HISTOIRE UNE : VENGEANCE
Ecrit par Femme, comme force
1.
Ma meilleure amie
Il est 18 h et poussière. Assise avec moi à l'arrière du
taxi express, Audrey n'arrête pas de lancer des coups d'œil impatients vers sa
petite montre-bracelet, en soupirant bruyamment. Et pour cause! Le carrosse qui
nous amène à un rendez-vous de grande importance est bloqué dans un bouchon
monstre, en ce samedi soir mouvementé. On est à la bourre.
- Calme-toi, on est presqu'arrivés. Ça va se débloquer
dans très peu.
- Tu crois?
- Si tu veux, on peut faire le reste du chemin à pied, on
est déjà au centre-ville et le restaurant est à juste dix minutes de marche.
- Je ne sais pas trop hein! Avec mes échasses-ci?
- Allez, viens! dis-je, en payant la course.
Nous descendons du taxi et nous faufilons entre les automobiles dont les
conducteurs rivalisent en klaxons et jurons.
- J'ai trop hâte que vous fassiez enfin connaissance, dit
Audrey, toute excitée
- Moi aussi. Comme ça, mes antennes pourront détecter si
c'est un gars sérieux ou un prédateur.
- Cathy, lui c'est un type vraiment bien. Tu vas beaucoup
l'aimer, tu verras. Il est juste...
- A-do-ra-ble, la coupé-je en la regardant avec un
sourire attendri.
Elle me fait ce grand sourire qui me semble à chaque fois illuminer chaque
object autour. Oui, elle me le répète depuis presque deux mois maintenant.
C'est toujours à base de:
"Cathy, Yannick est trop choux."
" Yannick est adorable! Regarde ce qu'il m'a acheté."
"Yannick a dit...Yannick m'a emmenée au...Yannick, Yannick,
Yannick..."
C'est clair, ma Audrey est sérieusement amoureuse et je suis vraiment
heureuse pour elle. Elle a dans les yeux cette lueur que je ne lui ai jamais
vue avant, toutes les fois que le nom de cet homme franchit ses lèvres; et
aujourd'hui, je vais enfin rencontrer ce fameux Yannick Binda que je n'ai vu
jusque-là qu'en photos. Audrey prend ma main et entrecroise nos doigts, avant
de presser les pas, m'entraînant avec elle.
Je m'appelle Cathy, Lady Kate pour mes fans. J'ai 24 ans, et Audrey c'est
ma meilleure amie, ma sœur née d'une autre mère. Notre amitié vieille de huit
ans a commencé au lycée. La minute où mes yeux se sont posés sur elle, j'ai eu
un inexplicable besoin de la protéger, de la prendre sous mon aile. Contrairement
à moi qui suis grande avec des formes, Audrey est petite de taille et très
mince, état causé par son anémie. Oui, elle est drépanocytaire, ce qui a
empêché son corps de se développer normalement. Mais comme ses autres sœurs qui
elles n'ont pas de problèmes de santé, elle est très jolie et extrêmement
coquette. Une vraie petite poupée, ma Audrey. C'est la fille la plus gentille
que je connaisse, jamais avare des sourires, loyale, généreuse, toujours prête
à aider et un peu têtue sur les bords. Oui, c'est Audrey. Présentement, elle
est à l'Unikin (Université de
Kinshasa) où elle fait médecine. Audrey a toujours été une super intello. Le
genre qui te colonise les Mathématiques, Chimie et les autres casse-tête. Moi?
Bah moi, je n'ai jamais été intéressée par les longues études. Ce n'est juste
pas mon truc, les longues études. Après avoir empoché mon diplôme de secondaire,
je me suis lancée dans la musique. Ma Passion. Je chante depuis toute petite et
ai toujours rêvé d'en faire ma carrière. Et même si jusque-là, je ne suis pas
encore riche et célèbre, je trouve que je m'en sors assez bien. J'ai pas mal
des shows et mon nom commence à faire le tour. Et à côté, j'ai mes petits zodjings (commerces) qui aident à bien
arrondir mes fins de mois.
