Épisode 2
Ecrit par Mona Lys
2
DERRICK WILLAR
« ‒ Veux-tu m’épouser ?
Elle ouvre grand les yeux de surprise.
‒ Ricky !
Elle pose Travon dans son berceau et se retourne vers moi. Je suis toujours à genou attendant sa réponse. Elle est de plus en plus choquée.
‒ Bébé, je… es-tu sûr de vouloir m’épouser ? Je veux dire, nous sommes encore si jeunes. J'ai dix-huit ans et toi Vingt et un. Je n'ai pas encore réussi à me libérer à 100% de ma dépendance. Pour couronner le tout, tes parents ne m'aiment pas.
‒ Toutes ces choses sont sans importance à mes yeux. Malgré notre jeune âge nous nous aimons et je dirai beaucoup plus que des personnes totalement adultes. Tu m'as donné mon premier enfant malgré ton jeune âge. Pour ta dépendance on relèvera ce défi ensemble. Pour mes parents je m'en occupe. Ce n'est pas à eux de me choisir une compagne. Dis oui je t'en prie, Murimami (Mon cœur en Punu).
Elle sourit. Elle adore quand je l'appelle ainsi.
‒ Je veux t'épouser mon Ricky d’amour.
Je lui enfile la bague, le cœur gonflé de joie. Je me relève et l'entraine dans un baiser langoureux.
‒ Je t'aime future Madame WILLAR.
‒ Je t'aime aussi. Énormément. Merci de m’aimer malgré tout.
Je la relève de terre et la conduis dans notre chambre. Je l'allonge sur notre lit d’amour sur lequel j’entreprends de la déshabiller. Malgré la maternité elle est si belle et son corps si parfait. On ne croirait pas qu'elle a donné la vie.
‒ Quand veux-tu qu'on se marie ? Demandé-je en parsemant son corps de baisers.
‒ Demain même, si tu le… oh bébé.
Je n’attends pas qu'elle se remette de son orgasme que je me glisse en elle. »
J’ouvre les yeux. Saloperie de rêve. Saloperie d’érection. Saloperie de libido. Pourquoi faut-il que je ressasse le passé ?
‒ Hum je vois que tu es debout de partout.
Je tourne la tête vers la voix mielleuse de Pétra. Elle fait tomber sa serviette qui était nouée sur sa poitrine et telle une tigresse avançant vers sa proie, elle vient vers moi. Je me détends et me laisse aller. Je ferme les yeux pour mieux profiter de ses caresses. Mais finalement c'est une mauvaise idée parce que l’image de Murima s’impose à moi. Je sers les dents dans le seul but de retarder cette éjaculation si précoce au risque de mettre la puce à l’oreille de Pétra. Elle ne m'a encore rien fait pour que je puisse éjaculer. Je refoule tellement fortement que mon érection tombe.
‒ Merde !
Je rencontre le regard incompréhensif de Pétra qui commençait à s'empaler sur moi.
‒ Ça va ?
‒ Oui.
‒ J'ai fait quelque chose ?
‒ Non ce n'est pas toi. Je ne suis pas très en forme. On reprendra ce soir.
‒ Ok
Je sors du lit complètement frustré. Juste une semaine qu'elle est là et elle a une influence négative sur ma sexualité. Je retire le préservatif que Pétra m’avait enfilé et le jette dans les toilettes. C'est en ruminant que je prends ma douche. Pourquoi est-elle sortie de prison si tôt ? Pourquoi a-t-il fallu qu'elle revienne dans ma vie ? J'avais pourtant réussi à aller de l’avant. A accepter son absence. A me faire à l'idée qu'elle m’avait planté un couteau dans le dos. J’ai réussi tout seul à élever mes enfants. J'avais réussi à effacer toutes traces d'elle dans ma vie. Ou du moins j'avais fermé les yeux sur tout ce qui pouvait me la rappeler. Même si je ne m'en étais pas débarrassé par manque de courage. Ce n'est pas si facile de se débarrasser de son premier amour encore moins de son premier mariage. Murima a été ma plus belle histoire d’amour qui s'est douloureusement terminée.
Comment tout a commencé ?
