Et si nous passions aux aveux ??

Ecrit par Farida IB


*** Pendant ce temps ***


Fulbert….


Eunice (me fixant dans les yeux) : Djidjo qu’est-ce que tu veux ?


Je déglutis à l’écoute de mon prénom endogène. Elle ne m’appelle comme ça que pour deux occasions : lorsqu’elle sa colère atteint son paroxysme et lorsqu’elle est extrêmement heureuse. Là je ne peux pas vous en dire plus sur son état d’esprit. Autant dire qu’elle ne laisse paraître aucune émotion depuis que cette histoire a commencé et c’est de plus en plus déroutant. Et pourtant, tout mon plan fonctionnait à merveille jusqu'ici. J’ai passé l’après-midi à préparer mes mots. Nous passions une très belle soirée, j’ai tout mis en place pour la mettre à l’aise par des blagues, quelques minutes plutôt nous nous remémorions des souvenirs du passé. Je soupire intérieurement alors qu’elle ajoute.


Eunice : tu n’arrêtes pas de me poursuivre, d’envahir mon espace, tu insistes à ce que je te pardonne, tu persistes et tu persévères (tournant regard circulaire autour de nous) ce soir, tu m’as emmené dans ce restaurant chic et fort, feutré de romantisme, me faire passer probablement la meilleure soirée de ma vie. Ce que tu n’as jamais fait en trente années de mariage. À ce que je sache, je t’ai rendu ton argent donc je ne sais pas ce que tu attends de moi honnêtement. 


Moi : ne dis pas n’importe quoi Eunice. L’argent ce n’est pas ça que je veux. L’argent, ça m’importe peu si vous n’êtes pas là pour en profiter avec moi.


Eunice : oh que si, nous en profitons, et bien même ! J’ai passé ces derniers mois à voyager grâce à ça justement !!


Je souris à cause du ton qu’elle a employé avant de reprendre en la regardant.


Moi : tu m’as demandé ce que je voulais, je te répondrai simplement en disant TOI. Mais je veux ma Nica, celle qui passait des nuits blanches avec moi dans cette hideuse chambre d’étudiant afin que je ne me sente pas seul en étudiant. Celle qui pour qui mon bonheur passait avant même celui des siens, la femme que j’ai aimée et dont je suis retombé amoureux.


Eunice soutenant mon regard : cette Eunice n’existe plus, encore moins Nica.


Moi : je suis prêt à m’accommoder à ce qui reste d'elle, du moinse à la merveilleuse femme qu'elle est devenue. Je dois t’avouer que je la préfère largement à l’ancienne. (lui prenant la main sans la quitter des yeux) Son assurance me fascine, elle rayonne. Je pense qu’elle n’a jamais été aussi belle que maintenant. J’ai l’impression d’avoir affaire à une nouvelle femme.


Eunice avec conviction : je suis une nouvelle femme Fulbert.


Moi : je le confirme.


On se regarde pendant ce qui me semble une éternité. Soudain, elle retire sa main d’un geste vif. Je plisse les sourcils, désenchanté.


Eunice : Fulbert, tu m’as fait souffrir au point que je ne crois plus en notre couple, je n’ai plus confiance en toi. De plus, j’aime tellement la vie que je mène ces derniers temps, sans maux de tête, sans chagrin, sans pleurs. (secouant la tête) Je ne suis pas prête à replonger dans cette spirale infernale, je….


 Moi : tu ne penses tout de même pas que je puisse faire tout ça pour retourner dans mes travers ensuite, non...


Eunice (croisant les bras sous sa poitrine, méfiante) : ce n’est pas comme si tu ne l’avais jamais fait !


Moi : cette fois, c’est différent.


Eunice : en quoi ?


Moi prenant un ton aigu : et bien pour la première fois de ma vie, je mesure tout le mal et toute la souffrance que j’ai pu te causer un jour. À présent, je n’ai qu’une envie, celle de réparer mes torts. Aussi, je le pense lorsque je dis que je ne peux me passer de vous, de toi, de nos enfants. (me passant la main sur le visage) Vous me manquez énormément, tu me manques Eunice. Je ne m’attends pas à ce que tu me pardonnes tout de suite, non. Je t'en prie, laisse-moi une chance de me racheter.


