Épisode 20

Ecrit par Mona Lys

20



AALIYAH


Je vole de petites secondes pour regarder Jay qui, arrêté dans un coin de la pièce, les mains dans la poche, ne cesse de me caresser du regard. Tout comme la première fois qu’il a assisté à mon shooting, il m’empêche de réellement me concentrer. Cette façon qu’il a de me regarder met mes sens en émoi. Je darde encore sur lui mon regard et cette fois il me sourit. Je réponds à son sourire en continuant à changer de position. Lorsque nous terminons, je vais vers lui sans prendre la peine de changer le make-up du shooting qu’on m’a fait. Jay me tient automatiquement par la taille et m’embrasse langoureusement devant tout le monde.


‒ Tu étais parfaite petit cœur.

‒ Merci, dis-je en souriant.

‒ On y va ?

‒ Oui.


Je nettoie le rouge à lèvres que j’ai laissé sur ses lèvres. Je pars dire aurevoir à Darnell et nous partons. Nous avons décidé de nous rendre ensemble sur les tombes de nos parents. Nous allons entamer un autre tournant de nos vies et nous voulons laisser derrière nous ce qui nous sépare. Je veux que nous arrivions à parler de nos parents sans que cela n’engendre de gène entre nous. Je veux pouvoir lui parler de mes parents sans qu’il n’ait à baisser les yeux de regret. Je veux que nous dépassions ce stade pour que notre relation marche. C’est cet accident qui nous a toujours éloigné alors nous devons le surmonter ensemble.


Nous posons ensemble les gerbes de fleurs sur les tombes de mes parents. Je vois la culpabilité se dessiner sur le visage de Jay. Je glisse mes doigts entre les siens.


‒ Je te demande encore pardon Liyah.

‒ Arrête bébé, lui dis-je en me retournant vers lui. Si j’ai voulu que nous venions ici c’est pour qu’on passe à autre chose. Je ne t’ai jamais détesté pour cela, même si j’en ai été triste. C’est vrai que mes parents ont péri dans cet accident mais envers moi tu t’es racheté. Tu m’as redonné une autre chance dans la vie. Si tu veux vraiment passer ta vie avec moi, tu dois dépasser l’étape de la culpabilité.

‒ C’est vrai.


Il glisse son doigt sur ma joue.


‒ Je te fais la promesse ici, sur la tombe de tes parents de te rendre heureuse comme jamais tu ne l’as été. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que les seules larmes que tu verseras soient uniquement des larmes de joie. Je t’aime tellement ma Liyah.

‒ Je t’aime aussi Jay. Et je suis déjà heureuse.


Il m’embrasse le front. Nous restons debout et main dans la main devant les tombes à profiter du silence. Parfois s’attarder sur les choses du passé freine notre bonheur. Souvent il faut laisser le passé au passé, surtout lorsqu’on veut construire un avenir meilleur.


Après le cimetière, j’ai demandé à Jay de me conduire dans la boite d’Angèle. Nous ne nous sommes plus vues depuis un bon moment. Elle a été une grande sœur pour moi et je ne veux pas perdre son amitié. Jay décide de rester dans sa voiture pour nous permettre de mieux discuter. Lui et elle ont déjà réglé leur différent et tout est rentré dans l’ordre. Je veux avant d’entamer ma nouvelle vie me réconcilier avec elle. Ça ne serait pas juste que notre amitié se brise à cause d’un homme. C’est Mira qui me conduit à son bureau. Je n’ai pas voulu qu’elle lui dise que je venais de peur qu’elle ne refuse. Elle ordonne d’entrer après que j’ai cogné à la porte de son bureau. Elle tique lorsqu’elle me voit.


‒ Bonsoir Angèle. Est-ce qu’on peut se parler ?

‒ Bonsoir Aaliyah. Vas-y prend place.


Je m’exécute.


‒ Je te sers un rafraichissement ?

‒ Non ça va merci.


Je prends une inspiration.


‒ Voilà, j’ai tenu à venir te parler parce que je regrette ce qui s’est passé. Angèle tu es comme une sœur pour moi et jamais je n’ai voulu te faire de mal. Seulement les choses se sont passées tellement vite que j’ai perdu la raison. Je suis sincèrement désolée. Je ne veux pas qu’entre nous ça se termine ainsi. Tu me manques tellement. Pardonne-moi s’il te plaît.


