Épisode 29

Ecrit par Mona Lys

Episode 29



CINDY


Enfin un autre chapitre de ma vie commence. Ce n’est certes pas de cette manière que j’imaginais le déroulé de ma vie mais comme on le dit, il faut savoir tirer profit de chaque situation. Ces épreuves m’ont permis de comprendre certaines choses. Ce n’est pas tout qu’on accepte par amour. Oui certaines choses sont acceptables et avec un amour fort et du courage on peut changer des situations mais il y en a d’autres qu’on ne doit jamais commettre l’erreur d’accepter. Parmi ces choses ont peut citer les violences conjugales et les abus sexuels. Aucune femme ne devrait accepter cela. Jamais. En tout cas moi, plus jamais je ne l’accepterai. Le prochain homme qui osera lever la main sur moi je l’enverrai direct en prison. Plus jamais de coup sur mon corps. Mon séjour en prison m’a fait longuement réfléchir. Je me suis réjouie du fait que je sois en prison plutôt qu’enfermée dans une tombe. Mais aussi j’ai regretté d’avoir été dans cet endroit parce que je sais que j’aurai pu l’éviter si j’avais dit merde plutôt. Combien de fois avais-je voulu le faire changer au lieu de penser à ma propre vie ? Mais c’est fini tout ça. Je ne suis plus la même Cindy depuis mon séjour en prison. Je ne serai plus la même. Si je me relançais dans une relation amoureuse ? Je ne peux pas dire pour l’avenir mais pour l’instant non. Plus d’homme dans ma vie. Le seul homme sera Nael, mon garçon.


– Bonjour tout le monde.


Je relève vivement ma tête du magazine que je lisais pour la tourner vers ma mère. Avant que je ne me pose la question de savoir comment elle est arrivée là je vois Kendrick apparaître derrière elle. Elle l’a donc contacté. Depuis la mort de Kennedy je ne lui adresse plus la parole. Je lui en veux aussi. C’est aussi de sa faute tout ça. C’est elle qui m’a incité à demeurer dans ce mariage bien que sachant que j’y vivais un enfer. Elle ne m’a pas prodigué des conseils pour mon bonheur mais elle l’a fait pour ses intérêts parce que Ken la mettait au beurre. L’argent était plus important que ma vie. Alors ce n’est pas aujourd’hui qu’elle va venir s’excuser sous prétexte qu’elle n’avait pas idée de la gravité de la chose. Ni elle ni mes oncles ne méritent que je leur adresse la parole. Je la regarde attendant qu’elle parle.


– Cindy ma fille. Je te demande pardon. Je ne savais pas…

– Ce n’est pas la peine de te fatiguer à terminer ta phrase. Tu ne savais pas ? Vraiment !? Je t’ai montré mes bleus et tu étais là quand j’ai perdu mes trompes et tu me dis que tu ne savais pas ? Wahoo ! 

– Cindy !

– Merci de t’en aller.

– Cindy c’est ta mère, intervient Kendrick.

– C’est justement parce que je ne veux pas manquer de respect à ma mère que je lui demande de s’en aller. Peut-être qu’un jour, je lui pardonnerai mais pour l’heure qu’elle reste loin de moi et de mes enfants.


C’est avec les yeux larmoyants qu’elle part. Je n’ai aucun remord quant à la façon dont je lui ai parlé. J’aurai pu faire pire.


– Cindy tu dois laisser tout tomber et passer à autre chose.

– Je sais Kendrick, dis-je en me rasseyant. Mais pour l’heure je préfère prendre du recul. Je voudrais aussi te parler.

– De quoi ? S’enquiert-il en prenant place face à moi.

– Je vais bientôt quitter cette maison. Je vais aller vivre chez Estelle le temps pour moi de me reprendre en mains.

– Je peux t’aider Cindy.

