La liberté des innocents.

Ecrit par Rre Byzza

Rien n'a changé dans le décor des rues de Grand Yoff, ses rues étroites, ses maisons aux couleurs déteints depuis longtemps, l'insalubrité qui le caractérise et toujours cette sur population qui en fait un quartier oublié des projets de développement. Mactar marchait, presque absent à travers les ruelles. C'est ici qu'il a passé son enfance, mais il ne sortait presque pas, ses parents ayant toujours pensé que se mêler aux enfants du quartier ferait de lui ou des ses frères et sœurs des délinquants.  Quelques rares fois où il s'échappait du nid familial pour se mêler aux bandes de gamins qui traînaient perpétuellement dans la rue, il ressentait la déchirure immense qu'il y'avait entre les parents et ces enfants délaissés à eux même qui se livraient à des jeux qui appartenaient au monde des adultes.

Perdu dans ses souvenirs, il manqua de se faire renverser par un gamin qui sorti d'une maison filait à toute allure pour échapper à une femme, assurément sa mère qui hurlait derrière lui mille promesses de représailles, dans un langage que la décence interdit de rapporter. Il tourna enfin la ruelle principale pour s'engager dans celle qui menait tout au long à la maison familiale. Il se sentit soudain fiévreux, autant d'yeux qui le regardaient passer, certains l'épiant à travers fenêtres et balcons, il sentit ses jambes le lâcher, une étrange sensation le prenant. Néanmoins, il pressa le pas, longea presque les murs pour échapper aux regards et entra dans la maison de ses parents. Retourner en ces lieux fut sans nul doute plus que douloureux, mais avait-il le choix? Il n'avait nulle part autre où aller. Grandir dans ce quartier populeux et en sortir est signe de réussite, mais y habiter et valser entre ici et la prison est habituelle. 

Aïda, la femme de son frère Lamine le vit la première, elle était dans la cuisine entrain de préparer le repas, elle fit mine de ne pas l’apercevoir, s'affaira sur les ustensiles de cuisine et fit mine de s'étonner quand il se tint derrière elle et la salua.

- Mactar, ça va? Ah tu es sorti? Depuis quand?

- On m'a libéré ce matin, ça va! Et les enfants, ils vont bien?

- Oui ça va, ils sont parti à l'école.

Il doivent avoir bien grandi, j'espère qu'ils me reconnaîtront quand ils rentreront de l'école.

- Surement, tu n'as pas bien changé.

Mactar se retourna et vit de devant une porte, la main gauche appuyé presque sur la pommelle, sa mère, Mère Anta. Elle le regardait, les yeux embués de larmes, la bouche entrouverte comme pour sortir des mots qui refusaient de sortir, il s'élança et se laissa choir sous les pieds de sa mère Il pleura, il pleura longtemps, évacuant ainsi tout ce vide qui s'était emparé de lui depuis son arrestation, il tint la jambe de sa mère risquant même de la faire tomber. 

- Mactar, c'est toi? Dit-elle dans un ton où s’emmêlait tristesse et désarroi.

- Oui Maman, c'est bien moi.

Elle se laissa tomber lentement sur le dos de son fils, les deux formes recourbés, sursautant, pleurant.


Quelques heures plus tard, il se surprenait à rire, lui qui n'avait plus ri depuis cette fameuse matinée.  Couché sur les jambes de sa mère, sur une natte à même le sol de la véranda,  il écoutait celle ci lui raconter toutes les choses qui s'étaient passés durant son absence, récit quelques fois agrémenté d'anecdotes qui le faisait rire aux éclats. Il se sentait revivre. Le temps sembla s'arrêter, il n'avait plus mal, ou presque.

Mère Anta lui expliqua son AVC quand elle a su pour son arrestation, ses ennuis de santé depuis et l’interdiction formelle que ses frères et sœurs lui avait faite de sortir de la maison à plus forte raison d'aller le voir en prison. Mactar sentait de nouveau son cœur lourd, de ce poids qui l'étranglait depuis.  

- Ma je te jure sur ta vie et celle de mon unique enfant, vous les êtres les plus chers de mon existence, que je suis innocent! Je n'ai jamais touché Penda, elle a tout manigancé.

- Je sais mon fils! Tu sais Mactar, le cœur d'une mère est le terroir de l'âme de son enfant. De tous mes enfants, tu es le seul vraiment incapable de faire du mal à une personne, à fortiori de faire une telle ignominie. 

Mactar entama le récit de sa mésaventure, avec fortes détails pour faire comprendre son innocence à sa mère.

- Je l'ai toujours considéré comme une sœur, je payais ses études, m'occupais de ses moindres désirs, tout ça par amour pour sa sœur! Elle s'est elle même blessé, je ne sais pas comment, criant, je suis revenu vers la chambre pour la trouver ainsi, les habits en lambeaux, en sang. J'ai cru qu'elle s'était blessé d'une quelconque manière, pire qu'elle ait même attenté à sa vie! C'est quand j'ai voulu la tenir qu'elle m'a attrapé, déchirant mes habits, les tâchant même avec son sang, criant jusqu'à ce que les voisins entrent et me voient ainsi!

- Mon enfant, tu as été bien naïf devant les menaces d'une femme, une femme qui chasse ne revient jamais bredouille! Mais laisse tout entre les mains de Dieu. Comme le disait ton feu père, tout ce qui t'arrive dans ta vie, rends grâce à DIeu, c'est Lui qui a tracé ta voie ainsi, prie Le pour qu'il te donne le meilleur après ça.

- Ma, j'ai tout perdu, ce n'est pas que je crois plus en Dieu, mais que pourrait-il m'arriver de meilleur dans ma vie après cette descente aux enfers? 

- Dieu est tout puissant, Il est apte à tout, prie Le et crois ferment qu'un meilleur destin t'attends, parole de ta mère qui t'aime.

Leur discussion fut interrompue par l'arrivée des enfants de l'école. Ndeye Rama, l'aînée de Lamine avait maintenant douze ans, elle rayonnait déjà comme une princesse, Sada quant à lui, du haut de ses huit ans ressemblait trait pour trait au père de la famille dont il porte le nom. Les enfants saluèrent leur grand mère qui les chahuta, montrant plus d'engouement pour Sada qu'elle appelait affectueusement "petit mari". Mactar regarda intensément Ndeye Rama, tira sur cette frêle main qu'elle lui tendait pour le saluer, la fit s'asseoir sur ses genoux comme du temps de ses sept ans quand elle passait presque tout le temps chez lui, il l'embrassa sur les joues, la serra contre lui. 

- Tu me reconnais ma chérie? 

Avant que la petite n'ouvrit la bouche, sa maman qui s'était incrusté sans qu'on le remarqua tira les mains de la gamine violemment, s'ensuivit une rapide bastonnade sans que la petite ne comprenne ce qu'elle aura fait comme bêtise. Mère Anta était abasourdie, Mactar ne comprenait pas non plus. 

- Ndeye Rama, ragea Aïda, combien de fois t'ai-je dis d'enlever tes habits quand tu rentre de l'école hein? Tu les salis et c'est moi qui fait le linge!

- Aïda ! Cria Mère Anta. Au moins lui auras-tu laissé le temps de saluer les humbles habitants de cette maison? 

Mactar, lui, venait de comprendre, la vérité lui était apparu en une fraction de secondes. Lui le bagnard fraîchement sorti de prison sous l'accusation de viol, il ne pouvait pas approcher la fille de son frère qui jadis fut sa fille !

Le viol