sacré Pierre
Ecrit par lpbk
— Non ! Bien sûr que non ! Il va arriver… un peu en
retard mais ses parents sont…
— Ses parents ne sont pas là non plus, m’interrompt
André.
Je tourne sur moi-même, scrutant la foule
des invités à la recherche des parents de Pierre mais ne vois leurs visages
nulle part.
— Il ne peut pas me faire ça ! Il ne peut pas faire
ça à Olivia ! m’écriai-je, désespérée.
— Il ne viendra pas, il faut te faire une raison.
Maintenant, nous allons faire comme si tout allait bien et monter voir Olivia
pour lui annoncer.
— Nous ne pouvons pas… Elle va être… balbutiai-je, sous
le choc.
— Dévastée ? Certainement. Mais mets-toi à sa place
deux secondes. Tu préfèrerais apprendre la nouvelle devant un parterre de gens
ou en privé ? me sermonne André.
Je dois avouer qu’il a raison. Comment
puis-je être aussi égoïste ? Olivia va être effondrée. Elle est tellement
amoureuse de Pierre. Comment peut-il lui faire ça ? A seulement quelques
minutes de la célébration. S’il y a bien une personne qui ne mérite pas ce
châtiment c’est bien Olivia. D’ailleurs, personne ne mérite d’être laissé en
plan au pied de l’autel.
Je prends une profonde inspiration et
expire par le nez.
— Prête ? me demande André.
— Uniquement si tu m’accompagnes, répondis-je, en quête
de soutien.
— Tu ne pensais tout de même pas que j’allais laisser ma
sœur affronter cette nouvelle sans soutien. Et puis, je pressens qu’elle aura
besoin de quelques explications.
— Pourquoi ? Tu connais les raison de la fuite de
Pierre ? fis-je, étonnée.
— J’en avais une vague idée. Mes doutes se sont
confirmés ces derniers temps, réplique le frère de l’ex-future mariée.
— Tu pourrais être un peu plus précis ?
— Les précisions attendront bien quelques minutes, me
réprimande-t-il. Olivia ne devrait plus tarder à descendre maintenant.
Je consulte mon smartphone et
effectivement, Olivia est censée quitter sa chambre d’ici quelques secondes. Il
nous faut faire vite.
— Allons-y ! dis-je en attrapant la main du témoin.
Olivia n’est que l’ombre d’elle-même. Sa
robe de mariée git lamentablement au sol. Froissée. Son maquillage a coulé sur
ses joues et les noircit. Ses yeux sont gonflés d’avoir trop pleuré et son nez
est rouge à force d’avoir coulé. Des mouchoirs s’amoncellent sur la coiffeuse
de la jeune femme, chiffonnés, remplis des larmes de désespoir d’une femme qui
vient de comprendre qu’elle s’était trompée sur toute la ligne concernant
l’homme qu’elle aime.
— Répète-moi encre André. Pourquoi ? gémit-elle,
secouée par une nouvelle crise de larmes.
Leurs parents nous ont rejoint après
quelques minutes, s’inquiétant de ne pas vois les mariés arriver et s’avancer
vers l’autel du bonheur.
Pour une fois, la mère de famille a fait
preuve d’une compassion que je ne lui connaissais pas. Elle a pris sa fille
dans ses bras et lui a assuré que tout allait s’arranger. Qu’elle prenait les
choses en main. Elle nous a alors expliqué qu’elle allait s’occuper des
invités : les renvoyer gentiment chez eux et leur faire parvenir, à
chacun, un coffret avec de la nourriture pour éviter le gaspillage.
Le père s’est assis à côté de sa
« fille chérie » et l’a bercée tendrement pendant qu’André reprenait
pour la énième fois ses explications.
— La famille de Pierre est criblée de dette, en partie à
cause de placements hasardeux du père mais aussi grâce à leur cher fils, qui
est accro aux jeux. Votre mariage était censé renflouer les caisses familiales.
Pierre pensait contracter un contrat juteux ; au bout de quelques mois, il
aurait demandé le divorce et héritait en grande partie de ta fortune.
— Alors il ne m’aimait pas.
C’est une affirmation et non une question.
