Épisode 17

Ecrit par Mona Lys

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AALIYAH


Assise à table avec Jay, je prends mon petit déjeuner, la tête plongée dans mon plat. Cet homme n’arrête jamais de me dévorer du regard depuis que je suis venue m’installer ici pour l’aider. Il prend son temps pour manger comme s’il n’avait plus rien à faire après. Les deux premières semaines près de lui ont été d’un véritable supplice pour moi. Le toucher et des fois l’aider à se vêtir ça me met toujours dans des états. Je dors dans la chambre près de la sienne et mes nuits sont pour la plupart pénibles. Dormir à quelques mètres de lui sans pouvoir le toucher, être dans ses bras, le sentir en moi, c’est un plus gros supplice. Vivement qu’il se rétablisse et que je retourne chez moi.


Il pose son assiette encore pleine sur la table.


‒ Tu ne manges plus ?

‒ Non, ça ne passe pas.

‒ Tu veux que je te fasse autre chose ?

‒ Non ça va.


Il termine son verre de jus.


‒ On va donc y aller puisque tu as fini, dis-je en me levant.

‒ Termine d’abord.

‒ J’ai fini.


Je débarrasse la table, fais rapidement la vaisselle et nous sortons. Arrivés à la voiture, je l’aide à s’installer avant de mettre son fauteuil dans le coffre. Il commence aujourd’hui ses séances de rééducation. J’ai décidé de payer tout ce que ça coutera. Jay n’en sait rien. J’ai demandé à son cousin de ne rien lui dire. Il m’en empêchera sinon.


Je reste assise dans une chaise à l’observer. Avec l’aide d’un agent de santé, il essaie de se tenir débout en tenant de part et d’autre les bars de fer. Il manque plus d’une fois de tomber et moi je me retiens à chaque fois de me lever pour aller l’aider. Même à moitié handicapé, cet homme reste beau et chic à regarder. Il tourne de temps en temps son regard vers moi. Je fais l’effort de ne pas détourner le mien. Un moment je reçois un appel de Darnell qui me sollicite pour un shooting photo. Bien entendu je décline l’offre puisque je n’ai pas de temps. Lorsque je termine ma conversation et me retourne, je tombe sur Jay assis dans son fauteuil roulant. Je crois qu’il a fini sa séance.


‒ Tu as un shooting ? Me demande-t-il.

‒ Oui mais j’ai décliné. Vous avez fini ?

‒ Oui. Si tu veux on peut aller ensemble à ton shooting.

‒ Non. Tu dois rentrer te reposer.

‒ J’en ai marre de rester enfermé. En plus tu ne dois pas refuser des opportunités à cause de moi.

‒ Non ça va. Rentrons.


Je veux bien entendu faire ce shooting mais tout comme lui l’avait fait il y a cinq ans, moi aussi je mets en quelque sorte ma vie en stand-by le temps de son rétablissement. Lorsque nous arrivons à son appartement, il part s’enfermer dans son bureau pour travailler. Moi je pars m’enfermer dans ma chambre. Je passe le temps à surfer sur le net. Au bout d’une heure de temps, j’entends du grabuge à l’extérieur et des voix. Je vais voir et je tombe direct sur Darnell.


‒ Que fais-tu là ?

‒ Ton homme m’a contacté pour nous expliquer la situation et demandé si on ne pouvait pas faire déplacer la séance. Comme c’est pour la nouvelle collection de Kayla, je n’ai pas trouvé d’inconvénient à ce qu’on change un peu de cadre. C’est très beau ici. En plus il y a une piscine. Tiens ça, ce sont les tenues.


Je suis sur le cul mais je prends quand même les tenues.


‒ Tu sais que je n’aime pas vraiment poser en sous-vêtements.

‒ Je sais. Ce sont des ténues de plages. Ne t’inquiète pas, ce n’est pas très dévoilant.

‒ Ok.


Il part donner des instructions à ses seconds pour les emplacements sur la terrasse. J’ai dû faire un effort pour ne pas défaillir devant Darnell mais je n’arrive pas à croire que Jay ait fait ça. Je le retrouve dans son bureau.


‒ Mon photographe est là. Tu l’aurais appelé.

‒ Oui. Je trouve injuste que tu te prives de ton boulot pour moi.


Je suis heureuse qu’il ait fait ça pour moi.


‒ Merci, dis-je doucement.

‒ Pas de quoi.


La séance se déroule très bien jusqu’à ce que Jay apparaisse dans son fauteuil roulant. Le voir là, me regarder avec ce regard de braise m’intimide. Il me dévore littéralement du regard. Non, je dirais qu’il me fait l’amour du regard. J’essaie de me concentrer mais voir du désir dans ses yeux me trouble énormément. Il les promène sur chaque partie de mon corps, surtout les parties dévoilées. Je porte un maillot deux pièces dont le bas est en taille haute et par-dessus une sorte de peignoir dans le même tissu. Je pose de temps à autre pour la femme de Darnell quand ce sont de nouvelles créations. J’en ai même plein de ses créations dans ma penderie.


