Jour 30: Fin de l'horreur

Ecrit par Owali

******Dèlomè Kpassassi******


( JOUR 29 )


Je me sens revenir peu à peu. 

La brume dans laquelle mon esprit s’était réfugié pendant cette nouvelle escapade afin de laisser celui de ce malade de RACH s’exprimer se dissout lentement. 


Je ressens une énorme fatigue… je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu être connectée à lui. Je n’avais rien fait pour quand même… 


A moins que les dieux ne veuillent me faire passer un message à propos de ce psychopathe. Ou de cette psychopathe ? Je ne sais pas pourquoi mais mon intuition me dit que c’est une femme. Le fait que chaque fois que nous sommes connectés, ma voix change à peine… 


Même cette fois-là où Adam m’avait suivie, ma voix avait à peine été modifiée ; d’où ce crétin s’est mis à penser que j’étais RACH. Mais oui, c’est cela ! Pourquoi n’y avais-je pas pensé plus tôt ? C’est une femme!


Un éclair zébra le ciel, me faisant réaliser l’endroit où j’étais ; ou plutôt l’endroit où elle m’avait conduite. 


Je me rappelle avoir discuté avec Adam et cette idiote de Sissi à propos de… Oh non !


- JK ! Solène ! criai-je. 


Seul le vent me répondit. Je me relève avec peine. 


Inspire… Expire… 


Après avoir répété le même exercice trois fois, je me sens un peu mieux. Je jette un regard aux alentours et vois à quelques cinquante mètres un corps étendu par terre, portant les vêtements de… Solène ! 


Je vérifie que je suis bien seule et cours vers elle, ou du moins ce qu’il en reste ; pas question que l’un de ses tarés voient Dèlomè émotive ou préoccupée par le sort de quelqu’un. 


Ciel ! Elle est méconnaissable. Son visage n’est plus qu’un amas de chair et d’os, aucune trace de peau. Instinctivement je recule de quelques pas et, tombant à genoux je rends le reste de mon déjeuner… 


Cette RACH est complètement folle ! Comment peut-on faire ça à quelqu’un ? Et les autres qui me regardent avec crainte juste parce que je pratique du Vodou ! Alors que des psychopathes vivent au milieu d’eux ! Bon… Solène n’est plus ; et JK non plus si je me réfère aux dire de PsychoRach. 


Il ne reste plus que Sissi, Adam, Charles et moi. Et à en croire leurs paroles, ils doivent être entrain de prendre la mer. Quelle stupide idée ! Prendre la mer avec un temps pareil et un radeau ! Et surtout ils m’ont abandonnée ici, toute seule. 


Il faut que je me mette à l’abri, pensè-je en voyant les branches des arbres ployer dangereusement sous le vent. Le plus simple et rapide est notre abri commun. 


Je m’apprête à y aller mais… Solène… je ne peux pas la laisser là. Personne ne mérite d’être délaissé ainsi, même dans la mort. Je m’approche d’elle, la fait mettre debout et passe un de ses bras à mon cou en la tenant par la taille. Je la ramènerai à l’abri et une fois la tempête passée, je l’inhumerai près des autres. 


Au bout d’interminables minutes, j’arrive à l’entrée de l’abri. Je la laisse glisser par terre puis la tire vers l’intérieur par les pieds. Puis je « l’arrange » un peu. Je m’assieds pour faire une petite prière aux dieux pour elle. Après cela, je m’assieds dos contre la paroi de la grotte, les bras entourant les genoux. Juste à ce moment, la tempête se déclenche. Elle est tellement forte que je me demande si Charles, Sissi et Adam pourront s’en sortir. Je savais qu’ils se méfiaient de moi, mais au point de me laisser ici toute seule… 


« Ca ne devrait pas t’étonner...» Me rappelle ma conscience. 

«Tu oublies qu’ils pensent tous que tu es une sorcière ? Et par-dessus tout, certains, pour ne pas dire que presque tous te soupçonnent sérieusement d’être Rach».


