Épisode 8

Ecrit par Mona Lys

8



***TRAVON


Ce matin je me suis réveillé avec la pèche. Ma conversation d’hier avec Murima m’a boosté. Je suis prêt à récupérer ma femme. Déjà avant l’aube j’étais debout à chercher des endroits exotiques où aller avec elle pour quelques semaines. J’en ai trouvé plusieurs. Il me faut maintenant choisir le meilleur. Mais moi je suis plus tenté par Hawaï ou le Bahamas. Ces deux lieux sont géniaux pour des vacances en couple. Je demanderais bien l’avis de Murima.


Je descends retrouver les autres autour de la table à manger. Je bois d’une traite mon jus de fruit après les avoir tous salué.


‒ Tu ne prends pas ton petit déjeuner ? S’enquiert mon père.

‒ Non. J’ai une tonne de chose à faire.


Je cherche Murima du regard. Elle entre dans la pièce une carafe d’eau en main.


‒ Bonjour Murima. Pourrais-je te voir un instant ?

‒ Bonjour chéri. Oui bien-sûr.


Tous relèvent la tête vers elle quand elle m’appelle chéri. J’en suis moi-même surpris mais je ne le lui interdirai pas. Un peu de tendresse dans ma vie ne me ferait vraiment pas de mal. Elle pose la carafe et me suit jusque dans le salon. Je lui tends ma tablette.


‒ Voilà, j’ai visité différents sites à la recherche d’un merveilleux endroit où me rendre avec Imelda.

‒ Oh c’est mignon, s’exclame-t-elle avant de faire défiler sur la tablette les images.

‒ Mais je penche plus entre le Bahamas et Hawaï. Elle a toujours voulu se rendre dans ces endroits.

‒ Oui ce serait aussi génial. Vous pouvez commencer par l’un et terminer par l’autre. Combien de temps y resterez-vous ?

‒ Autant qu’il faudra pour la reconquérir.

‒ Mais et ton travail ?

‒ Je crois que j’ai assez bossé comme ça. Une pause ne serait pas de refus.

‒ C’est bien, se réjouit-elle en posant sa main sur ma joue.

‒ Merci pour tes conseils. Ça m’a énormément aidé.

‒ De rien. Mais avant, tu dois te séparer de ton assistante.

‒ Oui j’y ai déjà réfléchi. Merci !


Je lui baise la joue alors qu’elle ne s’y attend pas. Mais par son sourire je comprends que ça lui a fait plaisir. Je récupère ma tablette et je fonce à ma voiture. Je me rends au travail, mettre un peu d’ordre autour de moi. En effet, j’ai décidé de transférer mon assistante dans un autre département loin de moi. Je ne peux la virer pour avoir été moi-même consentant pour ce qui s’est passé. Je peux néanmoins l’éloigner de moi. Si je dois ramener ma femme, je dois d’abord m’éloigner de celle-là. Je contacte le Directeur des ressources humaines pour s’en occuper. Je vérifie prestement un dossier important à rendre à mon père aujourd’hui pour un rendez-vous. Une fois terminé je marche vers la sortie quand je rencontre Debby.


‒ Vous m’avez renvoyé ? Me demande-t-elle en se mettant sur mon chemin.

‒ Non je t’ai juste transféré ailleurs.

‒ Pourquoi ? Parce que nous avons couché ensemble ?

‒ Que tu travailles pour moi ou pour quelqu’un d’autre, quelle différence ça fait ? Tu auras toujours un salaire.

‒ Mais je…


Je continue mon chemin sans plus attendre. Je conduis avec enthousiaste jusque chez les parents d’Imelda. Je gare à peine que je la vois descendre d’un taxi. Je me lance vers elle.


‒ Imelda ! Chérie !


Elle se retourne à peine que je capture ses lèvres. Elle ne me repousse pas sur le champ. Ça me donne l’opportunité d’approfondir le baiser. Mais pas pour longtemps.


‒ Arrête ça Travon, me repousse-t-elle.

‒ Ma puce je te demande pardon.

‒ C’est trop tard Travon. Je veux refaire ma vie loin de toi et ta famille.

‒ Je vais me racheter. Laisse-moi juste une chance.

‒ Ça tombe bien que tu sois là.


Elle sort un document de son sac à main.


‒ Ce sont les papiers du divorce.

‒ Quoi ? Si vite ? M’étonné-je en les prenant pour les examiner.

‒ Oui. Mon père s’est chargé d’accélérer les choses.

‒ Tu es donc décidée à mettre un terme à notre mariage ?

‒ N’étais-tu pas sur le point de le faire ?

‒ J’avais parlé sous l’effet de la colère.

‒ Peu importe. Les papiers sont là. J’attends ton retour.


Elle me plante et disparait dans la maison. Je regarde les papiers entre mes mains et je n’en reviens pas. C’est donc vrai ? Elle veut vraiment divorcer ? Elle souffrait à ce point près de moi ? Je ne sais plus quoi faire là. Vaut-il toujours la peine que j’organise ces voyages ? Une douleur à la poitrine m’oblige à retourner dans ma voiture. Plus je m’éloigne de la maison, plus la douleur à la poitrine s’intensifie. Mes forces commencent à me lâcher. Ce n’est vraiment pas le moment. J’essaie de garer sur le côté quand je sens un gros coup dans ma poitrine qui me fait sursauter. Je pose instinctivement la main vers mon cœur. Ne roulant pas à vive allure je heurte légèrement un poteau électrique. Je commence à suffoquer. Mon cœur fait un autre sursaut et cette fois je me sens partir.


