Épisode 7
Ecrit par Mona Lys
7
***MURIMA
Je regarde ma fille allongée sur ce lit d’hôpital et je ne cesse de me maudire de n'avoir pas été là pour suivre son éducation. Mais je maudis encore plus Derrick d'avoir foutu n'importe quoi. Un avortement ? A son si jeune âge ? Dieu, qu’a cette fille dans la tête ? J’ai cru mourir lorsque je l'ai retrouvée évanouie dans son sang à l’entrée de la maison. J’ai tout de suite pensé au pire jusqu’à ce que je sente son pouls battre, faiblement, mais il battait quand même. Toute sorte de scénario m'est passé par la tête. J’ai d’abord pensé à un accident, puis une agression, après un empoisonnement. Mais j’étais loin de me douter qu'il s'agissait d'un avortement qui a mal tourné. Cinq minutes de plus à la maison et je la perdais. J’ai voulu prévenir son père mais lorsque le Docteur m'a annoncé qu’il s’agissait d'un avortement je m'en suis abstenue. J’attends d’avoir une conversation avec elle avant tout.
Elle ouvre lentement les yeux. Elle pose sa main sur son ventre en mimant une grimace de douleur.
‒ Où suis-je ? Demande-t-elle les yeux se promenant partout.
‒ Dans une clinique.
Elle braque son regard sur moi avec surprise.
‒ C’est toi qui m'as conduite ici ?
‒ Oui.
Elle essaie de se redresser. Je vais l'aider à mieux se positionner. Je reviens ensuite sur mon siège. Elle garde les yeux baissés.
‒ Alors… comment je vais ?
‒ Cinq minutes de plus et tu passais de vie à trépas.
Elle ferme les yeux. J’ai envie de la claquer mais en même temps de la prendre dans mes bras.
‒ Alors je t’écoute, dis-je en croisant les bras.
‒ Pourquoi te dirais-je…
‒ Un seul mot déplacé et j'appelle ton père, la menacé-je en brandissant mon portable.
‒ Non s'il te plaît, se précipite-t-elle de me stopper. Je vais tout te dire mais je t'en supplie, pas un mot à mon père. Il serait vraiment déçu de moi.
‒ Je t’écoute donc.
Elle se triture les doigts.
‒ Mon petit ami m'a demandé d’avorter après que je lui ai annoncé mon état. Il m'a donné des comprimés à avaler. La suite tu la connais.
‒ J'ai plusieurs fois aperçu des bleus sur ton corps. Et même en ce moment tu en as. Il te bat ?
‒ Oui. Mais il n'est pas méchant je t'assure. C’est moi qui le pousse souvent à bout.
Mon cœur se brise de voir ma fille souffrir pour un homme qui abuse de sa naïveté. J’ai mal de voir qu'elle fait partie de la League de ces femmes battues qui ‘‘supportent’’ soi-disant par amour et qui vont jusqu’à se mettre la faute dessus. Elle continue à me parler de son petit ami, de leur relation et tout ce que je dois savoir pour me donner une raison d'aller lui régler son compte.
‒ Où vit-il ?
‒ C’est pourquoi ? Demande-t-elle perplexe.
‒ Il m'est familier. Juste savoir si c’est la même personne.
‒ Je ne crois pas.
‒ Dis toujours.
Elle me regarde longuement comme pour essayer de lire dans mes pensées puis se décide à me donner son adresse. Je cale dans un coin de ma tête. Elle continue de parler jusqu’à ce que le Docteur nous rejoigne. Il nous informe qu'il n'y a pas eu de dommage majeur pour le moment. Il faudra qu’elle revienne faire d’autres examens plus tard. Cependant elle pourra rentrer d’ici ce soir mais devra rester au lit un moment, histoire de mieux récupérer. Elle ne tarde pas à être frappée par le sommeil. Lorsqu'elle s'endort, je m’autorise à prendre son portable. A l'aide de son pouce, je le déverrouille par l’empreinte digitale. Je fouille dans sa messagerie ses conversations avec son type. Je commence à lui écrire un message lorsqu’il me devance.
‒ « J'ai besoin de fric pour un business. Aujourd’hui. »
‒ Ok. Est-ce qu'on peut se voir, pas chez toi. Je ne me sens pas très bien pour y arriver.
‒ « Ok. Mais avant, la chose est-elle passée ? »
‒ Oui t’inquiète. J’ai eu un peu mal mais ça va.
‒ « Cool. On se voit où ? »
Je réfléchis à un endroit isolé et je lui envoie l'adresse en prétextant être dans les parages pour une course urgente. Le rendez-vous est dans deux heures de temps. J’ai donc le temps de rentrer à la maison enfiler une tenue plus adéquate pour ce que je dois aller faire. Un jean, un tee-shirt et des baskets. Je donne des nouvelles de Xandra à Djénéb qui décide de me relayer à son chevet. Je me munie d'une batte de baseball que j’ai récupéré dans le bureau de Travon.
Je suis arrivée cinq minutes avant l'heure du rendez-vous pour mieux inspecter les lieux et trouver un endroit propice pour ne pas être vue. L'endroit est déjà désert donc aucun risque d’être surpris. J'entends des pas s'approcher. Je me décale et le vois. Il marche peinard, les mains dans les poches, marchant vulgairement un chewin-gum.
