Episode 9
Ecrit par Mona Lys
9
***INAYAH
Non, je n’ose pas le croire. Il n’est pas mort ? J’ouvre la portière.
— Où vas-tu ? me questionne Chris.
— Je crois que c’est Sébastien. Mon… mari.
Mon mari ? A y réfléchir, il demeure mon mari puisqu’il n’est pas mort. Je me tourne vers Chris dont le regard s’est assombri.
— Si tu descends de cette voiture, je pars sans toi.
— Je dois lui parler, s’il te plaît !
Je descends sans prendre la peine d’attendre sa réponse. Je suis trop sous le choc pour réfléchir convenablement. J’ai encore plus ma confirmation en me rapprochant de Sébastien.
— Mon Dieu ! Sébastien ? Est-ce bien toi ?
Lorsque ses yeux rencontrent les miens, la honte se dessine tout d’abord sur son visage avant de laisser place à la panique.
— Inayah ? Non, non. Tu ne dois pas me voir comme ça. Non ! Ne me regarde pas. Non !
Il fait une manœuvre avec son fauteuil et s’aventure sur la voie.
— Attends ! Sébastien.
Il traverse à vive allure, manquant de se faire renverser. Je suis partagée entre le suivre et retourner dans la voiture. Je suis mon premier instinct. Je lui cours après. Je traverse malgré le feu passé au vert. Je fais signe aux voitures de s’arrêter. Il maîtrise son fauteuil dis donc, pour aller aussi vite. Je réussis à le rattraper et le retiens par les manches arrières de son fauteuil.
— Arrête-toi, s’il te plaît !
— Que me veux-tu ?
— Parler. Je te croyais mort.
— Ça aurait été mieux que d’être dans cet état. Que d’être aussi minable devant toi.
Il se met à pleurer. Je tombe des nues. Qui aurait cru qu’un jour les rôles seraient inversés ? Lui en pleurs, devant moi toute puissante. La vie et ses surprises. Je le regarde avec beaucoup plus d’attention et ce qui me frappe en premier c’est son apparence piteuse. Les sandales qu’il a aux pieds sont finies et coupées sur certains côtés. Ses cheveux et sa barbe sont très mal entretenus. Ne parlons pas de ses vêtements qui sont bons à être jetés à la poubelle. Un homme s’approche de nous.
— Sébastien, tu allais rentrer sans prendre ta part.
Il tend une pièce de cinq cents FCFA que Sébastien prend avec beaucoup de gêne. L'homme me salue et part.
— Je dois rentrer, Inayah. J’ai des médicaments à prendre.
— Nous devons…
— Nous n’avons rien à nous dire. Tout est pourtant clair. Je paye pour ma méchanceté envers toi et toi tu es récompensée par ton cœur si pur. J’espère que tu trouveras un jour la force de me pardonner afin que je repose en paix.
— Je ne te déteste pas, Sébastien. A une époque oui, mais plus maintenant. Je…
Je cherche mes mots mais je suis de plus en plus embrouillée.
— Les regrets, Inayah. C’est la pire chose qui puisse exister.
Il tourne son fauteuil et s’en va. Je veux le retenir. Savoir ce qu’il devient, lui venir en aide si possible. Mais je dois aussi retourner auprès de Chris. Je le laisse donc s’en aller. Je retourne sur mes pas mais remarque que la voiture n’est plus là. Il est aussi parti. Un garde se tient juste devant moi avec mon sac à main. Je me rends soudainement compte que je me suis retrouvée ce soir entre mes deux maris.
***ROSE DUBOIS
Je suis amoureuse. Je n’en reviens pas moi-même. Jamais je n’avais ressenti ce que j’ai ressenti lorsque mon regard s’est posé sur cet homme. Sa carrure, son physique imposant et son regard grisant, m’ont scotchée sur place. Je n’arrivais plus à placer un mot. De toute la journée je suis restée silencieuse. Et ses yeux bleus ! Bon Dieu ! Rien que de penser à lui, j’ai les poils qui se hérissent. Où est‑ce qu’Inayah a déniché cet homme ? Cette stupide fille a toujours eu le chic d’attirer de vrais hommes contrairement à moi qui n’attire que des va-nu-pieds. Je me souviens de cette époque où des hommes passaient par moi pour essayer de se rapprocher d’elle. Bien-évidemment, je ne disais jamais rien à Inayah. Jamais elle n’a su que des hommes d’une certaine classe sociale la convoitaient. Je leur disais à chaque fois qu’elle avait été maudite et que tout homme qui s’approcherait d’elle mourrait. Ça suffisait pour tous les faire fuir. Elle a pu avoir Sébastien parce qu’il se sont rencontrés directement, sans que je ne le sache. Mais quand j’ai su pour eux, je me suis arrangée à le faire tomber dans mes filets. Il m’était inconcevable qu’une analphabète comme elle puisse réussir dans tous les domaines de sa vie pendant que moi je glanais encore. Elle devait être la dernière de nous tous. Aujourd’hui elle a de l’argent et du pouvoir, mais je vais me charger de la faire descendre de son piédestal. Je m’en fais la promesse.