Quelques minutes plus tard, nous traversons la route dans
un cliquetis désordonné de nos stilettos contre le macadam et nous engouffrons
Chez Zouky, le resto-bar chic où nous attend le "Yannick d'Audrey".
Nous le repérons assez vite et nous dirigeons vers sa table. Il se lève à notre
approche avec un sourire étirant ses lèvres. Comme sur les photos qui inondent
la tablette d'Audrey, monsieur Binda est très beau et bouge avec l'assurance
d'un grand. Début de trentaine, teint noir très propre (on sent quelqu’un qui
est dans l’espace climatisé du premier au trente, matin-midi-soir), cheveux
coupés ras, belle barbe taillée très court, il n'est pas très grand mais est
costaud avec des épaules larges. J'ai appris d'Audrey que c'est un homme
d'affaires et on a qu'à le regarder pour savoir qu'il voit très clair
financièrement.
- Coucou, chéri ! On n'est pas trop en retard, j'espère,
fait une Audrey énamourée, en l'embrassant sur les lèvres
- Non, ma Dreydrey. Comment vas-tu, mon 'tit cœur?
Ah bon? Dreydrey? 'Tit cœur? J’éclate de rire dans ma tête. Je taquinerai
Audrey, lorsque nous serons seules.
- Hmmm, ton petit cœur va bien maintenant que tu la tiens
contre toi, répond doucement Audrey, ses yeux pleins d'amour levés vers lui.
Ils gloussent tous les deux, yeux dans yeux, avant d'échanger un autre
rapide baiser. Je ne peux réprimer un sourire attendri en les regardant. Ils
sont tellement mignons ensemble que cela me donne aussi envie de me mettre en
couple. Je vis en oiseau solitaire depuis maintenant une année et je dois
avouer que cela commence à me peser. Audrey se détache un moment de son homme
et me prend par la main.
- Je perds mes manières. Yannick, je te présente ma best,
Cathy. Cathy, Yannick.
- Enchanté Cathy. Nous nous rencontrons enfin.
-Moi de même, Yannick, répliqué-je, en serrant la main
qu'il me tend.
Je suis prise de court, lorsque je le sens gratter discrètement d'un doigt
la paume de ma main, pendant la poignée de main que nous échangeons. Je lève
vers lui des yeux surpris, il me rend mon regard sans ciller, l'air de n'avoir
rien fait d'étrange. Lorsqu'il lâche ma main et, en bon gentleman nous tire nos
chaises, je me dis que j'ai dû rêver. Il s'assoit très près d'Audrey, la couve
du regard pendant toute la soirée et me parle naturellement. Pas un seul regard
plein des sous-entendus dans ma direction ou des gestes qui porteraient à
équivoque. Cela a le don de me conforter dans l'idée que j'ai vraiment du rêver
que son doigt grattait ma paume. Je soupire de soulagement in petto. Quand on
nous apporte nos desserts après le somptueux repas, Yannick et Audrey décident
de se donner la becquée. L’amour est au summum. Ces deux-là peuvent tuer un
célibataire d'envie.
- Ayez pitié des célibataires, je vous en supplie,
fais-je après une bouchée de ma meringue à l'orange.
Comme des maboules, ils pouffent tous les deux, front contre front. Je
bouge ma tête l'air faussement sévère, avant de reporter mon attention sur la
bande qui joue ce soir. J'ai eu à travailler dans le passé avec les trois gars
du groupe. Des jeunes gens vraiment talentueux qui te font de la vraie musique.
