Epilogue

Ecrit par Owali

EPILOGUE


*** Courtney Bimouti ***


« Bip » « Bip » « Bip »


AAAAAHHHHH!!!!


Bon dieu ! J’ai faillit avoir une crise cardiaque.

La main sur le cœur, j’essaie de réguler mon rythme cardiaque complètement affolé et pour cause. J’étais tellement absorbée par la lecture de mon manuscrit que j’en ai oublié tout ce qui m’entourait.


Quand je lève les yeux, je me rends compte que la nuit est doucement en train de tomber, un petit vent frais s’est aussi installé. J’avise l’heure 17h30. Wahou, j’ai passé toute ma journée à lire, il était 9h quand j’ai enfin décidé qu’il était temps de le terminer.


Bien que j’ai été happée par ces écrits, je doute qu’ils intéressent Damien. C’est tellement... glauque, tellement gore, il y a trop de rage, trop de ressenti... pfff c'est sur que...


« Bip » « Bip » « Bip »


Je reporte mon attention sur mon téléphone posé sur mon lit, à mes côtés, et regarde le nom du contact inscrit sur l’écran : Mary. Ma meilleure amie, bien évidemment.


J’appuie sur la touche rappel et patiente le temps de deux sonneries avant d’entendre sa voix.


-Je suppose que tu étais encore en train de t’affairer avec ton manuscrit


-Bonsoir Mary !


-Y’a pas de bonsoir Mary. Quand est-ce que tu vas l’envoyer ?


-Je ne sais pas jamais ! Je ne crois pas que les gens soient intéressés par l’histoire d’une sociopathe qui décide de tuer tout un groupe parce que les membres du-dit groupe ce sont moqués d’elle !


-Et moi je te dis que si ! Bret Easton Ellis pensait aussi que son livre n’allait pas cartonné et il a été un succès planétaire, c’est de la que découle Dexter et Bates Motel ! Peut-être qu’il y aura aussi la version adaptée du « Cercle ». Tu veux vraiment boucler la boucle ?


-Bien sûr!


-Alors, envoie le !


*** Quelques semaines plus tard ***


Ne pas se ronger les ongles, surtout pas, il n’aime pas ça, ça montre que je ne suis pas sûre de moi, que je doute de moi… ce qui est vrai, mais comment ne pas douter. Espérons que ce manuscrit aura sa bénédiction, j’ai travaillé sur les défauts que Susan a soulevés dans le dernier… ça devrait être bon, enfin je crois, j’espère…


Je tente de contenir mon anxiété et mon stress en fixant le mini cactus en plastique posé sur le coin gauche de son bureau.


J’essaie de compter les piques s’y trouvant, afin de ne pas le voir… Il m’intimide, et le regarder dans les yeux m’est impossible. Je finis toujours par baisser les miens et me ronger les ongles… ce qu’il déteste… Je dois transpirer la confiance et l’assurance en moi.


- Excuse-moi de t’avoir fait attendre Court’. Dit-il en raccrochant. Je suis en pleine négociation de cession de droits de traduction pour le dernier best-seller de Nzieno. Ce livre se vend comme du p’tit pain !


- Oh… je…je te comprends, je… je l’ai acheté, et je reconnais qu’il est bon…


- Et comment, ce mec c’est ma poule aux œufs d’or. Jubile-t-il dans un murmure


Mon dieu, le stress que je ressentais vient d’augmenter de façon exponentielle à cet instant, pourvu qu'il ait lu et aimé...


-Mais, mais avec tout ça, as-tu trouvé le temps de lire mon manuscrit ?


-Honnête ? Je n’ai lu que les dix premiers chapitres mais il ne m’en fallait pas plus pour comprendre que je vais crouler sous l’or et par conséquent TU VAS crouler sous l’or…


Je crois sentir mon cœur descendre dans mon estomac et se compresser avec force. Ma bouche devient salivante, je vais vomir.


-Okay, merci pour le temps que tu as pris pour le lire. Dis-je en attrapant mon sac à main posé sur mes jambes.


Il faut que je sorte au plus vite sinon je vais vomir dans son bureau et perdre mon agent littéraire.


-Mais qu’est-ce que tu fais, je te dis qu’il est bon, et même plus que bon ! Ça va faire un carton et je vois déjà l’adaptation cinématographique ! 

C’est tout ce que les gens aime lire, de l’intrigue, des meurtres à gogo, de la détresse et tout le bordel ! Bon il manque un peu de cul, Charles aurait pu se taper la Noémie mais on se contentera de la baise entre Adam et Sissi. Mais si tu veux retoucher un peu l’histoire sur ce côté-là, c’est pas moi qui vais t'interdire.


