Enfin mariés

Ecrit par Marc Aurèle


Je me tenais à la fenêtre de la chambre. La vue qu'elle donne sur la plage de fidjrossè en fin de journée est toujours magnifique. Le soleil se trouvant bien au bout de sa course, se bat avec l’horizon pour ne pas se faire happer. Du cinquième étage de l’immeuble El naser où nous habitons, Ray, junior et moi, la vue est parfaite. Je ne me privais jamais de cette belle opportunité de communier avec la nature.

Nous sommes au mois de juin et je venais de rentrer du service. Ayant fini un peu plus tôt que d'habitude,  j'avais eu hâte de rejoindre les miens, mais hélas mon appartement était vide. J'en avais fait le tour, sans empressement et quand je me mis à la fenêtre, ce n'était que mérite et relaxation. Probablement mes amours devraient se trouver au marché. Je plongeai ma main dans la poche de mon pantalon pour en sortir mon smart phone. J'avais le numéro de Ray en raccourci sur l'écran et quand j'en touchai l'icône, l'appel fut lancé. Un large sourire s'affichait sur mon visage à chaque fois que je regardais cette photo de mon épouse faite par notre fils de trois ans. Elle décrocha à la troisième sonnerie.

- Trésor tu es rentré déjà ?

- Oui et je n'ai vu personne réponse dis je...

- Humm... Nous rentrons déjà. Je suis allé me faire belle pour demain.

- Quoi? Y a quoi demain?

- Tcheeeee trésor! Tu as oublié le mariage des parents de ton ami?

- Ah ça... ok à tout à l'heure.

Je venais de raccrocher. Merde alors comment avais-je pu oublier que les parents de Jules se marient demain et pourtant hier on en pariait encore et dans une de mes blagues idiotes, je proposais qu'on organise pour son père un enterrement de vie de garçons, dans un bar de strip-tease.

Jules est mon meilleur ami. Nous avons grandit dans la même rue. Tous du même âge à quelques mois de différences,  nous avions fait les mêmes écoles du primaire au secondaire. Les parents de Jules n'avaient pas les moyens de lui faire poursuivre le cycle universitaire. Après le bac, il avait alors commencé par enseigner dans une école primaire. Nous fûmes séparés durant cinq années et à mon retour de Londres,  j'avais retrouvé un frère ami, totalement transformé. Il était devenu père, avec trois marmots braillards, vivait toujours dans la maison familiale avec son père et sa mère, roulait toujours la vieille mobylette BBCT de son père. Il avait transformé son studio en y ajoutant une terrasse qui fait office de salon. A le voir dans ses conditions, je compris que ses rêves étaient morts et je me suis senti obligé de l'aider à se relever.

Depuis six mois, un changement était intervenu dans la vie de mon ami. Avec mon aide, il était parvenu à obtenir son BTS et avec son expérience, il obtint un meilleur emploi dans une structure de micro finance. A son poste de chargé de clientèle, il faisait preuve de pugnacité et décrochait désormais de grosses commissions. Il avait quitté la maison familiale et s'était enfin offert une moto Honda Dream. Ses parents avaient également bénéficiés de ce changement de statut et grâce à un éclairage spirituel décidèrent de se marier officiellement après quarante ans de vie commune. La famille comptait quatre enfants et Jules en est le seul garçon. Ces sœurs avaient toutes été victimes du manque de moyens et deux d'entre elles s'étaient déjà mariées pour sortir de l'ornière. Leur vie n'était pas rose, mais ne dit-on pas que quand la tête change, le reste s'en suit? Les améliorations dans la vie de Jules se répercutaient également sur les siens.

Je m'étais laissé entraîné par les souvenirs. J'en étais là, quand une clé s'introduit dans la porte du séjour. La clé tourna deux fois avant que la porte ne s'ouvre, me laissant voir mon fils qui courut vers moi. Junior me fit la bise et se colla à moi. Je le portail dans mes bras et avançai vers sa mère. Raymonde portait une robe en tissus avec des motifs africains. Le léger maquillage, relevait le charme de son visage ovale. Elle se rapprocha aussi et m'embrassa.

- ça va toi?

- Oui trésor fit-elle en me caressant la joue.

Elle posa son sac sur la table basse et tendit la main vers Junior. Le petit garçon refusa d'aller vers elle et s'accrocha davantage.

- Vous deux là,  faites attention avec moi. C'est quoi cette histoire.  Je souffre neuf mois et je mets au monde dans la souffrance et dès que toi qui n’as fait que cinq minutes d'efforts tu es là c'est fini...

- Eh! J'ai dépensé l'argent aussi, n'oublie pas, avais-je dit en souriant.

- Et après ? Sam Junior RENÉ vient chez maman non!!!!

Le petit refusa à nouveau, mais cette fois ci chercha à me quitter. Je le posai au sol et le regardai courir vers sa chambre. Je m'étais assis à mon tour dans le sofa aux côtés de mon épouse.

