cousin, en deuxième épouse.Ce même Thierno qui avait tenté de la séduire quant elle était adolescente et qui voulait la marier depuis toujours. Certes, par dépit, il s'était choisi une autre femme mais ne laissait aucune occasion de lui rappeler son amour inextinguible. Maintenant qu'elle était divorcée, Sidy, leur père ne voyait pas pourquoi sa fille refusait de l'épouser!
Apeuré par la voix de sa tante, Sada junior s'était réfugié dans les bras de sa mère. D'ailleurs, il filait systématiquement se cacher quand il la voyait arriver. Astou la serra dans ses bras tendrement, lança des regards de feu à sa soeur, se leva et d'un pas alerte s'engouffra dans sa chambre.
Elle avait presque trouvé le sommeil, Sada junior blotti contre lui quand sa mère frappa à sa porte pour lui demander de venir répondre à un invité.
Instantanément, elle avait pensé à Thierno, depuis que ses parents lui ont donné du courage, il se pavanait dans la maison à n'importe quelle heure comme s'il y avait déjà une épouse. Tant de fois se sont-ils retrouvés seuls avec la complicité de toute la maisonnée et qu'elle lui ne cessait de lui enfoncer dans le crane que le mariage, ce n'était pas pour elle. Mais, il s’obstinait, laissant entendre que l'adage dit souvent que la femme n'aime pas, elle s'habitue tout simplement.
Elle prit un foulard qu'elle nouât négligemment sur sa tête, doubla le pagne qu'elle portait avec un autre, sortit de la chambre les pieds nus, ressemblant plus à une domestique qu'à autre chose. Elle eut mouvement de recul en entrant dans le salon, son coeur battait à tout rompre, elle perdit tout à coup tous ses moyens.
Mactar se leva du fauteuil où il s'était assis les deux mains presque ballants, s'attendant à recevoir inconsciemment le corps de son ex épouse pour une étreinte. Un large sourire marquait son visage devenu osseux, rendant ses yeux globuleux. Astou sentit un pincement au coeur, ce frêle homme qui se tenait devant lui avait été jadis un homme épanoui. Elle se reprit, prestement se dirigea sur le canapé où était déjà assis son père et sa mère qui la dévisageaient d'un air sombre. Elle réussit à s'asseoir entre eux deux, cherchant à leur montrer qu'elle était toujours sous leur consentement. Mactar se rassis. Il ne jeta pas un regard à Penda, debout stoïquement près de la fenêtre, les mains croisées. Il se sentit de nouveau dans la salle de ce tribunal où son sort avait été scellé il y'a de cela cinq ans.
Seule le bruit du rotor du ventilateur à plein régime couvrait le silence maintenant dans le salon, on aurait dit un enterrement! Le vieux Ablaye Sy ouvrit enfin la parole demandant à Mactar le but de sa visite. Le chapelet lourd entre ses mains ressemblait en ces instant plus qu'à une arme prête à frapper qu'à un objet de culte. Ses yeux presque mis clos et sa moustache grisonnante qui frissonnait de temps en temps, donnaient à son visage mille mystères.
Mactar baragouina tant bien que mal, il avait oublié tout le discours qu'il avait préparé dès qu'il avait vu Astou, l'amour de sa vie. Il finit son discours plein de remerciements par le besoin de voir son enfant qu'il n'avait jamais vu depuis sa naissance, expliquant que sa propre mère aura tenté plus d'une fois de le faire venir pour au moins le regarder.
Mais comme il s'y attendait, le discours des parents fut brûlant comme de la fièvre.
- Mon gars, avait commencé le vieux Sidy. Nous nous attendions à ta visite, non pas pour la raison que tu viens d'invoquer, bien qu'elle soit légitime, mais surtout pour faire face à tes excuses. Ce qui n'aurait tout aussi rien donné, car le pardon, il te faudra attendre la justice de Dieu. Je m'étais juré de t'ôter la vie si tu osais mettre les pas dans cette maison! Oui, t'ôter la vie!!! Tu m'entends?
La maison grondait soudain. Et malgré l'air que distillait le ventilateur Mactar suintait. Il sentait le poids de l'injustice sur tout son corps, il aurait voulu crier tout aussi fort et lui dire qu'il n'avait rien fait, que c'est sa satan de fille qui avait tout créé, mais il se retint, tout au fond de lui, il n'avait que ce besoin, presque primaire de voir son enfant. Le vieux Sidy continuât.
- Tout enfant a le droit de connaître son père, mais il faut croire qu'il existe des hommes sur terre qui ne méritent pas d'avoir des enfants. Et tu en fais partie. S'il ne tenait qu'à moi, tu ne le verrais jamais cet enfant, mais cette décision appartient à sa mère, c'est à elle seule de décider. Mais quoi qu'il advienne, je ne veux plus jamais te revoir, ni dans ma maison, ni aux alentours, ni même sur mon chemin, je suis capable du pire!
Il se leva sur ces paroles et sortit, suivit aussitôt de Penda en larmes. La mère de Astou ne disait rien, mais elle resta coite dans une attitude de défi envers sa fille pour voir quelle réaction elle allait adopter. Astou se leva prestement, dévisagea Mactar brièvement et lui asséna:
- Ton enfant dort, je ne peux pas le réveiller, pas pour toi!
Elle retourna sur ses pas et s'enferma dans sa chambre. Elle se laissa choir sur le lit et pleura longuement.