‒ Alex ? L'appelle-t-il à haute voix.
Je me positionne bien avec ma batte en main et lorsqu'il arrive à mon niveau, BAM, dans sa face. Il tombe en hurlant de douleur. Il sort directement une arme et la pointe sans regarder à qui il a affaire. Je tape sur l'arme qui va tomber plus loin. Il relève la tête et tique de surprise en me voyant.
‒ Non mais qui êtes-vous ?
Bam un coup sur sa jambe gauche. Il hurle deux fois plus. Un autre coup sur l'autre jambe. Il essaie de se relever mais j’enchaîne les coups partout sur son corps.
‒ Ça t'apprendra les bonnes manières espèce de couillon sans cervelle.
Je continue de le battre. Même son visage y passe. Il n'aurait pas dû toucher à mon bébé. Je l’imagine la battant et ma colère redouble. Je le cogne de plus en plus.
‒ Espèce d'enfoiré.
Je lui donne un coup au visage qui lui arrache une dent. Enfin, si ce n’est plus. Il appelle à l'aide.
‒ Oh tu appelles à l'aide ? Lui retourné-je en cessant de le battre. N’est-ce pas qu'elle n’avait personne pour la défendre ? Mais maintenant c’est fini. Je suis là et je veille sur elle comme sur mon ombre.
‒De qui parlez-vous bordel ?
Je lui donne un coup dans le ventre. Le dernier. Je crois que je l'ai assez amoché comme ça.
‒ Plus jamais tu ne t'approche d'elle. Même pas en rêve. Si tu penses à elle ne serait-ce qu'une nanoseconde je reviendrai et cette fois je t’arracherai le cœur.
Je me baisse un peu vers lui.
‒ Personne ne touche à mon bébé.
‒ C’est qui votre bébé merde ?
‒ Alexandra WILLAR.
‒ Putain !
C’est ça continue de jurer. Je le laisse agoniser au sol et je pars toute satisfaite. Je nettoie soigneusement la batte et la repositionne dans le bureau de Travon une fois à la maison. Je vais me changer et je retourne à la Clinique chercher ma fille. Je n’ai pas l’intention de le dire à Derrick pour le moment. Ça lui apprendra à être plus présent dans la vie de ses enfants.
*Mona
*LYS
‒ Murima ! Murima !
Je me retourne vers l’entrée de la cuisine par laquelle entre Xandra en continuant à hurler mon nom.
‒ Que fais-tu debout ma chérie ? Le Docteur t’a conseillé de rester allongée.
‒ Je m'en fiche pas mal de ce qu'il a dit. Qu’as-tu fait à Tiger ?
‒ Je ne comprends pas.
‒ Il m'a appelé pour m’informer que ma domestique l'avait passé à tabac. Sur le coup il ne t'a pas reconnu mais plus tard si. Il m’a demandé ton nom pour pouvoir porter plainte contre toi.
‒ Et je suppose que tu le lui as donné ?
‒ Oui mais c’était avant de savoir ce qu'il voulait faire. Bref, pourquoi l’as-tu violenté ?
‒ Tu me poses vraiment la question ? Dois-je te rappeler l’auteur de tes bleus et de cet avortement qui a failli te tuer ?
‒ Ça, ça ne te regarde pas. Ce n’est pas parce que tu m'as sauvé la vie que ça te donne le droit d'y fourrer ton nez.
Je me rapproche d’elle un couteau à la main.
‒ Jeune fille, sais-tu que je peux te refaire le portrait sans que ton père ne bronche ?
‒ Non mais pour qui te prends-tu ? Non mais ça ne va…
‒ Hé hé hé hé tu me manques de respect et je te fais avaler ta langue, la menacé-je en lui pointant le couteau. Ne me tente surtout pas. Ne me pousse pas à te botter ton joli petit cul.
‒ Vas-y et mon père te foutra en prison.
Je me rapproche d'elle, elle recule. Derrick entre dans la cuisine. Il nous regarde à tour de rôle.
‒ Que se passe-t-il ?
Je fixe ma fille.
‒ Tu veux expliquer à ton père ? Lui dis-je le sourire aux lèvres.
Elle me fusille du regard. Je ne cligne pas des yeux. Elle sort en marmonnant.
‒ Que se passe-t-il entre vous deux ?
‒ Rien, dis-je en retournant à ma tâche.
‒ Comment ça rien ? Je te surprends à menacer ma fille avec un couteau et tu dis rien ?
‒ C’est aussi ma fille je te signale donc je peux lui ôter la vie si ça m’enchante.
Je range quelque bric à brac en l’ignorant.
‒ Tu as fait n'importe quoi avec les enfants. Tu les as mis à l'abri de tout besoin mais côté éducation tu as fait du gros n’importe quoi.
‒ Tu pensais peut-être faire mieux ? Toi une junkie ?
‒ Tu n'as que ce mot à la bouche. Et oui j'aurais fait mieux. Donne-moi juste le temps de me familiariser à eux et tu verras que la drogué que je suis est une bonne mère.
‒ Une bonne mère qui agresse le petit ami de sa fille.
Je me retourne vers lui.
‒ J’ai reçu un appel du Commissaire, un ami à moi. Quelqu’un aurait porté plainte contre mon employé qui se prénomme Murima.