Eunice claquant la langue : c’est tant mieux si nous te manquons !! Je peux commander un autre dessert ? Leur tiramisu était vraiment trop délicieux.


Je reste bloqué, confus et embarrasser tout le temps qu’elle appelle un serveur pour commander son dessert et le mange par la suite avec un appétit de loup sans égard à mon regard abattu. Il est clair que je viens d'essuyer une nouvelle défaite alors j’ai attendu patiemment qu’elle finisse pour y mettre fin. Par contre, je suis loin d'en être découragé. Je vais me battre jusqu'à ce qu'elle accepte de redonner une chance à notre couple.


Après avoir réglé la facture, nous sortons du restaurant et prenons la route en direction de chez nous. De chez elle, je dois dire parce qu’une fois sur place, je vais devoir retourner dans ma garçonnière et retrouver ma vie solitaire de ces derniers mois par la même occasion. Rien que d’y penser, j’ai le cœur qui serre de regrets (prenant une profonde inspiration) ça serait me mentir à moi-même que de vous dire que cette situation ne me pèse pas. Je jette un coup d’œil à son profil sérieux, très concentrée sur ma conduite. L’œil étant captivé par ce que j’ai vu, je ne me suis même pas rendu compte que j’étais en train de la contempler, que dis-je baver sur elle.


Eunice : mais Djidjo qu’est-ce que tu fais ? Concentre-toi sur la route !


Moi me retournant subitement : pardon, je me suis évadé quelques secondes.


Elle arque un sourcil et me regarde pendant quelques secondes avant de détourner son regard et de se recentrer sur la route sans plus rien ajouter. En garant devant la maison, je laisse le moteur en marche avec l’intention de redémarrer dès qu'elle refermera la porte.


Moi la regardant : merci d’avoir accepté mon invitation.


Eunice : c'est moi qui devrait te remercier (souriant).


Moi haussant les sourcils : me remercier pourquoi ? Et qu’est-ce qui t’amuse ?


Eunice : pour cette soirée, ce fut un réel moment de détente. Je   n’ai pas cessé d’y repenser. 


Moi agréablement surpris : ah bon ?


Elle hoche la tête.


Eunice : sans te mentir, j’ai passé une excellente soirée. (posant la main sur le poignée) Mais toute chose a une fin.


Moi dans un soupir : tu l’as si bien dit.


Lorsqu’elle descend du véhicule, c’est le cœur en lambeaux que j’entreprends de faire la manœuvre pour me positionner sur le départ. Je me tourne ensuite vers elle.


Moi : passe une bonne nuit Eunice.


Eunice l'air étonné : mais où est-ce que tu vas ?


Moi : je rentre à la maison (précisant) dans ma garçonnière.


Eunice : ta maison, c’est ici Fulbert, auprès de ta famille.


J’acquiesce d'un large sourire que j’efface aussitôt pour m’assurer qu’il ne s’agit pas d’un malentendu.


Moi : je ne suis pas sûr de comprendre.


Eunice : tu veux un dessin ou quoi ? Fais rentrer la voiture et suis-moi !!


Comme si j’allais me le faire répéter.




Cassidy….


Ping SMS.


Armel : je suis chez toi.


Ça devient une habitude pour lui, enfin depuis une semaine, il passe chez moi en rentrant du boulot, de l’école ou de ses entreprises et c’est une fois arrêté devant ma porte qu’il me le signale. Je sais pourquoi il le fait, mais je n’aime pas du tout le fait qu’il m’impose ainsi sa présence. Armel Elli, c’est vraiment la dernière personne que je voudrais côtoyer en ce moment précisément. C’est pourquoi j’ai passé toute la semaine à le fuir. Pour finir, j'ai emménagé dans mon nouveau chez moi ce matin. C'est un appartement d’une chambre, un séjour, une salle de bain et un WC indépendants et une grande cuisine. J’ai carrément changé de zone cette fois, je voulais m’éloigner de Démakpoè et tout ce qui me rappelle mon très récent passé. Mais bien sûr qu'il n'en sait rien !