Adolescents, nous faisions partie de la même classe. Nous l'avons été de la seconde à la terminale mais c’est en première que tout a commencé. Murima était la première de notre classe depuis la seconde où je l'ai connu. Elle raflait ce rang dans chaque matière et de façon générale. Ce qui faisait d'elle la chouchoute de tous les professeurs. Tous la désignaient même comme délégué de classe mais elle était beaucoup trop timide pour assumer ce rôle. Elle était d'une discrétion sans nom. Pourtant quand elle avait commencé à s’absenter cela se ressentait. Moi je faisais partie des élèves qui glanaient entre 10 et 12 de moyenne maxi. J’avais du mal dans presque toutes les matières sauf le sport parce que je pratiquais depuis tout petit le Judo et le Karaté. Pourtant je n’étais ni un ado perturbé ni un élève turbulent. Je ne pouvais tout simplement pas faire plus. Mes parents se contentaient de mes moyennes tant que je ne reprenais pas de classe. J’avais déjà repris certaines donc tant que je passais avec ces moyennes faibles ça leur allait. Pourtant en classe de première, tout s’entremêlait dans ma tête. Les cours s’enchainaient et je me perdais. J'ai fini avec neuf de moyenne au premier trimestre tandis que Murima sortait avec dix-huit. Mes parents m’ont tellement grondé et menacé de m’envoyer dans un camp militaire que j'ai pris peur. Mes parents pouvaient être compréhensifs quand ils le voulaient sinon ils étaient très, mais très sévères. Ils acceptaient que j’aie les moyennes qui me permettaient de progresser mais en dessous c’était inacceptable. Ils n'arrêtaient pas de dire que les Anglais étaient beaucoup plus intelligents que tous les Africains donc à défaut de faire plus qu'eux je me devais de rester dans la balance. Ils le disaient à cause des Africains qui étaient dans ma classe et qui s’en sortaient aussi mieux que moi. Oui ils étaient racistes.
C'est ainsi qu'un jour j'ai pris mon courage à deux mains et ai approché Murima. Je la voyais tout le temps expliquer telle ou telle matière aux autres élèves, alors j’étais sûr qu'elle accepterait de m'aider. Ce qui a été le cas. Mieux, vue mes lacunes générales, elle m'a proposé d'étudier ensemble chez elle ou chez moi. J'ai préféré chez elle pour éviter que mes parents ne la regardent de haut à cause de sa couleur de peau. Pour eux les noirs devaient juste être nos subordonnés donc il serait inadmissible qu'une fille à la peau foncée vienne me donner des cours. Nous étudions donc les mercredi, samedi et dimanche après-midi chez elle. Elle venait d'une famille bien placée, pas plus que la mienne mais aisée quand même. Ses parents, contrairement aux miens, étaient très accueillants et sympas. Je me sentais comme chez moi. Les choses allaient pour le mieux et elle faisait une bonne enseignante. Si bien qu'au trimestre suivant j'ai fini avec 14,5 de moyenne. Je n'en revenais pas. Tellement heureux je lui ai offert un portable. C’était à l’époque où les portables étaient hyper coûteux parce que très rares. Pas comme aujourd’hui où les portables sont accessibles à tous. Je la savais très simple et pas adepte du m’as-tu vu. Elle a cependant été heureuse de son cadeau.
Le dernier trimestre je finissais avec quinze de moyenne. Mes parents m'ont demandé quel cadeau je voulais, je leur ai répondu un appartement rien que pour moi. J’avais dix-neuf ans donc j’étais majeure. Mais la raison principale de cette demande était que je voulais passer plus de temps avec Murima sans avoir des surveillants sur nous. Je n’étais pas encore amoureux d'elle mais j'aimais sa compagnie plus que celle de mes amis. Nous avons passé les vacances presque tout le temps ensemble. Nous ne parlions plus études mais nous apprenions à nous connaitre. A la fin des vacances j'avais l’impression de l'avoir toujours connu. Je connaissais absolument tout d'elle et vice versa. Nous étions devenus de meilleurs amis. Même Daniel l’appréciait.