 Pffff… Je ne vois même pas ce qui aurait pu me pousser à tuer tous ces gens… 


Larissa, Massa, Courtney, JK, Solène, Jude… A la pensée de ce dernier, le sentiment de culpabilité que j’essaie de refouler depuis revient en force… Mais qu’est-ce que j’aurais bien pu faire toute seule contre eux tous ??? Je ne comprends pas ces gens… 


Franchement! Comment peut-on être aussi borné ? Pour les écrivains qu’ils étaient, africains de surcroît, je n’arrive pas à qualifier ce manque d’ouverture d’esprit. 


Je me rappelle encore de leurs réactions lorsque j’avais voulu examiner Jude. 


***Flash-back trois jours plus tôt***


Je décide d’aller me recueillir dans un coin un peu isolé de la forêt. Après avoir aménagé un petit espace et tracé un cercle, je prends la position du lotus pour essayer d’entrer en contact avec les esprits. 


Je venais à peine de fermer les yeux lorsque j’entendis un long cri de douleur. Cette voix… on dirait Judicaël ! Je me lève aussi vite que je peux et m’élance vers la direction d’où provient le cri. Arrivée sur les lieux je vois les hommes tenant Judicaël tandis que les filles sont un peu en retrait dans un silence de mort.


-Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Massa. 


-Je… sa cheville, répondit Adam.


Jude lui, ne faisait que se torde de douleur. Les filles et moi nous approchons pour découvrir avec horreur le chiffre 7 incrusté dans sa chair juste au-dessus de la cheville. Adam nous tend ensuite l’étau dans lequel Jude s’était apparemment pris le pied, et nous lisons dessus « A qui le tour ? ». Ce sont les plaintes de Jude qui nous avaient ramenés à la réalité. Son pied faisait vraiment peur à voir. Charles et Adam le ramenèrent à la grotte.


-Laissez-moi l’examiner, dis-je. Je vais essayer de nettoyer la plaie et lui faire un semblant de pansement pour qu’elle ne s’infecte pas. 


-Non mais tu dérailles complètement si tu penses qu’on va te laisser faire ! s’écria Sissi. 


-Que proposes-tu alors ? lui avais-je demandé calmement. Qu’on laisse la plaie s’infecter parce que tu as peur que je ne l’envoûte ?


JK et Charles se regardaient l’air de se demande si c’était un risque à prendre. Solène elle, me regardait avec l’air de demander « peux-tu vraiment l’aider ? ». L’atmosphère était électrique…


-Non mais ne me dites pas que vous y pensez sérieusement ! s’exclama Sissi. Avec toutes ses pratiques douteuses, vous voulez vraiment la laisser s’approcher de Jude ? Ne savez-vous pas que pour arriver à leurs fins, ces gens qui pratiquent le vaudou ont besoin de sang ? Et vous voulez qu’elle ait accès au sang de Jude ? qu’est-ce qui vous dit qu’elle n’ira pas ensuite l’utiliser dans ses conneries ? En tout cas, moi je ne suis pas du tout d’accord, conclut-elle.


Je regarde les autres. Solène qui, quelques secondes plus tôt semblait me demander une aide muette fuyait maintenant mon regard. 


- Sissi a raison, dit JK. On a tous ici une idée du genre de pratiques auxquelles elle s’adonne. Inutile d’exposer Jude. 


- Je crois qu’il vaut mieux qu’on soigne Jude seuls Dèlomè, murmura Adam après quelque temps.


Evidemment ! Il n’aurait jamais pris le risque de contredire sa dulcinée. 


-Comme vous voudrez, capitulè-je. 


Sur ce, je suis sortie de la grotte, calme en apparence mais toute triste. On dit souvent que dans l’adversité, les liens se créent entre les gens. Mais je venais de me rendre compte que ce n’était pas toujours vrai. Je venais d’être rejetée, encore une fois…


Pourquoi me jugeaient-ils parce que je n’avais pas les mêmes croyances qu’eux ? J’entends tout le temps les discours sur la tolérance et l’acceptation de l’autre. Mais force est de constater que ça ne s’appliquait qu’à certaines religions. Les religions endogènes ne faisaient malheureusement pas parti de ces religions qu’il fallait tolérer. 


J’avais au moins essayé… pensè-je. 