– Je sais mais… je ne veux plus rien des KALAMBAY. Ce n’est pas que je vous déteste mais j’ai besoin de m’éloigner un tant soit peu de cette famille. Etre près de vous me rappellera toujours cette mauvaise expérience. En plus, j’ai tué l’un des vôtres…

– Parce que tu n’avais pas d’autres choix. Cindy ne m’éloigne pas des enfants.

– Non tu pourras les voir autant que tu veux. Au fait les concernant je voudrais te demander un service.

– Lequel ?

– Je voudrais s’il te plaît que tu les emmènes avec toi au Congo pour deux ans.


Il fronce les sourcils surpris.


– J’ai besoin de me retrouver seule pour tout recommencer. Je ne les abandonne pas, juste que j’ai besoin de plus de temps à moi pour me rebâtir afin de leur assurer un avenir meilleur. Je veux pouvoir les maintenir dans le mode de vie auquel ils sont déjà habitués et pour cela, il me faut travailler d’arrache-pied. 


J’ai décidé d’être autonome. Je ne veux plus travailler pour qui que ce soit alors j’ai décidé de prendre un prêt à la banque afin de lancer ma propre activité. J’ai déjà tout un tas d’idée de ce que je veux faire et comme je l’ai dit à Kendrick il me faut plus de temps pour moi. Je sais qu’il me sera difficile de me séparer de mes enfants mais ce sera un mal pour un bien. Je ne veux plus dépendre d’un homme. Je dois être autonome. Oui, c’est vrai que je travaillais, mais après que Kennedy m’ait demandé de démissionner, je n’ai pas cherché à faire autre chose. Je suis juste resté cloitrée à la maison. Je veux donc bouger maintenant.


– Je ferai tout ce que tu veux Cindy. Pourvu que ça te rende heureuse.


*Mona*LYS*


Chose dite chose faite. J’ai aménagé hier chez Estelle avec les enfants. Je veux passer le  temps qu’il leur reste ici avant qu’ils ne s’en aillent. L’année scolaire s’achève dans moins d’un mois. D’ici là  ils auront tous leurs papiers pour aller au Congo avec leur père.


Je suis à table avec ma sœur et les enfants. Ça m’a tellement manqué ces moments avec ma sœur. Notre séparation m’a vraiment affecté mais maintenant il n’y a plus aucune raison pour que nous soyons éloignées.


– Alors quand comptes-tu te rendre à la banque pour demander le prêt ?

– Je ne sais pas encore. Le temps que je mette tous mes documents en ordre. Je dois retirer le nom de Kennedy sur tous mes papiers, c’est ce qui va prendre un peu de temps.

– Je peux le prendre pour toi.

– Non ça va trop peser sur toi. Tu fais déjà assez en nous hébergeant ici.

– Arrête de dire que je fais assez. Chez moi c’est aussi chez toi. Comme le disent les autres, mi casa es tu casa.


Je la gratifie d’un sourire.


– Que ferais-je sans toi ?

– Absolument rien.

– C’est ça fait la grosse tête.


Nous partons dans un fou rire qui fait sursauter les enfants. À peine nous finissons de diner que la sonnerie retentit. Estelle va voir pendant que je nettoie tout avant de tout ranger dans la cuisine.


– Ce sont Kendrick et son père, m’informe Estelle arrêtée au seuil de la cuisine.

– Ok j’arrive.


Je me nettoie les mains et les rejoins au salon. Les enfants sont déjà très bien installés  l’un sur les jambes de leur père et l’autre sur celles de leur grand-père en train de leur raconter je ne sais quoi. Je crois même les entendre parler Lingala. Je les salue et prends place avec Estelle à mes côtés.


– Je vous serre à boire ?

– Merci ta sœur nous l’a déjà proposé, répond papa Luzolo. Désolé de venir vous voir à cette heure de la nuit. C’est juste que je retourne à Kinshasa demain très tôt. J’ai alors décidé de venir vous dire au revoir.