- as tu appelé Jules?

- pourquoi faire? Je lui ai déjà remis le chèque hier, quant à la voiture de la mariée, il passera prendre la tienne ce soir pour la décoration.

Je vis Ray faire la mine. Elle posa ses pieds dans le sofa et se blotti contre moi.

- pourquoi pas la tienne trésor? Je dois être avec l'épouse de Jules tu sais et je n'ai aucune envie de prendre un taxi.

- Oui je sais. J'ai demandé à Nestor le chauffeur de me ramener la voiture du service demain à la première heure. Tu pourras prendre la mienne. Je sais combien, tu aimes la rouler.

Je n'avais pas fini ma phrase que le visage de mon épouse s'était à nouveau éclairci.

- Tu dois avoir faim. Je viens je vais te servir à manger.

Ray se dégagea de mon étreinte qui devenait de plus en plus sensuelle. Elle se leva et se dirigea vers la cuisine. Du regard, je cherchai la télécommande puis allumais la télé.

 

Il sonnait vingt heures. Ray dormait la tête posée sur mes cuisses. Sam Junior était assis sur son cheval de bois et gloussait tel un coq. Le journal sur la chaîne national venait de débuter. Mon téléphone se mit à vibrer. La photo de Jules s'affichait à l'écran. Je décrochai et quelques secondes plus tard posai à nouveau le téléphone. Certainement que la discussion avait réveillé mon épouse qui se redressa.

- Jules vient pour la voiture. Je pense que j'irai faire un tour avec lui pour m'assurer que tout est prêt là-bas. Il me ramènera à moto.

- ok... je vais essayer de coucher le petit avant ton retour.

Ray s'était levé en même temps que moi.

 

Trois heures plus tard, je rejoignais ma demeure. Je pris une bonne douche et rejoignis mon lit, Ray portais sa nuisette rouge. Elle était couchée offrant une vue de son joli corps qui ne pouvait qu'appeler au désir. Je m'allongeai contre ce corps chaud, l'embrassa dans le cou et de mes lèvres,  je parcourus son corps. De mes doigts, je dessinai de petits cœurs sur ses cuisses, ce qui la fit frémir et se retourner vers moi. Elle m'offrit ses lèvres que je ne refusai point. On s'embrassa comme la première fois. Nos lèvres s'entremêlaient et ma langue cherchait la sienne. Le désir montait encore et encore, Ray s'offrit à moi et je ne m'en privai point. Nous parvînmes à l'extase et quelques minutes plus tard, un calme plat se fit dans la chambre.

*

*  *

Le soleil avait repris sa course dans le ciel, mon réveil sonna set heure. Je sorti du lit et me rendit à la salle de bain. Après une bonne douche, je fis un tour dans la chambre de Sam Junior qui dormait toujours. Je me rendis alors au salon où je me plongeai dans des dossiers du boulot. Le mariage des parents de Jules est prévu pour dix heures et en tant que témoins nous ne devrions pas être en retard.

Ray s'était réveillé à son tour. Elle avait réveillé le petit et je pouvais aisément les entendre discuter au fond du couloir.

Vers 9h30, on sonna à notre porte. Nestor venait de ramener la voiture de service. Mon épouse et mon fils étaient prêts. Je les vis descendre en même temps que le chauffeur. Quelques minutes plus tard, je démarrais la Toyota Camry 2011 de mon entreprise. Je rejoignais le père de Jules et lui même dans leur maison.

Le vieux père dans son alpaga ressemblait à un major d'homme. Il portait un bel ensemble bleu marine, avec un nœud papillon de la même couleur et une chemise blanche en dessous de son costume.

 

Après les civilités, nous avions pris la route de la mairie où attendaient déjà Ray et la mariée. Une heure plus tard, la cérémonie était finie. Le convoi se dirigea à présent vers l'église. Ma voiture s'immobilisa en premier devant la chapelle St Pierre de Vedoko. Le père de Jules en descendit en compagnie de son fils et moi je cherchai une place pour me garer. Je les rejoignais quand la Mercedes de Ray, s'immobilisa. Le chauffeur descendit en même temps que les filles d'honneur qui jetèrent des pétales devant la portière de la mariée qui s'ouvrit. La mariée descendit à son tour et la fanfare entonna la marche nuptiale. Les hommes rentrèrent en premier, laissant le passage à la mariée et sa suite qui dans une chorégraphie exceptionnelle firent leur entrée.

C'est dans cette ambiance festive que Jacques et Justine se dirent oui devant Dieu et devant les hommes en cette belle fin de matinée. La fête dura jusqu'à tard dans la nuit. De toutes les façons y avait plus de lune de miel vue que le mariage avait été consommé avant d'être célébré.

Peu importe l'âge on fini toujours à réaliser ses rêves tant qu'on y croit et qu'on travaille pour y arriver. Jacques et Justine venaient de réaliser leur rêve.

Rayons de soleil