***MURIMA


L’assiette en porcelaine que je tenais me tombe des mains et se brise en mille sur le carrelage. Je suis court-circuitée par une douleur dans le cœur. Je m’assois sur un siège.


‒ Tantine ça va ? S’inquiète Djénéb.

‒ Mes enfants. Il est arrivé quelque chose à l’un de mes enfants.

‒ Quoi ? Comment ça ?


 Aurelle me regarde avec interrogation. Djénéb m’apporte un verre d’eau que je bois avec difficulté.


‒ Appelle Travon pour prendre de ses nouvelles s’il te plaît, demandé-je à Djénéb. Et toi Aurelle va voir dans sa chambre si Xandra va bien.


Elles s’exécutent toutes les deux. Aurelle ne tarde pas à revenir avec de bonnes nouvelles concernant Xandra qui serait concentrée sur son ordinateur. Mes pensées vont bizarrement vers Travon.


‒ Travon ne décroche pas, m’informe Djénéb.

‒ Mon Dieu non pas ça ! Pas mon bébé. J’espère que c’est une fausse alerte.


Djénéb continue d’insister avec Travon. Je passe les longues minutes qui suivent à prier qu’il ne soit rien arrivé à mes garçons. Quand le fixe sonne, je bondis dessus et décroche à la hâte.


‒ Allô ! Maison des WILLAR.

‒ « Murima c’est moi, Derrick. Travon est aux urgences. Il a fait un arrêt cardiaque. »


Je laisse le téléphone tomber. Djénéb le récupère et continue la conversation avec Derrick.


‒ Seigneur pas mon bébé. Je t’en supplie, pas lui.


J’arrache le téléphone à Djénéb et demande à Derrick le nom de l’hôpital où il se trouve. Dès qu’il me le donne je jette de nouveau le téléphone et cours vers la sortie. Le chauffeur gare à peine devant la clinique que je sors en trombe. Mon visage s’est inondé de larme sans que je ne m’en aperçoive. Je fonce à l’accueil.


‒ Bonjour mon fils a été admis ici aujourd’hui. Il s’appelle Travon Yitu WILLAR. Il aurait fait un arrêt cardiaque.

‒ Patientez un instant Madame. Il y avait des gens avant vous.


Je me rends compte d’avoir poussé les deux personnes présentes à l’accueil. Mais j’en ai que faire.


‒ Je veux juste savoir comment il va.

‒ Madame…

‒ JE VEUX JUSTE SAVOIR COMMENT VA MON FILS MERDE !

‒ Murima !


Je me retourne vers Derrick. Je le rejoins.


‒ Comment va-t-il ? Dis-moi qu’il va bien je t’en prie.

‒ Ils essaient de le réanimer. Son cœur a lâché alors qu’il était au volant.

‒ Non ! Non ! Non !


Je m’éloigne à reculons très lentement en pleurant.


‒ Derrick non ! Pas mon bébé ! NON !


Je me laisse tomber par terre près des fauteuils. Je n’arrive pas à me retenir. J’ai tellement peur pour mon fils. Je sens tout mon être se déchirer. Je refuse de perdre mon fils maintenant que je l'ai retrouvé. Surtout qu'il commence à se rapprocher de moi. Il m'a demandé un câlin hier et aujourd’hui il se retrouve entre la vie et la mort. Mon Dieu ne permet pas ça.


‒ Murima calme-toi s’il te plaît. Ne pense pas déjà au pire. 


Je continue de pleurer sans m’occuper de Derrick qui se rapproche de moi. Avant qu’il ne puisse poser sa main sur moi, sa femme fait son entrée. Elle court se jeter dans les bras de son mari. S'en suivent de longues séries de questions. Je me lève et m’éloigne d'eux. Je vais m’asseoir dans une autre salle un peu plus loin. Là, je me mets à prier pour mon fils. Mes larmes ne tarissent pas pour autant.


‒ Je sais que depuis ma libération je ne t'ai plus vraiment parlé. Mais aujourd’hui je viens à tes pieds Seigneur pour t'implorer de ne pas me prendre mon fils. Pas maintenant, pas comme ça. Laisse-le encore vivre de longues années. Il a tellement de chose à faire et à vivre. Il est encore tout jeune pour mourir. Je t'en supplie mon Dieu, sauve mon garçon. Je ne veux pas le perdre, continué-je cette fois en éclatant en sanglot. Je n’imagine pas ma vie sans l'un de mes enfants. Je mourrais si cela devait arriver. 


Je continue de prier pendant plusieurs minutes lorsque je sens quelqu’un s’approcher de moi. Je relève vivement la tête espérant que ce soir le Docteur qui m'apporte de bonne nouvelle. C’est plutôt Derrick que je vois.