‒ Voilà c’est fini. Merci Aaliyah pour ta disponibilité.

‒ De rien.


J’aide à tout ranger après quoi je vais me changer et rendre les ténues. Je les raccompagne jusqu’à la porte. Quand je reviens, Jay est là.


‒ Tu étais splendide.

‒ Merci ! Je vais préparer le diner.


Je passe près de lui en prenant la direction de la cuisine lorsqu’il m’attrape le bras. Ce geste m’émoustille. Je lui fais face. Je croise de nouveau ce regard plein de désir.


‒ Je veux qu’on dine dehors aujourd’hui.

‒ Tu dois…

‒ C’est moi le convalescent et c’est moi qui ai envie de diner dehors… avec toi. Tu mérites aussi de souffler. Depuis que tu es là tu es à fond dans mes soins.


Je me sens intimidée par le ton si sensuel de sa voix. Je reprends ma main.


‒ Ok.


Le diner se passe dans le silence. Seuls nos couverts font du bruit. Jay a essayé d’engager la conversation mais je n’ai pas été très réceptive. Je ne sais pas de quoi nous allons parler au fait. Il y a encore une certaine gêne entre nous, ou du moins de mon côté depuis les révélations de l’accident.


‒ Tu avais dit que tu ne me détestais pas, lâche-t-il de but en blanc.

‒ C’est le cas.

‒ Pourquoi donc ne me parles-tu pas ?

‒ Je ne sais pas quoi te dire Jay. Je ne vois vraiment pas de quoi nous pouvons parler.

‒ Je ne t’ai pas demandé de venir prendre soin de moi. Mais si tu es là, tu peux au moins faire l’effort de me parler.

‒ Je te parle.

‒ En dehors de ma santé et mon bien-être.


Je pose ma fourchette dans un soupir.


‒ Le problème est que, quoi que nous entamions comme discussion ça finira autour de nous. Pourtant il n’y a plus rien à dire sur notre… relation qui n’a d’ailleurs jamais commencé.

‒ Tu as raison.


Nous avons terminé dans le silence et sommes rentrés dans le silence. Je déteste cette atmosphère. Je veux bien lui parler, discuter avec lui, même rigoler avec lui, mais sur quel sujet ? On parlera de nos vies et moi je risque de parler de mes parents et là ce sera la gêne totale. Je veux éviter ça. J’ai déjà du mal à digérer cette histoire d’accident donc en parler serait douloureux.


Le sentant fatigué, je l’aide à se mettre dans son lit. Il est tellement lourd que je manque de tomber sur lui. Mes bras restent cependant coincés derrière lui et mon visage se retrouve à quelques centimètres sur sien. Nos yeux se captent et avant que je ne fasse quoi que ce soit, il saisit mes lèvres entre les siennes. Je frissonne. Je ne le repousse pas sur le coup parce qu’au fond de moi j’en rêvais. Mais j’y mets vite fin lorsque je commence sérieusement à perdre pied.


‒ Arrête s’il te plaît !

‒ Je suis désolé. J’avais du mal à résister. Tu es tellement belle dans cette robe.


Il veut m’embrasser mais je recule.


‒ Tu n’as jamais voulu qu’on se donne une chance. Alors pourquoi fais-tu ça maintenant ?


Il baisse les yeux. Sa réponse ne vient jamais. Je sors et referme derrière moi. Je m’enferme dans ma chambre et étouffe un sanglot avec ma main. Cette histoire me tue à petit feu. C’est douloureux d’aimer une personne et de ne pas pouvoir être avec elle.


*Mona

*LYS


Ça fait plus d’une heure de temps que Jay est dans son bureau avec la police. Ils ont affiché un air grave lorsqu’ils sont arrivés, ce qui m’a fait un peu peur. Je crois qu’ils sont là par rapport à l’accident. Pendant qu’ils sont enfermés, moi je regarde la télé. Je tiens mon portable en main et plus d’une fois j’ai écrit et supprimé un message que je voulais envoyer à Mira. Mon amie me manque. J’ai envie de lui parler de tout ce que je vis en ce moment. De partager avec elle la douleur que j’ai ressentie d’apprendre que c’est l’homme que j’aime qui est à la base de la mort de mes parents. Je veux tellement parler à quelqu’un. Tellement exprimer mes sentiments. Finalement je jette mon portable sur la table.


‒ Est-ce qu’on peut parler ?


Je me retourne dans un sursaut et je constate que Jay est là à me fixer bizarrement.


‒ Ils sont partis ?

‒ Oui. Ils m’ont annoncé une nouvelle et je voudrais t’en parler.

‒C’est en rapport avec ton accident ?

‒ Oui. Parait que les freins de ma voiture ont été sabotés. Ce qui expliquerait ma perte de contrôle.

‒ Oh mon Dieu. Mais qui aurait fait une chose pareille ?