Pas le genre "musique-bruit-obscénité-à-gogo" des certains. Je suis
agréablement surprise lorsque Fétiche, le chef de bande, m'invite sur scène. Et
moi qui croyais qu'il ne m'avait pas reconnue, vu la lumière savamment tamisée
de la place. C'est donc avec un large sourire que je le rejoins, sous les
applaudissements. C'est exactement le genre de publicité que je recherche ces
derniers temps. Après les remerciements et quelques mots de circonstance, je
choisis d'éblouir mon audience avec Kanga
nga makasi (Serre-moi fort) une de mes chansons dont Audrey est fan. Seul
le guitariste m'accompagnera. J'adore ce moment où tous les regards se braquent
sur moi et je deviens le centre d'attention. Je bouge sensuellement mes hanches
avec mes mains au-dessus de ma tête, pendant que je caresse les tympans
attentifs de ma belle voix suave.
????????Kanga nga makasi bolingo na nga
Oza
ya nga, naza ya yo
Simba
nga makasi tobina mabina ya bolingo eeeh
Kati
kati n'a biso lisapi to nzinzi eleka té
Oza
ya nga eeeh... ????????
À la fin de ma performance, je glisse un petit mot sur mon prochain album
et remercie Fétiche, avant de regagner ma place, sous les applaudissements et
les regards admiratifs.
- Viens là, ma co. Tu étais top comme toujours, fait
Audrey, entourant mes épaules de son bras, avant de déposer un bisou sur ma
joue.
Yannick me regarde avec dans les yeux quelque chose que j'ai du mal à
définir.
- Lady Kate, je suis sous le charme, dit-il
- C'est normal, chéri. Cathy est une star-née, fait
fièrement Audrey, en m'enlevant une poussière imaginaire de l'épaule
- Hum. Dreydrey, atalakou.
- Hahahaha! Mes amours, je vais rapidement au petit coin,
je reviens, annonce-t-elle en se levant
- Je t'accompagne?
- Non, Cathy. Tiens compagnie à Yannick.
Je la suis du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse de mon champ de vision.
- Cathy?
- Oui, fais-je en tournant le visage vers Yannick
- Je dois t'avouer quelque chose.
- Ah oui?
- Je ne suis pas le genre à mâcher mes mots ou à jouer à
cache-cache comme un gamin.
-...
- J'aime être clair, tout étaler sur la table, sans
tergiverser. Ce soir, c'est toi seule que je voulais voir.
Je reste sans voix, croyant avoir mal entendu
- Que dis-tu?
Il prend tranquillement deux petites gorgées de son sauvignon blanc, avant
de continuer.
- La minute où Audrey m'a montré tes photos, j'ai su que
c'était toi que je voulais. Raison pour laquelle j'ai insisté pour qu'elle nous
présente.
Mes yeux se plissent pendant qu'il m'observe, très à l'aise. Le masque
vient de tomber. Je découvre en face de moi un salopard de la pire espèce. Mon cœur
se met automatiquement à saigner pour Audrey qui, je le sais, s'est déjà
beaucoup investie émotionnellement.
- Comment oses-tu? Tu es le petit ami d'Audrey et tu as
l'audace de me sortir ce que tu viens de sortir là? craché-je, prenant soin de
garder ma voix basse, malgré ma colère
- Monte pas sur tes grands chevaux. J'ai de l'argent, je
peux booster ta carrière, te connecter aux bonnes personnes, t'offrir tout ce
que tu veux. Une artiste de ta trempe doit savoir vite se décider, lorsqu'une
opportunité en or comme celle-ci se présente. Ta copine Audrey n'était qu'un
challenge. Et moi, j'aime les challenges. J'étais avec des potes lorsque je
l'ai aperçue pour la première fois. Il faut avouer qu'on n'a qu'à la regarder, pour
savoir qu'elle est anémique avec son corps trop sec, les blancs de ses yeux qui
tendent vers le jaune, son teint un peu bizarre malgré ses efforts. Mes amis
m'ont défié de la séduire, la baiser et de leur raconter comment c'est de se
taper une SS.
Mes yeux s'agrandissent comme des soucoupes, je manque de tomber de ma
chaise tellement l'insulte à l'endroit d'Audrey me fait l'effet d'un violent
coup de poing dans la gueule. Le plus choquant est que le bon monsieur débite
ces abus avec calme et nonchalance. C'est à se me demander s'il est normal.