‒ Il a été placé dans une chambre. Il n'est pas encore tiré d’affaire mais son état est pour l’heure stable.

‒ Conduis-moi à sa chambre s'il te plaît.


Il acquiesce. Je lui emboîte le pas jusque dans une chambre. Travon est allongé dans un lit, branché de partout. Il est encore inconscient. Quand je le vois mes larmes redoublent. Je vais vers lui et je pose mes lèvres sur son front.


‒ Rétablis-toi mon chéri s'il te plaît. Maman a encore besoin de toi. Je t'aime tellement si tu savais. Ne me laisse pas maintenant.


Ma voix se brise sous l’émotion. Mes larmes reprennent leur trajet sur mes joues. Les mains de Derrick se posent sur mes épaules. Il me ramène contre lui et me serre dans ses bras. Je m'y réfugie. J'en avais besoin. Je hume fortement son parfum.


‒ Il va s’en sortir, ne t’inquiètes pas.

‒ J’ai tellement peur de le perdre. Oh mon Dieu !

‒ Tu ne le perdras pas. Regarde-moi !


Il relève ma tête de son doigt. 


‒ Il me ressemble physiquement mais il a tout pris de toi. Tu lui as transmis ton courage et je sais qu'il se battra pour rester en vie. Alors toi ne faiblis pas s'il te plaît. Communique-lui plutôt ta force. Hum ?


Je hoche la tête.


‒ Tu te souviens que lorsqu’il avait un an il avait eu ce même problème de cœur ? Et je t’avais dit qu’il nous reviendrait sain et sauf ?

‒ Oui.

‒ Je te le redis aujourd’hui. Ton bébé te reviendra beaucoup plus fort. 


Je secoue vigoureusement la tête. Le regard de Derrick devient beaucoup plus tendre. Il me garde toujours fermement contre lui avec son bras autour de ma taille. Me sentir de nouveau si proche de lui, sentir ses puissantes mains me tenir et sa virilité m'envelopper, me troublent jusque dans mes entrailles. Je ne cesserais donc jamais d'aimer cet homme ? Malgré tout le mal qu'il m’a fait ? Je le vois rapprocher ses lèvres. Il pose un baiser sur mon front. Le contact de ses lèvres sur ma peau fait battre mon cœur à un rythme affolant. Quand il pose lentement le deuxième baiser sur ma joue gauche, une vague de souvenir m’emporte. Je sais ce qu’il est en train de faire. Il pose un autre baiser sur ma joue droite, puis sur le bout de mon nez. Mon pouls s’accélère quant à l’étape qui va suivre. Je plonge mon regard dans le sien. Il soude le sien au mien. Je peux sentir son cœur tambouriner contre sa poitrine. Va-t-il le faire comme il en avait l’habitude Vingt-deux ans en arrière ? Je ferme les yeux quand il rapproche ses lèvres. Et quand il les pose sur les miennes, je sens des fourmillements partout en moi.


Il l'a fait.


Et il ne s’arrête pas là comme ce qui devait être le cas. Nous échangeons un regard rempli de désir, de souvenirs et d'un commun accord muet nous scellons nos lèvres de nouveau pour notre premier baiser après Vingt-deux ans de séparation. Il me presse contre lui au point où je peux sentir son érection. Nous oublions tout autour de nous. Nous oublions même la délicatesse de la situation qui nous a conduit en cet hôpital. Les secondes s’égrènent sans que nous ne mettions fin à ce baiser. Je ressens des milliers de feux d’artifice dans tout mon être. Je ne veux plus qu’il me relâche.


Il avait pour habitude de poser des baisers sur les parties de mon visage pour me rassurer à chaque fois que quelque chose m’inquiétait. C’était sa technique à lui et à chaque fois qu'il le faisait toute ma peur s’enfuyait comme à cet instant. La première fois qu’il l'a fait c’était quand Travon a cessé de respirer une nuit dans son lit. J’étais morte de peur. Quand il a fait ça, j’ai éclaté de rire sans vraiment m'en rendre compte et depuis il le refaisait. J'en prenais toujours plaisir. Aujourd’hui je me retrouve encore dans ses bras à savourer ses lèvres que j’aimais embrasser. Je glisse ma main dans sa chevelure soigneuse. Je veux juste que le temps s’arrête, que tout ce qui s’est passé ne soit qu’un rêve et que je sois de nouveau la Madame WILLAR.


Le bruit de la porte nous fait sursauter. Quand nous nous retournons, c’est sur le regard choqué d'Imelda que nous tombons.


‒ Je suis désolée de vous avoir interrompu, dit-elle avec une pointe de dégoût dans la voix.

‒ Non, tu ne nous déranges pas, répondé-je avec embarras. 


Elle continue de nous regarder méchamment. Derrick s’excuse et sort de la chambre. Je peux voir de la déception dans son regard.


‒ Écoute ce que tu as vu…

‒ Au moins maintenant je sais d’où Travon tient son infidélité. Je vais y aller. Contactez-moi quand il se réveillera.


Elle sort sans attendre ma réponse. Je la suis. Je ne peux pas laisser les choses comme ça. Je refuse qu'elle garde cette image de moi. 


‒ Imelda attend. Nous devons parler.


