Encore des explications
Ecrit par lpbk
J’ai dû finalement m’endormir dans la
voiture d’André car lorsque je me réveille, je ne suis pas dans mon lit.
Je soulève la couette et constate que je
suis en sous-vêtement. J’observe la pièce qui m’entoure. Le peu de murs
présents est entièrement blanc ; le reste des cloisons se compose d’immenses
baies vitrées qui donnent une vue d’ensemble sur les grands bâtiments de la
ville. Comme dans le reste de l’appartement, il n’y a quasiment aucune
décoration : quelques bibelots ici et là mais rien d’extravagant, montrant
les goûts du propriétaire. Au pied de l’immense lit, une causeuse en cuir crème
repose sur un épais tapis à poils longs, dans les mêmes teintes. J’y aperçois
une tenue : jeans, chemisier, sous-vêtements et paire de baskets.
Je secoue et me dirige vers la porte au
fond de la chambre, légèrement entrebâillée, laissant deviner la salle de
bains. Le style change quelque peu : le blanc des murs, vasque et
toilettes côtoie ici les mosaïques noires du sol et de la douche à l’italienne
qui est gigantesque. Je me faufile dessous et laisse l’eau chaude coulée sur
mon corps. Après m’être savonnée, je me rince, me sèche et enfile la tenue,
gentiment prêtée par André et qui me va à merveille, comme par hasard.
En sortant de la chambre, j’attrape mon
smartphone qui trône sur la table de nuit et que je n’ai bizarrement pas pensé
à consulter depuis mon réveil et qui semble bien silencieux aujourd’hui. Il est
à peine neuf heures du matin.
Je me laisse guider par la délicieuse
odeur de petit-déjeuner pour trouver la cuisine où officie Marguerite.
— Bonjour mademoiselle, me salue-t-elle. Monsieur Felton
ne m’a pas dit ce que vous mangiez habituellement alors je vous ai préparé un
peu de tout, me dit-elle en me désignant la table où diverses cloches attendent
d’être soulevées pour dévoiler leurs secrets.
— Vous en avez préparé pour tout un régiment, non ?
demandai-je, dubitative.
— Ne vous inquiétez pas. Ce que vous ne toucherez pas sera
envoyé à des centre de charité que finance monsieur Felton pour les personnes
les plus pauvres et les sans-abris.
Une nouvelle facette d’André que je ne
connaissais pas. Je savais qu’il était altruiste et lorsque nous étions
ensemble, il faisait toujours en sorte d’aider les plus démunis, mais de là à
aider des centres. Enfin, venant de lui, plus rien ne devrait m’étonner.
Je savoure donc de délicieux pancakes
nappés de sauce caramel accompagnés de fruits frais et d’un jus d’oranges
fraichement pressées. Marguerite me sert une tasse de café, que j’apprécie. Il ne
s’agit pas d’un café insipide tout droit sorti d’une machine, mais bien d’un
café moulu et fait à l’aide d’une cafetière à piston. Bref, un vrai régal.
Lorsque je sors de la table, mon ventre
est gonflé d’avoir trop mangé mais il en reste encore pour au moins une dizaine
de personnes. Cependant, je ne culpabilise pas puisque rien ne sera gâché.
— Dite-moi Marguerite, André n’est pas levé ?
— Depuis longtemps. Il vous attend dans son bureau.
— Qui se trouve ?
— Troisième porte après votre chambre.
Je la remercie et la laisse à ses
occupations pendant que je rejoins mon hôte.
Lorsque j’arrive près de la porte, la voix
d’André se fait entendre. Il semble en pleine conversation téléphonique avec
son père. Je ne sais pas que faire : attendre au risque de surprendre des
informations ne me concernant pas ou toquer et probablement le déranger. Finalement,
la tentation d’écouter à la porte est trop forte et je reste silencieuse,
attendant la suite.
— Il fallait sans douter, papa. Tu pensais vraiment qu’ils
seraient restés biens gentiment à nous attendre ?
Il parle probablement de Pierre et la
famille de ce dernier. Ils ont dû prendre la poudre d’escampette pendant que
nous épongions les larmes d’Olivia.