Elle soupire. Je la regarde le cœur battant, attendant sa réponse.


‒ Je ne vais pas te cacher d'avoir vraiment eu mal lorsque j’ai appris que tu avais couché avec Jay. Mais lorsque j’ai entendu toute votre histoire, j’ai pris le temps de réfléchir et j’ai compris une chose : deux âmes qui s’aiment finissent par se retrouver malgré les circonstances. Toi et lui êtes fait pour être ensemble donc je n’y pouvais rien. En plus, je n’aurais jamais été heureuse avec lui parce que c’est toi qu’il aime. Toutes les femmes devraient comprendre qu’on ne reste pas avec un homme dont le cœur est déjà ailleurs. Je ne t’en veux plus, je t’assure.

‒ Vraiment ?


Elle me gratifie d’un sourire, se lève et vient me prendre dans ses bras. Je pousse un ouf de soulagement.


‒ Je crois que tu as assez souffert comme ça. Tu mérites aussi de souffler.

‒ Merci.


Je l’enlace encore une fois. Elle me prend la main et regarde ma bague de fiançailles.


‒ Parait que vous allez vous marier.

‒ Oui. Je ne t’oblige à rien mais ça me ferait plaisir de t’y voir.

‒ Je verrai avec mon emploi du temps. Mais, mes félicitations.

‒ Merci. Je vais y aller maintenant. Encore merci pour tout.

‒ Viens là.


Nous nous étreignons une dernière fois. Je dis aurevoir à Mira en repartant retrouver Jay dans la voiture.


‒ Alors ? Me demande-t-il.

‒ Tout est rentré dans l’ordre.


*Mona

*LYS


‒ Mlle SANOKO Aaliyah, voulez-vous prendre pour époux Monsieur OULAÏ Jayden ici présent ?

‒ Oui je le veux.

‒ Je vous déclare donc mari et femme. Vous pouvez vous embrasser.


Jay et moi nous nous embrassons sous les acclamations du peu de monde présent. Il n’y a comme invités que papi Xavier, tante Mimi, Patrick, Pauline et Mira. Sans oublier mon photographe de tous les jours, Darnell. Angèle n’a pas pu venir mais nous a appelé hier pour nous donner ses bénédictions. Elle a fait parvenir son cadeau par Mira. Nous n’avons pas voulu prendre plus de temps pour nous marier. Raison pour laquelle nous nous disons oui aujourd’hui, un mois après la demande de Jay. C’est une cérémonie simple avec nos proches. Nous devons prendre l’avion ce soir pour la France. A la question de savoir dans quel pays devrons-nous vivre après notre mariage, j’ai décidé de le suivre. Je préfère aller le rejoindre pour changer d’air et étendre ma carrière de mannequin vers d’autres cieux. J’ai confié mes boutiques à Mira qui se chargera de me verser l’argent chaque semaine. Je fais aussi confiance à mes gérantes qui ont plusieurs fois fait leur preuve côté loyauté.


‒ Tu es maintenant à moi, me souffle Jay à l’oreille. Tu ne peux plus me fuir.


Je rigole.


‒ De nous deux qui passait son temps à fuir ?

‒ Je ne me reconnais pas dans les faits, dit-il en riant.


Il m’embrasse de nouveau. Nous allons vers nos invités qui nous félicitent. Tante Mimi me serre fortement dans ses bras.


‒ Toutes mes félicitations ma puce.

‒ Merci tante Mimi. Tout ça c’est aussi grâce à toi.

‒ Rhoor je n’ai rien fait si ce n’est prendre soin de toi.


Elle se rapproche de mon oreille.


‒ Quand est-ce que tu lui diras ?


Je la regarde sans comprendre. Elle baisse ses yeux sur mon ventre et le remonte à mon visage. Je suis surprise et choquée qu’elle s’en est rendue compte.


‒ Comment tu le sais ?

‒ Nous les mamans savons tout. Alors ?

‒ Je lui dirai lorsque nous serons seuls. Tu crois qu’il sera heureux de l’apprendre ? Nous n’en avons jamais discuté. En même temps nous n’en avons jamais eu le temps.