Vint l’année où les choses ont commencé à changer. Avant la fin du premier trimestre de la terminal, Murima a commencé à se faire rare à l'école si bien que sa moyenne a dégringolé. De première de la classe elle est passée à huitième pour la stupéfaction de tous, même des professeurs. Il nous a été rapporté qu'elle avait perdu ses deux parents en même temps dans un crash d'avion. Nous lui avons tous apporté notre soutien et elle s'est relevée de cette grosse perte. Mais une semaine après tout est encore parti en couille. Murima avait complètement déserté l’école. J'ai essayé tant bien que mal de la joindre mais impossible. Je m’étais rendu chez elle et j'ai vu que la maison avait été mise en vente. Je ne savais plus où la trouver. Le deuxième trimestre elle a été non classée et moi premier avec seize de moyenne. Mais je n'arrivais pas à me réjouir car celle qui m'avait relevé de mes lacunes était portée disparue. J’ai appris plus tard qu’elle était retournée dans son pays d’origine, le Gabon. J’en ai été attristé.
Elle me manquait tellement que pendant les vacances, avant les examens, je me suis précipité en Afrique. Après Quatre jours de recherche, je les vu par hasard dans la rue. Son magnifique teint avait disparu et elle c’était même rasée le crâne. J'ai tout de suite couru vers elle et c'est une odeur des moins agréable qui m'a en premier accueilli. Quand elle m’a vu, elle a voulu prendre la fuite mais je l'ai retenue. Et à ma question de savoir si elle se droguait, parce que son apparence le reflétait, seul son regard m'en a donné confirmation. Elle a profité de mon état de choc pour prendre la fuite. Deux jours après je l’ai revue avec deux filles. Sans réfléchir je l’ai fait monter de force dans le taxi dans lequel j’étais. Elle s'est mise à pleurer et supplier de la laisser s'en aller. C’était plus de la honte qu'un désir. Ce soir-là elle a dormi dans ma chambre d’hôtel et c'est en plein milieu de la nuit qu'elle m'a raconté tout ce par quoi elle était passée après les obsèques de ses parents. Mais ça ne m'a pas empêché de la ramener avec moi en Angleterre, de la garder chez moi, de tomber amoureux d’elle, de l’épouser et de lui faire des enfants.
Je finis de me préparer pour le boulot et avec Pétra nous descendons prendre le petit déjeuner. Alexandra, Travon et Imelda sont déjà attablés. William doit certes encore être dans sa chambre ou simplement sorti faire des bêtises. J’embrasse Xandra et salut les autres en prenant place. Djénéb m'aide à me servir bien que je n'en ai pas besoin. Elle c'est comme la petite sœur que je n'ai pas eu. Elle m'a beaucoup aidé dans l’éducation des enfants. J'ai plusieurs fois voulu lui offrir mieux mais elle n'a jamais voulu s'éloigner des enfants. C’était sa façon à elle d’être reconnaissante envers Murima. Je n'ai plus insisté.
‒ Bonjour monsieur.
Mon corps réagit à cette voix. J’hésite même à lever les yeux vers elle.
‒ Bonjour, dis-je du bout des lèvres sans relever la tête.
Je porte mon café à mes lèvres en regardant mes mails.
‒ William ne descend pas prendre son petit déjeuner ? S’inquiète encore une fois Murima.
‒ Qu’est-ce que ça peut bien te faire qu'il descende ou pas ? répond effrontément Pétra. Y en a marre de t’entendre toujours demander après lui. C'est un grand garçon dis-donc. Votre rôle c'est de faire la cuisine et servir. Qui mange ou pas, ça ne vous regarde en rien.
Le silence tombe dans la pièce. Les enfants sont concentrés sur leurs appareils en sirotant leur café. Seul Imelda a l'air choqué. Dans ce silence je peux entendre le cœur de Murima battre de rage. S'il n'y avait pas cette situation, elle aurait refait le portrait depuis le premier jour à Pétra. Murima c'est une vraie tigresse. La vie la faite passer de la fille timide à une bagarreuse.
‒ Bref, balaie Pétra sans attendre une quelconque réponse de Murima. Pour ce soir on va faire spécial menu fast-food. Je veux des poulets panés avec de la salade, des frites, un ensemble de crudités avec des cornichons, une patte de piment et de la patte à l'ail. Aussi, badigeonnez les poulets dans des épices. J'aime quand c'est épicé.
Je m’apprête à faire un rectificatif lorsque Murima m'arrache les mots de la bouche.
‒ Votre époux n'aime pas tout ce qui est épicé et tout le monde dans cette famille fait une allergie à l'ail.
C'est justement ce que je m’apprêtais à signifier. Je lève les pupilles vers Murima, surpris qu'elle se souvienne de mes goûts.
