Joël et Ami 10 : Pourquoi moi ? (1ère partie)

Ecrit par Dja

oubacar était là à la regarder alors qu’elle ne voulait qu’une seule chose, qu’il enlève de son visage ce sourire moqueur, cette arrogance.

Finalement, elle avait rejoint les autres, après avoir pris le temps de se remettre de la frayeur provoquée par Abou.

A un moment, elle avait pensé qu’il la frapperait, tellement il y avait de la colère dans ses yeux. Mais, elle voulait qu’il sache ce qu’elle pensait de ce mariage. Quoi qu’en dise leurs parents, elle ferait tout pour que ça ne marche pas. Elle ne voulait qu’une chose, terminer ses études et, ensuite seulement, elle se marierait avec l’homme qu’elle-même aurait choisi.

Aboubacar la fixait de ce regard qui ne laissait rien deviner de ses pensées. Leurs pères étaient toujours en pleine conversation et sa mère souriait comme si on lui avait promis le plus beau des trésors. Hum ! Elle lui en voulait de ne pas pouvoir l’aider à se battre contre tous ces hommes. Comment une femme comme elle, avec un niveau intellectuel aussi important pouvait-elle se laisser faire aussi facilement. Bien sûr, elle avait été mariée de la même manière. Mais, elle aurait pu refuser que cela en soit de même pour sa fille. A quoi lui servait d’être psychologue si dans la vie, elle ne pratiquait rien de ce qu’elle enseignait.

Elle avait honte de la représentation qu’elle avait à présent de sa mère. Elle la voyait maintenant sous un autre jour. Une femme-objet, une femme soumise sans possibilité de faire entendre sa voix. Une femme qui ne pouvait rien faire ni dire sans l’accord de son chef de mari. Une femme qui n’avait de droit que ce que lui accordait son mari. Quelle déception !

Ami regardait sa mère, et elle avait honte d’elle. Fatou gardait toujours le visage baissé en sa présence. Qu’elle ait eu raison ou tort, elle opinait toujours face à lui. Même lorsqu’il lui avait fait des infidélités, elle ne les lui avait pas fait payer. Au contraire, elle lui avait toujours ouvert les bras. Elle savait qu’il prenait soin des enfants nés avant, mais aussi après elle. Sa mère n’en parlait jamais. Elle pleurait parfois quand elle pensait être seule. Mais, elle ne faisait aucun reproche à son mari.


Etait-ce là l’avenir des femmes de ce pays ? Etait-ce ainsi qu’elle se devait d’éduquer les filles qu’elle aurait ?

Elle se dit à l’instant qu’elle ne lui ressemblerait jamais. Qu’elle ferait tout pour ne pas être le même objet que cette femme qui était auparavant son modèle. Elle refusait de devenir la chose d’un homme qui ne l’utiliserait que pour assouvir ses envies et autres plaisirs.


Elle préférait mourir de la main de son père plutôt que de devenir comme sa mère.


Presque deux semaines étaient passées depuis la visite d’Abou et son père Les préparatifs du mariage allaient bon train. Les sœurs de Yaye Fatou étaient si heureuses de ce qu’elles considéraient comme une aubaine pour leur nièce qu’elles vinrent s’installer à la maison. Yaye Fatou elle-même se sentait comme une reine auprès de ses sujets. Elle donnait des ordres aux différents domestiques qu’elle avait engagés pour la circonstance. Le mariage était dans deux mois et demi. Il ne fallait pas que quelque chose cloche.

Les costumes et autres vêtements seraient réalisés par un des frères d’Oumar. C’était un artisan de la capitale. Il avait l’habitude de ce genre d’évènements. Ami avait d’abord souhaité faire confectionner ses robes par un couturier à l’étranger. Mais, son père lui avait fait comprendre qu’il ne voyait pas pourquoi il lui faudrait aller chercher ailleurs ce que quelqu’un d’aussi compétent pouvait lui faire sur place. Surtout que ce n'était que pour une seule occasion.

D’abord boudeuse, elle avait fini par se ranger derrière l’avis paternel. De toute façon, pour elle, ce ne serait pas vraiment un mariage. Elle pensait toujours à s’enfuir. Mais, pour l'instant, elle n'avait pas de plan défini. Elle avait pensé compter sur Joël. Ce salop à qui elle s'était donnée bêtement.