***Fin du flash-back***


Ce sentiment de culpabilité est né quand je me suis rendue compte que, comme je le craignais, la plaie de Jude s’était infectée. 


Mais il était déjà trop tard. Alors j’ai fait de mon mieux pour le soulager dans sa douleur autant que je le pouvais ; en le faisant dormir souvent, avec des tisanes pour diminuer sa douleur… Mais tout cela n’a pas suffi. Je ferme les yeux en réprimant des larmes. 


Maintenant que je suis seule je laisse tomber le masque de « l’adepte du vaudou sadique que rien n’ébranle ». 


Je redeviens moi-même, Eunice AHO… cette jeune femme à qui la via avait tout pris… d’abord mon père, cet homme que j’adorais, mes frères, me laissant toute seule au monde, et enfin, l’héritage de mon père ; tout ce pour quoi il avait travaillé si dur pour que nous ses enfants ne manquions de rien… 


Non Dèlomè, non ! Ne penses pas à ça… surtout pas ! Allez inspires… souffles ! 


Après avoir répété le même exercice trois fois, je me sens un peu plus calme. J’ai plus que jamais besoin de mon sang froid si je veux ne serait-ce qu’espérer m’en sortir. 


Et j’y arriverai, parole de Dèlomè ! Je n’ai pas échappé au sort que me réservait ma famille paternelle, traversé toutes ces épreuves pour finir comme divertissement à une idiote qui semble prendre son pied en nous tuant tous un à un. 

Ah non, jamais ! Une brise fraîche souffle dans la grotte, me faisant réaliser que la tempête est passée.


- Cette PsychoRach ne perd vraiment rien pour attendre ! Dis-je à voix haute et en me levant prestement comme pour donner plus de poids à mes pensées. Les soit disant pratiques douteuses dont on m’accuse ne sont rien en comparaison de ce que je lui ferai quand je l’aurai sous la … 


- Donc ce n’est vraiment pas toi derrière tout ce cirque ?! Me tournant vivement vers l’entrée de la grotte, je vois Charles me dévisager comme pour vérifier que je dis vrai. 


-Non mais ça ne va pas toi ??! Quelle est cette façon de faire peur aux gens ? M’écriai-je en portant la main à ma poitrine toute tremblante. Il éclata d’un rire franc, qui détonne franchement avec la situation du moment. 


- Donc la grande et imperturbable adepte du Vaudou, la princesse Dèlomè serait-elle finalement un être humain comme nous tous, capable d’avoir peur ? Sa remarque me remet immédiatement les esprits en place, et je retrouve mon cynisme. 


- Avoues que pour quelqu’un qui est censé être entrain de traverser la mer sur un radeau et avec une forte tempête, tu es plutôt en forme ! A moins que tu sois mort et que je ne parle à ton âme en peine actuellement, répondis-je avec ironie. Il se renfrogna automatiquement. 


-On n’avait plus d’eau potable, et je me suis portée volontaire pour aller en chercher. Mais comme un con je me suis pris dans des lianes. J’ai perdu du temps à me libérer. Alors ils sont partis sans moi. 


-Ah ! tu sais donc maintenant ce que ça fait d’être abandonné ? 


-Ils ne m’ont pas abandonné. C’est moi-même qui leur ai dit de partir si je ne revenais pas au bout de minutes, répondit-il l’air agacé avant de froncer les sourcils en me regardant attentivement. On aurait même dit que c’est la première fois qu’il me voyait, tchroum… 


- Ouais c’est ça ! Fis-je en remarquant enfin les bidons d’eau posés à côté de lui. Sans plus un regard pour lui, je sors de la grotte. 


- Eh ! Où vas-tu ? Me demanda-t-il alors que j’avançais vers « le cimetière ». 


- Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, il y a un cadavre dans la grotte, dis-je en essayant d’être cynique, mais sans grand succès. 


Il se retourna et dès qu’il vit le corps de Solène, son regard se voila de tristesse. Sans un mot, il vint m’aider. A tous les deux et au bout de quelques minutes, on réussit à mettre Solène dans sa dernière demeure. Puis nous sommes retournés à la grotte. Il fit un feu. Il y avait des restes de fruits ; cela nous servit de dîner. Chacun de nous était plongé dans ses pensées… 


- Je prends le premier tour pour la garde, dis Charles me sortant de mes pensées. Tu peux aller te coucher. 