Quoi?!? Il a dit qu’il a aimé ? C'est ça?


Je n’ai pas le temps de réellement enregistrer l’information ni de m'étendre sur la question, que je me précipite vers le grand pot de fleurs en plastiquep près de l'entrée et rends mon déjeuner.


-Oh merde ! Court’ ! Bordel, ça va schlinguer dans toute la pièce !


-Keuf, keuf, je… je te demande pardon Damien. Fais-je en prenant un mouchoir dans mon sac pour m’essuyer la bouche…keuf, keuf


-Pffff.... pas grave, avec le pactole que je vais me faire, je pourrais m’en acheter des tonnes de pots de fleurs en plastique. Ricane-t-il.


Et il le prend bien, c’est que ….


-MARTAAAAA ! Crie-t-il en allant ouvrir les fenêtres se trouvant derrière lui.


La porte de son bureau s’ouvre presque à la seconde sur son assistante, Marta, qui soupire discrètement de lassitude en levant les yeux au ciel. Je souris parce que je sais qu’elle ne se permettrait jamais de leur faire s’il pouvait la voir, et comme il est de dos…


-Retire ce pot, elle a gerbé dedans. Nettoye-moi ça ! Lui ordonne-t-il avant de se tourner vers moi et reprendre d’un ton plus solennel. Je ne le pensais pas mais être cloitrée chez toi a fini par te servir. Ce manuscrit, c’est celui qui va t’ouvrir les portes. Et ça commence dès à présent.


Il se penche vers le tiroir droit de son bureau, le tire et en sort une feuille pliée en deux


-J’ai répondu favorablement au mail de l’association « nos écrivains ont du talent » qui va se réunir pour un conclave. Tu y es invitée, voilà ta convocation imprimée. poursuit-il en me tendant la feuille. C’est me semble-t-il, pour discuter de ton maniscrit. Je ne sais pas trop comment ils ont pu l’obtenir, mais ça ne t’enlèvera rien d’y aller. Court’ ? Court’ ça va ? 

Ça te dit quelque chose ?


Oui…c’est …C’est une convocation pour entrer… Dans le cercle!!! 


Le vrai cercle!!!


*

**

***


***Sissi Karba***


Couchée dans le hamac installé sur le balcon de ma chambre, je contemple la vue magnifique qui s’offre à moi, profitant ainsi de mes dernières heures de détente: une plage au sable blanc très fin, une mer bleu turquoise dont le roulis des vagues brisent le silence, des cocotiers et un soleil lumineux. Une vraie image de carte postale qui appelle au farniente ! La villa que nous louons pour nos réunions semestrielles est à Matemwe, une ville située au Nord-Est de Zanzibar. C’est un immense manoir de 14 chambres, 3 salons, 2 salles à manger et qui donne sur une plage privée. Le propriétaire souhaitant garder l’anonymat, l’agence immobilière ne nous a jamais révélé son nom.


En tant que présidente de l’association, je tiens à ce que le séjour des membres se déroule sans encombre. Du coup, je suis déjà sur les lieux le Lundi précédent le Weekend du conclave pour superviser les douze employés chargés de l’entretien permanent de cette demeure. Et cette fois encore, je n’ai pas dérogé à cette règle, surtout parce qu’il y aura une possible nouvelle adhésion durant cette réunion. Cependant, ne pensez pas que je m’en plaigne. C’est une période que j’affectionne car elle me permet de m’éloigner un peu de « Taloua Klaman », le mensuel féminin dont je suis l’heureuse propriétaire. Je profite des soirées tranquilles que m’offrent ces petites escapades pour m’adonner à ma réelle passion : l’écriture. 


Depuis le succès planétaire de « Yélé, Lumière de ma vie », ma vie est devenue un vrai tourbillon qui absorbe toutes mes heures de liberté. Et la création du magazine n’a rien arrangé. Alors, c’est grâce à ce répit d’une semaine que j’ai pu terminer mes deux autres best-sellers qui ont suivi.


Le bruit d’un yacht qui approche me ramène à la réalité. Je soupire avant de marmonner :


-Voilà les envahisseurs ! Les vacances sont terminées.


Péniblement, je descends du hamac pour aller accueillir les premiers arrivants.


*

* *


-VOTRE ATTENTION S’IL VOUS PLAÎT ! M’écrié-je pour réclamer le silence. Tout le monde est là ?


