Épisode 18
Ecrit par Mona Lys
18
JAYDEN
Je fais un dernier mouvement de jambe et enfin c’est terminé. Ainsi vient de s’achever ma dernière séance de kiné à domicile. Lorsque j’ai commencé à me tenir debout tout seul, mes séances à l’hôpital ont été transférées à la maison avec une kinésithérapeute pour m’aider à retrouver la mobilité de mes jambes. Maintenant je marche. Mais il me faut encore un certain soutien. Je me suis donc acheté une belle canne avec laquelle je marche. Je profite du dernier massage de ma kiné.
‒ Vous vous êtes très vite remis sur pieds, me fait-elle remarquer. Généralement les gens mettent plus de temps que ça.
‒ Faut dire que j’avais une détermination de fer. Sans oublier que j’avais une très bonne kiné.
Elle rougit. Je ne le suis pas indifférent. Ça je l’ai remarqué dès notre première séance. Elle m’a fait du rentre dedans et même dans sa manière de me masser je pouvais ressentir son attirance. Mais j’ai été indifférent tout ce temps. Une seule femme ne me laisse pas indifférent. D’ailleurs elle disparait à chaque fois que je dois commencer mes exercices. Je crois qu’elle est jalouse de voir une autre se rapprocher autant de moi. Après le départ de la thérapeute, je pars prendre une douche. Je ressors avec juste une serviette nouée à ma taille. Je tombe sur Aaliyah qui range mes vêtements dans mon armoire. Quand elle se retourne et me voit, elle sursaute. Son regard s’attarde ensuite sur mon corps.
‒ Je suis désolée. Je te pensais encore sur la terrasse avec l’autre.
‒ Nous avons terminé.
Elle promène son regard comme pour éviter de me regarder.
‒ Je t’attendrai au salon. Je dois te parler.
‒ Ok.
Elle sort à la hâte. J’entreprends de me vêtir. Depuis notre dernier baiser, quelques semaines en arrière, elle me fuit sans cesse. Un peu comme si elle avait peur de succomber de nouveau dans mes bras. Je n’ai non plus pas voulu la mettre davantage mal à l’aise donc je gardais mes distances. Concernant l’agression, mon fameux demi-frère croupit en ce moment en prison. La police a mis la main sur son acolyte qui a avoué avoir été payé par lui pour saboter mes freins de voiture. Ce dernier a fini par avouer mais refuse toujours de dire qui sont ces complices. Mais je sais que sa mère et son petit frère y sont aussi pour quelque chose. Mais je m’en fiche pas mal. Tant que lui il paye pour leurs tentatives de meurtre contre ma personne ça me va.
Je rejoins Aaliyah qui m’attend dans le salon. Je prends place en face d’elle.
‒ Tu voulais me parler ?
‒ Euh oui. Je tenais juste à t’informer que maintenant que tu te portes mieux, je vais retourner chez moi. Je vais rentrer ce week-end le temps pour toi de peut-être te trouver une fille de ménage.
‒ Ok je te comprends.
‒ Bien.
‒ Je vais faire un tour à ma boite. Je te dépose quelque part ?
‒ Oui, chez moi. Je vais aller mettre un peu d’ordre.
‒ Allons-y donc.
Je la dépose devant son immeuble sans que nous n’ayons échangé un seul mot. Je me rends ensuite à mon entreprise boucler les derniers dossiers et donner les recommandations. En effet, ce que Liyah ne sait pas c’est que je retourne en France après-demain. Je ne me sentais pas capable de la regarder s’en aller à tout jamais loin de moi. J’ai alors décidé de partir en premier. Je vais beau me nourrir d’espoir mais entre elle et moi il ne peut rien y avoir. J’ai passé des années à mettre des barrières entre nous et aujourd’hui c’est elle qui en met.
Je tiens une réunion avec mes chefs de département pour leur confier les tâches pour maintenir la boite à son sommet. J’ai eu la chance d’avoir une bonne équipe sur laquelle compter. Je termine à peine ma dernière phrase que la porte de mon bureau s'ouvre avec fracas. Je tourne les yeux et c’est sans surprise que je vois cette femme.
‒ J’ai besoin de vous parler, me dit-elle.
Je fais signe à mes collaborateurs de nous laisser seuls. Ils obéissent. Ma secrétaire fait de même après milles excuses.
‒ Que me voulez-vous ?