- Ok, répondis-je simplement.


(JOUR 30)


J’émerge lentement de mon sommeil, le cou endolori. Je me lève et m’étire. 


Sentant un regard sur moi, je me tourne et mon regard croise celui de Charles. Il me regarde, une lueur que je n’arrive pas à déchiffrer dans les yeux.


- Bien dormi ? me demande-t-il.


Ooh ! Que se passe-t-il ? Qu’est-ce-qui lui prend de me demander ça ? Genre il veut être aimable quoi ? Avec la sorcière ?? La bonne blague !


- Oui très bien. J’ai même volé sur mon balai et j’ai tué un enfant que j’ai ensuite dégusté, répondis-je avec un grand sourire. 


- Je vois que ça ne sert à rien d’essayer d’être aimable avec toi, dit-il en se renfrognant. Je sors en ignorant sa dernière remarque. 


Je vais vers la forêt, pour atteindre le petit cours d’eau. J’ai besoin de me rafraîchir. Et surtout de réfléchir à une manière de quitter cet endroit ; car je ne dois compter que sur moi. Charles, il vaut mieux ne pas compter sur lui. Après tout, il était prêt à m’abandonner, tout comme Adam et Solène. Alors même que je n’étais pas dans mon état normal. Je finis mon brin de toilette et m'eloigne encore un peu plus pour prier et trouver une solution. 


Quelques heures plus tard je me relève résignés à cause des visions que j'ai eu.. Adam, Sissi et bientôt Charles... ensuite ce sera mon tour. Ils me l'ont montré... il ne me reste plus qu'à attendre... patiemment.


Des bruits de pas derrière moi me tirent de mes pensées…


- Ce n’est pas très prudent de s’aventurer seule sur cette île… entendis-je.


Cette voix... je la connait trop bien pour m'avoir habité pendant de long mois. Mon coeur manque un battement alors que je me lève lentement et me retourne pour faire face à...


Je n’en crois pas mes yeux, c’est tout bonnement impossible, comment … ?


-Toi ?!?


- Surprise hein ? Sourit-elle en prenant une pose glamour qui détonne avec le paysage sombre et lugubre que renvoie cette forêt.


Vêtue d’une robe près du corps rouge sang, moulant parfaitement ses courbes voluptueuses longtemps cachées sous ses vêtements informes, elle s’avance vers moi, la tête haute, les cheveux flottant au vent, juchée sur une paire de talons vertigineuse, avec cet air mutin et ténébreux qu’elle a brillamment réussi à cacher aux yeux de tous, y compris les miens. 


Plus elle s’approche de moi, et plus la noirceur de son cœur se matérialise par une aura sombre, qui me fait frissonner. Jamais encore je n’avais senti autant de haine, de mépris et de colère réunis en un seul corps. Un corps qui a longtemps été jugé, frêle, chétif, et que j’ai voulu prendre sous mon ail.


Mais comment ai-je fait pour ne pas voir ça ? Je me rappelle cette sensation que j’ai ressentie lorsque le lui ai serré la main, mais je l’ai assimilé à la peur et la crainte. Pas un seul instant je n’ai pensé qu’il s’agissait de la noirceur enfouie au fond d’elle-même.


Son sourire diablotin me fait me comprendre qu’elle peut lire l’étonnement et la stupeur sur mon visage. Je reprends alors instantanément contenance et lui offre ma posture la plus froide et la plus désinvolte.


- Tu ne t’attendais pas à ça n’est-ce pas ?


-En effet, je dois l’avouer.


Elle s’attend sûrement à ce que je lui pose LA question, mais je ne le fais pas. Les longues minutes qui s’écoulent me confirme qu’elle veut m’entendre lui demander des explications mais je m’abstiens, elle finira par le faire. 


Cependant, je me pose mentalement la question et tente de trouver la réponse, en vain. 


Elle a été l’objet des moqueries des personnes qui se sont retrouvées sur cette île, mais cela n’explique pas toute cette violence, toute cette machination montée depuis – c’est certain – un moment contre tout ce monde.


