Épisode 12
Ecrit par Mona Lys
Episode 12
CINDY
Depuis trois jours que Ken est parti, il ne m’a pas appelée. Mais ça ne m’étonne pas. Ken ne m’appelle jamais quand il part en voyage surtout quand il est avec une de ses maitresses. Il peut faire tout un mois sans m’appeler pour prendre de nos nouvelles. J’ai fini par m’y habituer donc ça ne me fait ni chaud ni froid. Plus rien ne me surprend de cet homme. C’est tout le contraire qui me surprendrait. C’est ce soir mon voyage pour le Congo Brazzaville avec Loraine et Roxane. Mais avant d’y aller, j’ai tenu à aller voir Estelle pour lui parler. Elle me manque et j’en ai marre de cette distance entre nous. Ce n’est pas normal qu’on ne se parle plus juste parce que je refuse de quitter Ken.
Je finis de ranger les affaires des jumeaux dans la malle arrière de ma voiture et retourne à l’intérieur vérifier s’ils ont fini de prendre leur petit déjeuner.
– Mes poussins faites un peu vite. On doit passer voir tata Estelle avant d’aller chez Erwin et Soraya.
– On va aussi au Congo avec toi ? Me demande Lena.
– Non ma puce. Je vous l’ai déjà dit, vous, vous resterez chez tante Loraine.
– Avec Soraya ?
– Oui chérie. Bon attendez je fais la vaisselle rapidement et on s’en va.
Je débarrasse pour tout nettoyer dans la cuisine. Quand je prends le chemin avec les enfants pour la voiture, ma mère fait son entrée.
– Maman ? Je ne savais pas que tu venais ?
– J’étais dans les parages donc j’ai décidé de venir te dire au revoir avant que tu ne partes. Tu t’en vas déjà ?
– Oui, enfin non je me rendais d’abord chez Estelle. Je dois discuter avec elle.
– Ah ça tombe bien. Moi-même je voulais lui parler. Je ne veux pas que mes deux filles se divisent à cause d’une histoire sans importance. Allons-y.
Une quarantaine de minutes plus tard nous sommes chez Estelle. Nous sommes assises au balcon tandis que les enfants sont au salon en train de regarder la télé.
– Estelle, commence notre mère, pourquoi tu ne parles plus à ta sœur ? Je croyais que c’était juste une humeur passagère mais ça fais des semaines que vous ne vous parlez pas.
– Je n’ai pas dit que je ne parlais plus à Cindy. J’ai dit que je préférais rester loin d’elle et son couple. Contrairement à elle je ne supporte pas les bêtises.
– C’est son mari que tu appelles bêtises ? Demande ma mère choquée.
– Non, ce qu’il lui fait. Merde maman ça ne te fait rien de savoir que ta fille est battue n’importe comment ?
– Que c’est la seule femme battue ? Tu penses que c’est quoi le mariage ? C’est seulement faire les enfants ? C’est tout ça. Dans un mariage il y a les hauts et les bas.
– Mais pas de la maltraitance. Ken se fou d’elle constamment. Il lui met des bleus partout. Est-ce que tu as vu son dos ? Cindy montre-lui les cicatrises qui sont sur ton dos. Il la bat et la viole.
– Il n’y a pas de viol entre un homme et sa femme.
– SI, IL Y EN A.
Elle se lève toute en colère.
– Maman, Ken traite ta fille comme de la merde. Il la bat, il la trompe et il s’en fiche royalement d’elle. Demande-lui si depuis qu’il a voyagé il l’a appelée? Ken ne l’appelle jamais quand il part en voyage. Il se fiche de ce qui peut lui arriver en son absence. Il ignore même ses enfants. Des fois, je me demande s’ils sont de lui.
– Quoi insinues-tu que j’ai trompé mon mari ?
– Non mais peut-être qu’il est jumeau et que c’est de l’autre que tu es tombée enceinte.
– Quoi qu’est-ce que tu racontes ?
– Oui c’est idiot ce que je dis mais quand je vois comment il se comporte je me dis que l’impossible est possible avec lui. Cet homme ne te mérite ni ne mérite les enfants.
– Je dis hein Estelle, s’énerve maman, tu es là tu parles tu parles, que sais-tu du mariage ? Tu n’es pas mariée et tu ne m’as même pas encore présenté de fiancé et puis c’est toi qui parle du mariage des autres.