- Cette pseudo-relation, je l'aurais arrêté après la
deuxième baise si elle ne m'avait pas montré tes photos, continue-t-il avec le
même calme, promenant avidement ses yeux sur mon corps.
-...
Le choc m'a volé la parole.
- Je n'ai prolongé la relation que pour pouvoir te
rencontrer.
Il sort une carte de la poche de sa veste et me la place dans la main.
- Ta copine aura quand-même servi à quelque chose, après
tout. Audrey est ton pont vers moi. Le succès. Saisis ta chance, dit-il avec un
sourire suffisant.
Je vois du coin de l'œil Audrey approcher, tout sourire.
- Je ne t'ai pas trop manqué, chéri? demande-t-elle
gaiement en se laissant tomber sur sa chaise.
- Si, mais Cathy m'a aidé à tenir le coup, fait le
monstre avec un sourire charmeur.
Ils se ré-bécotent, les doigts entrelacés. Je hais ce Yannick. Comment
peut-on jouer avec quelqu'un à ce point? Cet homme a inventé une nouvelle forme
de cruauté. Il faut le voir jouer à l'amoureux transi.
- Cathy, tout va bien?
- Oui, ça va Audrey, réponds-je, forçant un sourire.
- Tu ne m'as pas l'air bien. Tu es sûre que tout va bien?
- Pour te dire vrai, j'ai très mal à la tête. Je crois
qu'il vaut mieux que je rentre me reposer, dis-je, en me levant
- Chéri, je vais avec elle. On se voit demain, fait une
Audrey inquiète
- Je vous raccompagne. Donnez-moi juste le temps de
payer, s'empresse de dire le monstre en habits de marque, tout en faisant signe
au serveur.
L'idée de passer une minute de plus dans le même espace que cet homme
m'insupporte.
- Non, ne te dérange pas. On va appeler un...
- J'insiste, me coupe-t-il
Quelques minutes plus tard, on est dans sa voiture. Audrey est assise à
l'avant et moi à l'arrière. Je ne desserre pas les dents pendant toute la durée
du trajet vers chez moi. Et lorsque nous atteignons Mimosa, Audrey veut
descendre avec moi, mais Yannick "monstre" Binda la persuade de
continuer avec lui. J'embrasse ma meilleure amie et remercie Yannick du bout
des lèvres, avant de me diriger vers le portillon, sans me retourner. Je ne
veux pas qu'ils voient mes yeux qui ont changé, tellement je bous de rage. La
voiture s'en va quand je franchis le portail. C'est au moment où je fais mon
entrée dans mon séjour que je réalise que j'ai toujours sa maudite carte serrée
très fort dans mon poing. Je n'étais même pas consciente de l'avoir gardée.
D'un mouvement exaspéré, je l'envoie voleter dans un coin de la pièce et
continue vers ma chambre. Mon havre. Mon sanctuaire.
Lorsque j'y arrive, J'allume, quitte mes chaussures et
mes vêtements et vais me tenir en tenue d'Ève devant mon grand miroir. Pendant
quelques minutes, le regard rivé sur mon reflet, je m'amuse à sortir et rentrer
mes crocs, mes griffes et mes écailles pendant quelques minutes, pour faire
passer la colère qui me consume. Les paroles blessantes de ce Binda viennent à nouveau résonner dans mes oreilles. Quel homme
petit et cruel! Révéler à Audrey tout ce qu'il m'a dit fera plus de mal que de
bien. Pour une des rares fois dans ma vie, j'ignore comment procéder. Mon cœur
se serre à l'idée qu'il va peut-être la larguer dans les jours qui viennent, vu
qu'il n'a prolongé la relation que pour me rencontrer. Audrey sera dévastée,
son estime de soi en prendra un vilain coup et le plus dur est que je ne peux
pas l'en protéger. Après une douche froide, je vais me coucher sur le lit, mon
corps nu encore dégoulinant d'eau. Quelques minutes plus tard, je m'envole.
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