Elle penche légèrement sa tête de côté, dégage une mèche qui vient barrer son visage puis se met à arpenter un chemin imaginaire de long en large, le regard fixé sur moi, sans jamais ciller.


Et dire qu’elle baissait constamment la tête lorsqu’un personne tentait de la regarder droit dans les yeux, aujourd’hui, elle veut me montrer qu’elle peut me dominer, enfin, c’est ce qu’elle pense…


- Tu dois sûrement te demander pourquoi ?


- Non


- Non ? Vraiment ? Tu n’es pas curieuse de savoir pourquoi je vous ai offert ce petit voyage vers l’enfer ? 


- ….


- Pourquoi je vous ai réservé une attention particulière à chacun ?


- Non


- C’est …


« AAAAAAHHHHHHH »


Un cri strident vient percer le silence de la forêt. 


Je ressens une forte compression au niveau de la poitrine, et la vision éphémère qui apparaît devant moi me fait comprendre qu’il s’agit de Charles.


- Ah Enfin ! Crié-elle en levant les mains au ciel. J'ai cru qu'ils n'allaient jamais en venir à bout! J'ai eu le temps de faire une virée en bateau et ne pensait plus le trouver et ne pensais plus le trouver mais il faut croire que ce chrétien pleins de morales à deux balles était bien corriace. Ce petit moment d’intimité qu’il passe avec mes chiens va le faire redescendre sur terre... six pieds sous terre! Ah ah ah


Fière de son petit jeu de mot, elle riait à gorge déployer. Quand elle en eu marre, elle se calma.


- Ah! Je ne me suis jamais autant amusé de toute ma vie. Tout ça va me manquer! Bref! Que disais-je déjà ?


-Rien qui vaille la peine d’être écouté. 


- Ah ah ah… Dèlomè, Dèlomè, Dèlomè… Toujours aussi hautaine et suffisante. Mais ne t’en fais pas. Bientôt je t’enlèverai cet air de supériorité que tu affiches tout le temps. 


-Ah bon ? J’aimerais bien voir de quelle façon ! Parce qu’à moins de me tromper, j’imagine que c’est par la violence que tu vas tenter de m’ôter « cet air de supériorité » que j’affiche mais vois-tu, la Courtney que je connais, idiote et renfermée, a tellement peur qu’elle serait prête à rentrer dans un trou de rat pour que personne ne la voie ! Et elle est loin d’être assez forte pour ne serait-ce que me pousser d’un centimètre. Par contre, le colosse qui se cache derrière toi, comme un bon toutou pourrait éventuellement me faire quelque chose mais dans ce cas, il faudrait reformuler ta phrase et dire « il m’enlèvera cet air …. »


« BAM »


Sans que je n’ai le temps de voir venir, elle s’est penchée vers une grosse branche se trouvant près d’elle et m’a assénée un violent coup à la tête, avant de s’acharner sur mon corps jusqu’à ce que je perde connaissance. 


Ma dernière pensée fut : « que les dieux me protègent… ». 

Puis trou noir…


***Quelques temps plus tard***


C’est la vive douleur qui me lance au niveau de mes côtes qui me fait difficilement sortir mon esprit de la brume. 


A chacune de mes inspirations, j’ai l’impression de recevoir un coup porté à l’endroit même où se situe la douleur pour l’amplifier un peu plus. 


Je veux tendre la main vers mes côtes droites pour m’auto-examiner mais n’y parviens pas. Mes mains sont liées dans mon dos, ce qui explique la douleur que je ressens au niveau des ligaments. Avec violence, chaque parti blessée de mon corps réveille une douleur insoutenable qui s’ajoute à toutes celles que j’ai précédemment senties. 


Complètement éveillé, je prends conscience que je suis attachée ; les pieds attachés et mains liés à un tronc d’arbre. Je porte juste deux pagnes blancs, l’un attaché à la hanche, l’autre sous les aisselles. Un collier de perles pend autour de mon cou ; et j’ai même de petites taches blanches faites à base de talc visiblement… comme une adepte de vaudou ! 