Une affirmation misérable mais criante de vérité. Pierre s’est servi d’Olivia.
Elle était la poule aux œufs d’or et elle avait tellement envie de croire à son conte de fées, qu’il avait été facile
de la berner.
— Comment l’as-tu découvert ? demande-t-elle une
nouvelle fois.
— J’ai reçu la facture du Persée, avoue piteusement
André.
Si mes souvenirs sont bons et je pense
qu’ils le sont, le Persée est le restaurant qu’avait fait privatiser à grands frais Pierre pour faire sa demande
en mariage à Olivia.
— Ça a été ton premier indice, n’est-ce pas ?
l’interroge sa sœur.
— Tu connais la réponse, ma chérie, la réconforte son père.
tu devrais peut-être…
— Non, j’ai besoin de l’entendre encore une fois, se
rebelle-t-elle. J’en ai besoin, termine-t-elle piteusement, des sanglots dans
la voix.
— Oui, c’est le premier indice qui m’a mis la puce à
l’oreille, reprend André. J’ai contacté le restaurant et la responsable m’a
expliqué que la facture n’avait pas été réglée. Qu’elle avait essayé de
contacter Pierre à plusieurs reprises mais que celui-ci ne répondait pas puis
le numéro n’avait plus été attribué. Ils ont fait le lien avec moi et… Bref,
j’ai réglé la note mais ai commencé à avoir des doutes sur lui et sa famille.
On pourrait presque croire, à son air et
au ton de sa voix, que tout est entièrement de sa faute. Alors que finalement,
premièrement, il n’en est rien et deuxièmement, il a sauvé sa sœur de ce
mariage.
— Alors tu as enquêté…
— Oui, affirme-t-il une seconde fois. Je voulais
comprendre ce qui se tramait. J’ai mis mes meilleurs agents sur le coups :
ils ont découvert les placements du père, les dettes de jeux de Pierre dans
plusieurs casinos dont certains lui ont interdit l’entrée à vie d’ailleurs. J’ai
eu confirmation de leurs problèmes financiers lorsque nous sommes allés choisir
son costume. Nous avions rendez-vous chez ses parents puisqu’il avait emménagé
le temps des fiançailles. Lorsque nous sommes arrivés, Antoine et moi avons été
surpris par le dépouillement du rez-de-chaussée mais Pierre nous a affirmé que
sa mère avait décidé de redécorer les lieux. J’ai su à sa mine peu convaincante
qu’il mentait.
J’ai eu droit à la même version des faits.
— D’où sa hâte de fiançailles courte. D’un mariage
rapide. Sois disant parce qu’il se préservait pour le plus beau jour de sa vie
et qu’il brûlait de désir pour moi, crache rageusement Olivia.
Probablement. Ils devaient être au pied du
mur. Si leurs créanciers se montraient insistants, il fallait à tout prix les
calmer et la promesse d’un mariage juteux avec une héritière fortunée était le
garantie alléchante, qui avait dû faire son effet.
— J’ai appris plus tard qu’ils avaient dû vendre des
tableaux de maitre et des meubles de grande valeur pour parer au plus presser.
Ils avaient déjà liquidé des bijoux et des objets sans importance mais ça
n’avait pas été suffisant pour qu’ils se renflouent.
— Alors, ils leur restaient moi. l’héritière des Felton.
Riche comme Crésus. Stupidement romantique. Manipulable à souhait, énumère
Olivia avec amertume.
— Arrête ma chérie. Il a su te charmer, beaucoup de
femmes seraient tombées dans le panneau. Tu ne pouvais pas deviner.
Evidemment, rien ne laissait penser que
Pierre n’était qu’une ordure. Un manipulateur. Un tricheur. En résumé, un salop
de la pire espèce.
Il était le gendre idéal. Le rêve de
toutes femmes. Séduisant, athlétique, charismatique, prévenant. Mais si vil
sous cette apparence lisse et brillante.
— Alors, tu l’as confronté ? reprend la jeune
femme.