Je souris.
‒ Il a osé.
‒ C’est donc vrai ? Et je peux savoir pourquoi une telle barbarie ?
‒ Tu le saurais si tu étais impliqué dans la vie de tes enfants. Tu m'avais pourtant dit que tu garderais un œil sur ce voyou que ta fille a choisi comme petit ami mais apparemment non, tu ne l'as pas fait.
‒ Qu’a-t-il fait ?
‒ Donne-moi l'adresse du commissariat. Je vais répondre à sa convocation.
‒ Nous irons ensemble.
‒ Si tu y tiens.
Je vais dans ma chambre me changer et nous embarquons dans sa voiture. C’est bien la première fois depuis Vingt-deux ans que nous nous retrouvons seuls dans une voiture. Je me sens toute mal à l'aise du coup. Le savoir assis juste près de moi et étant obligée de sentir son parfum si envoutant me trouble. Je garde donc mon visage tourné vers la vitre. Regarder le paysage et commenter mentalement ce que je vois m’empêchent d’être troublée.
‒ J’ai appelé le centre de désintoxe.
Je tourne vivement la tête vers Derrick.
‒ Et comment va Will ?
Il tourne la tête et plonge son regard dans le mien. Je détourne le mien.
‒ Apparemment bien.
‒ Tu as pu discuter avec lui ?
‒ Non. Il était occupé selon ce que m'a dit son surveillant. Mais je le rappellerai plus tard.
Je hoche la tête. Le reste du trajet se fait en silence. Je peux sentir de temps à autre son regard sur moi. Je garde ma tête tournée jusqu’à ce que nous arrivions. Nous sommes tout de suite conduits dans le bureau du Commissaire. C’est Franck, un ami de longue date.
‒ C’est elle la concernée ? Demande-t-il à Derrick.
‒ Vous pouvez me parler directement, coupé-je avant que Derrick n'ouvre la bouche. Oui c’est moi.
‒ Ok une plainte a été déposée contre vous pour agression physiques sur le surnommé Tiger. Il a même apporté des photos de ses blessures.
‒ Je ne me reconnais pas dans les faits, dis-je sans sourciller.
Derrick bouge dans sa chaise.
‒ Par contre j'ai un tas d’informations compromettantes et je voudrais qu’il ait une restriction de s’approcher de ma… d’Alexandra WILLAR.
‒ Et quelles sont ces informations ?
‒ Il est un trafiquant de coque et d'autres stupéfiants. Ce n’est pas la peine de vous signifier qu'il en consomme. Je veux aussi porter plainte contre lui pour violences physiques sur Alexandra.
‒ Quoi ? Sursaute Derrick.
‒ Ce jeune écervelé est violent et manipulateur, continué-je sans m’occuper de lui. Il se sert de la naïveté de cette gamine pour lui soutirer de l’argent.
‒ Vous avez des preuves ?
‒ Oh bien-sûr que j'en ai.
J'affiche de mon portable les captures d’écran des conversations entre Xandra et ce jeune.
‒ Je les ai prises du portable d'Alexandra alors qu'elle était distraite. Il doit s’éloigner d'elle. En plus il est beaucoup plus âgé.
Le Commissaire relève la tête vers moi après avoir analysé les captures.
‒ Vous ne pouvez demander une restriction madame, puisque vous n’êtes pas un parent proche.
‒ Je suis sa…
Je ferme ma bouche. Je me tourne vers Derrick pour qu'il prenne les devants. Il m'a l'air perdu.
‒ Derrick !
Il lève les yeux sur moi. Il se reprend et approuve ma démarche. Le Commissaire prend note et nous libère. Nous retournons à sa voiture.
‒ Tu as menti au Commissaire sur l’agression du jeune.
‒ Ce sera sa parole contre la mienne. Personne n’était présent, il ne pourra donc rien prouver. En plus avec ce que je viens de déballer sur lui, sa parole n'aura plus aucun poids. Ne t’inquiète pas, je suis une ancienne toxico et personne ne croit aux paroles des toxicomanes. Hum ?
Je darde sur lui un regard narguant. Il paraît gêné. Je monte dans sa voiture. Il fait de même et nous reprenons le chemin dans le silence. Il rompt le silence lorsque nous entrons dans la concession.
‒ Xandra t'en voudra si elle apprend ce que tu as fait.
‒ Ce que j’ai fait ? Nous avons tous les deux fait ce qui est bien pour elle. Et peu importe qu'elle m'en veuille. Elle peut se les garder ses humeurs.
Il gare et coupe le moteur.
‒ Décidément ton sang est fort Murima. Tu as su influencer les enfants malgré ton absence.
‒ Que veux-tu dire ?
‒ S'ils ne sont pas des drogués, ils en tombent amoureux. Finalement après tous mes sacrifices ils ont décidé de suivre tes traces.
‒ Vas te faire foutre Derrick. Si Will est dans cet état c’est de ta faute et si Xandra aussi fréquente des drogués c’est aussi de TA faute. Tu as été un mauvais père.
‒ Je t'interdis de me traiter de mauvais père quand la délinquante c’est toi. Si tu n'avais pas consommé de la drogue lorsque tu étais enceinte d'eux et les allaitais ils n'en seraient pas là. La malédiction qui était sur toi les suit.