Elle se retourne.


‒ De quoi ? Du fait que tu sortes avec ton patron ? Un homme marié ? Je te croyais plus responsable et de bonne moralité. 

‒ Non. Nous allons parler du fait que je sois la mère de ton époux, de Will et Xandra. Du fait que je sois l'ex-femme de Derrick.


Son visage se déforme par l’incompréhension. 


‒ Pouvons-nous aller dans un endroit plus calme pour discuter ?


Elle me regarde comme si j’étais une extraterrestre. Elle fait un léger oui de la tête.


Nous nous sommes rendues dans la cafétéria de l’hôpital afin de rester proche de Travon. En buvant une gorgée de mon café je cherche comment lui expliquer l’histoire sans qu’elle aussi ne me condamne à la va vite. 


‒ Comment ça tu es la mère des enfants WILLAR ? Leur mère est morte et enterrée depuis Vingt-deux ans.

‒ C’est ce que Derrick a trouvé de mieux à leur dire pour me faire du mal et me faire sortir définitivement de leur vie. Sinon je suis bel et bien en vie.

‒ Et où étais-tu donc toutes ces années ?

‒ En prison.


Elle déglutit. 


‒ J’avais été condamné à Quarante ans de prison mais j'en ai finalement fait Vingt-deux pour bonne conduite.


Je marque une pause et reprends.


‒ J’étais une accro à la drogue avant. J’ai été livrée à moi-même après la mort de mes parents. J’ai été recueillie par un premier dealer au Gabon puis un deuxième ici qui m'a tout de suite introduite dans son business. J'en prenais aussi en plus d'en vendre. C’est Derrick qui m'a délivré de ses griffes. Il m'a épousé malgré ma dépendance et le refus de ses parents parce que j’étais noire. 

‒ Exactement comme moi.

‒ Oui. J’ai eu les trois enfants et nous étions heureux. J’avais réussi à vaincre ma dépendance. Ça n’avait pas été facile mais j’y étais quand même arrivée. L’amour de Derrick m'avait aidé. Mais un jour, je ne sais pas ce qui s’est passé. Je ne sais comment s’est arrivé mais je me suis retrouvée droguée et j’ai ridiculisé mon mari devant ses partenaires. Après ça la police a retrouvé une grosse quantité de drogue au-dessus de ma penderie ainsi qu’une arme qui avait servi pour un meurtre. Je ne sais comment toutes ces choses sont arrivées chez nous. J’ai essayé de m’expliquer mais personne ne m’a cru. Même pas Derrick. Je crois qu’il avait atteint son seuil de tolérance envers moi. J’ai été jugée et condamnée. Derrick m’a demandé le divorce et je n’ai plus eu de ses nouvelles ni celles de mes enfants durant toutes ces années passées enfermée. La première chose que j’ai faite une fois libérée c’est de me rendre à la maison. J’ai rencontré Djénéb qui m'a avoué que pour mes enfants j’étais morte. C’est alors que j’ai décidé d’entrer en tant que domestique dans l’espoir de me rapprocher d’eux. Mais aussi pour qu'ils apprennent à me connaître. Je n’ai pas voulu leur révéler mon identité de façon brusque. Voilà donc toute l’histoire. 


Elle reste silencieuse, complètement sous le choc.


‒ Je comprends maintenant ta douceur envers eux. Je comprends aussi ta forte ressemblance avec Will. Je me disais que c’était une coïncidence mais non. Tu dois avoir souffert tout ce temps.

‒ Je ne te le fais pas dire. Je pensais chaque jour à eux. Je me demandais s'ils allaient bien. S'ils pensaient à moi. Ça a été un calvaire de vivre sans eux. Mais penser à eux m'a donné la force de rester en vie malgré l’horreur que je vivais. Aujourd’hui je suis là et j’ai mal de voir ce qu’ils sont devenus. Derrick a négligé beaucoup d’aspects dans leur éducation. C’est pourquoi ma chérie…


Je lui prends les mains.


‒ Je te demande de ne pas abandonner mon fils. Il a commis des erreurs mais il n’est pas un méchant garçon. Il est très sensible. Il t’aime énormément tu n’as pas idée. Il s’est mis à organiser un voyage pour tous les deux. Ne le laisse pas je t’en supplie.

‒ Je n’avais pas l’intention de le quitter, m’avoue-t-elle les larmes aux yeux. Sur le coup oui j’y ai pensé mais après m’être calmée je me suis rendue compte que je ne pouvais vivre sans lui. Murima, j’aime tellement ton fils si tu savais. Tout ce que je fais c’est uniquement pour le pousser à devenir l’homme que je désire. J’ai même fait de faux papiers de divorce que je lui ai remis ce matin. Je crois que c’est ce qui l’a mis dans cet état. Oh mon Dieu qu’est-ce que j’ai fait ?


Elle étouffe ses pleurs dans sa main.


‒ Hé ! Non, arrête. Ce n’est aucunement ta faute. Travon avait un problème de cœur depuis petit. J’ai cru que ça avait été réglé mais apparemment non. Ce n’est rien. Il va s’en remettre. Tu me promets de lui redonner une chance ?