Je jette un coup d’œil aux alentours et réprime un cri d’effroi ! Bien que la nuit soit tombée, je remarque que je me trouve au centre d’un losange délimité par des bougies qui éclaire l’endroit. 


Je suis entourée par des arbres parfaitement alignés. On dirait un rituel… non, on ne dirait pas… Je reconnais une forme de sacrifie vaudou.

Je tire sur les liens qui me retiennent mes bras, mais tout ce que j’arrive à faire, c’est meurtrir mes poignées.


-Tu peux tirer sur les liens mais ils ne se délieront pas. 


Je lève les yeux voir une Courtney habillée d’une cape noire dont la capuche est remontée sur sa tête ne laissant apparaître que ses lèvres étirées par un sourire en coin. Elle tient dans sa main une torche allumée qui lui confère un air glauque.


- Je ne sais pas à quoi tu joues, mais je te croyais plus inventive. M’utiliser comme sacrifice n’est pas très recherché. Parce que c’est ce que tu comptes faire n’est-ce pas ?


-Tais-toi sorcière ! Les impies pratiquant la magie n’ont point droit à la parole.


J’émets un rire rauque face à cette parodie minable…


- Que comptes-tu faire ? Me brûler au bucher ? Dis-je en riant


- C’est exactement ça. Répond-elle en balançant à mes pieds la torche qu’elle tenait entre ses mains. Je suis du regard la trajectoire qu’emprunte la torche et cache ma stupeur lorsque je remarque qu’elle a atterri sur de la paille et des petites brindilles sèches rapidement inflammables qui entoure le tronc où je suis attâchée. Très vite, les flammes s’embrassent et m’encerclent, m’obligeant à respirer la fumée qui émane d’elles.


-Tu ne l’as pas vu venir celui là. Est-ce que ta sorcellerie peut faire quelques choses contre les flammes ? Demande-t-elle en prenant place sur un tabouret que je remarque près d’elle. Je t’aime bien tu sais, et si tu me le demandais gentiment, je pourrais éteindre ce feu.


Rapidement, respirer la fumée devient insupportable. Les douleurs vives dû aux coups portés plus tôt ne me permettent pas de réguler ma respiration, et la chaleur enveloppe le bas de mon corps semble se transformer en morsures brûlantes. Mais si elle pense que je vais la supplier, c’est qu’elle me connaît vraiment très mal. Je serre les dents pour ne pas crier, pour ne pas lui montrer la douleur que je ressens, pour ne pas lui donner satisfaction. 


Je ferme les yeux et me concentre. Respire Dèlomè… Respire. J’utilise les dernières forces pour me connecter à la nature… Je me sers du tronc d’arbre et puise en lui jusqu’à la raciner pour établir le contact. Je sens l’énergie de la terre m’envahir et remplacer les sensations de brûlures. Une énergie si forte, si intense qu’elle ne peut se contenir dans un corps.


Elle me pousse à m’élever, à quitter cette enveloppe charnelle dont la chair est en train de cuire sous les flammes. 


La voix de Courtney est de plus en plus lointaine et je finis par la percevoir comme un murmure… Je souris de bien-être, mon esprit est apaisé. Aussi légère qu’une plume, je plane au dessus de mon corps pris entre les flammes. Je repense à ma famille… pour la première fois depuis très longtemps je revois leurs visages avec une netteté incroyable. Ils me tendent la main. Sans un regard en arrière, je vais à leur rencontre quand je sens la lame sur mon cou. 


Que les dieux reçoivent mon âme…


*****Courtney*****


-Tu as fini ?


-Oui. J’ai fait le tour, comme tu me l’as demandé. Répond Stan en refermant le bidon d’essence qu’il tient d’une main.


-Mais tu en as aussi répandu partout


-Oui


-Le hors-bord ?


-Prêt


J’inspire une grande bouffée d’air, inhalant les effluves de l’essence, mêlée à cet odeur de terre boisée propre à la forêt et à  l’odeur marine iodée émanant de la mer !


-Parfait!


