Épisode 2
Ecrit par Mona Lys
Episode 2
KYLIE
– Je veux voir tous vos exposés la semaine prochaine.
Nous commençons tous à ranger nos effets. Enfin, après 3h nous avons terminé le premier cours. Les étudiants autour de moi commencent à former leurs groupes d’exposé. Mes effets rangés, je reste toujours assise à regarder les autres. Je les connais tous, par leurs noms, âges etc… mais j’ai décidé de ne plus les côtoyer. De rester dans ma bulle et ce depuis l’année passée. Je préfère demeurer dans ma solitude puisque de toute façon aucun ne me comprendra. Ils me jugeront tous ou même pire se moqueront de moi. La solitude est devenue mon nouvel hobbit. À la maison je passe mon temps seule pareil à l’école. Il n’y a que sur les réseaux sociaux que je suis moins seule. Et le plus drôle c’est que toutes les personnes présentes dans cet amphi sont mes amis. Je ferai donc le devoir toute seule.
– Bonjour.
Je lève vivement la tête vers cette voix. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle m’adresse la parole.
– Désolée si je dérange. J’ai vu que tout comme moi tu n’avais pas de groupe. On pourrait former le nôtre pour le devoir.
Elle veut faire le devoir avec moi ?
– Euh ok d'accord.
– Ok cool. Moi c’est Faith HAMILTON. On se voit plus tard pour établir un programme ?
– Yeah !
Elle me gratifie d'un sourire avant de s’en aller. Je la suis du regard jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Faith HAMILTON. Elle est nouvelle sur la fac et tout comme moi elle est discrète. Mais contrairement à moi elle est beaucoup souriante. Son visage est toujours illuminé même quand elle ne sourit pas. Je passe des fois mon temps à la regarder pendant les cours. J'aime bien sa manière d’être. Elle est d’une simplicité sans précédent surtout pour quelqu’un qui appartient à la famille dont elle est issue. J'ai plus d’une fois voulu l'approcher mais j'ai fini par me désister. Et aujourd’hui c’est elle qui vient me parler. Je souris. Je me rends dans le resto de la fac. Des croissants et du lait et je vais me chercher une table. Je vois Faith assise toute seule. J’hésite à l'approcher. Je n'ai pas pour habitude d’aller vers les gens pour faire ami ami. C'est plutôt moi qu'on approche pour sympathiser. Mais elle, c’est différent. Je ne sais pas ce qu'elle a qui m’attire. Je souffle et m'avance vers sa table.
– Hey ! Dis-je anxieusement.
Elle lève la tête et un magnifique sourire illumine son visage. Elle est belle.
– Hey ! Répond-elle.
– Je peux ? Demandé-je en indiquant la chaise vide.
– Oh oui vas-y.
Je m'exécute soulagée.
– Pas de quoi. Comment ça va ?
– Bien merci et toi ?
– Dieu fait grâce. Alors comment on s’organise pour le devoir ? On pourrait le faire chez toi ?
– Non chez toi. Répondé-je précipitamment. Enfin je veux dire chez toi je préfère. Ça me permettrait de sortir un peu. Je suis du genre casanière.
– D’accord. On commence demain ? Le temps de faire chacune des recherches.
– Ça marche.
Nous gardons le silence. C'est Faith qui le rompt en abordant un sujet sur les cours. Je ne vois pas les minutes passer. Je ne fais que sourire en l’écoutant. J’ai toujours souhaité devenir son amie. Elle me semble être une fille chouette. En plus elle dégage une telle aura positive qu’on est poussé à l’approcher. Je ne la quitte plus du regard et un fait me frappe. Non deux. L’un c’est qu’elle est vachement belle et hyper raffinée. Même ses gestes sont exécutés avec élégance. Dieu seul sait que c’est la première fois que je trouve une fille plus belle que moi, mieux que j’apprécie la beauté d’une fille. L’autre fait qui me frappe c’est que, je ne sais pas comment l’expliquer mais j’ai l’impression qu’il y a une lumière autour d’elle. Elle brille.
– Je crois qu’on doit retourner. Le dernier cours va bientôt débuter.
– Tu as raison.
Nous prenons ensemble le chemin retour vers l’amphithéâtre qui est déjà bondé de monde. Faith se dirige vers les premiers bancs où elle s’assoit. Moi je reste un peu au milieu. Durant tout le cours je ne fais que la regarder. Sa vie à elle doit être géniale. Je ne sais pas grande chose de sa vie mais à voir comment elle rayonne on ne peut douter qu’elle soit heureuse avec sa famille autour d’elle.
– Kylie vous m’avez l’air ailleurs, m’interpelle le prof. Pouvez-vous répondre à ma question ?
– Je ne connais pas la réponse monsieur, dis-je avec désinvolture.
Certains se mettent à rigoler tandis que d’autres rouspètent. Qu’ai-je à faire moi de leurs humeurs ?
– Lorsqu’on se trouve assis dans cet amphithéâtre la logique serait de suivre ce pourquoi on est là.
– Oui ça c’est pour ceux qui ont choisi d’être là. Pas ceux à qui on l’a imposé.
