It's over
Ecrit par Aura
J’ai une grosse boule à la gorge. J’ai le vertige et ce depuis quelques minutes. L’estomac est en train de me tenailler. Je n’ai certes rien ingurgité de la journée, mais le trop plein d’émotions en est la raison principale. J’essaies du mieux que je peux de tenir bon en discutant, lançant des sourires jaunes, bref en arborant mon profil de l’homme qui dégage la confiance en-lui, alors que tout en moi est en train de brûler. Je fournis un effort considérable pour tenir jusqu’au bout de cette soirée sans incidents. De temps en temps, quand la rage, la douleur et le désarroi s’emparent de moi, je suis obligé de me mettre en retrait pour souffler un peu. Personne ne sait ce que je vis, pis encore ne peut supporter cette peine que j’endure. Comment peut-il avoir été jusqu’à me faire autant souffrir ? Et puis elle, qu’est-ce qui lui a pris de me lancer tous ces mots durs ? Je me suis battu pour en arriver là, pour pouvoir me reconstruire, et maintenant que je commence à guérir, il faudrait qu’elle puisse tout faire valser d’un seul revers de la main, au point où toutes mes résolutions se sont effondrées comme un vulgaire château de sable.
Le bon sens est la seule et unique chose qui me reste encore chaque fois que tout va mal, chaque fois que je sombre, chaque fois que je suis à la dérive. C’est mon bon sens qui me tire de toutes les situations délicates et m’évite de créer un quelconque remue-ménage ! Si je n’avais pas fait preuve de maitrise, j’aurai créé un carnage juste après la dispute avec Maya. Et je n’aurai pas un seul instant hésité à lui refaire le portrait comme il se doit. Mais j’ai préféré ravalé ma colère et profiter du reste de la soirée en mon honneur. De toute façon, la personne à blâmer dans cette affaire n’est autre que Marc. Ce n’est qu’à lui que je peux m’en prendre. Même un idiot saurait pertinemment que Maya ne se serait pas rendue à cet événement si Marc ne le lui avait pas suggéré. Alors autant mieux trancher la tête du serpent au lieu de toucher à ses œufs.
Je parcours la salle de mon regard et je suis fier. Tous les invités sont rentrés depuis plus d’une heure et je suis resté le seul. Maintenant qu’il n’y a plus personne en dehors de Vincent et moi-même, je peux contempler les œuvres sans problème et ce d’un regard de critique et de passionné. Comme le dit l’adage, seul le travail libère. Qui croirait que toutes ces journées à peindre aboutiraient à un tel résultat ? Surtout que les trois quarts des tableaux ici ont déjà été acheté. Il ne reste plus qu’à les emballer et à les transférer aux nouveaux proprios, qui pourront les contempler comme bon leur semble. A présent je suis juste ravi d’avoir pu gagner quelques sous avec ça, mais le reste me dégoûte, car il me rappelle ce passé qui m’empêche d’avancer. Après quelques dernières finitions avec Vincent, je retourne à l’hôtel. Il est pratiquement minuit quand je récupère ma clé à la réception avant de monter dans ma chambre.
Là, je trouve Vincent, assis sur le fauteuil qui trône près de la fenêtre. Il est à moitié endormi, la tête penché d’un côté. Cette image qui se matérialise devant moi, m’aurait fait chavirer le cœur il y a encore quelques heures, m’aurait attendri, m’aurait fait baisser les armes. Mais à présent, je suis passé de l’autre côté.
La table recouverte du linge blanc à ses côtés, laisse deviner la présence d’un repas. Je paris qu’il s’agit d’un dîner commandé spécialement pour moi. Il suffit de sentir les bonnes odeurs qui s’y échappent pour reconnaitre que ces mets sont délicieux, une vraie invite à la tentation. Sous d’autres cieux, je me serai senti émoustillé, j’aurai été ravi de cette belle marque d’attention, mais aujourd’hui, tout cela me donne juste envie de vomir. Si c’est sa façon à lui de me présenter des excuses, c’est qu’il s’est fourré le doigt dans l’œil. Ainsi, au lieu que tout ceci me ravisse, au contraire cela m’irrite encore plus.
Je prends place sur le lit et lui lance froidement :
- Levez-vous Monsieur !
Etant toujours dans cette position, je continue à répéter encore plus durement mon propos, jusqu’à ce qu’il se réveille. Quand il prend enfin conscience de la réalité, il me lance donc tout souriant :
- Oh voilà notre champion de ce soir ! Bravo au grand artiste. Sincèrement tu m’as bluffé.
Là je suis comme sur le cul ! C’est moi ou ce gars souffre d’amnésie ? Est-ce qu’il a oublié le scandale que sa femme et lui ont failli provoquer ? Est-ce qu’il se rend compte seulement à quel point cet acte a failli me coûter toute une soirée ? Non je crois qu’il plaisante. Oui oui. Il se lève de son fauteuil, retire le drap qui couvre le dîner, récupère la bouteille de champagne qui se trouve enfoncé dans le sceau à glaçons et commence à l’ouvrir.
- Si tu savais à quel point tu m’as rendu fier aujourd’hui. Il y avait tant de personnes à cette soirée que moi-même j’étais étonné. Sincèrement, chapeau ! Je t’ai toujours dit que tu as du talent, maintenant je crois que tu as la confirmation de ce que je pense. Et puis ce beau monde doit me féliciter d’avoir déniché ce beau diamant. Ah oui, si je n’avais pas été là, c’est sûr que tu n’aurais pas pu papillonner comme aujourd’hui…..