– Si c’est ça le mariage maman, je préfère rester célibataire à vie. Et puis dis-moi, papa t’a-t-il déjà porté main ? Non. En tout cas pas à ma connaissance et je sais qu’il ne l’a jamais fait. Alors pourquoi veux-tu que ta fille vive une épreuve que toi-même tu n’as pas vécue? Et même si tu l’avais vécu ce n’est pour autant pas une raison. Tu es en train de pousser ta fille vers la tombe. Des milliers de femmes meurent chaque jour sous les coups de leurs maris et c’est ce qui va arriver à Cindy si tu continues de l’encourager à rester avec cet idiot. Maintenant si vous n’avez plus rien à me dire je dois retourner terminer le travail que j’avais commencé.
Elle retourne à l’intérieur sans attendre notre réponse. Je décide de la suivre pour lui parler. Je refuse de quitter cette maison sans avoir réglé les choses. Je la suis jusque dans la cuisine où elle se remet à découper les oignons.
– Estelle !
– Non Cindy, me coupe-t-elle la voix tremblante. Non !
– Tu me manques.
Elle se retourne et une larme perle sur sa joue.
– Cindy tu es ma grande sœur et je t’aime. Nous sommes comme des jumelles tant nous sommes liées. Je veux que tu sois heureuse mais tu ne le seras jamais avec cet homme. À chaque fois que tu viens me voir avec le visage enflé et tout j’ai affreusement mal. Je ressens ta douleur tu comprends et là c’est de trop pour moi. Je ne peux plus te regarder mourir à petit feu. Regarde comme tu es amaigrie. Tu n’es plus ma grande Cindy. Tu as perdu cette joie de vivre que tu trimballais avec toi tout le temps. Y en a marre de te voir pleurer pour cet homme qui ne te mérite pas. Cindy sauve ta vie je t’en supplie. Tu pourras venir vivre ici avec les jumeaux. Je te soutiendrai en tout temps jusqu’à ce que tu te reconstruises. Mais je t’en supplie sauve ta peau avant qu’il ne soit trop tard.
Je ne sais pas quoi répondre. Tout ce qu’elle dit est vrai mais je n’ai pas le courage de dire adieux à mon mariage.
– Je vais bien Estelle je te le jure. Tout va rentrer dans l’ordre. Parle-moi de nouveau je t’en prie.
– Ok mais je tiens quand même à garder mes distances. Bon voyage.
Elle essuie ses larmes et me redonne dos. Je n’insiste pas et repars avec maman et les enfants.
*Mona*LYS*
Enfin nous sommes au Congo. Nous sommes arrivées tard dans la nuit d’hier et n’avons eu que peu de temps pour nous reposer avant de nous lancer dans l’organisation du défilé. D’autres créateurs de mode seront présents, que ce soit pour les habits comme pour les chaussures. Nous avons eu avant une réunion avec l’équipe d’organisation et là maintenant nous sommes en train de préparer les mannequins. Le défilé a déjà commencé et ce sera bientôt à nous. Madame Roxane s’occupe de maquiller les mannequins qui nous sont assignés. Nous sommes à Mbamou hôtel à Brazzaville. C’est un hôtel 5 étoiles à ce qu’il parait. Il n’y a qu’à voir la beauté pour s’en assurer. L’idée d’informer mon ami Drick de ma présence dans son pays m'a traversé l’esprit mais j'y ai renoncé pour éviter des situations compromettantes. De toutes les façons il est à Kinshasa donc on ne pourra se voir.
– Cindy tu vas monter avec moi à la fin du défilé, me lance Loraine qui fait porter des talons à l’un des mannequins. C’est toi qui viendras me chercher pour me présenter au public.
– Vraiment ? J’ai super honte.
– Tu vas devoir la surpasser. Tiens ces boots, va les faire porter au mannequin derrière toi.
Je fais comme elle a dit et rejoins une belle jeune fille que Roxane vient à peine de maquiller.
– Bonsoir, lui dis-je.
– Bonsoir madame. Vous permettez que je vous dise quelque chose ?
– Oui allez-y.
– Vous êtes très belle. Un peu triste mais très belle.
– Oh merci. C’est vraiment gentil.
– De rien. J’aime surtout votre chaine.