SMS Armel : tu m’ouvres la porte s’il te plaît ? Ce soir je ne bouge pas tant que tu ne me reçois pas.


Je lis le message encore une fois sans répondre, son appel ne tarde pas. J’ai hésité quelques secondes avant de décrocher.


Moi : allô ?


Armel direct : donne-moi ta nouvelle adresse, y a ton voisin qui m’a dit que t’avais déménagé.


Moi :…


Armel : Cassidy ?


Moi : je suis là, je peux savoir pourquoi tu insistes autant à me voir ?


Armel : et moi je voudrais savoir pourquoi tu me fuis.


Moi soupirant : Armel je préfère qu’on….


Armel ton ferme : tu me l’envoies cette adresse Cassidy !


Je décolle le téléphone de l’oreille pour regarder l’écran les yeux ouverts comme s’il était en face de moi.


Armel : j’attends.


Sur ce, il raccroche. J’ai compris qu’il ne me lâchera pas alors je lui ai envoyé l’adresse et j’ai repris ma besogne qui consiste à  déballer mes cartons. J’étais en train de ranger mes vêtements dans l'armoire lorsque j’ai entendu la sonnerie de l’appartement raisonner. Je devine que c’est lui. Je vais ouvrir en trainant les pas.


Armel (la mine attachée) : bonsoir,


Ma respiration s’accélère comme à chaque fois que je les croise son père et lui.


Moi balbutiant : bonsoir,


Armel : tu me laisses entrer ?


 Je me décale sans répondre, il attend que je referme la porte pour me suivre dans le séjour.


Armel : pourquoi ne m’as-tu pas dit que tu étais prête à emmenager ici aujourd'hui ? 


Je baisse la tête ne voulant pas répondre.


Armel : regarde-moi Cassidy.


Lorsque nos regards se croisent, il m’indique les chaises autour de la table à manger, les seuls meubles du salon pour l’instant. Nous allons donc nous asseoir.


Armel : et si nous passions aux aveux ? Dis-moi enfin ce qui t’arrive ! Pourquoi tu cherches à me fuir incessamment ? C’est quoi le malaise à chaque fois que je suis dans le collimateur ? 


Moi : je…


Armel : tu… Quoi ?


Je le regarde face au ton sec et dur qu’il vient d’employer. Je soupire de capitulation.


Moi lancée : en arrivant au Koweït les médecins ont dû t'expliquer que j’avais une partie du corps paralysée.


Il fait oui de la tête.


Moi : il se trouve que l’autre était paralysée par la honte et elle l’est toujours d'ailleurs.


Armel : en clair qu'est ce que ça signifie ? Quelle honte ? Fin honte de quoi ou de qui ?


Moi (me passant la main dans les cheveux) : face à toi. Après, avec  tout ce qui s’est passé entre nous deux, après ce que je t’ai fait, ce que (sortant difficilement les mots) ton père m’a fait (fermant les yeux) j’ai juré ne plus jamais vous revoir, ta famille et toi. Mais il a fallu que ce soit toi qui viennes me sortir du pétrin. Et tout ce dévouement avec lequel (souffle) je, ce qu’il y a, c’est que je ne sais pas comment me comporter avec toi, ni comment enlever la honte, l’embarras que je ressens vis-à-vis de toi. (l’évitant du regard) J’ai honte du comportement que j’ai eu envers toi et celle que j'ai depuis que tu m'as entre guillemets, sauvé. 


Armel simplement : c’est tout ?


J’acquiesce de la tête en le regardant avec incompréhension quand je le vois sourire. Il finit par éclater de rire.


Armel dans un fou rire : ces Arabes ne t’ont vraiment pas raté.


Moi les sourcils froncés : quoi ? Qu’est-ce qu’il y a de drôle dans cette histoire ?


Armel hilare : c'est que, ça, ça ne te ressemble pas du tout krkrkr....


Il manque de s'étouffer par le  rire en me voyant faire la moue.