D’ailleurs, il n'avait pas cessé de la harceler. Il lui avait envoyé des messages dans lesquels il s’excusait. Il l’appelait tous les soirs, la contactait sur facebook et tous les autres réseaux sociaux. Mais, Aminata ne voulait plus entendre parler de lui. Elle lui en voulait tellement d’avoir gâché sa première fois. Ce moment qu’elle avait chéri avant de pouvoir passer à l’acte. Et puis, surtout, elle lui en voulait d’avoir parlé à cette fille de son inexpérience, cette Sandra. Quel culot elle avait eu de lui rire au nez. Elle ne pardonnerait jamais à Joël cet affront. Tout était de sa faute.

Elle se sentait salie, humiliée. Elle si insouciante et heureuse de la vie qu’elle menait, en dehors de ce fichu projet de mariage, il avait fallu qu’elle s’amourache du plus grand coureur de jupons de la ville. Même Jeneba qui avait finalement fini par avouer son histoire avec le faux Abou lui avait déconseillé de sortir avec lui.

Bien sûr, elle ne lui avait rien dit du magnifique moment qu’ils avaient partagé. Mais, Jeneba savait que Joël la courtisait. D’ailleurs, il était passé par elle pour lui faire parvenir des petits mots d’excuse. Il envoyait parfois des cartes postales accompagnées de friandises. Parfois, c’étaient des fleurs toujours avec un mot. Il avait même envoyé un ensemble de perles qui coûtait très cher. Elle savait qu’il les avait commandées en Espagne, parce qu'une fois, ils les avaient vu dans un catalogue en ligne.

Mais, malgré tous ces gestes, elle ne voulait toujours pas lui parler. Elle ne se sentait pas prête. Et, elle avait peur de sa réaction. Depuis les heures torrides qu’ils avaient partagées, elle ne l’avait plus revu. Et si elle ne pouvait pas le regarder en face finalement ? Elle avait honte de son inexpérience et surtout, sans cesse, elle se comparait à Sandra. Cette européenne qui avait tout pour plaire et qui en était consciente. Ami reconnaissait que cette fille était belle et possédait un corps capable de faire tourner la tête à plus d’un.

Elle en était jalouse.

La brusquerie avec laquelle cette évidence la frappa lui fit ouvrir la bouche. C’était la première fois de sa vie qu’elle ressentait cela. Elle était jalouse de cette fille. Elle lui en voulait d’avoir donné du plaisir à Joël. Elle ne se reconnaissait pas. Elle se devait de vite penser à autre chose. Par exemple, continuer de faire semblant d’être « finalement heureuse de son mariage ». Comme elle le laissait penser à sa mère. Car, elle ne voulait pas que par crainte, elle lui interdise de sortir ou d’aller se promener toute seule. Aminata savait qu’au moment propice, elle s’en irait. Elle savait où son père mettait son argent à la maison. Et aussi où il cachait les passeports et autres documents importants de la famille. Elle avait contacté une ancienne camarade qui était allée étudier au Maroc et elle lui avait fait part de son projet d’évasion. Cette dernière lui avait assuré pouvoir l’aider à mettre son plan à exécution dès qu’elle serait prête. Ami savait imiter la signature de son père. Elle avait déjà pris deux chèques pour approvisionner un compte bancaire que son amie lui avait ouvert là bas à son nom. Avec ou sans Joël, elle s’en irait. Car, quand elle pensait à sa vie auprès d’Abou, elle voulait se suicider. Ce mariage arrangé la rendait malade. Et, personne autour d’elle ne s’en rendait compte. Ils s’en fichaient tous. Son père en particulier.

Elle savait qu’il espérait garder son héritage en faisant ce mariage. Pour lui, quelle aubaine d'avoir pu avancer de l’argent à M. Mbaye. Il le tenait désormais et l’argent qu’il avait accumulé au fil des années et la part importante de la dot d’Ami irait directement à ses frères. Elle se demandait à quoi cela avait servi qu’elle vienne au monde. Elle n’était qu’un objet que les autres utilisaient pour se servir quand ils en avaient besoin pour la rejeter après usage. Elle était venue au monde pour permettre à sa famille de s’enrichir à ses dépends. Même cet Aboubacar qu’elle ne connaissait pas avait déjà commencé à lui imposer sa volonté. Sans oublier ce salopard de Joël qui s’était servie d’elle après être sorti du lit d’une autre.

Ce mariage, si elle l’avait voulu lui aurait permis d’oublier Joël. Mais, elle n’en voulait pas.