‒ Vous demandez s’il vous plaît de faire libérer mon fils. Il a compris la leçon. Nous avons tout fait mais seul vous pouvez retirer votre plainte et le faire libérer.
‒ Je ne peux rien faire pour vous. Votre fils a tenté à deux reprises de me tuer.
‒ Et il le regrette. C’était une bêtise dû à la jalousie et la douleur de n’avoir rien reçu de particulier de la part de son père. Vous pouvez comprendre ça.
‒ Désolé mais non je ne peux le comprendre. J’aurais bien pu vous tuer vous aussi pour avoir été la cause de la mort de ma mère. J'aurais pu vous tuer pour avoir mis le grappin sur mon père et détruit notre famille. Mais non. J'ai appris à vivre avec donc rien ne justifie l’acte de votre fils. Et si je creuse plus en profondeur je sens que votre nom sortira quelque part. Ne m'obligez donc pas à vous foutre vous aussi en prison pour complicité. Maintenant sortez de mon bureau.
J'appuie sur le combiné et demande à mon assistante d'appeler la sécurité.
‒ Tu iras droit en enfer avec cet argent, crois-moi, me crache-t-elle au visage avant de s'en aller.
Je me reconcentre sur mon travail afin de le terminer rapidement. J’ai d’autres choses à faire comme d'abord déjeuner avec tante Mimi qui est rentrée il y a quelques jours de son voyage. Ça faisait un bon bout de temps qu'elle et moi n’avions pas passé du temps ensemble. Je me rends dans son petit restaurant Africain où elle passe le clair de son temps. Quand elle m’aperçoit elle fausse compagnie à ses clients pour me recevoir. Pour m'avoir élevé, elle connaît mes goûts culinaires. Elle nous installe à une table.
‒ Alors comment ça va mon garçon ?
‒ Je vais mieux. Mes séances sont terminées. Ma jambe se rétablira seule de jour en jour.
‒ C’est bien. J’ai eu tellement peur.
‒ Je vais bien, je souris pour la rassurer. Au fait, je retourne en France dans deux jours.
Elle me regarde d'une certaine manière. Je sais déjà ce qu’elle veut me dire.
‒ Tu vas encore laisser Aaliyah.
L'une des serveuses m’apporte mon plat et du jus de fruit. Je la remercie. Je constate que ma tante me regarde toujours.
‒ Je n'ai jamais vraiment été avec elle. Tu le sais.
‒ Pourquoi vous vous mettez vous-même des barrières ? Personne n'a rien dit, personne ne s'est levé pour protester contre votre relation mais vous refusez de vous aimer comme il se doit. C’est quoi votre problème ?
‒ Tu connais toutes les raisons.
‒ Ces raisons datent d'il y a huit ans. Bon sang passons à autre chose.
‒ Je veux bien essayer mais maintenant c’est elle qui me fuit. Le mieux que je puisse faire c’est de m’éloigner d'elle. Elle a maintenant une bonne raison de m’oublier.
‒ Vous êtes soulant tous les deux, fait-elle en tirant la tronche.
Je souris. Après avoir passé plus de deux heures avec ma tante, je me rends maintenant à l’entreprise d'Angèle. Je dois lui parler, à elle et Mira. Je veux pouvoir arranger les choses avant de m'en aller. Angèle que j'avais déjà prévenu de mon arrivée me reçoit dans son bureau.
‒ Merci de me permettre de te parler.
‒ Pas de quoi Jay. Je suis heureuse de te revoir sur pieds.
‒ Merci. Elle est là Mira ? Je voudrais aussi qu'elle soit présente.
Elle ne tarde pas à appeler celle-ci sur son portable. Elle apparaît quelques minutes plus tard. Je vois de la surprise sur son visage. Elle prend place sur le siège près de moi en face du bureau de sa cousine.
‒ Je ne vais pas prendre assez de votre temps. Je tenais, avant de retourner, vous parler d'Aaliyah.
Je vois Mira lever les yeux au ciel.
‒ Ce que nous avons tous les deux fait est impardonnable, je l’admets. Mais… je vous prie de ne pas la laisser tomber. Mira, tu sais mieux que quiconque qu'elle n'a personne d'autre en dehors de toi. Vous êtes toutes les deux ses sœurs et… ce serait injuste que vous vous divisiez pour une histoire qui ne sera jamais possible. Aaliyah est très triste sans vous deux. Plus d'une fois je l'ai surprise à vouloir vous écrire avant de se raviser. Je ne veux pas qu’elle reste seule. Angèle, si tu as pu me pardonner jusqu’à venir me voir tous les jours à l’hôpital et même chez moi pour me proposer ton aide, c’est que tu peux faire de même avec elle.