‒ Vu comme il t’aime, c’est sûr qu’il sera fou de joie.

‒ Je l’espère.

‒ J’espère aussi que ce sera une fille. J’en ai marre de la tête de Jay et Patrick. Je veux de nouveau prendre soin d’une fille.


Je sens des mains m’entourer la taille alors que je ris. Un baiser est posé dans mes cheveux.


‒ J’espère que tu ne lui dis pas des choses compromettantes sur moi, dit Jay à tante Mimi.

‒ Si. Je lui disais que tu faisais pipi au lit jusqu’à tes 10 ans.


J’éclate de rire. Tante Mimi s’éloigne en riant. Nous nous tournons vers nos invités qui sont occupés à prendre des photos souvenirs.


Nous nous rendons à l’appartement de Jay pour partager un festin. Ce sont eux ma famille dorénavant. Je n’ai pas cru important d’informer ma tante et sa famille. Ça fait longtemps que je n’ai plus à faire à eux. L’une des raisons qui m’a poussé à suivre Jay en France c’est pour éviter qu’ils apprennent un jour la vérité sur l’accident et veuillent y mettre leur grain de sel. Je préfère vivre loin de cette histoire. J’ai décidé de passer sur ça alors je ne permettrai à quiconque de s’en mêler. Il s’agissait de mes parents et je suis la seule à décider ce qui est bien. En plus maintenant j’aurai un enfant de cet homme. Raison de plus pour ne pas m’éloigner de lui. Je l’aime déjà assez pour y songer.


Après le partage de repas, les conversations vont bon train. Papi Xavier et tante Mimi nous raconte des anecdotes sur l’enfance de Jay et Patrick. Ils nous racontent leurs bêtises. Nous sommes tous morts de rire. Je me cale dans les bras de mon homme assis près de moi dans le fauteuil. Il pose de temps à autre des baisers dans mes cheveux et sur ma tempe. Ses bras m'ont entouré pour mieux me serrer contre lui. Je n’ai pas voulu faire une fête pour mon mariage. Je n’ai d’ailleurs personne en dehors de Mira à inviter. Pareil pour Jay qui n'a que ces personnes-là. A quoi bon donc organiser une grande fête ? Le bonheur se trouve aussi dans les choses simples. Tant que l’être aimé est à nos côtés c’est le plus important. 


Tante Mimi sort de son sac à main un album photo qui m'a l'air vieux de plusieurs années. Elle s'assoit près de moi et l'ouvre. La première image qui ouvre le bal c’est celle d'un mignon petit garçon debout avec rien qu’un caleçon bleu sur lui. Jayden éclate de rire.


‒ Mon Dieu tante Mimi, je ne savais pas que tu avais encore ces photos. Pourquoi l’as-tu sorti ?

‒ Il fallait que ta femme voit à quoi risque de ressembler ses enfants.


Elle pointe une photo.


‒ Là c’était le jour de sa circoncision. Ses parents avaient tellement peur qu'ils l'ont circoncis à un an. Sa mère avait déserté la maison tellement elle avait peur de le voir pleurer. C’est donc moi qui l'ai attrapé. Son père était au travail.


Elle me raconte différentes histoires au fur et à mesure que nous parcourons les photos. Ses parents étaient tellement heureux d'avoir un enfant qu'ils ont immortalisé chaque petit moment. Patrick aussi apparaît dans les photos. Ils avaient une enfance magnifique. Je deviens un peu triste parce que moi je n’ai plus aucune photo de moi petite. Les familles de mes parents se sont débarrassées de tout avant que je ne sorte de l’hôpital. Seules les photos que j'avais sauvegardées dans ma galerie Gmail me sont restées. Mais ce n’est pas bien grave. Je garde tous mes souvenirs dans mon cœur et je les raconterai à mes enfants.


Je rejoins les autres dans leurs fous rires devant une autre photo. Il y a toutes les photos de chaque étape de sa vie. Même celle où il quittait le pays avec Patrick pour aller continuer leurs études en France. Je remarque une grande ressemblance entre Jay et sa mère. Mais aussi une très grande complicité. 


‒ Ta mère aurait été si fière de toi Jay, lui dit papi Xavier, l’émotion dans la voix.