‒ Tu penses mieux connaitre ma famille que moi ? S’énerve Pétra. Je sais tout ça. La patte à l'ail c'est pour moi.
‒ Moi je ne suis pas allergique mais je n'en mange pas en soutien, rectifie Xandra.
‒ Imelda aussi n'en est pas allergique. Donc ce n'est pas parce que les hommes eux le sont que nous n'avons plus le droit d'en manger. Pour les épices, faites sans pour mon époux. Aussi que ce soit la dernière fois que tu me contredises.
‒ Bien, madame.
Elle récupère son plateau et reprend le chemin de la cuisine. Je suis conscient que Pétra est hautaine et un peu autoritaire sur les bords mais je n'ai pas envie de lui faire de reproche de ce côté. Murima n'a qu’à supporter puisqu’elle veut tant rester dans cette maison. Si elle n'avait pas fait sa conne, ç’aurait été elle la maitresse de cette maison. Je la déteste toujours pour avoir brisé notre famille, notre mariage et foutu en l’air tous nos projets. Nous avions tellement des projets que ça m'a complètement brisé de les réaliser tout seul. J'ai tellement aimé cette femme qu’aujourd’hui j'ai peur de me rendre compte que ces sentiments sont toujours existants.
Travon et moi arrivons à l’entreprise familiale. Pas celle de mon père, mais le mien. Ayant été déshérité à cause de mes choix, j'ai construit moi-même mon entreprise. Je n’avais que sur moi une partie de mon héritage légué par mon grand-père. L’autre ayant été saisi par mon père. C’est Murima qui m'a donné toutes les idées. Absolument toutes. En matière de comptabilité et gestion des finances, elle était douée. Elle savait comment procéder pour gagner deux fois plus qu’une procédure normale. Mon point fort à moi c’était mon éloquence, mon sens des négociations et mon charisme. Je peux vendre n’importe quoi à n’importe qui juste par la tchatche. Donc elle avait les stratégies financières et moi l’éloquence. J'avais aussi de bonnes idées mais de façon générale ses idées à elle étaient toujours meilleures. Elle a toujours été meilleure que moi. Elle était ma force et nous nous complétions.
J'ai réussi à m'en sortir sans Murima. Mais il ne m'est pas arrivé un seul jour où je ne regrettais pas son absence, surtout lorsque j’étais face à certaines situations. Mais j'ai quand même réussi. Aujourd’hui, je suis heureux d’avoir Travon à mes côtés. Il a pris le QI de sa mère. Ce jeune manie les chiffres comme si ce n’était rien. Il a commencé à travailler avec moi très jeune tout en continuant les cours. A nous deux nous faisons des exploits.
Je me concentre sur mes dossiers afin d’éviter de penser à la présence qui est dans ma maison depuis une semaine. Je la déteste tellement cette femme. Je me suis maudis ces Vingt-deux dernières années de l’avoir épousé. Quelle mouche m’avait bien piqué ? Me marier à Vingt et un ans ? Du gros n’importe quoi. L’amour m’avait tellement aveuglé bon sang. Et puis ça va. Assez pensé à elle pour aujourd’hui.
A l’heure de la pause, Alexandra déboule dans mon bureau sans même prendre la peine de frapper comme à son habitude.
‒ Bonjour papouneetttt !!!
Elle pose le paquet qu'elle tient sur mon bureau, le contourne et vient m’embrasser.
‒ Tu n’as plus cours ?
‒ Oui, répond-t-elle en allant s'asseoir de l'autre côté du bureau. C’était juste une demi-journée. Je nous ai acheté de quoi déjeuner. J'en ai apporté aussi à Travon.
‒ C'est gentil.
Nous nous installons dans mon salon où nous déjeunons. Je l’écoute me raconter sa journée et ses caprices du jour. Elle finit son discours en me demandant de lui acheter le tout dernier IPhone.
‒ Tu as de l’argent sur ta carte.
‒ Oui mais je ne veux pas y toucher. C'est pour mes shoppings. D’ailleurs il ne m’en reste plus assez.
‒ Tu n'es pas sérieuse. Xandra, je l'ai rempli il y a à peine deux jours.
Elle fait sa mine de chien battu.