– Pas de quoi papa. C’est gentil de ta part.

– C’est normal. Kendrick m’a aussi parlé de ta décision d’emmener les enfants au Congo le temps de te poser. C’est ça ?

– Oui papa.

– C’est bien. Je tenais aussi à te rassurer que nous prendrons bien soin d’eux et te les ramènerons en pleine forme. Tu pourras même venir les voir de temps en temps. Tu n’auras juste qu’à m’informer et je m’occuperai de tout.

– C’est compris papa. Je t’en remercie et je ne doute pas un instant que les enfants seront à leur aise chez vous.

– C’est bien. J’ai déjà tout réglé pour les papiers des enfants. Quand le moment viendra Ken n’aura qu’à juste prendre l’avion avec eux. Mais avant de partir je voudrais de te remettre ceci.


Il fouille dans la poche de sa veste et en sort un bout de papier.


– Je tenais à te donner cette somme pour t’aider dans ta démarche de  reconstruction.


Je regarde le chèque, gênée.


– Non papa merci. Ne te sens surtout pas obligé de le faire. Je saurai me débrouiller.

– Je ne le fais pas par contrainte. Je t’ai toujours considéré comme la fille que je n’ai jamais eu alors c’est avec joie que je te donne ce chèque. S’il te plaît prend-le.


Je regarde Estelle qui me fait signe de prendre. Je le fais donc et quand je lis le montant j’ouvre grand les yeux.


– Merci beaucoup papa.

– Il n’y a pas de merci entre nous. Comme je te l’ai dit un jour, même si tu n’es plus mariée à l’un de mes fils, tu feras toujours partie de ma famille. Nous sommes liés par les enfants et par l’affection que je te porte.


Ces mots m’émeuvent tellement que je ne peux m’empêcher de pleurer. Je me lève pour me mettre à genou devant lui en signe de respect. Il me relève pour me prendre dans ses bras. Quand je pense qu’un étranger me donne plus d’affection que les membres de ma famille. Comme la vie est bizarre ! Je me sépare de lui pour me reprendre.


– Merci encore papa.

– De rien. Bon je ne vais pas vous prendre plus de temps. Je vais vous demander la moitié de la route.

– Nous te la donnons papa, répondé-je en souriant timidement. Fais un bon voyage et bien de choses à mama So.

– Je n’y manquerai pas. Kendrick, je t’attends en bas.

– D’accord papa.


Papa Luzolo prend congé de nous non sans avoir donné de gros billets à ses petits enfants. Kendrick demande à me parler en privé. Je le raccompagne donc jusque devant la porte où nous nous arrêtons.


– Tu es vraiment sûre de vouloir laisser partir les enfants avec moi ?

– Je le suis Kendrick.

– Ok.


Il se rapproche de moi qui suis adossée sur la porte. D’une main il me caresse la joue.


– Je ne sais pas si le moment est approprié mais je tenais à… à te rappeler que je t’aime Cindy. Je t’aime et je veux que tu nous redonnes une chance.

– Kendrick je… je n’ai pas la tête à ça en ce moment. Ma priorité c’est de reprendre ma vie en mains. Je ne veux pas de relation pour le moment et je ne sais jusqu’à quand j’en aurai de nouveau envie.

– Je sais que tu as perdu toute confiance aux hommes et que ton cœur est blessé mais je veux panser toutes tes blessures. Je veux t’aimer comme jamais on ne t’a aimé. Je veux te faire oublier toutes les peines que tu as endurées. Tu me connais et tu sais que je suis capable de te rendre heureuse.

– Je n’en doute pas un instant mais je veux être seule. Comprends-moi s’il te plaît. En plus… je ne crois pas pouvoir reprendre avec un autre KALAMBAY.

– Tu ne m’aimes donc plus ? Cindy ! Tu ne ressens plus rien pour moi ?