‒ Bien-sûr que oui. Mais ça va être difficile de convaincre mes parents de me laisser retourner avec lui.

‒ Ne t’inquiète pas je vais m’en occuper. Parait qu’ils sont aussi Punu comme moi.

‒ Tu es Punu ? Gabonaise ?

‒ Oui, dis-je en souriant.

‒ Enfin j’aurais une alliée.

‒ Evidement.


Enfin nous retrouvons le sourire.


‒ Dis, tu l’aimes toujours ? Me questionne-t-elle subitement.


Je baisse les yeux face à cette question.


‒ Te dire non serait un mensonge. Derrick a été mon unique amour. Avant lui je n’avais jamais aimé et après lui non plus. Je ne pense d’ailleurs pas que j’arriverais à aimer un autre homme.

‒ Je crois que c’est pareil pour lui. Je pense que lui aussi ne t’a pas oublié.

‒ Peu importe Imelda. Il est marié à celle qui a toujours été le choix de ses parents. Aujourd’hui ma seule priorité ce sont mes enfants.


Je termine mon café. Je camoufle du mieux que je peux la tristesse sur mon visage.


‒ Ton histoire ne m’encourage pas à continuer avec Travon. Et si je vivais la même chose que toi ?

‒ Chacun à son histoire ma chérie. As-tu déjà touché à la drogue ? Non je ne crois pas. Donc nous n’aurons pas la même histoire.


Elle me sourit.


‒ Je suis heureuse de savoir que j’ai une belle-mère et qui m’apprécie.

‒ Et moi je suis heureuse d’avoir une belle-fille. Wu dji ivuandi (Tu es trop jolie).


Elle éclate de rire. Après ce moment d’échange qui nous a fait du bien à toutes les deux, nous retournons à l’intérieur de l’hôpital. Derrick est en compagnie de Xandra et de son ami Clinton. Quand ce dernier me voit, une lueur brille dans ses yeux.


‒ Bonsoir Murima. Comment vas-tu ?

‒ Je vais bien et toi ?

‒ Ça va. J’ai appris pour Travon alors j’ai tenu à apporter mon soutien. Je ne savais pas que tu serais là. 

‒ Je fais partie de la famille. Je me devais d’être là. 

‒ Je suis ravi de te voir.


Je lui réponds par un faible sourire. Quand je tourne les yeux je tombe sur ceux de Derrick qui ne cachent rien de sa jalousie. Le Docteur vient nous informer de l’état de Travon et comme je le pensais il faille qu'il se fasse opérer du cœur. Je m'assois pour m’éviter de tomber telle je suis prise de peur. Imelda reste près de moi en me tenant la main. Une opération. C’est risqué. Il risque d'y rester si ça ne se passe bien. Je préfère rester positive.


Nous passons tout le reste de la journée dans la chambre de Travon. Xandra fini par s'en aller à son cours. Derrick et son ami retournent dehors se dégourdir les jambes. Quand il ne reste que moi et Imelda, je m'assois près de mon garçon et je lui chante la berceuse que je leur chantais lorsqu'ils étaient enfant. Je lui communique ma chaleur par une caresse sur la joue. Peut-être que me sentir près de lui l'aidera à vite se rétablir. C’est un chant en Punu qui veut dire « Que tu sois une petite Chenille qui a besoin d'aide pour marcher ou que tu deviennes un papillon qui vole tout seul, moi ta maman je serai toujours là pour veiller sur toi et empêcher tout mal de t’atteindre. ». Je prends sa main dans la mienne en continuant à chanter quand subitement je sens ses doigts se resserrer sur ma main. Il la serre fortement comme s'il ne voulait plus que je le lâche. Imelda qui assiste à ça me regarde avec surprise. L’émotion reprend sa place. De mon autre main je caresse les cheveux de mon fils.


‒ Maman est là mon amour. Plus jamais je ne m’éloignerais de toi.


Ses doigts se desserrent petit à petit comme s’il était maintenant rassuré. Je pose un baiser dans le dos de sa main. Remarquant que ma belle-fille voulait aussi être proche de lui, je lui cède la place. Quand je me retourne je vois Derrick arrêté près de la porte. Il a assisté à toute la scène. Son regard me communique tellement de chose que je préfère détourner le mien de peur qu’il ne lise en moi. Clinton ne tarde pas à faire son entrée. 


‒ Tu devrais peut-être rentrer te reposer, me suggère Derrick.

‒ Non je vais rester près de lui. Je ne veux pas le laisser seul.

‒ Il ne sera pas seul, répond Imelda. Je vais passer la nuit ici et demain lorsque tu viendras je rentrerai. Tu as l'air épuisé à force d'avoir pleuré. J’ai aussi besoin de prendre soin de mon mari.

‒ D’accord on fera ça.

‒ Moi aussi je rentre, je peux te déposer, propose Clinton interrompant Derrick qui s’apprêtait aussi à parler.

‒ Je ne veux pas déranger. 

‒ J’insiste. 


Je regarde Derrick qui n'a pas l'air enchanté. 


‒ Ok d’accord. 