Pour la fête, Oumar avait décidé de construire une grande salle sur la parcelle de terrain accolée à la maison. Il ne voulait pas louer de salle en ville et, comme c’était le mariage de sa fille unique avec un médecin de renom en devenir, il voulait que tout le monde parlât de ce mariage. Ainsi, il avait invité le gratin de la ville, mais également des hautes personnalités du pays et d’ailleurs. Le président du Sénat serait parmi les invités. Alors, le chantier à côté prenait forme en même temps qu’étaient acheminées divers produits qui seraient utilisés la semaine du mariage. Car, il y aurait la dot, le mariage civil et enfin le mariage religieux. Tout cela en une semaine. Oumar voulait que tout se passe selon ce qu’il avait imaginé. Il voulait que ce mariage reste longtemps dans les mémoires.



Il en profiterait également pour nouer de nouvelles relations de travail et signer des contrats avec des producteurs étrangers. Tout de suite après le mariage, il devait d’ailleurs se rendre en Ouganda, car il avait été contacté par le cabinet de Richard pour la signature d’un contrat. Son ami Ismaël qu’il consultait parfois pour des questions de droit était devenu son conseiller pour les contrats à l’étranger.



Alors que les gens allaient et venaient, ce jour-là, Joël vint frapper à la porte de la maison. Aminata était sortie avec Jeneba et sa mère prenait le soleil avec une de ses sœurs sous un arbre. Elles devisaient gaiement en se racontant leur enfance et les rêves qu’elles avaient dû mettre de côté pour privilégier leur vie de mère. Elles ne regrettaient rien, mais la nostalgie de leur jeunesse passée faisait à certains moments monter de leurs poitrines des soupirs chargés d’émotions.

Une domestique vint annoncer le visiteur et les deux femmes se levèrent pour l’accueillir. Il avait porté une chemise légère de couleur rose pâle et un bermuda beige. Ses babouches du même ton que la chemise donnait l’impression que ses pieds s’allongeaient par les orteils. Il avait porté une casquette aux couleurs de l’équipe de basket-ball des Chicago Bulls et des lunettes noires sur le nez.

Quand il se fut approché, Yaye Fatou et sa sœur lui firent les salutations d’usage, en prenant des nouvelles de sa famille, son travail, sa santé. Quand il bu l’eau apportée par la servante et qu’il se fut assis, elles lui demandèrent les raisons de sa venue.


« _ Comment vas-tu mon fils ? Ca fait longtemps ! Tu ne viens même plus voir ta tante. Tu m’as abandonnée !
_ Ca va Mâ ! Je suis désolé pour mon absence, mais le travail et les autres occupations me prennent beaucoup de temps. Mais, je me rattraperai.
_ Ha ! Bon, c’est rien ! Le plus important est que tu ailles bien. Quelles nouvelles nous apportes-tu ?
_ Il n’y a rien de grave ! Juste que je passais à côté et je me suis dit que je pouvais venir dire bonjour.
_ C’est gentil, merci beaucoup !
_ Ce n’est rien Yaye !
_ Bon, sinon, nous ne sommes que toutes les deux à la maison pour l’instant en plus des domestiques. Les garçons sont sortis avec leur père et Ami est allé essayer ses robes de mariage.
_ De mariage ?
_ Oui !
_ Heeeuu… ! Je ne comprends pas !
_ Elle va finalement se marier. Son fiancé est rentré de voyage. Je pensais que tu étais au courant ?
_ Non Tante Fatou, je ne savais pas.
_ Hum ! Mais, ta mère ne t’en a pas parlé ?
_ Non ! C’est vrai que je ne suis plus beaucoup à la maison ces derniers temps. Je vis maintenant chez moi tout près du centre ville. Je suis maintenant autonome. Je ne voulais plus embêter maman qui s’inquiète trop pour moi.
_ (et aussi recevoir comme tu le veux tes nombreuses conquêtes) pensa pour elle Fatoumata. Mais elle n’en dit rien.
Je suis désolée que tu l’apprennes ainsi. (se tournant vers sa sœur qui les regardait maintenant avec des yeux interrogateurs)
Joël est le fils de l’une de mes bonnes amies ici. Il aide beaucoup Ami quand elle est bloquée dans ses matières scolaires.
_ Ok, d’accord ! Maintenant je comprends mieux. Je me demandais pourquoi il s’intéressait autant à elle.
_ Hum ! Toi aussi, qu’est ce que tu es allé imaginer. »