Je touche l’une de mes chaines.
– Non pas celle avec votre prénom. L’autre. Le demi-cœur. Il est beau.
– Merci.
– C’est votre mari qui a le deuxième je suppose.
– Oui. Répondé-je tristement.
– Je suis désolée d’être autant indiscrète. C’est juste que j’aime l’amour. Au fait je m’appelle Charlène.
– Et moi Cindy, dis-je en me relevant. Vous devriez ranger votre portable. Ce sera bientôt à nous.
– Oui je sais, désolée. J’essaye juste d’appeler mon frère pour lui donner une information importante mais il ne décroche pas. J’espère qu’il verra mon message. Bon on y va. On nous appelle.
Tous les mannequins se dirigent à l’entrée du podium. Une à une, elles sortent pour aller défiler. Il y a un monde fou et quand je pense que je dois aussi monter sur le podium je tremble. Il y aura une centaine de paires d’yeux sur moi. Quand toutes ont défilé, elles s’alignent sur le podium et moi, tenant la main de Loraine levée, je la conduis devant tout le monde pour la présenter comme étant la créatrice des chaussures présentées. Tout le monde applaudit et les flashs des appareils fusent de partout. Je promène mon regard en souriant grandement mais je reçois un choc quand je croise des yeux qui expriment aussi la surprise de me voir. Les yeux de Ken. Il est assis au deuxième rang avec une casquette sur sa tête. Il m’a l’air aussi choqué de me voir. Nous nous regardons avec surprise et une colère monte en moi. Je quitte le podium avec Loraine et les autres filles. Je rumine ma colère jusqu’à ce que la soirée se termine. Immédiatement je sors pour aller chercher Ken. Faudrait pas qu’il disparaisse. Je le vois justement en train de tirer une jeune fille pour qu’ils s’en aillent.
– Ken !
Il se fige quand je tonne son nom. Je fonce vers lui et la jeune fille qui a le visage attaché.
– Comment peux-tu t’emmener ici avec ta maitresse alors que j’y suis ? Ken pourquoi tiens-tu autant à me manquer de respect.
– Cindy…
– C’est pour cela que tu ne voulais pas que je vienne au Congo ? C’était pour ne pas que je te vois avec ta maitresse ? Tu ne pouvais pas l’emmener ailleurs.
– Cindy ! Ce n’est pas ma maitresse, c’est ma petite sœur. La fille de la femme de mon père.
C’est à ce moment que la jeune fille se montre. C’est le mannequin avec qui j’ai discuté tout à l’heure.
– Je suis désolée Cindy. Je suis la petite sœur de Ken. Je me doutais bien que je t’avais déjà vu quelque part. Ken n’arrête pas de nous parler de toi.
– Charlène arrête ! L’interrompt Ken en la tirant en arrière.
Elle sourit et recule pour nous laisser seuls. Ken se tourne vers moi tout gêné.
– Cindy, je… je suis désolé pour le malentendu.
– Que fais-tu ici ? Tu ne m’avais pas dit que tu venais. Même si ce n’est pas elle ta maîtresse je sais que tu en as une dans les parages.
Il me regarde désemparé. Quelque chose m’interpelle dans sa posture, mais surtout dans son regard. Il est… différent. On aurait dit… l’autre lui.
– Cindy !
Pour une raison que j’ignore mon cœur se met à battre de façon désordonnée. Il y a de l’amour dans son regard et ça faisait cinq ans que je n’ai pas vu ça. Je continue de le fixer avec tous mes sens éveillés lorsqu’un scintillement sur son cou me fait baisser les yeux. C’est l’autre moitié de ma chaine. Il ne l’a donc pas perdu.
– Je suis venu te faire une surprise. Tu me… manquais.
Cette phrase a pour don de réchauffer tout mon être. Je lui manquais. Les yeux remplis de larmes je m’agrippe à son cou et l’embrasse. Il se crispe sur le coup mais, j’approfondis le baiser et peu à peu, il se détend. Tout doucement il passe les bras autour de ma taille et me serre contre lui en approfondissant à son tour le baiser. Cette sensation qui me traverse, il y a longtemps que je l’ai ressentie. Après cinq années, je retrouve ce Ken dont je suis tombée amoureuse. Je compte en profiter au max avant qu’il ne redevienne l’autre Ken.