Folle journée
Ecrit par lpbk
Lorsqu’il revient avec notre repas, Ethan
ne semble toujours pas disposé à me répondre. Je décide donc de laisser le
temps de nous restaurer mais il ne paie rien pour attendre. D’ailleurs, nous
dévorons plus que nous ne mangeons les nouilles, le riz cantonnais et autres
nems que nous avons commandés.
— Je n’en peux plus, dit Ethan en se laissant choir sur
le canapé.
Je le laisse à sa digestion et débarrasse
les restes de notre repas, les mettant au réfrigérateur.
— C’est une habitude chez toi de ne pas répondre aux
questions ?
— Laquelle ?
— Que s’est-il passé entre Astride et toi pour qu’elle
te méprise à ce point ?
— Rien de spécial, si tu veux tout savoir. Nous avons eu
un léger… accrochage, je dirai.
— Un léger accrochage ? dis-je en fronçant les
sourcils.
— Oui… lâche-t-il laconique.
Ses yeux se ferment et je sens la patience
me quitter.
— Tu veux vraiment toujours tout savoir, hein ? me
taquine-t-il ?
Il ouvre un œil pour m’observer et un
léger sourire incurve ses lèvres. Je comprends qu’Astride se soit énervée
contre lui. Il peut vraiment être casse-pieds quand il s’y met !
Tant pis, il faudra que je la cuisine dès
que possible car j’ai bien compris que mon insupportable nouveau voisin ne me
dira rien.
— Oh, finis-je par me rappeler. J’ai un petit service à
te demander…
— Hum… fait-il sans bouger.
— Tu es libre mercredi prochain, le soir ?
— Hum…
— Parfait ! dis-je prenant ses grognements pour un
consentement. Je passerais te prendre à dix-neuf heures, dans ce cas.
Sur ce, je le laisse roupiller
tranquillement et file à mon appartement. Mon lit m’attend et une longue
journée est en vue demain.
Le week-end passe à une vitesse folle
entre le rendez-vous avec Sidonie chez la couturière, la révision du planning
de la cérémonie avec le couple, les coups de téléphone et autres échanges avec
les traiteurs, fleuriste, photographe, disc-jockey et j’en passe pour le
remariage des Diwouta et celui des Felton-Ndengue.
Dimanche, je trouve tout de même le temps
de faire un peu de ménage.
Lorsque je me pose, je songe à checker mes
mails. Outre ceux pour le travail que j’ouvrirais plus tard, deux viennent du
site de rencontres.
Le premier est d’un certain Timoté, qui ne
connait visiblement pas le dictionnaire. J’avoue que son semblant de prose
pique aux yeux.
Timoté : Slt boté !
G remarké ton profil é je me suis di kon pourré fer connésance. T tré
charmante é je voudré réalisé tou lé fantasm ke persone a fé pou toi.
Traduction pour les non-initié(e)s :
« Salut beauté !
J’ai remarqué ton profil et je me suis dit qu’on pourrait faire connaissance.
Tu es très charmante et je voudrais réaliser tous les fantasmes que personne
n’a fait pour toi. »
J’avoue que la fin me laisse un peu
perplexe mais bon…
Chacun ses délires et visiblement, lui
délire pas mal.
Je pense que notre relation va s’arrêter à
ce message auquel je ne répondrai jamais car franchement, qui voudrait d’un
homme qui ne sait pas écrire et qui en plus, se prend pour un Christian
Grey ! Comme dirait ma mère « Ma chérie, il faut de tout pour faire
un monde ! » et j’ajouterai que je me serais bien passé de rencontrer
ce Timoté à la noix !
Le second est plus sérieux puisqu’il vient
de Franck ! Danse de la joie avec petits sauts.
Il est enchanté par mon idée, trouvant que
cela change agréablement des rendez-vous habituels. Visiblement il doit être un
habitué des rencards. Dommage ! Donc il accepte le rendez-vous de mercredi
soir.
Cette soirée s’annonce prometteuse :
il y aura donc côté filles, Coralie, Astride et moi et côté garçons Ethan,
Franck et peut-être Alexandre dont j’attends toujours la réponse.
J’appelle les filles pour les informer de
ces deux accords. Coralie est absolument ravie surtout de la présence d’Ethan
alors qu’Astride est plutôt furax pour la même raison. Ce qui me rend d’autant
plus curieuse !
Me voilà repartie pour une semaine sur les
chapeaux de roues !