Joël ne les entendait presque plus. Ses pensées voguaient vers Ami et son mariage imminent. Etait-ce la raison pour laquelle elle ne répondait plus à ses appels ? Elle avait même renvoyé le collier de perles. Maintenant, il comprenait pourquoi. Il sentait son cœur battre à une vitesse effrénée. Il ne connaissait pas le type qui devait l’épouser, mais il avait envie de lui casser la figure. Comment osait-il comme cela venir lui ravir sa douce ? Savait-il seulement ce qu’ils avaient partagé ? En songeant à ses courbes et à son regard apeuré quand il s’était planté en elle, il avait envie de crier.

Il ferait mieux de partir. Il ne voulait pas qu’Ami le trouve là. Il ne savait pas comment il réagirait en la voyant. Finalement, elle était heureuse de se marier. Sinon, pourquoi l’aurait-elle oublié aussi vite ? Tout ceci était de sa faute. S’il n’avait pas succombé au charme de Sandra il en était sûr, Ami n’aurait pas dit oui à son père.


Comme il s’en voulait !

Il prit donc congé et s’en alla vers sa voiture qui attendait le long du mur. Il ferma la porte après avoir prit place, mais n’eut pas la force de démarrer. Ses pieds étaient lourds, aussi pesants que l’était son estomac. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Pourquoi est ce que l’annonce de ce mariage lui retournait autant l’esprit. C’était quand même lui, Joël Demba le tombeur. Il n’en n’avait que faire d’une petite capricieuse qui allait en plus bientôt se marier. Il était sûr que le futur époux était moche. Sinon, pourquoi l’échéance était-elle si proche ?


Il resta là, longtemps sans avoir le cœur à démarrer. Au moment où il se décida enfin, il la vit. Dieu, qu’elle était belle. Le choc avec lequel il constata qu’il en était en réalité amoureux le laissa sans voix. Cette petite qui lui avait offert sa pureté lui avait fait tourner la tête. Il n’en revenait pas. Il était amoureux d’elle. Pour la première fois de sa vie, il avait fallu que cela soit d’une fille qui s’en fichait de lui et qui, de surcroît allait bientôt se marier. Quelle poisse !


Elle portait une robe longue jusqu’aux chevilles. Les bracelets à ses mains firent scintiller ses cheveux quand elle fit le geste de les ramener derrière l’oreille. Quelqu’un l’appela au loin et en tournant la tête, elle vit la voiture de Joël. Ami se figea sur place. Jeneba qui continuait d’avancer ne s’était même pas rendu compte que sa cousine s’était arrêtée. Elle parlait toute seule et se mit à rire aux éclats. Quand elle s'aperçut de l’absence d’Ami, elle se retourna. Puis, elle remarqua que sa cousine regardait vers une voiture et, reconnaissant Joël, elle se dirigea vers lui le sourire aux lèvres.

Arrivée à sa hauteur, elle ouvrit la portière comme si de rien n’était.


« _ Hey, bonjour Jo ! Comment vas-tu ? Ca fait longtemps dit donc.
_ Bonjour Jen, ça va merci et toi ?
_ Tout doucement ! Quelles news ? Tu es passé voir ma couz ? Nous étions faire des emplettes. Tu sais qu’elle se marie bientôt et donc, nous sommes allées faire des courses pour la circonstance. »

Jeneba aimait beaucoup parler. Elle en était encore à expliquer comment les robes étaient belles et le reste de la toilette chère quand Ami lui donna un coup dans l’épaule.
« Jeneba, qu’est-ce que tu fais comme ça ?
_ Quoi !? Aïe ! Et puis, pourquoi tu me frappes ?
_ Mais pourquoi tu restes là à bavarder ? Nous sommes déjà en retard, rentrons ! Yaye et ta mère nous attendent.
_ Hum ! Tu ne vois pas que je parle avec Joël ?
_ (ce dernier saisit l’occasion). Oui, Tu ne vois pas que nous discutons ?
_ Ok, très bien ! Je vous laisse discuter. Jené, moi je rentre. A tout à l’heure !
_ Ho ! Ami, tu ne restes pas ?
_ Non ! Je préfère rentrer. Ciao ! »



Alors qu’elle leur tournait déjà le dos, Joël la saisit par le coude. Elle se détacha avec force et se tournant vers lui, le regarda avec fureur.