J’embrasse Imelda et je suis Clinton jusqu’à sa voiture. Il m’ouvre la portière en parfait gentleman avant de prendre place près de moi, derrière son chauffeur. A peine nous démarrons qu'il entame une conversation plutôt gaie qui me détend au fur et à mesure. Je trouve en lui une très bonne compagnie. Je me surprends à sourire. 


‒ Tu as un très beau sourire, me complimente-t-il alors que la voiture s’arrête à un feu tricolore. 

‒ Merci.

‒ Tu dois beaucoup aimer Travon au point de vouloir passer la nuit à son chevet. 

‒ Oui. C’est un bon garçon.

‒ Tu m'as l’air très maternelle. As-tu des enfants ?


Qu’est-ce que je lui réponds ? Si je lui dis oui il voudra en savoir plus. Je ne veux pas non plus pas lui dire non. Je refuse de renier mes enfants. Pendant que je fais un choix de réponse mentalement, une silhouette dehors attire mon attention. 


‒ William ? Me chuchoté-je à moi-même en regardant plus attentivement. 


Quand il tourne son visage vers la voiture je vois nettement son visage. C’est William. Il tient en main des paquets. Mais que fait-il là alors qu’il est censé être en centre de désintoxe ? Il monte dans un taxi.


‒ S’il te plaît demande à ton chauffeur de suivre ce taxi sans se faire remarquer, dis-je à Clinton oubliant le risque que cela ferait s'il voyait Will.  

‒ Que se passe-t-il ?

‒ Je veux juste suivre ce taxi s’il te plaît. Mais si ce n’est pas possible ce n’est pas grave. Je vais aller prendre un taxi.


Avant que je n’ouvre la portière il m’attrape le bras.


‒ Pas besoin. On y va, ordonne-t-il à son chauffeur.


Nous démarrons quelques secondes après le taxi. C’est en restant à une distance considérable que nous le suivons. Je n’écoute plus Clinton qui essaie de me faire la conversation. Je me demande bien comment cela se fait-il que Will soit encore au pays. Son père a pourtant appelé dans le centre où il était et on lui a bien dit qu’il y était. Alors pourquoi je le vois là ?


Après des minutes à le suivre, son taxi gare devant un petit immeuble dans un quartier isolé de la ville. C’est un quartier qui ne ressemble pas à son statut d’enfant de riche.


‒ N’est-ce pas Will là ? Me montre Clinton. N’est-il pas censé être en centre de désintoxe ou quelque chose comme ça ?

‒ Oui. Mais je te demande s’il te plaît de ne rien dire à Derrick.

‒ Ok. Mais tu me revaudras ça, plaisante-t-il. Je veux un diner.

‒ Ok, dis-je en souriant. On en reparlera plus tard. J’y vais.

‒ Je t’attends ?

‒ Non pas la peine merci. Bye et merci encore.


Je sors rapidement et traverse la voie en courant. Will est déjà entré. Je le suis jusqu’au deuxième étage où il rentre dans un appartement. Je vais y cogner. Il met un peu de temps à ouvrir. Quand il me voit il sursaute.


‒ Que fais-tu là ?

‒ Je t’ai vu et je t’ai suivi. Que fais-tu là toi ?

‒ Ce ne sont pas tes oignons. Dégage d’ici et si tu l’ouvres je te le ferais regretter.


Il essaie de refermer la porte mais je l’en empêche. J’entre de force.


‒ Non mais ça ne va pas ? Tu es ma domestique je te le rappelle et je t’ordonne de foutre le camp de mon appartement.

‒ Tu n’es pas en centre de désintoxication ? Pourquoi ?

‒ Parce que je n’en avais pas envie. Maintenant si tu veux tu peux aller le dire à mon père. Je n’en ai rien à foutre de toutes façons. Sors maintenant.


Il me tire jusque dehors.


‒ Je n’ai pas l’intention de dire quoi que ce soit à ton père. Au contraire, je veux t’aider.

‒ Tu crois pouvoir m’aider ? Toi une domestique ? La bonne blague.


Il s’apprête à fermer la porte.


‒ J’ai été aussi une accro.


La porte s’ouvre lentement.


‒ Je sais ce que ça fait d’être rejeté par ceux qu’on aime. J’ai passé Vingt-deux ans en prison pour quelque chose que je n’avais pas fait mais comme j’étais une ancienne droguée on m’a condamné d’office. Alors crois-moi que je peux t’aider dans ce que tu traverses.


Son regard dur se radoucit. Il se dégage du passage et referme une fois que je suis à l’intérieur. Je regarde partout et tout ce que je vois ce sont des tableaux, des pinceaux et des peintures. Il y a juste un divan et une table basse au milieu de tout ça.


‒ Tu… peins ?

‒ Oui. Et tu es la seule personne à le savoir maintenant.


Je lui fais face.


‒ Pourquoi n’es-tu pas allé au centre ?

‒ Parce que je ne suis pas accro à la drogue, répond-il en allant s’asseoir sur un tabouret. J’en prends mais je peux aussi m’en passer. La plupart du temps c’est pour faire chier mon père.

‒ Vraiment ?