Mactar se leva, la mère de Astou incroyablement preste pour son age fonça vers le balai sur le pas de la porte et commença à balayer ses pas en même temps que celui ci marchait vers la porte.
La douleur avait fermé sa bouche, il aurait voulu se défendre, être tué même s'il le faut par le vieux Sidy, mais exiger de voir son enfant. Devant Astou il avait perdu tous ses moyens, il l'aimait encore profondément, et ce réveil de sentiment en lui le blessa davantage. Il tourna la rue pour faire face à la route, resta un moment à attendre un car qui le ramènerait chez lui. Ses yeux embués de larmes qu'il s’efforçait de cacher, empêchait son regard de distinguer les chiffres sur les bus. Il s'essuya les yeux avec la main droite, prit le pan de son habit blanc immaculé pour mieux enlever cette flotte qui ne voulait pas s'arrêter de couler. Les mots durs du vieux Sidy tambourinaient dans sa tête, mais le pire dans ce vacarme intérieur furent certainement les mots de Astou.
Il ne pouvait pas rester dans cette zone, son cœur s'y sentait trop serré. Il prit alors la décision de marcher un peu, histoire d'évacuer ce trop plein de tristesse. Sur ces rues de Médina toujours trop plein de monde, de voitures qui empruntaient ce quartier mythique qui avait v naître le plus grand chanteur du pays, on sentait la vie malgré cet air "d'oublié du temps". Il marchait, l'esprit absent, ne sentit presque pas derrière lui cette main qui le tapotait, son nom qu'on répétait. Sortant de sa torpeur, il eut l'effroi de sa vie.
Devant lui se tenait le cauchemar de sa vie, Penda. Pagne noué trop court, haut trop court laissant voir son nombril, elle avait tout de la bombasse hyper sexy sous ses formes de nymphe. Mactar respirait maintenant trop rapidement, il en avait conscience. Entre son désir de laisser libre court à une animalité sans nom qui voulait s'emparer de lui et son instinct de survie qui lui commandait de s'éloigner d'elle à tout prix, il ne savait que faire.
- Mactar, pardonnes moi Mactar, pardonnes moi! Oh Mactar j'ai gâché ta vie, j'étais trop gamine à cette époque, susurrait-elle entre des sanglots spasmodiques. Mactar l'évita comme un ballon qui vous arrive en pleine poitrine quand elle fit mine de chercher à s’enlacer dans ses bras. Elle se prit le visage, continua à sangloter dans un délire de mots où le mot "pardon" était utilisé à profusion.
Mactar lui, passa de l'étonnement à la colère, toute cette haine qu'il gardait au fond de lui faisait surface, il allait la tuer! Il avançait vers elle, ses mains tremblant, luttant pour les faire se lver. Au fond de lui une voix lui disais non, ne le fait pas.
- Tues moi Mactar lançait elle, tues moi, je sais que tu ne peux pas me pardonner, tu as tout perdu à cause de mes idioties. J'ai voulu parler, mais j'étais allé trop loin pour revenir sur mes actes, je me suis senti lâche, comprends au moins que mon age ne me permettait pas d'avoir le courage de tout révéler. J'avais si peur, si peur. Tues moi si ça peut te faire du bien, tues moi.
Pendant un court instant, Mactar entrevit le visage de sa mère. Non, se dit-il, je ne permettrait pas que ma pauvre mère vive encore de nouveau ce calvaire. Il essuya de nouveau ses larmes et fixa avec un air amer Penda avec tout le mépris qu'il avait pour elle, se tourna mais se vit retenir par Penda. Il aurait voulut se retourner et lui asséner un coup sur la gueule, il se retint, resta à la regarder. Penda ne se lassait pas elle de son discours q'elle ressassait. En son for intérieur, Mactar commença à se demander si en fin de compte elle n'était pas sincère? Peut être qu'elle a du remord, peut être qu'elle regrette, après tout, elle a raison, au moment des faits elle était très jeune et désormais de la maturité se lisait sur son visage tant haï.
Voyant que la colère de Mactar se dissipait peu à peu, elle en profita pour continuer:
- J'ai eu très mal aujourd'hui en te voyant, surtout que je sais que tu es venu pour ton enfant. Astou n'a pas de cœur, elle aurait dû comprendre que c'est ta fibre paternelle qui t'a amené, elle aurait dû te laisser voir son enfant, quitte à affronter nos parents! Mais je te le jure Mactar, tu verras ton enfant, je ne peux pas effacer ce que je t'ai fait, mais je tacherais de t'apporter ton enfant, pour que tu le voies, pour que tu aies le bonheur de le voir enfin.
Les yeux de Mactar luisaient. Enfin un espoir dans ce couloir sombre de sa vie miséreuse depuis. Il en voulait à mort à Penda, mais ne dirait jamais non à une telle occasion. Elle peu bien tenter de se racheter, jamais il ne lui pardonnerait, mais ce besoin impérieux de voir son enfant était plus fort que tout.
Voyant de plus en plus ses yeux se raviver, Penda se sentit en extase, après tout ce n'était pas si difficile de manipuler un homme, surtout un homme qui a besoin de voir son enfant. Elle ouvrit les mains de Mactar et y laissa quelque chose avant de se retourner et de s'enfuir, ondulant dans sa fuite ses fesses comme dans une danse endiablée.
Mactar ouvrit la main et vit une poignée de billets de banques de dix mille francs. il les regarda longuement, il en avait si cruellement besoin en ces moments. il détourna la tête, les regarda encore une fois avant de les laisser tomber comme s'ils lui brulaient la paume.