-Est-ce que la mission est accomplie


-…… D’une certaine façon. Oui….Qui aurait cru qu’il serait si facile de réunir douze personnes sur une île et les voir se ronger par la peur, devenir fou un peu plus chaque jour, douter aussi facilement d’eux même puis se suspecter les uns les autres, agir avec cupidité pour sauver leur peau ? D’un côté, j’ai été déçue, par tant de facilité. Ils ont pratiquement tous capituler et mon presque tous supplier de les épargner. 


Geindre, ils n’ont fait que ça pendant ces 29 jours, si on oublie les pseudos constructions de radeaux. A aucun moment ils n’ont réellement été attentifs à ce qui les entourait.


-Je sais que je n’ai pas à poser la question mais… Pourquoi ? Me demande Stan


-Pourquoi ? Mais pour le cercle voyons ! Tout tourne autour du cercle. Ce cercle composé d’auteurs plus pédants les uns que les autres enchaînant les best-scellers, estimant certains auteurs non aptes à rejoindre le maudit cercle. Sais-tu que j’ai commencé à écrire avec eux, j’aurais pu moi aussi les écrits ces best-sellers, si seulement on m’en avait donnée l’opportunité. Je méritais ma place dans ce foutu cercle ! Et aujourd’hui, je leur ai montré un par un mes arguments.


-….


-A travers cette aventure, j’ai écrit le roman policier de ma vie, le livre de leur vie. Tous les pièges, énigmes et indices disséminés partout sur cette ile n’avait pour but que de me retrouver. Et il aurait pu le faire. Ces énarques de la littérature, n’ont même pas été capables de faire le lien entre tous les indices et moi. Sisi, miss futée a été incapable de se rappeler de l’acronyme de mon prénom, lorsque je l’ai inscrit dans le sable : Courtine, Courtney. De même personne n’a su remarquer la devise du cercle en latin, inscrit sur les flèches et le plus important : tout le monde a oublié RACH, le prénom de l’héroïne de ma première histoire. Elle souffrait de dédoublement de la personnalité et avait trois personnages en elle, Rêve Charme, Aii Chou et RACH qui était la contraction des deux noms et prénoms. Ils l’avaient tous lue, et j’aurai enfin pu me faire un nom grâce à elle mais c’est l’histoire prometteuse que je n’ai pas pu finir puisque mon frère venait de dévoiler mon identité au grand jour…


Et sans lui, j’aurais pu continuer de noircir des pages entières à l’encre noire. J’aurai pu vivre de ma passion, et j’aurais été reconnu parmi les miens…


Un sentiment de haine profond m’envahi et je décide de le refouler d’un revers de la main. Chacun son tour, le sien arrivera bientôt…


-Enfin bon, il est inutile de revenir sur cette histoire. Aujourd’hui je possède tous les éléments pour écrire « LE CERCLE », l’histoire qui me fera renouer avec le succès, et cela, grâce à ce groupe secret qui n’est plus. Il est temps d’en finir


-Tu veux que je le fasse ?


-Non, je vais le faire


Je tends ma main droite vers Stan qui y glisse un briquet en argent. La froideur de l’objet contraste avec la chaleur du lieu, bien que la nuit soit avancée. Je leur ai offert une mort digne dans l’un des plus bels archipels du monde…


- « verba volant, scripta manent » Prononcé-je avant de lancer le briquet sur la ligne d’essence se trouvant devant moi. 


Il faut moins d’une minute avant que le feu ne semble entourer telle une clôture la forêt, spectatrice de tous ces évènements car il ne doit rester aucun témoin. Même pas…


-Boy ?


-Rach ? Fait-il en fléchissant légèrement la tête en signe de soumission


Loyal, il l’a toujours été, il mérite de garder la vie sauve, mais je ne peux me laisser prendre par les sentiments


-Appelle-moi Courtney


La température augmente de façon exponentielle et bien vite, nous nous retrouvons éclairés par les rayons orangés des flammes.


-Merci. Dis-je avant de sortir mon arme, de mon sac et lui tirer deux balles dans la tête.


Lui je lui est offert un mort rapide, à l’image de ce qu’il était.

Je me dirige vers le hors-bord, sous la chaleur étouffante, laissant la forêt derrière moi, laissant les douzes auteurs derrières moi, laissant LE CERCLE derrière-moi. 


La boucle est bouclée !

LE CERCLE