— …
— Je n’en doute pas mais… Bien sûr, papa. Je comprends
tout à fait qu’elle veuille des explications mais que peut-on ajouter de plus ?
Ce type est un salaud. Il s’attendait à mettre la main sur sa fortune, Olivia n’avait
aucune importance pour lui ! Il faudrait qu’elle…
— …
— Bien. Mélanie attend que je la fasse entrer. Nous arriverons
d’ici quelques minutes.
Je sens le rouge me monter aux joues. Depuis
le début, il savait que j’espionnais derrière la porte. La honte !
Je prends une profonde inspiration et
pousse le battant, révélant le bureau d’André, dont le sourire goguenard
savoure ma déconfiture.
— Désolée, je ne voulais pas…
— Tu ne voulais pas écouter ? Vraiment ? m’interrompt-il,
malicieusement. Tu es une bien piètre menteuse Mélanie.
— Ce n’est pas ce que tu disais il y a quelques années,
lançai-je sur la défensive.
Le sourire facétieux de mon interlocuteur
s’estompe brusquement et je regrette cette répartie idiote, qui m’a échappée
sans que j’y réfléchisse.
— Tu as raison. J’ai eu tort à l’époque et je m’en
excuse.
— Enfin, là n’était pas le propos et…
— Finalement, je pense que le moment est plutôt bien
choisi au contraire. Il est temps de mettre carte sur table entre nous,
Mélanie. Après la débâcle d’hier, nous devrions avoir pris conscience que l’honnêteté
prime sur tout.
— Comment va Olivia ? m’enquis-je, voulant éviter
le sujet que m’impose André.
— Mal comme tu peux t’en douter, me répond-il. Et la gueule
de bois n’aide pas.
— Je devrais retourner chez tes parents. Les prestataires
vont bientôt arriver pour…
— J’ai chargé Philippe de tout gérer, m’interrompt à
nouveau André.
— Mais c’est mon travail ! m’écriai-je, outrée.
Le regard que me lance alors mon
interlocuteur me cloue le bec. Visiblement, mon job attendra.
— Pour en revenir au sujet qui nous intéresse,
reprend-il, comme je te l’ai dit il y a quelques semaines, j’ai été questionné
Matthieu.
— Je m’en souviens, fis-je d’une toute petite voix.
— Tu n’es pas curieuse de savoir ce qu’il avait à me
raconter ?
— La vérité, je suppose. Qu’il était attiré par les
hommes, qu’il venait de l’avouer à ses parents, que son père est entré dans une
fureur noire, qu’il l’a mis dehors et qu’il a trouvé refuge chez moi. que nous
avons parlé durant des heures, de lui, de toi, de nous et que nous nous sommes
endormis ensemble. C’est bien cela ? Enfin, en gros, ajoutai-je.
— En gros, oui mais il y a des éléments dont tu n’es
visiblement pas au courant.
— Lesquels ? m’enquis-je.
— Tu n’as pas trouvé étrange qu’après notre rupture, tu
n’aies plus eu de nouvelles de Matthieu, justement ? me demande André, me
prenant au déporvu.
— Eh bien… Je n’y ai pas réfléchi, je dois dire… Je
suppose, continuai-je, hésitante, qu’il se sentait coupable pour nous, qu’il
avait honte et qu’il ne voulait pas t’avouer son homosexualité.
— Coupable, il l’était ! Tu as raison sur ce point
mais pour le reste, tu te trompes sur toute la ligne.
— Alors, de quoi se sentait-il fautif ?
— Tu ne l’as jamais revu depuis toutes ses années ?
m’interroge-t-il sans me répondre.
— Non ! Comme tu le sais, après ton départ, j’ai
refait ma vie. Je me suis mise en colocation avec Coralie et Astride. Elles m’ont
aidé à surmonter ce qui m’arrivait, nous sommes vite devenues inséparables et…
voilà ! J’avais décidé de tirer un trait sur ce passé qui m’avait bien
trop fait souffrir, ma mère a même donné sa démission à la tienne peu de temps
après. D’ailleurs, je n’ai jamais compris pourquoi car ce qui s’était passé
entre nous n’aurait jamais dû impacter sur…
— Car elle savait la vérité ! me coupe André.