‒ J'avais ma garde-robe à renouveler. Il me faut en plus de nouvelles chaussures. S'il te plait papa. Allééé !!!
Je lève les yeux au ciel. Cette petite sait me faire capituler devant ses caprices. Je prends mon portable séance tenante et vire 2 000 Livre sterling sur son compte.
‒ Ça c'est pour ne pas que tu manques d’argent. Pour ton portable on verra demain. Je n’ai pas de liquide sur moi.
‒ Merci tu es un amour.
Elle s’accroche à mon cou et m’embrasse bruyamment. Xandra, c'est la princesse de la maison. Tout le monde a le droit de la chouchouter et ne rien lui refuser. C'est mon unique fille alors je n’accepte pas que qui que ce soit la frustre. Si elle veut quelque chose, bah qu'on la lui donne. J'aime aussi mes garçons mais elle c'est mon amour. Je pense que j'ai transféré sur elle tout l’amour que j'avais pour sa mère. Surtout qu'elle lui ressemble. Pas totalement comme William, mais elles ont plusieurs traits de ressemblance. C’était elle dorénavant la femme de ma vie donc je n'ai jamais hésité à la gâter.
‒ Au fait je voulais te parler de la nouvelle domestique.
Mon cœur fait une embardée.
‒ Qu’a-t-elle fait ?
‒ Je ne sais pas mais je l’ai plusieurs fois surprise à me dévisager. Elle est bizarre et mystérieuse. En plus de ça elle m’a l'air hautaine.
‒ Ne parle pas ainsi d'elle. Tu la connais à peine.
‒ Un jour je lui ai demandé de me servir du café et elle m'a regardé de travers avant de le faire. Je ne l'aime pas.
‒ On en reparlera à la maison. Là j'ai du boulot.
‒ Ok je vais donc chez Samy.
‒ Rentre à temps pour le dîner.
‒ C'est noté papa. Je t'aime.
Elle m'embrasse.
‒ Je t'aime aussi.
*Mona
*LYS
Quand j’entends la voix de ma mère alors que je descends les escaliers, mon cœur se met à cogner fort contre ma poitrine. Que fait-elle là ? Je l’entends rire aux éclats avec Pétra. Elle vient m’embrasser lorsqu'elle me voit.
‒ Je suis surpris de te voir, maman.
‒ Je devais passer vous saluer depuis votre retour de lune de miel mais j’étais un peu trop surmenée.
‒ Je comprends. C'est une belle surprise, apprécie Pétra. Je vais demander qu’on ajoute un autre couvert.
Ma mère acquiesce alors que moi je suis inquiet. Si ma mère reste dîner elle va voir Murima. Et si elle la voit ça risque de dégénérer parce que ma mère n'a jamais aimé Murima, encore moins supporter sa présence. Murima, elle a toujours pris sur elle pour ne jamais lui manquer de respect bien qu'elle a plusieurs fois été tentée de répondre à ses insultes. Je me rappelle que lorsque ma mère a su qu'elle était en prison, elle a voulu lui rendre visite rien que pour lui en coller une. Je crois même qu’elle l’a fait à mon insu. Ma mère l'a toujours détesté parce qu'elle a toujours soutenue que c’était Murima la base de la division de notre famille, elle, mon père et moi. Aussi que c’était de sa faute si ce dernier était mort sans m'avoir pardonné. Il faut donc que je lui annonce la nouvelle avant qu'elle ne la voit.
‒ Maman il faut que…
‒ Le dîner est servi, annonce une voix dans mon dos.
Je ferme les yeux quand ma mère regarde par-dessus mon épaule. Quand je les ouvre, c'est une femme choquée et en colère que j'aie sous les yeux.
‒ Der… Derrick, que fait cette…
Elle cherche un qualificatif pour Murima en balançant sa main dans sa direction.
‒ … chose dans cette maison ?
‒ Maman s’il te plait, pas de scandale, soufflé-je doucement. Les enfants sont là et ils ne savent encore rien.
‒ Que fait-elle ici ? Redemande ma mère en me fixant méchamment.
‒ On en reparlera après le dîner.
‒ Tu as intérêt à me donner une bonne explication sinon tu verras de quelle matière je suis faite. Je la ramènerais du trou d’où elle vient.
Elle sort de la pièce non sans bousculer Murima qui est restée là tout ce temps.