Bam je lui administre une claque.
‒ Le maudit ici c’est toi. Toi qui as abandonné ta femme derrière les barreaux. Toi qui l'as privé de ses enfants pendant Vingt-deux années. Toi qui as poussé Will vers la drogue en le détestant tout simplement parce qu’il me ressemble physiquement. Toi qui as rendu Xandra insolente et stupide en lui cédant tout. Toi qui as tout appris à Travon sauf comment être un bon mari. Le maudit c’est toi et ta sorcière de mère. Imbécile que tu sois. Musunzuwawu (Ton cul, en Punu)
Je descends et claque la portière. Je l’entends me suivre à grandes enjambées. Il est en colère. Il a horreur qu’on le gifle. Et moi j’ai horreur qu'on me manque de respect.
‒ Reviens ici Tatiana, Gueule-t-il dans mon dos.
Quand il m’appelle par mon deuxième prénom c’est qu’il est vraiment en colère. Je continue de marcher lorsqu’il me saisit violemment le bras et me ramène contre lui. Je bute sur son torse.
‒ La prochaine fois que tu te permets de lever la main sur moi, sur la vie de mes enfants je te ferai croupir en prison pour le reste de ton inutile de vie.
‒ Et toi la prochaine fois que tu me manques de respect je te coupe les couilles et je les donne à manger aux chiens errants. Tu me connais Derrick. J’ai passé toute ma vie ici à Londres mais tu sais pertinemment que mon côté Africain n’a jamais été désactivé. Garde donc tes couilles loin de moi.
Nous restons là, nos visages proches, les yeux dans les yeux à nous fusiller du regard. On verra bien qui sera le premier à baisser les yeux. Ce ne sera pas moi en tout cas. Sa mâchoire se contracte. Je ne cille pas pour autant. La porte de l’entrée claque violemment, nous obligeant à nous tourner rapidement. Nous avons le temps de voir Imelda disparaître dans les escaliers en pleurant. Je fronce les sourcils. Que fait-elle là ? Elle était censée allée rejoindre Travon en Suisse pour régler le problème que leur couple rencontre.
***IMELDA
Je monte dans ma chambre ranger toutes mes affaires. Je dois déguerpir d'ici. Une infidélité. Mon Dieu une infidélité. C’est plus que je ne peux supporter. Dieu seul sait ce que j’ai enduré dans ce mariage. Je n’ai jamais été heureuse. Mais soucieuse, ça si. Travon n'a jamais vraiment été très démonstratif avec moi. Avant le mariage, c’était toujours moi qui initiais les sorties en amoureux, les dîners et autres activités ensemble. Pour lui rien d'autre n'a compté si ce n’est son travail. Mais les seules fois où il a fait des efforts, il était tellement adorable que j’ai décidé de fermer les yeux sur le reste. Je mettais toutes ces choses sur le fait qu'il n'ait pas connu l'amour maternel. Il ne sait donc pas comment aimer une femme.
Après notre mariage, j’étais toujours seule. Il partait le matin sans me demander si j’avais besoin de quelque chose et quand il rentrait il continuait à travailler jusqu’à x heure. Je suis celle qui demande toujours le sexe et la plupart du temps je recevais des ‘‘pas ce soir. Je suis épuisé’’. Je prenais sur moi. En deux années de mariage je n’ai jamais connu ce que s’est qu’être complice avec son mari. Je sais qu'il m'aime, ça je ne pourrais jamais en douter. Mais il n'y a pas que l’amour dans le mariage. Mais je gardais le silence en ayant foi qu'un jour il deviendrait le mari que j’ai toujours rêvé qu’il soit.
Mais il n'y avait pas que ça. J’étais toujours la raison de la mauvaise humeur de Dame WILLAR. Mon Dieu je ne peux compter le nombre de fois où j'ai été lynchée verbalement par cette vielle femme. Je suis à chaque fois jugée pour la moindre chose. Je suis trop noire, avec une forme pas adéquate, mes cheveux sont trop crépus, je ne suis pas assez présentable, pas assez classe pour faire partie de sa famille. Et personne dans la famille n'a jamais osé prendre ma défense ne serait-ce que pour lui demander de cesser de me cribler de remarques grossières et blessantes. Même pas mon mari. Mais j'avalais ma rage. Pourquoi ? Par amour pour Travon.
Dans cette famille, les noirs sont relégués au rang de moins que rien. Il n'y a qu’à voir comment sont traités les domestiques. Pourtant la mère des trois enfants de la famille était une Africaine. Une Gabonaise de ce que je sais. Je ne sais pas ce qu'elle leur a fait avant de mourir mais cette femme et son fils, M. Derrick, lui vouent une haine pas possible bien qu'elle soit morte et enterrée. Avec haine j'ai entendu M. Derrick parler de cette défunte à ses enfants. Elle aussi n’était pas acceptée tout comme moi. Alors aujourd’hui c’est sur mon dos qu’ils cassent tous leurs sucres. J'en suis plusieurs fois arrivée à penser que Travon regrette de m’avoir épousé, moi une Africaine. Ce qui pourrait expliquer sa froideur envers moi.
