Extrait du chapitre 14
Ecrit par Loranna Crew
Le diable se déguise en un ange de lumière. Et Richard est son cousin germain. Un lent sourire étire ses lèvres, et ses yeux pétillent d'amusement. Non, il ne peut pas être son cousin, il doit être son petit frère. Ou son mentor.
La formidable énergie qui l'anime est soigneusement contrôlée, pas un muscle de son corps imposant ne bouge. Étant donné que mon visage n'est qu'à une vingtaine de petits centimètres de son torse... Je déglutis et recule d'un pas. Pour me retrouver coincé par le meuble de bibliothèque.
Je lui lance un regard défiant. Il se contente de me regarder, impassible. Ok. J'essaie de faire le tri dans le maelström d'émotions qui m'envahit... Peur, embarras, et... Excitation. Je ferme les yeux de dépit. « Si je compte jusqu'à dix, peut-être qu'il va disparaître tout seul ? » pensé-je avec espoir. Forte de cette certitude, je compte silencieusement, en mimant les nombres. Un... Deux... Trois... Quatre... Je fais passer cinq secondes entre chaque
nombre pour faire trainer le décompte au maximum. Je souris en me félicitant intérieurement de mon idée ; je vais vaincre le démon en comptant ! Rires.
Cinq... Six... Il doit être parti maintenant, ça fait trente secondes. Je continue quand même, si jamais il se retourne, je veux être sûre qu’il me voit compter. Sept... Huit... Tout danger est écarté maintenant. Je souris en rouvrant les yeux, et le neuf meurt au bord de mes lèvres. C'est un démon de catégorie A.
- Depuis quand les démons sont classés par catégories ? souffle LJ.
- Depuis que je l'ai décidé. dis-je, en espérant la faire taire.
Je retiens un mouvement d'humeur, elle est toujours là celle-là ? Les amis imaginaires sont sensés nous obéir non ? Pourquoi LJ ne disparait-elle pas tranquillement ? Ce n'est pas comme si j'avais besoin de parler, là, tout de suite.
Le démon de catégorie A penche légèrement la tête. C'est une nouvelle technique de déstabilisation ? On doit en apprendre des choses à l'école des petits démons...
- L'école des petits démons ? demande-t-il, d'une voix profonde.
J'ouvre la bouche puis la referme. Je ferme les yeux avant de les rouvrir. Ce n'est pas possible, je n'ai pas dit ça ? Si ? Apparemment si. Ok.
- Euh... Oui. Vous savez … L'école des petits démons... Les démons vont dans une école, pour apprendre à devenir des démons...
Ok, je raconte n'importe quoi.
Je me gratte le sourcil gauche.
- Mais... Euh... Vous n'êtes surement pas là pour parler de démons. dis-je, avec ce que j'espère être une conviction inébranlable, avant d'opiner pour souligner mon affirmation.
Il sourit franchement cette fois.
- Je ne suis pas là pour parler de démons. dit-il.
- Vous êtes obligé de répéter tout ce que je dis ? demandé-je, en abandonnant toute tentative d'amabilité.
- Non. dit-il, sans cesser de sourire.
- C'était une question rhétorique, dis-je, définitivement agacée. Je parie que vous faites partie des esprits tourmenteurs -oui, je viens encore de l'inventer, et alors ?-, vous vous nourrissez de la confusion que vous semez dans l'esprit des gens.
- Ah. dit-il, simplement.
« Ah ». C'est tout ? Espèce de malotru, suborneur d'innocentes, infidèle sans scrupules, démon cornu...
Son expression passe d’un amusement curieux, au masque glacial.
- Je... Euh... Vous avez entendu ?
Il hoche la tête. Son mouvement est bref et condescendant, comme s'il s’adressait à une faible d’esprit. Je ne donne peut-être pas l’impression d’avoir toute ma tête mais quand même ! Je marmonne :
- Je m'excuse, je n'aurais pas dû vous insulter. Même si c'est vrai...
Empêtrée dans mes excuses pas repentantes pour trois sous, je ne vois pas venir sa main. Il me saisit l'avant-bras et m'attire lentement vers lui, avant de se tourner et de m'entrainer avec lui. La brulure de sa main traverse mon imperméable et mon gros pull.
Je ne proteste pas, en dépit de toutes les alarmes qui résonnent dans ma tête. Je suis contente de l'avoir fait réagir, d'avoir brisé son masque une nouvelle fois. Ce que son visage ne montre pas, ses actes le disent pour lui. Bien, mets-toi en colère, suppôt de Satan. Je ne vois pas pourquoi je serais la seule à être perturbée... Je suis peut-être allée à la maternelle des petits démons moi aussi, pensé-je dans un sourire.