‒ Tu devrais mettre une muselière à ta mère si tu ne veux pas qu’elle l’ouvre.
‒ Fais gaffe à tes propos.
‒ Je le dis pour toi. C'est toi qui as intérêt que nos enfants ne sachent pas qui je suis.
J’ouvre la bouche mais avant qu'un mot ne sorte, Pétra réapparait et me tire Jusqu’à la salle à manger. William est de nouveau absent. Sûrement en train de faire des bêtises. Ma mère ne cesse de lancer un mauvais regard à Murima qui dispose les plats avec les autres.
‒ Il est où William ? S’enquiert ma mère.
‒ Encore dans la nature, lui répond Pétra.
‒ Je suis certaine qu'il est encore en train de se droguer. Je me demande bien de qui il tient ce comportement si dégradant.
Elle a terminé sa phrase en fixant Murima. Cette dernière l'a juste regardé brièvement. Son regard a glissé sur moi avant de se baisser.
‒ Murima, découpe mon poulet, lance Xandra d'une voix banale en manipulant son portable.
‒ Non laisse que je le fasse ma princesse, intervient ma mère rapidement. Je ne veux pas que des étrangers touchent à ton plat.
Tout le monde à l'air désintéressé par tous ces jeux de mots. En même temps nous avons tous l’habitude du langage de ma mère. Elle ne cache jamais ce qu'elle pense. Surtout lorsqu’il s’agit d’Imelda. Travon a épousé une Gabonaise et ma mère ne l’a jamais accepté. Murima qui n'a pas bronché quitte la pièce. Je peux enfin normalement respirer. A chaque fois qu'elle est là j'ai l’impression qu’à n’importe quel moment elle va péter un câble.
Le dîner terminé, je monte dans mon bureau avec ma mère. A peine elle referme la porte qu'elle reprend les hostilités.
‒ Je peux savoir ce que fait cette criminelle dans cette maison ? N’était-elle pas censée être en prison ?
‒ Elle a été libérée pour bonne conduite, l'informé-je en m’asseyant derrière mon bureau.
‒ Bonne conduite ? Ça c’est la meilleure. Mais ça ne répond pas à ma première question.
‒ Elle est là pour les enfants. Elle veut faire partie de leur vie.
‒ Et toi tu l’acceptes ? As-tu oublié ce qu’elle a fait il y a Vingt-deux ans ?
‒ Non je n'ai rien oublié. Mais ce sont ses enfants.
‒ Les enfants sont orphelins de mère donc elle n'est rien pour eux. Et puis si elle veut faire partie de la vie des enfants elle peut le faire en restant hors de cette maison. Pourquoi lui permets-tu de rester ici ? En plus avec toi et ta femme ?
Je me pose la même question. Je ne cesse de me demander pourquoi diable est-ce que je la laisse être si proche de moi alors que je désire qu'elle disparaisse de ma vie.
‒ J’espère que tu n'es pas encore amoureux d'elle ?
‒ Je ne peux pas me permettre d’être amoureux d'une autre femme alors que je suis marié.
Parle pour toi Derrick. Parle pour toi. Deux coups sont donnés sur la porte. J’ordonne de rentrer. Je murmure un gros mot lorsque je vois Murima faire son entrée. Je sens que cette fois je n'échapperai pas à une querelle.
‒ Et voici la criminelle qui fait son entrée, s’exclame ma mère avec dédain.
‒ Derrick, pourrait-on parler, en privé, me dit Murima sans accorder un semblant d’importance à ma mère.
Je n'ai pas le temps de répondre que ma mère se relève de son siège. Elle se positionne face à Murima.
‒ Tu devrais avoir honte de te pointer ici après tout le mal que tu as fait à cette famille. Je te donne deux minutes pour disparaître ou j’appelle la police pour qu'elle t’arrête pour harcèlement.
‒ Derrick, est-ce qu'on peut discuter de NOS ENFANTS en tête à tête ? Réitère-t-elle toujours sereinement.
‒ Non mais quelle insolence !
Ma mère pousse Murima. Elle tente une deuxième fois mais Murima lui saisit la main.
‒ N'osez plus jamais lever la main sur moi. Je vous ai toujours respecté et jamais je n'ai répondu à vos piques uniquement par amour pour votre fils.
Mon cœur s’emballe malgré moi.