Cette indifférence n’a pas commencé à cause de mon problème de fertilité. Oh là non. Elle a toujours été présente. Seulement je jouais l'épouse heureuse aux yeux de tous jusqu’à ce que nous venions nous installer ici. Cette histoire d'enfant l'a juste rendu deux fois plus froid. Combien de fois j’ai voulu trouver du réconfort chez les autres membres de la famille. Mais c’était peine perdue. Cette famille n'en est pas vraiment une. On se fiche des uns et des autres. En dehors du lien de sang, ils n'ont rien en commun. Entre eux et moi il n'y a que des civilités. Pourtant moi je rêvais d’une belle et grande famille unie, solidaire, aimante, réchauffante. Tout ce que j’ai eu avec ma propre famille. Dieu qu’elle me manque.
Je termine de ranger le maximum de mes affaires et je les fais descendre un par un au bas des escaliers. Je sens quelqu’un me suivre jusque dans la chambre.
‒ Ma chérie qu’est-ce qui se passe ? Où pars-tu ?
Je reconnais la voix de Murima.
‒ Chez mes parents, dis-je en tirant ma valise vers la porte. J’ai atteint mon quota de patience.
‒ Mais pourquoi ?
‒ PARCE QUE TRAVON ME TROMPE, hurlé-je en faisant volte-face pour la regarder.
J'éclate en sanglot. Elle essaie de me toucher.
‒ Non ne me touche pas, la repoussé-je en évitant sa main. C’est de ta faute. Tu m'as dit de lui dire la vérité sur mon passé et maintenant il s’est trouvé une fille qui va sans doute lui faire des gosses.
‒ Je suis désolée ma belle.
‒ Il m'a fait tellement mal. Mon Dieu ! J’ai cru mourir quand j'ai vu son assistante sortir en serviette de sa salle de bain. Lui il était le torse nu. Travon m'a trahi.
Elle me prend dans ses bras malgré ma résistance. Je finis par me libérer dans ses bras. Je hurle toute ma douleur. Une autre femme a vu la nudité de mon homme. C’est trop humiliant. Trop douloureux.
‒ Je suis sincèrement désolée ma chérie. Je ne savais pas qu’il était aussi faible d’esprit.
‒ Je dois partir avant qu’il ne rentre, dis-je en me détachant de son emprise.
‒ Tu devrais peut-être attendre qu’il rentre pour mieux discuter.
‒ Discuter de quoi ? Lorsque je lui ai parlé de mes avortements, il m'a traité de tous les noms d’oiseaux. Il a même terminé son discours par une demande de divorce. Je crois que maintenant toutes les raisons sont là pour que ça se fasse. J’ai déjà trop supporté Murima. Trop. J’ai besoin d'un break.
‒ Ok. Mais je t'en supplie. Ne prends pas de décision maintenant. Attends d’être plus calme.
‒ Ok.
Elle m'aide à faire descendre toutes mes affaires. M. Derrick me regarde avec surprise.
‒ Que se passe-t-il Imelda ? Où pars-tu avec toutes tes affaires ?
‒ Je pars d’ici. Je crois que mon mariage avec votre fils tire à sa fin.
‒ Mais comment ça ? S'il t'a fait quelque chose de grave dis-le moi qu'on en parle. On peut toujours trouver une solution.
‒ Je vais y aller.
C’est tout ce que je lui dis. Je suis de nouveau aidé par Murima et Aurelle jusqu’à ma voiture. Je les embrasse, je monte et je pars. En conduisant, je me nettoie le visage mais c’est inutile parce que quand j’essuie une larme, une autre coule. Je décide de les laisser couler à flot.
Je sais déjà ce que mes parents vont me dire. « On t'avait prévenu. Cette famille est une famille à problème surtout avec cette sorcière de Dame WILLAR. Ils n'aiment pas les noirs. » J’ai entendu cette phrase tous les jours qui ont précédé mon mariage. Après, ma mère m'a juste appelé pour me dire ‘‘J’espère que tu es bien armée. Ne viens pas après pleurer dans mes jupons.’’. Aujourd’hui, cette phrase va prendre tout son sens. Je n’étais pas bien armée et maintenant je retourne pleurer dans les jupons de ma mère. Je n’ai nulle part où aller. Je ne travaille pas parce que Travon ne le voulait pas. Il a dit qu’en tant qu’homme c’était sa mission de s'occuper de moi. Je devais juste être occupée à être toujours belle pour lui. Mais aujourd’hui j’ai besoin de travailler parce que l'ennuie a fini par avoir raison de moi surtout lorsque mon mari ne me consacre pas son temps.
Je gare à peine ma voiture devant la maison de mes parents que la porte s'ouvre sur ma mère. Elle me regarde descendre avec un regard qui me dit ‘‘je savais que ce jour arriverait’’. Je reste donc immobile près de ma voiture, la regardant avec les yeux qui laisse couler encore plus de larme. J’attends sa réaction. Va-t-elle me chasser ?
Je suis soulagée lorsqu'elle m'ouvre ses bras. Je cours m’y réfugier. Elle me berce pendant un moment avant de me conduire à l’intérieur. Je vois mon père qui descend les escaliers. Personne ne me pose de question. On me sert à boire après que je me sois installée dans le salon.