Toutes les têtes convergent vers moi ainsi que celle de Faith. Son regard me fout la honte. J’évite donc de la regarder. Le professeur sans plus rien ajouter reprend son cours là où il l’avait interrompu. Je glisse discrètement mes écouteurs dans mes oreilles que je couvre avec mes longs cheveux lissés ce matin au fer. J’en ai marre de ces cours à la noix.
Le cours terminé, je fonce dehors sans perdre de temps. Mon chauffeur doit être déjà là à m’attendre. Je ne me rappelle plus de la dernière fois où ma mère est venue me chercher. Elle ne me consacre plus du temps. La dernière fois où nous avons passé un moment mère-fille date d’avant le décès de son père il y a six ans. Elle me manque. Mais elle n’a pas l’air de s’en soucier.
Comme la plus part du temps, je trouve la maison vide. Seuls les domestiques apportent un peu de vie à la demeure. Je monte m’enfermer dans ma chambre. Je prends une douche, après quoi je décide de faire des recherches pour mon devoir d’exposer avec Faith. Faudrait pas que je la déçoive. Je la sais bosseuse. Elle n’a pas arrêtée d’aligner des A depuis son arrivée. Certains même la traitent de tricheuse ou encore qu’elle aurait des privilèges à cause de la renommée de sa famille. Mais moi je sais qu’il n’en est rien. Ça saute aux yeux qu’elle est une fille super intelligente. Ils sont stupides ceux qui en doutent. L’idée de connaitre un peu plus sa vie me titille l’esprit. Je prends donc mon portable et cherche son profil sur Instagram. Les gens sont maintenant plus actifs sur Instagram que sur Facebook. Ça fait plus classe selon certains. Je défile parmi les photos de Faith. Elle n’a pas assez de photo d’elle et son entourage. Plus de la moitié de ses photos sont des textes bibliques. Sur les rares photos, on peut bien voir qu’elle a une super belle famille. Je constate qu’ils font beaucoup de diner en famille. Ce qui est loin d’être le cas de ma famille. C’est plutôt plus de voyage que de moments ensemble.
Je soupire et me laisse tomber sur le dos.
Comme mon père me manque. Quand il était là, nous passions du temps en famille. Il nous faisait sortir tous les week-ends. C’était soit les restaurants, soit le cinéma, soit dans les grands manèges. Bref, peu importait l’endroit, nous étions tout le temps heureux de passer du temps ensemble. Mais ça, c’était avant.
Je me relève rapidement pour me reconcentrer sur mon ordinateur lorsque deux coups sont donnés à la porte. Celle-ci s’ouvre dans la seconde qui suit.
– Kitty ! (Chaton !)
Je ne prends pas la peine de lever la tête vers ma mère qui ne se gêne pas de venir s’asseoir près de moi sur le lit.
– Comment ça a été ta journée ?
– Bien ! Répondé-je du bout des lèvres.
– Nous allons nous absenter pour une ou deux semaines, m’informe-t-elle en caressant mes cheveux. Tu veux que je te rapporte quelque chose ?
– Non !
– Tu as besoin de quelque chose là maintenant ?
– Non plus !
– Ok ! On se dit au revoir alors. Appelle-moi si besoin est.
– Hum !
Elle pose un délicat baiser dans mes cheveux et part. Je vais encore rester seule dans cette maison. Je soupire. Ce n’est pas de cette façon que j’ai souhaité que ma vie se déroule. Enfant, je souhaitais que ma famille demeure unie comme elle l’a toujours été. Nous étions si heureux. Mes parents semblaient tellement amoureux à vue d’œil. J’étais même enviée par mes camarades de lycée. Moi par contre, j’enviais l’amour de mes parents. Ils étaient si complices, si attentionnés l’un envers l’autre et cela interagissait sur moi. Ils m’ont communiqué l’amour, le vrai. J’ai aussi fini par rêver d’un mariage pareil avec un amour pareil. Je voulais aussi vivre cela une fois grande. Rencontrer l’homme idéal pour partager un aussi grand amour. Mais tout a basculé quand pour une raison que nous ignorons jusque-là, mon père a disparu de la maison. Ma mère et moi avions passé l’une de nos journées mère-fille et à notre retour à la maison mon père n’était plus là. La maison était carrément vide. Ses contacts ne passaient plus et à son boulot on nous a informé qu’il avait démissionné sans donner de raison. Ma mère et moi étions désemparées, ma mère encore plus. Même la famille de mon père n’avait aucune idée de là où il pouvait bien être. Deux mois après, ma mère a reçu les papiers de divorce. Elle a insisté auprès de l’avocat de mon père pour le rencontrer mais en vain. Elle a donc dû se résigner. C’est alors que Philippe, son mari actuel, est apparu dans nos vies. Mais depuis toutes ces années je ne peux m’empêcher de penser que mon père a dû avoir un énorme problème pour nous abandonner de la sorte. J’ai beau vouloir me convaincre qu’il avait rencontré une autre femme avec qui il a fondé une nouvelle famille mais mon esprit rejette sans cesse cette idée.