Il continue son blablabla pendant que toute la rage que j’ai contenu jusqu’à présent s’attise au point d’éclater. Je lui lance don en colère.
- La fermes !
Lui qui était en train de bavarder s’arrête un instant pour me faire face comme s’il avait été giflé en pleine figure.
- Euh…quoi…qu… que dis-tu là ? balbutie-t-il. Je n’ai pas très bien compris.
- J’ai dit fermes ta putain de gueule.
- Attends, attends, attends !!! C’est à moi que tu t’adresses ?
- Est-ce que tu as vu quelqu’un d’autre ici dans cette chambre par hasard ? Et si tu ne m’as pas bien compris, je te demande de fermer ta radio cassette qui dérange.
- Bien, bien, bien. Il dépose la bouteille de champagne dans le sceau et me fais face comme s’il était largué complètement. C’est bien ce que je veux, lui rendre ses coups.
Il se passe la main sur le visage avant de lancer :
- Je ne sais pas ce qui t’arrive pour avoir ce genre de réactions, mais stp assieds-toi et expliques-moi.
- Je n’ai rien à t’expliquer. Et je te demande de sortir !!!
- (Son visage devient indéchiffrable) Quoi ? Ken ? Est-ce que tu as fumé un joint par hasard ? Là je ne te reconnais plus.
- Tant mieux ! Maintenant fous le camp de ma chambre.
- Je crois que ça commence à bien faire. Je te demanderai de remettre tes idées en place.
- Elles le sont ! Tout ce que je te demande c’est de foutre le camp de ma chambre.
- Je crois qu’on a la mémoire courte on dirait. Ah c’est parce que tu as été l’homme de la soirée que ça te donne des ailes ! Oh mais je vois que seuls les pauvres cachent leur véritable mentalité dans la souffrance. Maintenant qu’on t’a propulsé, il se prend la tête. Bravo, bravo fait-il théâtralement. Je suis fasciné. Et tu sais quoi, je suis encore plus excité quand tu agis de la sorte. Alors arrêtes-moi tes chichis et viens qu’on fête ta victoire.
- Vas te faire foutre Marc ! Plus jamais tu ne poses tes sales pates sur moi. Tu n’es qu’un malade.
- Hum, ça commence à bien faire ces agissements. Je ne comprends pas pourquoi tu te comportes ainsi.
- C’est moi ou tu as la tête percée ? Comment tu peux ignorer ce qui s’est passé il y a seulement quelques heures ?
- Oh tu parles de ça ? Ce n’était rien, juste une blague.
- Une blague tu dis ? Alors que c’est de ma vie qu’il s’agit ?
- Ta vie, ta vie ! Oh tu n’as que ce mot à la bouche. Qu’a-t-elle de spécial ta vie ? Rien du tout.
- Quoi ?
- Eh ben oui ! Souviens-toi de qui tu étais et de qui tu es à présent. Et surtout souviens toi de ce que j’ai pu faire pour toi. Si je n’étais pas là, tu ne serais rien. Tu serais en train de moisir dans les taudis de Bikok. Et peut-être même que tu serais un drogué de la dernière catégorie, le genre à se péter la gueule du matin au soir et à vendre de la came pour s’acheter ne fût-ce qu’une clope. Alors C’est moi qui t’aies façonné, modelé, pétri mon petit. C’est moi ! Tu me dois tout, je dis bien TOUT ! Alors tu te tiens tranquille et tu joues ton rôle.
- Alors c’est parce que je te dois tout comme tu le dis que je dois me plier à tes volontés.
- C’est la moindre des choses non ? Et puis si en passant tu peux baisser le pantalon pour me faire plaisir, ce serait super.
- Tu es malade ! Tu es la pire vermine qui existe.
- Tu es sûr ? Et ton père alors ? Quel rang occupe-t-il ?
- ENFOIRE !!! criai-je
- Ohhhhhh !!! Je crois que j’ai touché là où ça fait mal. Comme t’es marrant.
- Vas te faire foutre Marc ! Toi et moi c’est fini ! Maintenant sors de ma chambre.
- Minute, minute, minute fait-il allègrement. Tu as oublié que si tu es à Paris c’est grâce à moi. Et puis cette chambre ? Eh ben c’est la mienne. C’est moi qui ai ton séjour ici. Alors qui de nous deux doit foutre l’autre dehors à ton avis ?
- Eh ben tu crois que je vais te supplier pour me garder ici ? Tu sais quoi, je m’en vais. C’est fini. Si tu t’attends à ce que je puisse chialer, tu t’es trompé de personne, parce que le Ken d’avant, c’est terminé.
Je récupère mes bagages et m’en vais sous son regard ahuri. Il croyait que j’allais m’excuser alors qu’il a complètement tort ? Non, plus jamais ! J’ai ma dignité et y’en a marre qu’elle puisse continuer à être sabotée de la sorte. Il tente encore de me menacer avec des propos crus mais je m’en fiche et me bouche les oreilles du mieux que je peux. Voilà ce qui arrive quand on est dépendant de quelqu’un on se retrouve en train d’être traité de n’importe quoi. Maintenant, je me prendrai en charge. Je vais me battre à m’offrir mon petit coin de terre pour être heureux. Désormais c’est moi et personne d’autre. C’est tant mieux ainsi. Maya et ce gros porc de Maya peuvent aller se faire foutre là où je pense.