Je regarde la pommade prescrite par le charlatan que maman et moi fréquentons depuis des années en arrière. Ma mère entre dans la chambre que je partage avec Elvire.
— Tu es déjà revenue ?
— Oui maman. Il m’a remis une pommade que je dois me frotter sur le corps avant de le toucher.
— C’est bien. Cet homme est beaucoup trop bien pour cette moins que rien. Je me demande encore ce qu’il lui a trouvé d’agréable pour faire d’elle sa femme. Avec l’odeur de poisson pourri qui la suit depuis son adolescence.
— Une vendeuse de poisson, c’est ce qu’elle est et c’est ce qu’elle doit rester.
— Nous devons vite agir pour nous débarrasser d’elle avant qu’elle ne fasse échouer nos plans. Je n’ai surtout pas d’argent pour rembourser l’homme qui a acheté cette maison. Nous devons trouver une solution au plus vite.
— Si ce blanc tombe dans mes filets, nous ne craindrons plus rien. Je suis certaine que c’est grâce à lui qu’Inayah vit dans cette opulence. S’il la quitte, elle n’aura plus rien.
Nous entendons des bruits dehors. Je le vois à travers la fenêtre qui descend de sa voiture. Le voir me motive deux fois plus à aller au bout de mon plan. Il est rentré sans Inayah. Encore une bonne chose.
— Il est là.
— Vas-y donc, ma fille.
Je me frotte la pommade sur tout le corps. Je sors et je cours vers la porte d’entrée. Dès que je l’aperçois, je fais semblant de trébucher et je lui tombe dessus. Il me rattrape mais me repousse aussitôt.
— Oh Seigneur ! Je suis vraiment désolée, dis-je en faisant semblant de tituber encore.
Je m’arrange à me frotter contre lui bien qu’il essaie de me repousser. Il n’est pas content de mon manège mais je m’en fiche. Je finis par me reprendre.
— Encore désolée. Je retourne dans ma chambre.
Je lui tourne le dos en prenant le soin de bien remuer mon bassin.
— C’est fait, dis-je à ma mère quand je la rejoins dans la chambre.
— C’est bien. Je m’en vais avant qu’il ne vienne vers toi.
Elle sort de la chambre et la minute d’après, on frappe à ma porte. Le sourire aux lèvres, je vais ouvrir après avoir retiré mon haut et mis à découvert ma voluptueuse poitrine. C’est bien lui. Il est là, debout dans tout son charisme devant moi. Son regard descend sur mes seins et remonte d’une manière tellement séduisante sur mon visage. Je souris.
Inayah pense avoir le monopole du pouvoir. Je vais lui montrer que j’en ai également.
***JEOFFREY
J’ai dû interrompre de toute urgence ma réunion avec mes responsables pour me rendre chez ma mère. Je n’ai pas eu d’autre choix vu la manière dont elle harcelait presque mon assistante pour qu'elle me demande de passer dans l’immédiat chez elle. J’espère qu’il s’agit d’une chose importante, parce que si c’est encore un de ses caprices, je ne répondrai plus de moi. Elle a conscience que j’ai horreur d’être dérangé quand je suis au boulot. Je ne badine pas avec mon travail. Il y va de la survie de mon entreprise. Je gare près de la voiture de Marc. Le savoir présent ne présage rien de bon. Je les retrouve dans la grande salle de séjour. Ma mère bondit sur ses jambes quand elle m’aperçoit.
— Jeoffrey DAVIS, je te savais tête de mule et prêt à tout pour me contrarier mais je ne pensais pas que tu irais aussi loin.
— C’est quoi le souci, maman ?
— Ce n’est pas un souci. C’est une tragédie.
— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
— Il y a que tu vas finir par me faire faire une attaque.
Je souffle.
— Bon maman, tu vas devoir être plus claire là. Je dois retourner bosser. C’est quoi le souci ?
— Une criminelle. Il y a que tu veux faire entrer une mafieuse dans ma famille.
Je regarde Marc qui sirote son verre comme si de rien n’était.
— N’y avait-il pas de femme décente dans ton entourage ? Femme de bonne moralité ? A défaut de me ramener une héritière ?