– Where are you daddy !? (Où es-tu papa !?)
Je veux le voir. Je veux qu’il me dise de lui-même qu’il ne nous aime plus. Je me lève subitement de mon lit. Il faut que je sorte me changer les idées. Je préviens la cuisinière que je ne dinerai pas à la maison. Cette maison m’étouffe à n’en point finir. J’en ai marre d’elle et de tous ceux qui y vivent. L’air frais du dehors me fera du bien. J’ai besoin de bruit et à New-York il y en a avec tous ces Américains qui sortent s’amuser la nuit après une dure journée mais aussi tous ces touristes qui viennent découvrir la ville la plus populaire des USA. New-York, on l’entend partout dans le monde. Pour nous les Américains ce n’est pas la plus populaire, mais pour ceux de l’extérieur si.
Plutôt que de prendre l’une des voitures, j’opte pour une marche. Je veux profiter de chaque bouffée d’air. Voir chaque lumière et personne qui circulera dans les rues. Je n’ai aucune idée de là où je vais mais comme on le dit souvent, je vais où le vent m’emporte. Sur mon chemin je rencontre des groupes de jeunes, des couples qui se tiennent les mains. Je me mets sur le côté pour laisser le passage à ce groupe de jeune complètement bourré. Mieux vaut ne pas être sur leur chemin de peur de finir agressé ou violenté. Ici tout le monde fait sa loi alors le mieux c’est d’éviter les embrouilles. Je m’arrête à un carrefour pour m’acheter un hot-dog. C’est le fast-food préféré des Américains après les hamburgers bien évidement. Je déguste à peine mon hot-dog que je vois un petit garçon qui me regarde avec envie.
– You want some ? (Tu en veux ?) Demandé-je au petit garçon.
– Yeah !
– Ok !
Je l’emmène devant le vendeur et en achète pour lui. Je lui tends des pièces pour s’il en veut encore. Il me gratifie d’un sourire et je l’abandonne là moi aussi le sourire aux lèvres. Les enfants de la rue, il y en a plein et mon père m’a toujours dit de ne jamais les mépriser parce que ça aurait pu être moi. Mes pieds devenant lourds je prends un taxi pour le cinéma au AMC Empire 25 situé à Time Square. Un bon film ne me ferait pas de mal. Ce soir je crois que le nouveau film de Dwayne The Rock JOHNSON est à l’affiche.
Après 1h30 le film prend fin. La salle se vide peu à peu et chez moi la fatigue se fait ressentir. Seulement je n’ai nullement l’envie de rentrer chez moi. Je vais de nouveau me retrouver seule. Je déteste être seule mais c’est ça ma vie. Je heurte quelqu’un sans m’en rendre compte.
– Oh sorry ! (Oh désolé !)
Je tombe sur Faith qui a l’air aussi surprise de me voir. Néanmoins elle me sourit.
– Je ne m’attendais pas à te rencontrer ce soir, dit-elle.
– Moi non plus. J’en avais marre d’être à la maison.
– Pareille pour moi. Toute ma famille est à Washington depuis un moment maintenant et comme mon fiancé est revenu de mission nous avons décidé de sortir un peu.
Elle tourne la tête vers un jeune bien vêtu derrière elle. Elle n’a pas besoin de me dire qu’il est dans l’armée pour que je devine. La chaînette sur son cou le démontre. Il est bel homme.
– Kylie Armel, Armel Kylie. Fait-elle.
Tout le monde sait qu’elle est fiancée à son si jeune âge. Impossible de manquer cela avec la bague de fiançailles qu’elle porte. Elle a 23 ans et elle va bientôt se marier. Mon rêve à moi.
– Enchanté, dit le mec avec une voix roque, posée et autoritaire.
– Moi de même.
– Je t’attends dans la voiture, lance-t-il à Faith avant de se tourner vers moi, bonne soirée.
– À vous aussi.
Faith le regarde sortir du cinéma les yeux brillants. Elle est amoureuse de ce type. J’en souris.
– J’avais prévu prendre ton contact demain pour qu’on puisse échanger concernant le devoir. Me dit-elle en reportant son attention sur moi.
– J’y avais aussi pensé.
Nous échangeons nos portables pour y marquer chacune nos contacts.
– On se dit donc à demain !?
– Oui, à demain.
Elle m’embrasse sur la joue avant de prendre congé. J’ai eu l’espace d’un moment envie de lui demander si je pouvais passer la nuit chez elle. Mais comment me verra-t-elle si je lui demande une telle chose ? Il est préférable que je retourne dans mon monde. Un monde sans amour ni attention. Je n’existe plus pour personne. Je vis juste parce que je n’ai pas des tendances suicidaires sinon ma vie n’a plus vraiment de raison d’être.
Est-ce trop demandé d’avoir l’attention de ma mère ? Si elle m’accordait, ne serait-ce qu’un bref instant, son attention, elle verrait ce que je ne peux lui dire. Elle verrait que je suis en train d’être détruite à petit feu. Elle verrait ce qui se passe à son insu. Elle verrait.