Armel (sérieux) : tu sais, ce qui a pu se passer ou non entre nous, c’est de l’histoire ancienne. J’ai envoyé tout ça dans les oubliettes et tu devrais faire de même. Je suis vraiment désolé pour mon père, je sais à quel point ça a été traumatisant pour toi. Je te présente mes excuses à sa place, mais ce n’est pas une raison de traiter ma famille comme un paria. Les erreurs de mon père n’ont pas à empiéter sur nous. D’autant plus qu’aujourd’hui il n’a plus rien de cette image que tu as dû garder de lui.


Je lui lance un regard sceptique.


Armel : ma famille et moi en particulier sommes passés par beaucoup de choses dernièrement.


Moi fixant le vide en soupirant : comme moi….


Armel se redressant : à propos, il y a une question que je voudrais te poser depuis le jour où j’ai suis le pétrin dans lequel tu t’étais fourrée. Que faisais-tu au Koweït ? Sérieusement !


Je réfléchis deux secondes à la réponse idéale.


Moi : je voulais prendre un nouveau départ.


Il me fixe en attendant que j’ajoute autre chose.


Moi : à la base, je voulais y aller pour travailler, gagner de l’argent pour pouvoir m’offrir une meilleure vie. Puis je suis passée par un tourbillon de péripéties qui m’ont incité à quitter le pays.


Armel : ton divorce ?


Moi faisant oui de la tête : entre autres.


Armel : mais pourquoi Koweït ? Avec tout ce qu’on entend sur ce genre d’aventures.


Moi soupirant : je n’avais aucune idée de ce qui pouvait se passer là jusqu’à ce que j’y sois moi-même. Avant même d’arriver là-bas, ça été tout un périple. Les convoyeurs nous ont  d'abord emmené en Éthiopie pour ensuite exiger de nous qu’on couche avec eux avant de pouvoir atteindre notre destination finale. 


Armel : merde ! J’espère que tu n’as pas cédé.


Moi : ils ne m’ont pas....


Je fermes les yeux en revoyant les flashs de ce moment et me racle la gorge en sentant ma voix légèrement tremblante.


Moi : ils ne m’ont pas laissé le choix.


Armel fronçant les sourcils : c’est-à-dire ?


Moi : ils, ils m’ont drogué et violé.


Il m’a regardé deux secondes avant de baisser la tête. Je n’ai pas compris pourquoi ses yeux ont viré au rouge lorsqu’il les a enfin relevé. 


Armel : je… Je dois y aller.


Il ramasse son trousseau de clés et s’en va comme s’il avait le feu aux fesses. Je suis restée quelques minutes à essayer de comprendre ce qui a pu le mettre dans cet état. Bien évidemment, je n’ai pas trouvé de réponses alors je me suis rendue dans la cuisine, préparer les commandes du lendemain. Je reste donc debout toute la nuit devant les fourneaux. Il était à peu près cinq heures du matin quand je suis partie me doucher et me coucher enfin épuisée. Enfin parce que sans cela, je ne pourrai fermer l’œil. Ceci étant les effets  secondaires du toxine qu'on m'a ingéré pendant les huit premiers mois de mon aventure abrancadabante au Moyen-Orient.


Il est peut être temps que je vous raconte toute l’histoire…


Voilà donc, le même soir, après que je fus droguée et abusée par ces crapules de convoyeurs, nous quittons effectivement l’Ethiopie pour la ville de Koweït. À 20 h le lendemain, nous étions toutes placés dans différents foyers en tant qu’employées de maison. Là au moins je peux dire qu’ils ont tenu parole. Sauf qu’en-dehors de la petite Hamdiya qui a eu la chance d’intégrer une famille attentionnée qui l’a pratiquement adopté, nous sommes tombées pour la plupart sur des cancres. Pour ma part, j'étais à Al Jahra, auprès d'un couple riche et célèbre, mais tellement pauvre en humanité. Je n'avais droit qu'à  un seul repas par jour alors que je travaillais sans relâche.  Le pire, c’est que pour avoir des forces me permettant de travailler tel un chameau, je rappelle qu’il ne se fatigue jamais, on m’injectait du Largactil une fois par mois. Il s’agit d’un médicament utilisé pour "traiter"  la folie. Ça te cloue littéralement le bec, te rend insensible aux émotions et dans mon cas insomniaque. Je pouvais passer des jours d’affilé à travailler sans ressentir une once de fatigue et cela ne m’avait jamais interpellé auparavant. Puis à la "visite" du médicale du neuvième mois, le médecin de garde, un malgache  m’apprend que « les vitamines » que je venais me faire injecter tous les mois n’était autre qu’un traitement contre la bipolarité. Le même jour, j’ai pris la fuite, me rendant directement à l’ambassade du Togo dans un état indescriptible. Je n’avais qu’une issue, celle de quitter ce pays ou alors je mourrais là. Sauf qu’en arrivant, mes patrons avaient bloqué mon passeport et toutes les pièces qui me permettraient de voyager. 