Je le regarde et comme par enchantement mon cœur se remet à battre d’amour pour lui. Mais je l’ai dit je ne peux pas me lancer dans une relation maintenant. Je veux lui répondre qu’il me fait ravaler ma phrase par un baiser. Son baiser est rassurant et pleine de promesse comme ça l’a toujours été. Kendrick a toujours su toucher mon cœur.


– Je n’ai pas besoin d’entendre ta réponse pour comprendre que tu m’aimes encore, souffle-t-il près de mes lèvres. Je suis prêt à t’attendre tout le temps qu’il faudra parce que mon cœur ne bat que pour toi. Bonne nuit.


Il pose un dernier baiser sur mes lèvres et disparaît dans les escaliers. Je retourne à l’intérieur passer un peu de temps avec ma sœur avant d’aller me mettre au lit.


– Où sont les enfants ?

– Au lit. Je leur ai demandé d’aller dormir sinon ces gamins étaient prêts à veiller jusqu’au matin.


Je ris et m’assois près d’elle. Elle passe son bras autour de mes épaules.


– J’ai vu la manière dont Kendrick te regardait. Il est fou amoureux de toi.

– Je n’en doute pas. Mais j’ai besoin de pause.

– J’espère que tu n’as pas l’intention de rester célibataire à vie ?

– Peut-être que oui, peut-être que non. Mais je dois d’abord guérir de mon traumatisme. À chaque fois que quelqu’un lève la main surtout quand c’est un homme je suis prise de peur pensant qu’il va me taper.

– Ça va te passer. Laisse le temps faire les choses.

– Je sais.

– Le moment viendra où ton cœur recommencera à battre d’amour pour un homme. Enfin si ce n’est pas déjà le cas.


Je lui lance un tchip et nous partons toutes les deux dans un éclat de rire. Les épreuves m’ont pris bien de chose mais je compte bien les retrouver à commencer par ma joie de vivre.


*Mona*LYS*


C’est aujourd’hui le départ des enfants ainsi que leur père pour le Congo. J’ai mal de devoir leur dire au revoir. Je regrette même déjà ma décision. Mais je sais que c’est la bonne. Ils ont aussi besoin de changer d’air. Ils ont vécu trop de choses douloureuses pour des enfants de leur âge. Je veux qu’ils aillent voir d’autres cieux avant de revenir. Ça leur fera du bien de connaitre leurs origines et tous les autres membres de leur famille comme mama So. Cette femme m’a beaucoup soutenu bien qu’on ne se connaisse pas. J’ai aimé sa simplicité. Quand la voix dans le haut-parleur résonne, mes larmes remplissent immédiatement mes yeux. C’est l’heure de leur dire au revoir. Je me baisse face à eux en me retenant de pleurer.


– Vous me promettez d’être sages hein ?


Ils font oui de la tête.


– Comme je vous l’ai dit je vous appellerez chaque jour.

– Tu viendras aussi nous voir ? Demande Nael.

– Oui mon poussin. Chaque fois que je le pourrai. Vous allez tellement me manquer.

– Ne pleure pas mama, me console Lena. Papa va bien prendre soin de nous.

– Oui tu as raison. Je ne suis pas inquiète. Allez, approchez !


Je les serre tellement fort dans mes bras qu’ils se mettent à se plaindre. Kendrick et moi éclatons de rire. Je les lâche et me tourne vers lui.


– Ils sont ma vie, prends bien soins d’eux s’il te plaît.

– Je te le promets.


Il se retient de me prendre dans ses bras. Oui je sais qu’il se retient. Je le connais comme ma main cet homme. Après un dernier au revoir je les regarde s’en aller vers la porte d’embarquement. Je souris sous mes larmes. Mes bébés s’en vont loin de moi mais c’est pour une bonne cause. Je vais redonner un meilleur cours à ma vie. Pour mes enfants, pour moi et pour prouver qu’une femme, qui a vécu tout ce que j’ai vécu, peut encore être heureuse.


L'autre Lui