‒ Oui. Cet homme me déteste et c’est réciproque. J’ai contacté le centre et j’ai donné de l’argent à un agent pour qu’on me couvre quand mon père appellerait. J’ai préféré venir m’enfermer dans mon appartement. Mais j’ai aussi trouvé un groupe ici. Un groupe de jeunes comme moi rejetés par leur famille pour des choses qu’ils n’ont pas forcément faits. Certains aussi se sont mis à consommer de la drogue pour oublier. Ce groupe m’aide beaucoup. Je m’y sens à mon aise.


Je suis soulagée d’entendre ces choses qui me prouvent que j’avais raison. Il n’est pas ce que son père croit.


‒ C’est donc pour énerver ton père que tu refuses de faire quelque chose de ta vie ?

‒ Rien à voir. Je ne veux pas travailler dans l’entreprise familiale ni dans aucune autre parce que j’aime faire autre chose.


Il se lève et marche vers les tableaux.


‒ J’aime peindre. C’est ma passion. Je peins depuis que j’ai quatorze ans. Je veux en faire mon métier. J’ai essayé d’en parler à mon père mais il ne m’a laissé aucune chance d’en placer une.

‒ C’est toi qui as peint tout ça ? Lui demandé-je en le rejoignant près des tableaux.

‒ Oui.

‒ Ils sont magnifiques.


Je suis épatée devant les œuvres de mon fils. Quel talent !


‒ C’est ici que je passe mes jours lorsque je découche de la maison. Me retrouver au milieu de mes tableaux, c’est ce qu’il y a de mieux dans ma misérable vie.

‒ Ta vie n’est pas misérable. Ne dis plus jamais ça, lui dis-je d’un ton mordant. Tu es un jeune garçon brillant qui n’a juste pas la chance d’être soutenu par sa famille. Mais moi je veux te soutenir. Je veux être là pour toi.

‒ Pourquoi ? Tu ne me connais pas.

‒ Je n’ai pas besoin de te connaitre pour t’apprécier. Dès le premier jour j’ai vu en toi une bonne personne. Intègre-moi à ta vie s’il te plaît et je t’aiderai.


Il m’a l’air complètement perdu. C’est normal. Depuis quand les domestiques s’intéressent à la vie de leur employeur ?


‒ Je sais aussi peindre.

‒ Vraiment ? S’étonne-t-il mais d’un air plus intéressé.

‒ Oui. Je n’ai jamais réellement peint mais je dessinais beaucoup quand j’étais plus jeune. Je dois certainement avoir perdu la main maintenant. Tu pourrais me donner des cours.


Il mime un sourire.


‒ Je ne sais pas pourquoi mais j’ai bien envie de te faire confiance.


Je me retiens de sauter au plafond. Je lui souris juste. Le reste de la soirée nous la passons à discuter pendant que je lui fais à manger. Il me parle de sa vie, de ses rêves. Devant moi il se débarrasse d’un sachet de Marijuana qu’il avait prévu prendre ce soir. Je me rapproche aussi de mon deuxième fils. Je me souviens de l’état de santé de Travon. Je l’en informe. Il devient tout inquiet mais je le rassure. Je vois qu’il aime beaucoup son frère et que la distance qui s’est installée entre eux le chagrine. Je suis tellement heureuse d’être avec mon fils que je ne vois pas l’heure passer.


***DERRICK


Il sera bientôt minuit et Murima n’est toujours pas rentrée. Je n’arrête pas d’imaginer ce qu’elle peut être en train de faire avec Clinton. Il n’y a qu’avec lui qu’elle puisse être. Elle ne connait personne dans ce pays. Je veux dire personne qui la ferait rester dehors jusqu’à cette heure. J’ai appelé Imelda pour savoir si elle était retournée à la Clinique mais non. Je n’ai pas assez de jugeote pour appeler Clinton et lui demander des comptes. Il n’est pas censé savoir ce qui me lie à Murima. Je me contente de ruminer en fixant l’horloge murale.


Que fout-elle avec lui jusqu’à cette heure ?


J’ai honte de le reconnaitre mais je suis jaloux. J’ai honte parce que ma femme m’attend dans notre lit alors que moi j’en attends une autre. Je ne peux plus cacher mes sentiments. J’aime encore mon ex-femme. Je l’aime au point de n’avoir pas eu assez de force pour me retenir de l’embrasser. Cette femme détient toujours la clé de mon cœur. Je la détestais pourtant. Je la détestais plus que je n’avais détesté quiconque. Mais faut croire que derrière cette haine se cachait mon amour pour elle. Cet amour qui m’avait poussé à la choisir malgré sa dépendance à la drogue, à la choisir contre le gré de mes parents. Cet amour qui m’a permis de l’aider à se défaire de la drogue. Cet amour qui m’a poussé à lui faire trois gosses. Je l’aime comme au premier jour et je sens que je vais encore en souffrir comme j’en ai souffert ces Vingt-deux années loin d’elle.