Puis alors que l’ambassade faisait de son mieux pour me rapatrier, je passais de plus en plus de jours sans sommeil alternant entre démence et apathie. Je me suis retrouvée une partie du corps paralysée. Mais je n’étais qu’un cas parmi tant d’autres. Alors nous avons lancé un appel à l’aide chacune en direction de nos pays d’origine. La suite je pense que vous la connaissez.


Maintenant, vous savez tout.  Entre temps, je me suis rendue sur les réseaux, actualiser les informations sur mes pages. Je m’apprêtais à me déconnecter quand je reçois un appel whatsapp d’Armel.


Armel : bonjour,


Moi : bonjour, déjà debout ?


Armel : je n'ai pas pu fermer l’œil de la nuit.


Moi : si ça peut te rassurer moi non plus.


Armel : lol.


Flottement.


Armel reprenant : excuse-moi d’être parti comme ça hier.


Moi : c’est à toi de m’excuser, je ne voulais pas te faire de la peine avec mes histoires.


Armel : non non, tu n’en es pour rien. C’est juste que, enfin.


J’ai attendu quelques secondes qu’il finisse de parler, comme ça ne venait pas, il fallait deviner.


Moi : je suppose que ça a rapport avec Deborah.


Armel : oui, mais ça t’ennuie si on évite de parler d’elle ?


Moi : pas du tout.


Armel : top, ce soir, je travaille la nuit. Demain, je passerai pour que tu me racontes ton aventure ou devrais-je dire ta mésaventure au Koweït. Mieux, je t’invite à sortir.


Moi sans me faire prier : ok, va pour la sortie.


Armel : ça marche, je te laisse. Il faut que je me prépare pour les cours.


Moi : ok bonne journée.


Armel : merci à toi aussi.


Il raccroche et je reste à fixer le plafond, le sommeil m’a définitivement fui aujourd’hui. Je reste tout de même allongée environs trois heures histoire de donner du répit à mon corps. C’est ma thérapie. 


À 9 h je me suis remise aux fourneaux, Godwin passera à 11 h pour récupérer les commandes à livrer. En général, je livre dans les ministères et certaines administrations publiques. J’ai dû   prospecté pendant trois mois pour me faire un lourd carnet d'adresses. Actuellement c’est Jordan, mon autre petit frère qui s’occupe de ça. Grâce aux réseaux je suis de plus en plus contactée par des particuliers, et même des foyers voir des célibataires. Cette première expérience m’a permis de comprendre qu’entreprendre requiert beaucoup de patience, avoir un mental d’acier. Qu’il ne faut pas attendre d’avoir une fortune pour se lancer et avoir quelques notions en gestion serait un grand atout. J’ai sauté sur l’occasion avec grande hésitation, mais là, je peux dire que je commence par avoir mes habitués.   C’est à cela que ma vie se résume pour le moment, cuisiner me prend du temps si bien que je n’ai pas le temps de penser aux plaisirs mondains. Déjà que je ne me suis pas encore totalement retrouvée.


J’ai démarré cette affaire il y a quatre mois. L’idée me vient de Saliha. Par ailleurs c'est Moustapha son mari qui m’a donné un fonds de commerce initial, toutes mes économies ont fondu dans mes traitements.  C’est en quelque sorte mon passe-temps en attendant que mon visa pour l’Amérique ne sorte. Parce que oui, j’ai gagné ma green card et mon business me permettra de payer tous les frais affrétés au voyage. Je dois vous informer que Gorges a repris tous les sous que j’avais réussi à lui prendre. Je ne sais pas par quel moyen et je ne cherche pas à le savoir. J’ai battu en retraite, je ne veux définitivement plus rien à voir avec lui. Autant dire qu’il n’est pas au courant de ma présence ici. Ce qui me rassure par à rapport à ce nouveau projet de voyage, c’est que cette fois tout se passe en toute légalité.