Elle soupire.
‒ Moi je ne lui en veux plus Jay. Seulement je ne sais si je pourrais de nouveau entretenir une amitié avec elle. Mais je te promets faire un effort.
Je regarde Mira qui garde les yeux rivés sur le sol. La tristesse se lit sur son visage mais elle ne pipe mot.
‒ Bien. Merci pour votre temps. Je vais y aller maintenant. Passez une bonne fin de journée.
Je me relève en prenant appui sur ma canne. Angèle me raccompagne jusqu’à l’ascenseur. J’espère de tout cœur qu’elles pourront renouer avec Aaliyah. Je m'en veux de devoir de nouveau la laisser seule.
*Mona
*LYS
J'entre dans la boutique d’Aaliyah. Je suis épaté par la beauté des lieux. Cette femme a du goût. Je suis heureux de voir qu'elle a utilisé l'argent à bon escient. Ça me prouve encore une fois sa maturité. Je marche plus vers l’intérieur et je la vois discuter, voire rigoler avec un homme qui la dévore du regard. Je suis prêt à parier qu’il a des vues sur elle. C’est bien la première fois que je la vois rigoler de bon cœur depuis que je suis là. Avec un pincement au cœur je me rends à l’évidence que mon retour dans sa vie ne lui a apporté que du chagrin. Je fais donc bien de sortir de sa vie pour de bon.
Son sourire disparaît lorsque son regard croise le mien. Je lui fais un léger sourire. Elle s’excuse auprès de son compagnon et vient vers moi.
‒ Que fais-tu là ?
‒ Tu m'as dit que tu descendrais à 18h alors je suis venu te chercher.
‒ Tu n’étais pas obligé.
‒ Je le fais avec plaisir.
‒ Ok. Je vais chercher mes affaires.
Elle parle encore un peu avec l'homme qui finit par s'en aller. Il me lance un bonsoir avant de sortir. Aaliyah me revient avec son sac à main. Je lui ouvre la portière, m’installe à mon tour et je mets le moteur en marche. Le trajet se fait en silence. Je veux lui parler, discuter une dernière fois avec elle mais je sais qu’elle ne sera pas à l'aise. Je garde donc le silence jusqu’à destination.
Marchant derrière elle, je la vois s’arrêter. Son regard reste bloqué sur le salon. J’ai pris le soin de nous organiser un dîner avant de sortir la chercher. J’ai tout disposé sur la moquette. La nourriture, la boisson et l’éclairage qui rend le tout romantique.
‒ Jay ! Souffle-t-elle à mi-voix.
‒ J’ai tenu à ce que nous ayons un dernier dîner avant que tu ne t’en aille.
‒ Ce n’était pas nécessaire.
‒ Tu m'en avais fait il y a cinq ans avant ton voyage. Aujourd’hui c’est mon tour. Ne refuse pas s’il te plaît.
Elle paraît réfléchir.
‒ Ok. Laisse-moi le temps de prendre une douche.
Je souris en la regardant s'en aller. Je lui ai laissé une robe sur son lit. Une robe rouge. Un peu comme il y a cinq ans. Je sirote mon verre de jus, assis sur la moquette les pieds nus, en l’attendant. Ce sera notre dernière soirée et je tiens à ce qu'elle se déroule bien. Je veux lui laisser un dernier souvenir de moi. Après ça chacun pourra reprendre sa vie. J’apporte mon verre à mes lèvres mais je suspends mon geste lorsqu’elle réapparaît. Dieu cette femme est belle. Aurais-je assez de courage pour encore renoncer à elle ?
Je me lève sans la quitter des yeux.
‒ Tu es magnifique Liyah.
‒ Merci, fait-elle gênée. La robe est belle.
‒ Viens, installons-nous.
Elle retire ses ballerines pour être à son aise sur la moquette. Je nous serre à manger et à boire. Les dix premières minutes se passent dans le silence que je finis par briser. J’engage une conversation sur sa boutique. Elle se détend peu à peu. Nous bavardons comme au bon vieux temps. Oubliant tous nos soucis. Sauf qu’à un moment je remarque qu'elle y va un peu trop fort sur le vin. J'en ai pris une bouteille pour elle puisque je ne bois toujours pas. Je ne savais pas non plus si elle en buvait ou pas alors j'en ai pris une au cas où. Mais là elle enchaîne verre sur verre.