— Confronté est un bien grand mot, nuance son frère. Je
lui ai demandé pourquoi il nous avait caché les problèmes financiers de sa
famille et les siens. Il a tout nié en bloc, arguant qu’ils n’avaient aucune
difficulté. Allant même jusqu’à laisser sous-entendre que je mentais pour ne
pas avoir à payer le mariage. Alors je lui ai parlé du contrat de mariage que
j’avais fait établir.
— Alors il a compris qu’il ne toucherait pas un sou même
en cas de divorce.
— Effectivement. J’avais tout prévu pour que tu sois
protégée, nous en avions parlé papa et moi bien avant de savoir pour Pierre.
— Heureusement que vous êtes là pour pallier à mon
idiotie chronique, lâche Olivia qui semble se ressaisir.
La tristesse laisse peu à peu place à la
colère, à la rage, à la fureur de la jeune femme. Elle embrasse son père sur la
joue puis se lève dignement, le visage fermé.
— Merci André, dit-elle d’une voix radoucie en faisant
face à son frère. Merci de m’avoir protégée. Merci d’être toujours là pour moi.
merci d’avoir tout payé. Je te promets de te rembourser jusqu’au dernier
centime pour tout ! Le Persé, les frais du mariage, d’avocats… Absolument
tout.
— Tu ne me dois rien Olivia et tu le sais très
bien ! Je suis ton frère. Mon rôle est de te protéger. Viens là.
Il l’étreignit et elle enfouit sa tête
contre son torse.
Je me sens de trop ais Olivia n’a pas
voulu que je parte. Elle avait besoin de moi, alors qu’elle avait renvoyé
Tessa, Hailey et même Claire.
Elle s’écarte alors de son frère et
l’embrasse à son tour sur la joue avant de me faire face.
— Mélanie ! Je te dois tellement, commence-t-elle.
— Non, tu ne me dois rien du tout, dis-je d’une voix
douce en prenant la main qu’elle me tend.
— Si ! Tu as été d’un grand soutien au cours de ces
deux mois, tu as tout géré et aujourd’hui encore, tu es là pour m’épauler. Tu
es tellement plus qu’une amie, tu es une sœur pour moi. et André ferait bien de
régulariser votre situation rapidement, me souffle-t-elle, assez fortement
toutefois pour que l’intéressé l’entende.
Je rougis jusqu’à la racine des cheveux
mais lui souris.
— Et si nous allions dévaliser le buffet et boire ce
champagne ? déclare-t-elle alors. Ce serait dommage de gâcher le travail
de Jacques. Autant en profiter, s’esclaffe-t-elle.
— Je te raccompagne ? me propose André.
Il est pratiquement minuit. Nous sommes
aussi épuisés l’un que l’autre. Cette journée a été intense en émotions mais
elle a aussi été très longue.
Nous venons de réussir la périlleuse
mission de coucher Olivia, qui a bu pas mal de bouteilles de champagne et n’a
pas arrêté de danser. Oscillant entre une joie intense, débridée et exubérante
et un été d’apitoiement taciturne, incommensurable et amorphe. Impossible de
lui faire entendre raison dans un état comme dans l’autre.
Finalement, la fatigue l’a emportée et
nous avons pu la guider vers sa chambre. Je l’ai aidée à se changer dans son
demi-sommeil et l’ai bordée avant de la laisser.
— Non, refusai-je. Tu devrais aller te reposer, toi
aussi. Je vais appeler un taxi.
— Ne dis pas de bêtise. Je rentre chez moi et ton
appartement est sur mon chemin, je peux faire un crochet pour te déposer.
— Si tu insistes, répondis-je, lasse.
Je ne m’étonne même pas lorsqu’il
m’attrape la main et la serre doucement dans la sienne.
Lorsqu’il m’aide à ma glisser sur le siège
passager de sa voiture.
Lorsqu’il m’ôte doucement mes scandales.
Lorsqu’il m’enveloppe délicatement dans un
plaid, ma tête roulant déjà sur le côté.
Lorsqu’i repousse une mèche de cheveux qui
vient de tomber sur mon visage.
Lorsqu’il pose ses lèvres douces et
sensuelles dans mon cou, en un baiser furtif.
Ni lorsqu’il me murmure des mots doux à
l’oreille, pensant que dans mon demi-sommeil, je ne l’entends pas.