‒ Nous n’en savons rien pour l’heure. Ils m’ont demandé si je voulais lancer une enquête et porter plainte. Mais avant j’aimerais savoir si tu as quelque chose à avoir avec ça ?

‒ Quoi ? M’offusqué-je en me levant. Tu es en train de m’accuser ?

‒ Non. Je veux être sûr du contraire. Je sais que tu as toutes les raisons du monde de vouloir ma mort et je ne voudrais pas porter plainte contre toi. On règlera ça à l’amiable.

‒ Non mais ça ne va pas ? Tu me prends pour une tueuse ? Je t’ai déjà dit que je ne te détestais pas. Sinon je ne serais pas ici à prendre soin de toi. Oh sauf si tu penses que je suis venue achever mon travail.

‒ Liyah je veux juste t’épargner de la justice au cas où…

‒ VAS TE FAIRE FOUTRE JAYDEN. Tu n’es qu’un pauvre type.


Je pars m’enfermer dans ma chambre toute furieuse. Non mais ce type est malade. Penser que j’ai voulu le tuer ? Non mais c’est le summum de la bêtise. Cette idée ne m’a jamais traversé l’esprit. Je décide de rester enfermée dans la chambre toute la soirée parce que si je sors et le vois, je risque de lui foutre une baffe.


Après quelques heures, je l’entends cogner à ma porte. Je ne réponds pas. Je n’ai pas envie de le voir.


‒ Je t’ai déposé quelque chose devant la porte.


Il s’éloigne. Je pars donc ouvrir. Il y a un petit sac en carton posé au pas de ma porte. Je retourne à l’intérieur avec. Je reste bouche bée devant ce qui se trouve à l’intérieur. Il y a la dernière collection de lingerie et de maillot de plage de Kayla. Ceux dont j’ai fait le shooting. Il y a aussi une carte à l’intérieur.


« Tu étais à tomber avec ces maillots. Tu le seras deux fois plus dans ces lingeries. » 


Je souris malgré moi. J’aimerais bien porter l’une de ces lingeries pour lui. Je me secoue la tête pour me sortir cette idée de la tête.


Au milieu de la nuit j’entends un bruit de fracas qui me réveille en sursaut. Jay doit avoir renversé quelque chose en voulant se déplacer sans doute. Avant que je ne me décide à aller voir, un grognement me parvient cette fois. Je me précipite pour sa chambre. J’ouvre la porte en fracas et la scène sur laquelle je tombe me glace le sang. Quelqu’un essaie d’étrangler Jayden qui se débat du mieux qu’il peut.


‒ Lâche-le ! Hurlé-je en tombant sur l’étrangleur.


Je lui donne des coups dans le dos. Il se retourne et m’assène une gifle violente qui me fait tomber à la renverse. Lorsqu’il se retourne c’est au tour de Jay de lui donner un coup de poing dans le ventre et un autre au visage. Il dandine sur lui-même.


‒ Liyah ça va ?

‒ Oui.


Le bandit se précipite de nouveau sur Jay qui est cloitré dans son lit. Une bagarre commence entre les deux. Je tourne sur moi-même à la recherche de quelque chose qui puisse me permettre de l’assommer. Je ne vois rien. Je sors rapidement chercher quelque chose dans une autre pièce. Je tombe sur un gros vase décoratif. Je le soulève malgré son lourd poids et je retourne dans la chambre. Sans hésiter je le brise sur la nuque du bandit qui s’écroule direct. J’allume la lumière et c’est avec stupéfaction que je vois du sang couler sous sa tête.


‒ Oh mon Dieu je l’ai tué. J’ai tué un homme.


Jay se penche sur le côté et retire la cagoule. Il soupire.


‒ C’est mon demi-frère.

‒ Et je l’ai tué, continué-je de pleurer.

‒ Viens là !


Je me précipite dans ses bras sur le lit. Il me serre fortement. Je pleure de plus en plus.


‒ Il n’est pas mort. Juste évanoui.


Je relève la tête. Je ne cesse de pleurer et de trembler.


‒ Toi comment vas-tu ? Il t’a fait du mal ? Tu es blessé ? Jay tu as du sang dans le cou.

‒ Liyah je vais bien. C’est juste une griffure. Je vais bien je t’assure.

‒ Oh mon Dieu j’ai eu tellement peur.


Je m’agrippe à son cou. Je me décolle et je l’embrasse. Ce baiser me calme petit à petit.


‒ J’ai eu tellement peur qu’il t’arrive quelque chose, lui avoué-je les yeux dans les yeux.


Il m’attire et m’embrasse de nouveau. Après quelques secondes d’échange de baiser, Jay m’aide à ligoter le bandit et nous appelons la police. Je l’installe dans le fauteuil près du lit et je me couche sur lui. Je reste paisiblement ainsi, profitant de cette étreinte et de ses douces caresses, jusqu’à ce que la police arrive.         


Plus qu'un regard