‒ Mais aujourd’hui que cet amour n’existe plus, ne tentez surtout pas le diable.
Mon cœur se comprime cette fois. Cet amour n’existe plus. Mon cerveau s'est arrêté à cette phrase.
‒ Si vous êtes grand-mère c'est parce que j'ai mis au monde des enfants. Vous êtes la grand-mère de mes enfants. MES enfants. Vous n'avez donc pas plus de droit sur eux que moi. Maintenant laisse-moi m’entretenir avec mon ex-mari.
Je ne vois pas ma mère de face mais je sais qu'elle est affreusement choquée. Je décide de mettre fin à tout ça. Je les rejoins et retire la main de ma mère de l’emprise de Murima.
‒ Maman s'il te plait. Laisse-nous.
‒ Quoi ? Tu vas la laisser me parler de la sorte ?
‒ Je vais régler ça.
Elle me dévisage.
‒ S'il te plait maman !
Elle dévisage Murima une dernière fois avant de s'en aller. Je lance un regard dur à Murima.
‒ Que ce soit la dernière fois que parles ainsi à ma mère.
‒ Tiens la donc en laisse.
Je la saisi violemment.
‒ Tu maitrises ton langage dans ma maison.
‒ Et toi tu ne m’attrapes plus jamais ainsi, rétorque-t-elle en se dégageant.
Nous nous jaugeons du regard.
‒ Parle et va-t-en. Tu m'insupporte.
‒ C'est concernant Alexandra.
‒ Qu’a-t-elle fait ? Demandé-je en retournant derrière mon bureau.
‒ Derrick, elle est très insolente. Elle nous parle comme si nous étions des exclaves. Sers-moi ci, coupe-moi ça. Elle n'a aucun respect pour quiconque. Ce n'est pas ce genre d’éducation que je voulais lui donner.
‒ Oui sauf que tu as baisé avec un homme dans notre lit conjugal, consommé de la drogue et planqué chez nous une grande quantité plus une arme, raison pour laquelle ce n'est pas toi qui l'as éduqué, mais moi.
‒ Bah tu as raté son éducation.
‒ Dixit la toxicomane, dis-je dans un ricanement. Quelle bonne éducation peut-elle recevoir d'une femme comme toi ? Une femme dépourvue de toute moralité.
‒ J'ai toujours été une bonne mère et tu le sais.
‒ Baliverne.
Je tourne ma tête sur mon ordinateur pour ne plus avoir à la regarder. Je hais cette femme chaque jour encore plus.
‒ Reproche-moi tout ce que tu veux mais tu sais que j’ai raison. Tu laisses trop de liberté à Xandra. Il faut la recadrer.
Je sais qu’elle a raison. Alexandra manque constamment de respect à presque tout le monde mais je ne m'y suis jamais vraiment attardé. J'ai attiré son attention quelque fois puis j'ai laissé tomber me disant qu’avec l'âge elle s’assagirait.
‒ Je ne suis pas là pour te demander ta permission pour jouer mon rôle. Je veux juste que tu me soutiennes parce qu'elle viendra se plaindre chez toi en te demandant certainement de me renvoyer.
‒ Fais ce que tu veux tant que tu ne lui portes pas main.
‒ Je n’en ai pas l’intention. Enfin, tant qu’elle ne me manque pas de respect.
‒ Puisque c'est clair peux-tu libérer mon bureau ?
‒ As-tu appelé William ?
‒ Pour quoi faire ? Il est soit dans un fumoir soit entre les jambes d’une femme deux fois plus âgée que lui. Il reviendra. Il revient toujours.
‒ Derrick…
‒ Sors de mon bureau Murima.
‒ Ok. Mais avant je voulais te dire de tenir ta femme. Qu’elle sache s’adresser à moi sans me manquer de respect. Je suis peut-être une “employée” mais je demeure un être humain. C'est valable pour Aurelle et Djénéb. Parce que la prochaine fois, crois-moi je ne me retiendrai pas de lui en coller une.
Elle sort de mon bureau et claque la porte derrière elle. Je souffle. Je ne sais pas si je pourrai supporter tout ceci longtemps. Qu’est-ce qui m'a pris de tomber amoureux d'une telle femme ? Il faut que je trouve un moyen de me débarrasser d'elle au risque de perdre la tête. Il faut qu’elle parte.