Partant de la gauche, mon regard fait le tour de la table pour m’assurer qu’aucune chaise n’est vide. Tout d’abord, il rencontre celui de Adam Ntchango, séducteur invétéré avec qui j’ai d’ailleurs eu une brève relation dans le passé. Il essaie depuis quelques temps de revenir à la charge mais il peut toujours courir ! Et bien sûr, J.K, son acolyte des coups foireux est assis juste à coté de lui. Ensuite vient Solène D’alméida . Judicaël Dos Santos n’aurait jamais manqué une occasion de s’installer près de Solène. Et voilà Massa N’Dira…


-Où est encore passé Massa ? Demandé-je exaspérée en constatant son absence.


-Désolée ! Je suis là ! S’excuse-t-elle en courant presque pour prendre sa place, vêtue comme nous tous d’une toge bleue.


Celle-là je vous jure ! Je parie qu’elle était encore au téléphone avec la nounou de son fils pour vérifier qu’il est encore en vie ! Pfff Je continue mon inspection avec Larissa Same. Elle est en pleine discussion avec Liliane Bossé et Nathalie Meka. Près d’elle vous avez Noémie Siar. Ah ! Délomè a pu venir finalement. Vu toutes ses responsabilités, elle ne semblait pas très sûre d’être présente. Enfin, assis à ma droite, vient Charles N’Guessan, le vice-président de l’association.


Satisfaite qu’il n’y ait aucun absent, je reprends la parole :


-Bien ! Avant tout, merci à tous d’être là ce soir ! Je sais que plus les années passent, plus nos responsabilités s’accroissent ! Malgré tout, vous ne manquez jamais à l’appel lorsque votre présence est sollicitée.


-Qui manquerait un Weekend détente sur une île paradisiaque ? Rétorque Solène, un rire dans la voix.


-Vraiment ! Ajoute JK. C’est le prétexte idéal pour échapper à notre quotidien.


-Dis plutôt que c’est le prétexte idéal pour toi pour échapper à ta dernière conquête ! Rétorque Jude.


La pièce résonne de nos rires, au détriment de ce pauvre JK qui finit malgré tout par esquisser un sourire. Je me racle la gorge avant de déclarer :


-Revenons aux choses sérieuses. Comme indiqué sur les feuillets posés devant vous, l’ordre du jour portera sur l’éventuel ajout d’un nouveau membre dans le club. Lors de la réunion passée, j’avais distribué à chacun d’entre vous la copie d’un manuscrit qui m’avait été envoyé par Laurent Konaté, mon éditeur. Comme je vous l’avais expliqué, il avait été accosté un soir en sortant de son bureau par une jeune femme du nom de Mary qui l’avait presque forcé à prendre le dit manuscrit qui d’après elle, appartenait à une certaine Courtney Bimouti avant de se volatiliser. La curiosité aidant, il avait, une fois rentré, feuilleté quelques pages pour finir par se rendre compte que l’histoire avait pour personnages principaux des auteurs à succès dont moi-même. Alors, il avait décidé de m’en parler. Bon avant d’en arriver au vif du sujet, qu’avez-vous pensé de ce manuscrit?


-Franchement, je l’ai trouvé très glauque ! Continue Massa, notre éternelle stressée. Alors je me demande s’il serait sage d’accueillir parmi nous, une personne qui apparemment a le fantasme de nous voir tous mourir dans des situations toutes plus atroces les unes que les autres !


-Vraiment hein ! Ajoute Solène. Qui sait de quoi est capable en réalité !


-Oh arrêtez un peu avec votre paranoïa ! Proteste enfin JK. Ce n’est pas parce qu’un auteur écrit un thriller qu’il est forcément un psychopathe ! Soyons sérieux ! Personnellement, j’ai adoré cette histoire !


-En tout cas, moi je suis absolument contre cette idée de l’accepter parmi nous ! S’écrie Adam. Ce manuscrit risque de provoquer un divorce avec ma femme qui va vraiment croire que je suis un coureur de jupon et que j'ai un enfant dehors !


Jude se met à rire puis lui rétorque :


-A qui tu veux faire croire que tu n'aimes pas les femmes ? Et puis ton idylle avec Sissi est un secret de polichinelle. Si ça se trouve tu as peut-être un enfant caché, qui sait?


Tous les regards se tournent alors vers moi. Je lance un regard meurtrier à Jude avant de reprendre précipitamment :


-Recentrons-nous sur l’essentiel si vous le voulez bien ! Nous sommes ici pour juger seulement le talent de cet auteur et savoir si elle est oui ou non en droit de rejoindre le club ! Je ne vous cache pas qu’elle est derrière la porte depuis un moment déjà alors il serait bien d’abréger ses souffrances, non ?


Un murmure approbateur m’invite à continuer.