Godwin arrive quinze minutes plus tôt que prévu. La ponctualité, c’est son apanage. Depuis le temps, nos rapports se sont améliorés et je me rends compte que j’ai vraiment eu tort de les traiter comme je le faisais. Ils sont ma famille, peu importe comment ils sont nés. Aussi, j’ai compris que c’est le manque de support parentale qui l’amenait à se servir dans les poches du vieux. Le type que trop pingre ! Je ne comprends pas qu’on puisse faire des enfants pour ensuite refuser de s’en occuper. En tout cas, je suis en train d’assurer la relève de ce côté-là. J’embauche Godwin comme livreur, les autres je leur donne de l’argent de poche à la fin du mois ou je le remets à ma mère qui le leur donne au quotidien. Même si le commerce de pagnes de ma mère suffit largement pour nourrir tout le monde à la maison. Sinon ils vont tous bien, à part mon père qui a quelque souci de santé. La vieillesse ! Nous sommes tous passés par beaucoup d’émotions, mais la vie a repris son cours normal.  


Il me donne un coup de main en collant les étiquettes sur les paquets à importer, ensuite ranger la cuisine. Ce n’est qu’une fois seule que je peux dormir pour me réveiller à 16 h. À la même heure le lendemain, Armel passe me chercher. Nous allons d’abord en ballade en passant par un fast-food un peu plus tard dans la soirée pour finir dans un bar à discuter. Je lui raconte ma vie au courant de l’année dernière et il se contente d’émettre quelques commentaires. La soirée prend un ton plus gai par la suite. Seulement que j’avais comme l’impression d’être observée par une jeune fille assise à trois tables plus loin de nous. A chaque fois que nos regards se croisent, elle détourne le sien. Ce qui finit par m'agacer franchement.


Moi (coupant la parole à Armel) : excuse-moi de t’interrompre, mais ça fait un moment que cette fille n’arrête pas de me regarder. (me levant) Je vais lui demander ce qu’elle a à me regarder comme ça.


Armel se retournant : quelle fille ?


Elle se retourne subitement une énième fois lorsqu'il se tourne pour vérifier.


Moi la montrant du doigt : cette fille là-bas (me levant) deux minutes, je reviens.


Armel : hey mais que comptes-tu lui faire ?


Moi : bah lui demander des comptes.


Armel levant le sourcil : parce qu’elle te regarde ?


Moi : c’est très malpoli de fixer   quelqu’un comme elle le fait, je vais lui apprendre les bonnes manières.


Armel amusé : elle t’admire sûrement.


Moi : je vais quand même m’en assurer (levant les yeux vers elle) lol la bêtasse est partie (jetant un coup d’œil vers la sortie) mais pourquoi elle court comme ça ?


Armel : c’est bon, tu peux te rasseoir ? Tous les yeux sont braqués sur toi là.


Moi : on s’en fout !


Il sourit dans le coin des lèvres en me fixant.


Moi soutenant son regard : tu peux arrêter de me regarder comme ça toi aussi ?


Armel souriant davantage : j’étais en train de me dire qu’on ne t’a pas entièrement perdu.


Je souris juste. Je me suis tellement bien amusée que j’ai accepté de rebeloter le lendemain, le week-end de la semaine suivante et c’est comme ça que nous nous sommes beaucoup rapprochés pendant les trois semaines qui ont suivi. Juste à temps pour le débarquement de ma cargaison.


Ce matin donc, je suis venue le rencontrer au port afin de vérifier le contenu afin que je puisse l’emporter avec moi. Il s’est occupé de la paperasse et de la logistique. Une fois ma signature apposée sur tous les documents et les équipements récupérés, nous sommes montés dans sa voiture en nous rendant chez moi. Nous roulions derrière le camion porteur jusqu’au moment où il devrait guider le conducteur vers la maison. Sur place, je donne un coup de main pour décharger le camion ensuite nous ramenons tout à l’intérieur.