‒ Liyah doucement avec le vin.
J'essaie de lui prendre son verre mais elle repousse ma main.
‒ Je sais que tu pars demain alors laisse-moi me bourrer la gueule.
‒ Comment le sais-tu ?
‒ Parce qu’après notre dernier dîner il y a cinq ans, tu es parti. Tu vas donc encore partir et je vais en souffrir.
‒ Liyah !
‒ Mais je ne t'en veux pas. Tu ne peux pas rester près d'une femme avec qui tu ne peux être. Ça n’a pas de sens que nous soyons ensemble n’est-ce pas ? On ne sort pas avec l'homme qui a tué ses parents ? Hein ? Mais alors pourquoi je n’arrête pas de d'aimer ? C’est pourtant clair que notre couple animera les conversations. Tout le monde dira de moi que je suis une femme stupide qui couche avec l’assassin de ses parents. Et si nous avons des enfants, ils leur diront que leur père a tué leurs grands-parents. En fait, cet accident nous suivra toute notre vie. Ça nous pourrira la vie. Pourquoi diable il y a eu ce fichu accident ?
Je la regarde parler, pleurer, boire et je regrette déjà d’avoir organisé ce dîner. Je ne voulais pas la voir pleurer. Je voulais juste passer un dernier moment avec elle.
‒ Je te demande pardon Liyah.
‒ Fais-moi l’amour une dernière fois.
J'en ai envie. Grave même mais est-ce une bonne idée ?
‒ Ça ne fera qu’empirer les choses.
‒ Les choses sont déjà pires Jay. Si nous voulons reproduire notre dîner d'il y a cinq ans, nous devons coucher ensemble. Ce sera notre adieu.
Elle pose son verre et se rapproche de moi. Son doux parfum m’effleure les narines. Elle rapproche son visage du mien. Je réduis à mon tour la petite distance entre nos deux visages et je saisis ses lèvres. Elle glisse sa main sur ma joue. Je glisse la mienne dans son dos. Je fais descendre lentement l’éclair de sa robe. Nos langues dansent au même rythme. Nos lèvres ne se descellent pas une seule seconde. Je l'attire de sorte à la positionner sur moi en califourchon tandis qu’elle retrousse sa robe. Je libère ses lèvres pour son cou où je laisse plein de suçons qui la font frémir et gémir.
‒ Prends-moi Jay. Maintenant.
Je ne la fais pas plus languir. Je me glisse lentement en elle. Elle s’agrippe à mes épaules comme pour se stabiliser et c’est elle qui prend les rênes. Je la regarde bouger, sautiller, gémir et je suis à deux doigts de tout envoyer balader pour la garder dans ma vie. Cette fille me tient de tous les côtés.
‒ Je t'aime Jay, hurle-t-elle en plein orgasme.
Elle se laisse tomber sur moi, la respiration complètement saccadée. Je lui caresse le dos pendant que nous nous reprenons.
‒ Je t'aime Liyah.
Je sors du lit à 5h du matin après avoir regardé Liyah dormir tout le reste de la nuit. Nous n'avons cessé de faire l’amour jusque dans le lit où nous avons terminé avant qu'elle ne s'endorme dans mes bras. Je remonte le drap sur son corps nu. Elle est tellement belle, allongée si paisiblement. Je prends rapidement une douche, me vêtis et doucement récupère mon sac de voyage. Je pose près d’elle sur le lit un chèque contenant toute la somme qu'elle a dépensé pour ma rééducation. Patrick m'a dit dès le premier jour que c’était elle qui payait à ma place. Je lui laisse une lettre d’adieu avec juste trois mots : Je t’aime. C’est tout ce que je veux lui dire pour cette dernière fois.
Je l’embrasse sur le front. Elle bouge doucement, change de position et continue de dormir. Je la regarde une dernière fois et je pars pour de bon. Je retrouve Patrick en bas, au volant de sa voiture. Je m’installe près de lui.
‒ Tu es sûr de ce que tu es en train de faire ?
‒ Oui. Elle mérite mieux.
Il démarre et nous quittons les lieux. Je m'éloigne d'elle pour la deuxième et dernière fois.