« _ Que me veux-tu ? Je ne te permets pas de me toucher.
_ Attends Ami, s’il te plaît ! Laisse-moi-t’expliquer certaines choses.
_ Tu n’as rien à m’expliquer. Tu ne me dois rien. Ni explications, ni rien du tout.
_ S’il te plaît ! Laisse-moi au moins une chance. Je suis là, écoute moi simplement. Je ne serais pas long.
_ Hum ! Non, ça va, merci ! Toi et moi savons que tu n’as rien de bon à dire à part des mensonges à me débiter.
_ Ami ! »

Le ton suppliant qu’il employait commençait à jouer sur la corde sensible d’Aminata. Jeneba qui ne comprenait pas trop ce qui se passait les regardait avec étonnement. Mais, comme sa cousine ne se décidait pas, elle prit les devants :
« _ Bon, écoutez ! Je vous laisse cinq minutes pour vous expliquer « JENESAISQUOI ! » ensuite, on rentre. Joël, j’espère que tu n’as rien fait de grave. Parce que je connais ma couz, elle ne se met pas en colère pour rien.
_ Merci Jeneba ! Je te promets que je vais me dépêcher. Ami, tu montes ?
_ Hum !
_ S’il te plaît ! Je ne serais pas long !
_ Cinq minutes, pas plus !
_ Très bien ! Merci encore Jen !
_ De rien mon avocat préféré ! »

Elle lui fit la bise alors qu’Ami allait prendre place dans la voiture côté passager. Quand il fut monté, Joël démarra. Il venait de décider qu’il voulait prendre le temps de discuter avec elle loin des regards et des oreilles indiscrets. Et surtout, il ne voulait pas que les hommes de sa famille les trouvent là. Ami n’eut d’autre choix que de boucler sa ceinture. Elle ne s’étonna que pendant quelques secondes du fait de ne pas rester sur place. De toutes les façons, elle ne changerait pas d’avis. Et Jeneba trouverait un mensonge à donner pour excuser son absence.

Joël les conduisit chez lui, il voulait être en territoire connu pour lui parler. Et quel autre endroit s’y prêtait le mieux ? Il était à peine quinze heures, il aurait le temps de la ramener avant la tombée de la nuit. Il descendit ouvrir le portail de lui-même. Il n’avait pas encore eu le temps de prendre des domestiques. Ce n’était que tout récemment qu’il avait emménagé et des cartons jonchaient encore le sol. Il alla à la portière aider sa passagère à descendre, mais, Ami lui donna une chiquenaude sur la main et sauta sur le sol.

La marche du range rover était un peu haute pour elle mais, Ami ne voulait pas que Joël pose ses mains sur elle. Il lui tourna donc le dos pour aller ouvrir la porte d’entrée. Sa maison était simple avec trois chambres. Une pour lui, une autre pour des étrangers et la dernière qu’il avait transformée en bureau. Il avait décidé de déménager de chez ses parents depuis le soir où Ami était partie en le haïssant. Richard qui était toujours au pays l’avait aidé à porter des cartons. Son associé l’avait encouragé à prendre son indépendance et lui avait offert un beau stylo avec un manche en or pour signer le contrat de bail.


Ami qui regardait partout sans laisser deviner ce à quoi elle pensait accepta de s’asseoir sur un des canapés ivoire du salon. Puis, Joël alla leur chercher des rafraîchissements dans la cuisine. Quand il revint, il la trouva debout, devant la baie vitrée. Elle regardait des papillons voleter dans le jardin. C’était ce jardin même qui l’avait fait se décider à acheter la maison. L’ancien propriétaire était un européen à la retraite qui était rentré en Grèce. Il avait perdu sa femme il y avait des années déjà et maintenant qu’il avait pris sa retraite, il voulait passer du temps auprès de ses enfants et petits enfants restés au pays.


En l’entendant arriver, Ami se retourna et, ne pouvant s’en empêcher, Joël se dirigea vers elle en quelques enjambées. Il ne pouvait résister à l’attirance qui le poussait vers elle. Après quelques secondes d’hésitation, il se pencha vers elle et vola ses lèvres dans un baiser où il mettait tout son espoir et ses attentes. Puis, il se mit à genoux devant elle et levant le visage, il lui dit :
« Je t’aime Aminata Traoré. Je deviens fou sans toi. S’il te plaît, pardonne-moi ! »

Joël et Ami