Extrait du chapitre 15
Ecrit par Loranna Crew
Où sommes-nous ? lui demandé-je, d’une voix un peu rauque.
Il se contente de me regarder, alors j'en fais autant. Il s'est changé et est encore plus beau que ce matin. C'est la
première fois que je le vois les cheveux détachés. C'est assez étrange ; ses cheveux sont rejetés vers l'arrière, mais une mèche plus rebelle que les autres caresse son visage. Je ferme le poing pour m'empêcher de commettre une énième folie. On dirait que mon cerveau a raté le pli ; je remets mentalement la mèche en place, avec les autres.
Ses cheveux sont-ils aussi doux qu'ils le paraissent ? Je m'efforce de ne pas les fixer du regard. À la place, j'essaie d’adopter une expression détachée, j'espère que ça marche.
Vêtu d'un pull bordeau, retroussé sur ses avant-bras, d'un pantalon en mohair noir et de mules d'intérieur, il est sublime. Je serre les dents. J'aimerais le voir débraillé, juste une fois. Le pull, tendu sur son torse, met en valeur sa musculature. Dans la vie, « il y a les uns, et y a les autres » comme dit Souma. Je n’ai jamais été plus tentée de la croire qu'aujourd'hui. Si j'avais été saine d'esprit, jamais je ne me serais attaquée à lui.
Je rédige une petite note mentale : le mélange glace, manque de sommeil, haine et faim m'enivre. À conserver pour la prochaine fois.
Il détache son buste du fauteuil.
- Buvez ceci, dit-il, en me tendant un verre rempli d'un liquide ambré.
Je jette un coup circonspect à la boisson, il a décidé de me saouler pour de vrai ou quoi ? À son regard exaspéré, il a
entendu ce que j'ai dit. Je me rappelle que je n'ai aucune raison d'être embarrassée. Après tout, je me trouve dans un endroit inconnu avec une personne pas très connue… « Enfin, moyennement connue », corrigé-je ; après quatre rencontres dont deux tête-à-tête et demies, je ne peux décemment pas le placer dans la case inconnu. Le fait que j'ai le sentiment de le connaître ne compte pas... Si ? Autant lui poser la question :
- Euh... commencé-je, avant de me jeter à l'eau. Vous et moi, on se connait ou on ne se connait pas ? dis-je.
Il réfléchit un instant.
- Cela dépend. répond-il, en me regardant dans les yeux.
- De quoi ? dis-je, sans baisser les yeux cette fois.
- Buvez. dit-il simplement.
Je fronce les sourcils. En quoi le fait de boire... Oh ! Je vois ; si je bois, je ne me méfie pas de lui ; et si je ne me méfie pas de lui, on se connait... Un peu ? C'est un peu tordu comme logique, non ? Je prends le verre en prenant soin de ne pas le toucher. Je le porte à mes lèvres et avale une première gorgée. Je relève vivement la tête : c'est du miel !
Il me jette le regard amusé et rieur auquel je commence à m'habituer, et m'encourage à le finir. Il attend que j'aie fini de boire avant se lever.
- Levez-vous lentement. Pour éviter le contrecoup. dit-il, de sa belle voix grave, aux accents doux et cultivés.
- Vous aimez donner des ordres, n'est-ce pas? demandé-je, en me levant.
Il marque une brève pause, et sort de la pièce. Je me dépêche de poser le verre, et lui emboîte le pas. Je dois admettre une chose : ce mec à de très belles fesses. J'admire l'économie et la grâce de ses mouvements, c'est... presque aussi beau que cette pièce, pensé-je, impressionnée.