Aujourd’hui, je suis fébrile car, à
l’heure du déjeuner, je dois retrouver les futurs témoins des Felton-Ndengue
chez André pour la dégustation du menu par la Folle bouchée.
Dans un premier temps, je retrouve Anaïs
dans sa boutique. Je l’avais contactée pour qu’elle prépare quelques
échantillons de bouquets dans le thème champêtre chic. Elle m’en propose trois
sortes : un blanc composé de roses, d’hortensias et de renoncules, ornés
de quelques feuillages. Le tout est retenu par une ganse en jute. C’est
délicieux !
Le second reste dans les mêmes tons avec
des lys et des pivoines, là encore accompagnées de multiples branches de
feuilles. Je remarque qu’Anaïs aime particulièrement les feuilles d’eucalyptus
et les fougères. Le tout est enroulé dans un épais ruban de satin blanc. Très chic !
Le dernier est coloré mais très bohème. Se
mélangent des dahlias, des œillets, des roses aux noms variés mais aussi des
gypsophiles. Le tout est incroyablement élégant avec sa passementerie en
dentelle. Je suis charmée et je ne doute pas qu’Olivia le sera également.
Je récupère donc les trois bouquets, prête
à aller les déposer chez Olivia pour qu’elle puisse choisir celui qu’elle
préfère et ainsi donner à Anaïs la voie à suivre quant aux décorations à
préparer.
Entre le détour par chez Olivia, les
différents coups de téléphone à passer pour prendre rendez-vous avec des
photographes, imprimeurs, disc-jockeys et autres prestataires, je ne vois pas
le temps filer ! Il est pratiquement midi lorsque je me dirige vers les
Felton.
Quand j’entre dans l’immeuble, j’ai le
droit au même groom que la fois précédente. Il m’escorte jusqu’à l’étage de mon
rendez-vous et me quitte sur le palier. Marguerite vient m’ouvrir et me guide
vers la salle à manger où m’attendent déjà André et Claire. Je m’excuse de mon
léger retard et nous prenons le temps de discuter avec le chef cuisinier,
Jacques qui s’avère être un français. Etant donné que les français sont réputés
pour leur excellente cuisine, je ne m’inquiète pas trop.
C’est ainsi que nous enfournons de
multiples minuscules bouchées qui sont proposées pour le vin d’honneur :
des feuilletées, des mini-pizzas ou des mini-quiches, des toasts, bref tout un
monde en miniatures destiné à nous gaver avant même le repas à proprement
parler.
Nous continuons avec l’entrée. Notre ami,
Jacques, nous en propose trois : une entrée de la mer à savoir une salade
de Saint-Jacques et écrevisses avec son jus de truffes ; une suivante plus
printanière avec un millefeuille de courgettes, chèvre et tomates confites et
une dernière très frenchy composée d’un foie gras mi cuit en terrine.
Il en va de même avec les plats puis les
desserts. Lorsque nous avons fini de tout goûter, j’ai l’impression que mon
estomac va exploser. Un sentiment qui semble partagé par Claire, qui se tient
également le ventre. Même si j’ai à peine touché chaque assiette, ne prenant qu’une
bouchée par-ci par-là, je ne pourrais rien avaler d’autre de la journée.
— C’était délicieux, assure la témoin. J’avoue que je
suis un peu perdue et que je vais avoir du mal à choisir.
— Qu’as-tu préféré ? s’enquit André, visiblement
blasé par la voix nasillarde de Claire et ses manières…
Elle m’agace prodigieusement ! J’ai
envie de lui faire ravaler sa voix de crécelle dans un premier temps et de lui
faire gober cette main baladeuse qui n’arrête pas de toucher André. Et puis,
pourquoi il ne dit rien ? Pourquoi il lui sourit aussi gentiment ?
Ses petits bruits qu’elle fait passer pour un rire me donnent mal à la tête.
— Eh bien… Je ne sais pas, hésite-t-elle. Comme je te l’ai
dit, tout était divin ! Ecoute, continue-t-elle en posant sa main
parfaitement manucurée sur le bras nu d’André. J’ai rendez-vous chez ma
manucure et je suis déjà affreusement en retard. Je te laisse choisir avec
Mélanie, ce qui vous convient.
Et sans autre explication, elle attrape
son sac Gucci au passage et s’éclipse non sans nous avoir lancé un « Ciao !
Ciao ! » Accompagné d’un vague signe de main avant de partir.
Nous voici donc seuls, André et moi…