Je caresse la main de mon homme. Il a la larme à l’œil.


‒ En tout cas c’est sûr qu'elle t'aurait adoré Aaliyah, renchérit tante Mimi le sourire aux lèvres. 

‒ Ça c’est sûr, confirme Jay en me baisant la tempe.


Tante Mimi referme l’album et le pose sur mes jambes.


‒ Tiens, je te le confie. Tu le montreras à vos enfants.

‒ Merci tante Mimi.


Ils sont tous partis pour nous laisser le temps de nous reposer avant le voyage. Nous irons avec Patrick. Jay qui avait raccompagné tout le monde me rejoint dans la chambre au moment où je me débarrasse de ma petite robe de mariage. Il m'enlace par ma taille et pose un baiser dans mon cou.


‒ Je t'aime Liyah. Tu fais de moi un homme heureux aujourd’hui en devenant mon épouse. 

‒ Je t’aime aussi Jay.


Je lui fais face pour pouvoir l’embrasser. Je lui retire petit à petit ses vêtements. J’ai l’impression d’être en train de rêver. Cet homme qui était autrefois mon bienfaiteur, est aujourd’hui mon mari. Et je l'aime tellement ce n’est pas possible.


‒ Je dois te dire quelque chose, lui dis-je entre les lèvres. 


Je colle mon front au sien.


‒ Toi et moi n'en avions jamais parlé mais…

‒ Tu es enceinte. 


Je le regarde, surprise.


‒ Comment…

‒ Tu n'as cessé de grignoter toute la journée et tante Mimi insistait trop sur les mots ‘‘vos enfants’’. Je la connais que trop bien pour savoir où elle voulait en venir.

‒ Et tu… tu te sens prêt à être papa ?

‒ Tant que c’est toi la mère de mes enfants, je serai toujours prêt. Ce matin je t’ai fait la promesse de t'aimer, de te protéger et bien d’autres, et crois-moi je respecterai ces promesses. 

‒ Je sais bébé. Je t'aime tellement. 

‒ Moi aussi. Merci de me rendre encore plus heureux avec cette grossesse.


Son sourire s’élargit deux fois plus. Il m’embrasse brièvement.


‒ Que dirons-nous à nos enfants s’ils nous demandent comment nous nous sommes rencontrés ?


Je le regarde tendrement.


‒ On leur dira que tu étais mon bienfaiteur et moi une fille dans le besoin. Rien de plus.


Nous reprenons notre baiser là où je l'avais interrompu. Il se dépêche de m'allonger sur le lit afin d’aller plus en profondeur.


Je vis aujourd’hui mon conte de fée à moi. J'en ai lu pour les autres, aujourd’hui c’est moi qui l’expérimente. Le conte de fée ce n’est pas lorsque tout se passe bien de la rencontre jusqu’au mariage. Non. C’est lorsque tout se passe mal mais que vous les surmontez quand même sans que votre amour ne soit entaché. On détermine le véritable amour par les épreuves traversées et vaincues ensemble et non par les baisers et câlins. J’ai compris plusieurs choses dans toute cette histoire. La première, c’est que l’amour c’est une sorte d’application à plusieurs paramètres. Lorsque tu n’as pas encore vécu quelque chose ne pense pas que ça n’existe pas ou encore que c’est insensé. Une autre personne m’aurait dit qu’elle était amoureuse de l’homme qui a causé un grand malheur dans sa vie que je l’aurais traité de stupide. Mais souvent, il faut vivre une chose pour la comprendre et comprendre les décisions prises par une autre personne dans cette même situation. 


L’autre chose que j’ai apprise c’est qu’on devrait arrêter de mettre des barrières à l’amour. Tel n’est pas assez bien pour toi, tel a un passé peu glorieux, bref… Il y a tant de choses qui peuvent nous convaincre de ne pas aimer. Mais lorsque l’amour que nous ressentons l’un pour l’autre est plus fort que tous les obstacles, nous devons nous aimer tout simplement et affronter ensemble ces obstacles.


Jamais je n’aurais cru pouvoir tomber amoureuse d’un homme sans même le voir. Je peux aujourd’hui dire que ma plus belle histoire d’amour a commencé sans un seul regard.



***FIN


Plus qu'un regard