Armel entrant : je pose ça où ?


Moi : dans la cuisine, nous allons tout mettre là-bas. Je verrai comment les ranger plus tard.


Armel : ok.


Il est parti déposer la plaque de cuisine tandis que je retourne près du camion prendre l’armoire réfrigérée qu’il m’aide à ranger dans la cuisine pas sans m’avoir jeté son regard ébahi comme à chaque fois qu’il me voit porter des charges lourdes sans l’aide de personne. 


Armel : ça doit peser une tonne ça, laisse-moi te donner un coup de main.


Moi : non, c’est bon. Va plutôt apporter le reste.


Il a gardé cet air impressionné tout le temps que nous ça nous a pris pour tout envoyer à l'intérieur. (rires) J’ai passé ces derniers mois à cuver l’antidépresseur, mais les effets secondaires demeurent. Les médecins m’ont dit qu’il va me falloir attendre deux années pour que mon corps fonctionne correctement. Moi ça ne me dérange pas d’avoir ce genre de super pouvoir (rires) pour ce genre de moments précisément. 


Armel (me fixant depuis l’entrée de la cuisine) : je crois qu’on a fini, je vais retourner au port sans tarder (consultant sa montre) ma pause touche à sa fin.


Moi : ok donne-moi deux secondes s'il te plaît. 


Je prends l'en-cas que je lui ai préparé vite fait dans l'armoire et le lui tends.


Moi : tu ne pensais tout de même retourné travailler le ventre vide, si ?


Armel : si ça, m'arrive. 


Moi : mais prends-le qu'est-ce que tu attends ?


Armel le récupérant : si tu insistes.


Moi le regardant : oui, j’insiste.


Il rigole en secouant la tête.


Armel : tu as besoin d’un coup de main pour tes courses ce soir ?


Moi : oh oui, que j’en ai besoin.


Armel : ok, je passe te chercher.


Moi : d’accord ça marche, à ce soir alors.


Armel : bye


Je le raccompagne à sa voiture et revient le sourire aux lèvres. Pour la première fois depuis mon retour à Lomé, je peux sourire à la vie et dire que tout va bien dans le meilleur des mondes. 


#LesChroniquesDeFleur_FaridaIB#


** Dans les prochains chapitres **


Ruth…..


Cynthia (une amie, une sœur, une confidente) : calme-toi Ruth.


Moi : je ne peux pas me calmer, je ne peux pas. 


Cynthia : tu sais au moins qui c’est ? Ça peut juste être une amie.


Je m’étais à peine assise que j’avais de nouveau bondi de mon siège.


Moi : une amie ? (secouant la tête) Je ne pense pas, ils sont beaucoup trop collés pour des amis. Armel ne passe plus que ses temps libres avec elle, ils sont tout le temps fourrés ensemble. Tu aurais dû voir comment Monsieur est aux petits soins au centre commercial, tirant le charriot pendant que madame le remplissait. Pffff !!


Cynthia se voulant rassurante : ça ne veut rien dire ! Sinon tu as pu lui parler ?


Et voilà ! On aborde le point critique et frustrant de cette engrenage. Je place une main sur l’arrêt de mon nez en soupirant.


Moi : non, un échec total. Il évite mes appels et n’a répondu à aucun des messages que je lui ai envoyé depuis le déjeuner, et même qu’il m’a bloqué. 


Elle me regarde quelques secondes sans parler avant de me dire.


Cynthia : ma puce, je pense qu’il vaut mieux laisser tomber. Il n'est visiblement plus intéressé par toi. 


Moi m’emportant : laisser tomber ??? Non ! Je ne peux pas laisser tomber, abandonner si près du but. Mon plan marchait à la perfection jusqu’à ce que cette baleine sorte de nulle part pour me faire écran. Mais ça ce n’est qu’un tout petit problème que j’ai tôt fait de régler (regard déterminé) je l’effacerai très vite du portrait (parlant plus à moi-même) comme l’autre d’ailleurs…. 










Le Maître du jeu 3