-D’un autre côté, ce n’est pas plus mal qu’elle adhère au groupe. Le serment qu’elle prêtera l’obligera à nous préserver donc elle sera obligée de modifier son histoire !


-Exactement ! S’exclame Delomè. Une fois l’une des nôtres, nous pourrons avoir une certaine mainmise sur ce manuscrit !


-Bien ! Continué-je. Conformément à l’article 3 du règlement qui régit cette confrérie, l’admission ou non de Mademoiselle Courtney Bimouti se décidera à la suite d’un vote à l’unanimité. Alors, à la question suivante : pensez-vous que Courtney Bimouti a un talent indéniable ? Que ceux qui sont pour un « oui » lèvent la main !


Nous la levons presque tous en même temps. Seules Solène, Adam et Massa hésitent quelques secondes avant de finir par le faire aussi.


-Bien ! Vote validé ! Maintenant, à la question : pensez-vous que le talent de Courtney Bimouti est assez conséquent pour lui octroyer une place au sein de l’association ? Que ceux qui sont pour un « oui » lèvent la main !


Cette fois-ci encore, quelques hésitations sont observées du côté des membres réfractaires. Mais ils finissent par y répondre favorablement.


-Bien ! J’en conclue donc qu’il est temps de rencontrer notre nouveau membre.


Tous munis de bougies bleues allumées, nous nous levons tous et nous mettons en rang. Etant en tête de fil, j’ouvre la porte qui donne dans la pièce voisine où nous attend une Courtney fébrile, vêtue d’une toge blanche et assise sur une chaise au milieu de la pièce. Plus je m’approche, plus je la vois pâlir. La pauvre semble vouloir s’évanouir. Depuis le temps que je préside ce club, c’est la première fois qu’un membre paraît si timoré. Elle me fait presque penser à la Courtney de son histoire. Il ne nous reste plus qu’à espérer qu’elle ne cache pas aussi une âme de psychopathe, ironisé-je en pensée. Alors que les autres se mettent en cercle autour d’elle, elle se lève. Un sourire bienveillant aux lèvres pour essayer de la rassurer, je m’arrête devant elle puis je déclare :


-A l’unanimité, nous membres de cette association avons décidé à l’unanimité que vous, Courtney Bimouti, futur auteur d’un best-seller à n’en pas douter, détenez toutes les qualités requises pour y adhérer ! Et vous Courtney Bimouti, acceptez-vous de faire partie de cette confrérie envers et contre tout, avec tout ce qu’elle contient d’obligations et de contraintes ?


-Plutôt deux fois qu’une ! Affirme-t-elle d’une voix tremblante.


Charles s’avance, une version originale du « Chants d'ombre » de Léopold Sedar Senghor entre les mains. Avant qu’elle ne tombe dans les pommes pour de bon, Je la regarde droit dans les yeux, je lui ordonne :


-Maintenant, pose ta main droite sur ce livre, lève la gauche et répète après moi : Moi Courtney Bimouti…


- Moi Courtney Bimouti…


-Promets solennellement…


- Promets solennellement…


- De me dévouer entièrement au CERCLE…


- De me dévouer entièrement au CERCLE…


- D’en préserver les intérêts en tout temps et en tous lieux…


- D’en préserver les intérêts en tout temps et en tous lieux…


- D’en garder l'existence ainsi que l'identité de ses membres secrètes et ce au péril de ma vie…


- D’en garder l'existence ainsi que l'identité de ses membres secrètes et ce au péril de ma vie…


- Et d’user de mon influence par tous les moyens pour venir en aide à un membre en difficulté !


- Et d’user de mon influence par tous les moyens pour venir en aide à un membre en difficulté !


C’est maintenant au tour de Jude de s’avancer vers elle avec son matériel. Il lui désigne l’une des chaises pour qu’elle s’asseye et prend place près d’elle. Il lui soulève la manche gauche de sa toge et lui tatoue à l’intérieur du bras près de l’aisselle, un cercle avec le nombre XIII au milieu. Pour une personne aussi timorée, je suis étonnée de ne pas la voir même faire une grimace durant toute l’opération. Une fois fini, je la relève, lui enlève sa toge blanche avant de la revêtir de la nouvelle toge que me tend Adam. 


Je termine enfin en lui remettant un écrin en bois précieux qui contient un stylo en or serti de diamants formant une clé qui signifie « la clé du succès ». Juste avant qu’elle ne reçoive les ovations et les accolades de toute l’assemblée, je lui déclare solennellement avec un grand sourire :


-Bienvenue dans LE CERCLE !


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FIN

LE CERCLE