‒ Est-ce que je peux rester ici un moment s’il vous plaît ? Demandé-je à mes parents.
‒ Qu’est-ce qui se passe avec ton mari ? Questionne ma mère. Il t'a fait quoi pour que tu viennes ici avec toutes tes affaires ?
Je reste silencieuse.
‒ Je t'avais prévenu que cette famille n’était pas bonne pour toi. Mais tu ne m'as pas écouté. Voici maintenant les conséquences. Je t'ai dit que ces blancs étaient tous les mêmes. Ils nous verront toujours comme leurs esclaves, leur serpillière. Cette Dame WILLAR est une vipère de première. Tout ça je te l'ai dit mais tu ne m'as pas écouté.
‒ Hum chérie arrête, intervient mon père. Ce n’est pas le moment.
‒ Ce n'est pas le moment où ? N’est-ce pas j'avais ici raison ? (A moi) Regarde toi-même la famille là. Le père s'en fout de ses enfants, Travon est bien mais il n'a pas de couille. Incapable de te défendre contre sa grand-mère. William est un drogué et gigolo. Il sort avec des vieilles femmes qui peuvent le mettre au monde. Et la petite Alexandra, une petite insolente comme sa grand-mère. En plus elle marche avec des drogués. C’est dans cette famille que toi une belle et intelligente femme Africaine tu as vu pour rentrer. Fhumm. Deux années gaspillées cadeau. Ichhh.
Elle se tape dans les mains. Elle veut encore reprendre la parole mais mon père la devance cette fois.
‒ Monte dans ta chambre te reposer ma princesse. Quand tu voudras parler, nous serons là.
Je me lève en silence et monte dans mon ancienne chambre. Mes parents n'ont touché à rien depuis mon départ. Je reste couchée sur le lit en essayant de me faire une raison. Je dois réfléchir à ce que je vais faire de ma vie. Je dois m'occuper l’esprit. Je dois faire quelque chose de mes mains. Si Travon et moi divorçons, je me retrouverai à zéro. Nous nous sommes mariés sous le régime de la séparation de bien. C’était selon lui pour me protéger parce que son travail comporte souvent des risques auxquels il ne veut m’exposer. Et puisque je n'avais aucune réalisation je reviendrai à ma case départ. Je dois me relever. Je crois que ce mariage a trop bouffé de ma personnalité.
***TRAVON
Je descends de ma voiture en courant. Je ne prends même pas la peine de refermer la portière. Je fonce directement dans la maison.
‒ Imelda ? Hurlé-je en montant les escaliers. Imelda !!
Je constate avec horreur la chambre vide ainsi que sa penderie.
‒ Non pas ça !
Je sors mon portable de la poche de mon pantalon. C’est en redescendant les marches que je lance l'appel vers son numéro. Je rencontre mon père et ma grand-mère en bas. Imelda est injoignable. J’insiste.
‒ Papa tu n'aurais pas vu ma femme ? Lui demandé-je le portable toujours à l’oreille.
‒ Elle est partie fiston.
‒ Où ?
‒ Je n'en sais rien. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Je tourne sur moi-même.
‒ J’ai foutu le bordel dans mon mariage. Je crains qu'elle ne demande le divorce.
‒ Ça serait une bonne chose, lance ma grand-mère en se rapprochant. Elle ne servait à rien dans cette famille.
‒ Mamie il s'agit de la femme que j'aime.
‒ Tu ne seras pas le seul. Ton père peut en témoigner.
‒ Maman s’il te plaît ! Gronde mon père.
‒ Il faut que je la retrouve papa.
Murima apparaît dans mon champ de vision.
‒ Elle est partie chez ses parents, m’informe-t-elle en me fixant avec une certaine douceur qui m’intriguerait si je n’étais pas dans une situation délicate.
‒ Merci !
Je me précipite dehors mais elle me rattrape.
‒ Tu devrais peut-être lui laisser jusqu’à demain le temps de digérer. Elle a besoin d’être seule.
‒ Et moi j’ai besoin d'elle.
Je reprends mon chemin jusqu’à ma voiture et je repars comme je suis venu. C’est-à-dire, en trombe. J’ai mon cœur qui bat à tout rompre. Si elle est retournée chez ses parents, ça m’enlève 90% de chance de la ramener. Depuis notre mariage ils ne se sont plus adressés la parole et aujourd’hui elle est y est retournée. Mon Dieu qu’elle ne me demande pas le divorce. Je risque d'en mourir.
Je ressens subitement une douleur transperçante dans ma poitrine. Je freine brusquement en plein milieu de la voie. Je reste un moment à me masser la poitrine. La douleur m’empêche de respirer convenablement. J’aspire et inspire par la bouche jusqu’à ce que mon cœur reprenne un rythme normal. Ce n’est pas le moment pour mon cœur de me jouer un tour. C’est sûrement toute cette histoire qui fait monter ma tension. Au bout d'une dizaine de minutes je reprends la route.
La mère d'Imelda m’accueille avec un air qui me fait clairement comprendre que je ne suis pas le bienvenu.
‒ Bonsoir Madame je voudrais…
‒ Que fais-tu chez-moi ?
‒ Je souhaiterais voir Imelda s’il vous plaît.
‒ Elle n'est pas ici. Dois-je te rappeler qu'elle a coupé les ponts avec nous pour toi ?