Je prends un cadre photo de nous deux. Dans une pièce, j’ai emmagasiné tout ce qui lui appartenait personnellement mais aussi ce qui nous appartenait tous les deux, telles nos photos de mariage. Il y a toutes nos photos dans cette pièce à laquelle j’ai interdit l’accès à tout le monde. Je garde précieusement la clé sur moi. Il y a ses vêtements, son carnet de dessin. Elle dessinait à ses heures perdues. J’ouvre une grosse boite qui contient l'écrin de son alliance. Cette bague, je l’avais faite confectionner rien que pour elle. Elle me l’a remise en même temps que les papiers du divorce après les avoir signés. J’ai tout gardé d’elle. Absolument tout. Et je viens dans cette pièce quand la nostalgie s’installe. Il m’était difficile de me débarrasser de toutes ces choses. Je ne voulais inconsciemment pas l’oublier.


J’entends la porte d’entrée se refermer. Je m’y précipite. Elle est enfin rentrée. Je suis soulagée mais en même temps en colère.


‒ Tu crois que c’est une heure pour rentrer ? Lui lancé-je en marchant vers elle.

‒ Tu m’as fait peur Derrick, dit-elle la main posée sur sa poitrine. Que fais-tu encore debout à cette heure ?

‒ Je te retourne la question. Il est formellement interdit dans cette maison de rentrer à des heures tardives.


Je m’arrête juste devant elle. Je la regarde durement.


‒ Je suis désolée. J’avais des choses à faire.

‒ Avec Clinton ?

‒ Pardon ?

‒ Tu restes aussi tardivement avec un homme que tu connais à peine ?

‒ Ce que je fais de ma vie ne te regarde en rien Derrick. Passe une bonne nuit.


Elle essaie de s’en aller mais je la ramène violemment contre moi.


‒ Que se passe-t-il entre vous ?

‒ Que t’arrive-t-il Derrick ?

‒ Il m’arrive que je ne supporte pas votre “amitié’’.

‒ N’est-ce pas que tu lui as donné ton accord pour qu’il me côtoie ?

‒ Et je m’en repends.


Elle plisse les yeux. Je baisse les yeux sur ses lèvres sans jamais la libérer de mon emprise.


‒ Je ne veux pas qu’un autre t’embrasse.

‒ Tu embrasses pourtant une autre. Tu couches même avec et vous êtes légalement mariés.

‒ Tu sais pertinemment que ce qu’il y a entre elle et moi ça n’a rien à avoir avec l’amour.

‒ N’empêche que c’est elle qui porte ta bague. Je suis aussi appelée à porter celle d’un autre homme.


Je serre mes doigts autour de son bras.


‒ Nous ne devrions pas avoir cette conversation Derrick. Toi et moi, ça fait Vingt-deux ans que c’est mort. Tu as mis un trait sur nous en me laissant croupir en prison.

‒ ET TU NE M’AS PAS… (Je baisse la voix) Et tu ne m’as pas laissé le choix. C’est toi qui as tiré un trait sur nous en continuant le trafic de drogue. Tu m’as trompé Tatiana. Est-ce que tu sais ce que j’ai ressenti lorsque j’ai vu des photos de toi toute nue dans les bras d’un autre homme ? Tu as couché avec un autre. Mes partenaires t’ont vu nue. Ils ont vu ce corps qui était à moi. Ce corps que je prenais plaisir à aimer de toutes les manières possibles. Ce corps qui me rendait fou.


Elle frémit.


‒ Ils ont vu la nudité de ma femme. Tu m’as mis hors de moi.

‒ Et moi je te le répète, je ne me suis jamais donnée volontairement à un autre homme que toi. Tu étais toute ma vie, l’homme de mes rêves. Je ne désirais que toi alors il m’était inconcevable de m’offrir à un autre. Aucun ne t’arrivait à la cheville pour moi. Même étant en prison j’ai continué à espérer que tu reviennes me chercher Derrick. Je t’ai attendu. Mais tu n’es jamais venu. Jamais.


Je glisse la main qui l’avait empoignée dans son dos et je la ramène beaucoup plus contre moi. Je rapproche mes lèvres des siennes.


‒ Tu m’as fait énormément souffrir Murimami (Mon cœur en Punu). J’ai souffert de ton absence tu n’as pas idée.

‒ Moi aussi j’en ai souffert, mais toi seul était en mesure de mettre fin à cette souffrance. Seulement tu as préféré nous laisser ainsi.

‒ Murimami !

‒ Ne m’appelles plus ainsi. Tu n’en as plus le droit.


Elle me repousse. Je vois des larmes remplir ses yeux.


‒ Si Clinton tente un rapprochement, je lui donnerai sa chance. Ma priorité ce sont mes enfants, mais je ne dirai pas non à un peu d’amour.


Je veux lui dire de ne pas se mettre avec un homme mais je la regarde juste disparaitre dans le couloir qui mène aux chambres des employées. Je sens que la souffrance que j’ai enduré ces Vingt-deux ans refera surface parce que je verrais tous les jours la femme que j’aime sans pouvoir la prendre dans mes bras, lui dire que je suis fou d’elle et former avec elle la famille que nous avons toujours été. Je ne pense pas être en mesure de supporter cette souffrance qui m’avait donné plus d’une fois des idées suicidaires. Seuls mes enfants m’ont permis de rester en vie. Si Travon n’avait pas été là ce jour, je serais déjà mort. Tout ça parce que je voulais arrêter de souffrir pour une femme qui m’a brisé jusque dans mon âme.     


Murima Tome 1