— Mais quelle vérité à la fin ? m’emportai-je, me
levant brusquement de mon fauteuil. Quelle vérité André ? dis-je plus
calmement en posant à plat mes deux mains sur son bureau et en me penchant vers
lui.
— Matthieu n’est pas plus homosexuel que ou moi, Mélanie !
— Mais… mais si, bégayai-je. Il me l’a avoué. Il a même
dit qu’il le savait depuis longtemps, qu’il était même amoureux de toi.
— Ce n’était que du vent, m’assena André. Il avait été
payé pour te débiter sa petite tirade.
— Payer ? Enfin, je ne comprends pas. Pourquoi m’aurait-il
menti ? Et qui l’aurait rétribué pour faire cela ? le questionnai-je,
désorientée.
— Tu ne connais pas une personne qui ne t’a jamais
vraiment portée dans son cœur ? me demande doucement mon premier amour.
Je refuse d’y croire. Je ne peux pas !
Comment… Pourquoi aurait-elle fait cela ?
Mais je ne dois pas me voiler la face. Je savais
et je sais qu’elle en est capable. Elle me détestait à l’époque et à la lueur
des derniers évènements, elle ne me porte pas plus dans son cœur aujourd’hui. Rémunérer
une personne proche pour nous briser était une idée brillante et qui en prime,
avait fonctionné.
Lorsque je regarde de nouveau André dans
les yeux, il sait que j’ai compris.
— Elle me déteste à ce point-là ?
— Ma mère ne te déteste pas. Elle pensait que tu en
avais après notre fortune. Elle m’a expliqué avoir essayé de me protéger car
selon elle, j’avais des œillères, tu n’étais pas faite pour moi et tu m’embobinais
sans que je m’en rende compte.
— Je me fichais de…
— Je le sais très bien, je l’ai toujours su d’ailleurs !
— Mais Matthieu ? Pourquoi lui ? Pourquoi
a-t-il accepté ?
— Pour entrer à l’université, il avait contracté un prêt
étudiant conséquent. L’argent que ma mère lui a versé l’a grandement aidé à le
rembourser.
— Alors, tout n’était qu’une question d’argent, n’est-ce
pas ? Et ma propre mère était au courant ? crachai-je, soudainement
furieuse contre la mère d’André, contre Matthieu mais aussi contre André et ma
mère.
— Ta mère l’a compris mais je ne sais pas comment. Tu
sais, elle ne pensait qu’à te protéger.
— Nos parents feraient mieux de se mêler de leur vie. Ils
pensent nous aider mais ils font pire que mieux !
— Ne lui en veux pas… tente de me calmer André, qui ne
fait finalement qu’exacerber ma colère.
— Ne pas lui en vouloir ? m’emportai-je. Comment pourrais-je
ne pas lui en vouloir alors que pendant tout ce temps, elle savait. Qu’elle
aurait pu me dire que rien n’était de ma faute. Que je n’avais rien fait de
mal. Qu’une sale égoïste s’était chargé du sale boulot avec la complicité d’un…
— Tu parles de ma mère, me prévient doucereusement
André.
Mais je n’en ai pas fini ! Il faut
que ma colère sorte, que je vide ce que j’ai à dire. Il voulait mettre carte
sur table et bien, je vais le faire.
— Parlons-en de ta mère, justement ! Madame Felton,
la perfection incarnée ! C’est une vipère de la pire espèce. Tu as cru une
seconde à ce qu’elle t’a raconté ? Elle ne sait que disséminer son venin
pour mieux vous contrôler !
— Mélanie, tente une nouvelle fois mon interlocuteur.
— Ta mère m’a toujours détestée et c’est encore le cas
aujourd’hui. Si elle savait que son fils et moi avions eu une aventure, elle s’empresserait
de trouver un nouveau bobard pour nous séparer à nouveau !
— Non, je ne le ferais pas, intervient une vois dans mon
dos.
Lorsque je me retourne, je me trouve
nez-à-nez avec l’objet de ma rage : madame Felton.