— Maman…
— Il a fallu que tu t’entiches d’une vendeuse de drogue et criminelle. La mafia russe, c’est dans ça que tu veux nous mettre ?
— Je vois que Marc t’a bien renseignée ? je relève en négligent un regard du côté de ce dernier.
— C’est donc vrai ?
— La vérité est relative, maman.
— C’est ce que tu me réponds ? Est-elle oui ou non dans la mafia avec son frère ?
— Bien-sûr qu’elle l’est, répond Marc. Qui ne connaît pas les IVANOV ?
Ma mère se tient la tête. Qu’est-ce qui me retient de lui en coller une, à ce cousin merdeux ?
— En gros, toi tu mets une distance avec la famille puis quand tu décides de revenir, c’est pour foutre le bordel dans ma vie ?
— Je veux tout simplement t’aider, mon cher cousin. L’amour te fait déraisonner. Si tu t'unis à ces gens, le sang qu’ils versent te tombera dessus et tu finiras en prison. Cette garce ne méri…
— Je t’interdis formellement de la qualifier ainsi, je gronde en m’approchant dangereusement de lui.
Il se lève.
— Sinon quoi ? me défie-t-il en se tenant sur ses jambes. Tu vas me tuer ? Ont-ils déjà influencé tes bonnes manières ?
— Tu vas regretter de me défier.
— Tu me remercieras plus tard quand je t’aurai sauvé des griffes de ces gens.
— Commence d’abord par te libérer des griffes du passé qui te bouffent ta vie et t’ont rendu si minable.
Il devient tout rouge de colère.
— Tu fais pitié, Marc. Et retiens que moi vivant, tu ne toucheras jamais à un seul cheveu d’Alana. Mafieuse ou pas.
— J’aimerais bien voir comment tu me stopperas.
Nous nous affrontons du regard. On verra bien qui baissera le sien en premier. Ça ne sera certainement pas moi. Ma mère met un terme à cette guerre du regard en se plaçant entre nous.
— Tu vas m'emmener cette fille ici et si sa tête ne me dit rien qui vaille, tu seras obligé de mettre fin à cette connerie que tu appelles relation. Maintenant dégagez tous les deux de ma maison.
— Au revoir, ma tante. On se revoit au dîner de présentation.
Il sort le premier de la maison. J’attends qu’il s’en aille avant de sortir à mon tour. Ça m’évite de faire quelque chose de regrettable. La colère me submerge tellement que je n’ai plus la tête à bosser. Tout ce que je veux c’est retrouver Alana ce soir et rester couché, collé contre elle. Cette femme, je l’ai dans la peau. Je ne vois pas ma vie sans elle malgré tout ce qu’elle peut être.
Le soir au dîner chez Alana, j’ai la tête ailleurs. Je ne pense qu’à cette confrontation merdique avec ma mère et Marc. Concernant ma mère, je sais qu'elle ne fera plus aucun effort pour connaître plus en profondeur Alana. Elle se limitera aux préjugés qu’elle a entendu la concernant.
— Je te sens contrarié.
La remarque d’Alana me ramène sur terre. Je ne veux pas lui cacher la vérité.
— Marc a raconté des trucs sur toi à ma mère.
— Marc ?
— Le Lieutenant FLYNN.
— Ah ! Je vois. Et c’est quoi le souci ?
— C’est que ma mère ne me foutra plus jamais la paix avec ça. Je voulais qu’elle apprenne à te connaître mais pas à te voir du même œil que les autres.
— Et comment les autres me voient ?
— On avait dit qu’on n’aborderait jamais des sujets qui fâchent. A moins que tu veuilles que je te pose des questions sur ton boulot ?
Elle sourit.
— Ma mère veut maintenant te rencontrer. Mais la connaissant, je sais qu’elle veut juste te confronter. Voire t’humilier. J’étais trop en colère pour lui dire qu’il n’y aurait plus de rencontre. Je préfère te garder loin d’elle. Elle peut être utilisée par Marc pour te piéger.
Elle continue de sourire en piquant dans son assiette. Elle avale ce qu’elle avait dans la bouche, boit une gorgée de son vin et se lève. Je la regarde venir s’asseoir à califourchon sur mes jambes.
— Si ta mère veut ‘‘me rencontrer’’, organisons donc ça autour d’un dîner, comme tu l’avais souhaité.
— Je croyais que tu ne voulais pas rencontrer ma famille.
— Finalement… je le veux. Je sens que ta mère me plaira beaucoup.
— Alana !
Elle me coupe la parole avec un baiser. Je n’arrive plus à réfléchir convenablement.
— Organise ce dîner.
— Ok.
Merde ! Je n’aurai pas dû accepter. Je sens qu’il y aura un combat de titans à ce dîner.