‒ J'en suis navré Madame. Mais j'ai vraiment besoin de la voir. Il faut que je lui parle.
‒ Je te donne trois secondes pour dégager d'ici ou je te verse de l'huile chaude dessus.
‒ Je sais que vous ne m’appréciez pas personnellement mais pour l’amour du ciel laissez-moi la voir.
‒ Une… deux…
‒ Maman laisse-moi lui parler s'il te plaît.
Je soupire de soulagement en la voyant apparaître derrière sa mère.
‒ Tu n'as plus rien à lui dire ma puce, lui dit sa mère.
‒ Je gère maman. S’il te plaît !
Sa mère ne se prive pas de me dévisager avant de se décider à nous laisser seuls.
‒ Mon amour je te demande pardon pour ce que tu as vu. Je… c’était une erreur stupide qui ne se reproduira plus.
‒ Oui je sais que ça ne se reproduira plus. J’ai déjà contacté mon Avocat.
‒ Ma puce ne fais pas ça pour l’amour du ciel. On peut tout arranger.
‒ Tout arranger ? Tu étais pourtant celui qui a évoqué le divorce en premier. Tu m'as traité de pute et maintenant tu ne désires plus divorcer ?
‒ J’ai fait une bêtise.
‒ Non la bêtise c’est moi qui l'ai faite en t’aimant plus que ma propre personne. J'ai sacrifié ma relation avec mes parents pour toi. J’ai supporté les remarques blessantes de ta grand-mère sur ma couleur de peau et mes origines Africaines. J'ai supporté sa mauvaise éducation. J’ai même accepté que jamais tu ne me défendes. J’ai supporté de passer en dernier plan dans ta vie. Même ton travail avait plus d’importance que moi. Combien de fois m'as-tu invité à sortir ? Rien que tous les deux pour un dîner romantique ? Pourtant j'en mourrais d'envie. Mais je l'ai bouclé par amour. Tout ça pour quoi ? Pour que tu ailles baiser avec ton assistante.
‒ Chérie !
Elle nettoie avec vivacité la larme qui a coulé sur sa joue.
‒ Oui je t'ai caché mon passé. Mais jamais, au grand jamais je ne t’ai trompé avec un autre. En acte ou même en pensée. Tu as toujours été le seul homme avec qui j’ai voulu être. Mais c’est terminé Travon Yitu WILLAR. Je refuse de continuer à souffrir pour toi.
‒ On peut tout reprendre de zéro.
Elle sourit.
‒ Tu ne disais pas ça lorsque je t’ai avoué mon passé. Toi tu refusais de me donner une chance mais tu veux que moi je le fasse. Pas possible.
Elle retire son alliance et la glisse dans la poche de mon Polo.
‒ Je ne veux rien de toi. Juste que tu poses ta signature sur les papiers du divorce.
Elle rentre et referme la porte. Je reste sur place à regarder la porte comme un débile. J’ai mal. Je n’ai pas uniquement mal parce qu’elle désire me quitter. J’ai aussi mal parce que tous les points qu'elle a énoncés sont vrais. Jamais je ne l'ai défendu contre ma grand-mère. Jamais je ne lui ai donné sa place dans ma vie et dans ma famille. Elle a toutes les raisons du monde de s'en aller. Toutes.
Je noie mon chagrin dans l’alcool, assis sur la terrasse de la maison. Tout le monde s’est mis au lit sauf moi. J’ai du mal à dormir seul dans ce lit sans ma femme à mes côtés. Je l’avais là à mes côtés tous les soirs. Elle m’attendait toujours dans notre lit pour m’enlacer. Mais je n’ai pas profité. Je préférais travailler plutôt que de la rejoindre pour lui faire l’amour. Je préférais signer des dossiers au lieu de la rejoindre pour lui réchauffer le corps quand elle avait un peu trop froid. J’ai gaspillé mon temps à faire autre chose que l'aimer comme il se devait. Et maintenant je le paye. Avant même que je n'arrive chez moi, après être quitté chez ses parents, j’ai reçu l'appel de mon Avocat qui me confirmait les dires de ma femme. Elle est vraiment déterminée à divorcer. Je vide mon verre et m'en sert un autre.
‒ Tu ne devrais pas boire autant.
Je retourne la tête en direction de la voix lorsque je vois apparaître Murima.
‒ Je me doutais bien que tu ne dormais pas.
‒ J'avais besoin de réfléchir.
‒ Elle te manque n’est-ce pas ?
‒ Tu n'as pas idée.
‒ Je peux te tenir compagnie ? Moi aussi j’ai du mal à dormir.
Je lui indique la chaise sur laquelle elle s'assoit. Je remarque qu'elle a en main un verre de jus. Je bois une gorgée de ma boisson.
‒ Imelda s’était confiée à moi, commence-t-elle après avoir aussi bu une gorgée de son jus. C’est d’ailleurs moi qui lui ai conseillé de te dire la vérité. Elle craignait te perdre. Je l’ai rassuré que non mais faut croire que j'avais tort.
‒ Tu n'avais pas tort. C’est moi qui me suis conduis en parfait imbécile.
Je pousse un soupir et me cale dans mon siège.
‒ J’ai perdu ma femme définitivement.
‒ Ne dis pas ça chéri, fait-elle en me prenant la main.
Surpris par son geste qui a bousculé quelque chose en moi, je baisse les yeux sur sa main. Elle la retire.
‒ Je suis désolée, se ressaisie-t-elle en lâchant ma main. Ce que je voulais dire c’est de ne pas baisser les bras. Imelda t'aime et si tu lui démontres que tu l'aimes aussi elle reviendra.
‒ Justement je n'ai jamais su comment lui prouver mon amour. Je n'avais jamais courtisé de femme avant elle. Elle a été mon premier en tout. Tout ce que je sais faire c’est de travailler, travailler et travailler.
‒ Mais tu l'aimes au moins ?
‒ Bien-sûr que je l'aime. Quelle question ! Elle est mon premier amour et je ne veux personne d’autre. Je sais que j'ai merdé mais je l'adore cette femme. Elle est tellement douce que des fois je me demande comment elle fait pour supporter les insultes de ma grand-mère.
‒ Tu devrais déjà commencer par la défendre pour un début. Quand on aime une femme on ne laisse personne lui manquer de respect.
‒ Je sais.
Je bois une gorgée.
‒ Personne ne comprend pourquoi j’ai épousé une Gabonaise au lieu d'une Anglaise. C’est pourtant simple. Je cherchais une femme qui me rapprocherait de ma mère et je l'ai trouvé elle. A chaque fois que je la voyais, je voyais ma mère. C’est vrai que j'ai oublié à quoi elle ressemblait mais je sais qu'elle était très douce, exactement comme Imelda. Elle serait déçue de moi si elle voyait l'homme que je suis devenue.
‒ Ne dis pas une telle chose, dit-elle en posant de nouveau sa main sur la mienne. Elle serait fière de toi. Tu es un homme génial. Et n'importe quelle femme souhaiterait avoir un fils comme toi. Tu as juste commis des erreurs mais ce n’est pas bien grave. Tu peux encore te racheter auprès de ta femme. Il te suffit juste de devenir l'homme qu'elle désire. Tu la connais mieux que quiconque.
‒ Tu crois que j’ai des chances ?
Elle me sourit tendrement.
‒ Tu as toutes les chances mon chéri.
Une lueur étrange danse dans ses yeux. Le contact de sa main sur la mienne me fait me sentir bien, protéger. Du bout des doigts elle range une mèche rebelle de mes cheveux. Je la regarde et je me sens étrangement proche d'elle.
‒ As-tu des enfants ? Lui demandé-je sans la quitter des yeux.
Elle retire son doigt de mon visage.
‒ Oui. J'en ai trois.
‒ Et où sont-ils ?
‒ Quelque part dans ce monde.
Elle veut lâcher ma main, mais je l’en empêche. Elle paraît surprise.
‒ Ton contact me fait du bien. C’est bien la première fois que je me sens si proche d'une personne en dehors de Djénéb.
Elle sourit. Ses yeux deviennent subitement brillants, comme si elle allait pleurer.
‒ Merci ! Dit-elle doucement.
‒ Merci à toi de m'avoir tenue compagnie. Ça m'a fait du bien de parler. Je n'ai pas vraiment d'ami en qui me confier.
‒ Je sais. Et je serai toujours disposée à t’écouter si tu le désires.
‒ Tant mieux.
Elle me caresse la joue. Cette femme a quelque chose qui me trouble.
‒ Je crois qu’il est l’heure d’aller dormir, me dit-elle quand je baille.
‒ Oui.
Je me lève mais je manque de tomber.
‒ Attends que je t'aide, dit-elle en riant. Je crois que tu as un peu poussé sur le vin.
‒ Ouais, dis-je en souriant.
Elle m’aide en me servant d’appuie jusqu’à ma chambre. Elle me déchausse et m'aide à me coucher.
‒ Bonne nuit, me souhaite-t-elle.
‒ Merci, à toi de même.
Je la regarde s'en aller sans m’empêcher de penser que je la connais. Même si je ne sais où, je suis néanmoins ravi d'avoir pu trouver en elle une oreille attentive. Lorsqu’elle atteint la porte, pour je ne sais quelle raison, je la rappelle.
‒ Murima. Est-ce que… tu peux me prendre dans tes bras ?
Son visage se déforme par la surprise.
‒ Je suis désolé, je ne sais pas pourquoi je…
Avant que je ne termine ma phrase elle se précipite de m’enlacer. J’ai l’impression qu’un poids m’est ôté sur l’épaule. Je réponds à son étreinte. Ça me fait un bien fou d’être enlacé avec autant d’amour. Je suis en manque de cet amour maternel mais cette nuit, j’ai l’impression d’en recevoir de cette femme qui n’est pourtant que mon employée.
Je l’entends renifler. Je me sépare d’elle.
‒ Pourquoi pleures-tu ?
‒ Rien, répond-t-elle en s’essuyant le visage. Enfin, c’est juste que ça m’a fait du bien de te prendre dans mes bras. Je suis désolée.
‒ Ça m’a aussi fait du bien. Encore merci.
‒ Bonne nuit mon chéri.
Elle pose un baiser sur mon front et cette fois je la laisse partir, non sans me sentir bien comme un enfant qui vient d’être chouchouté par sa mère.