Joël et Ami 26 : L’effet boomerang (1)

Ecrit par Dja


Le voyage de noces fut tellement agréable qu’Ami fut triste au moment de rentrer.

 

Son mari avait été aux petits soins pour elle. Devançant ses moindres désirs, la cajolant, lui offrant plus que ce qu’elle aurait pu imaginer. Ils avaient passé le temps à faire connaissance plus intimement, à aller en excursion et à se promener sur le sable fin de la plage à l’hôtel « La Baie des tortues » où ils avaient loué un bungalow.

Son seul regret fut de ne pas pouvoir assister à la ponte des tortues luths qui ne pondaient qu’entre novembre et février. Le troisième soir, alors qu’ils marchaient le long de la plage, ils entendirent au loin des singes et des éléphants. Aminata quoi qu’enchantée préférait rentrer. Elle craignait de faire une mauvaise rencontre avec l’un ou l’autre de ces animaux sauvages. Abou se moquait d’elle :

« _ Je ne te savais pas aussi peureuse.

_ C’est ça oui ! Quand un éléphant va te piétiner, tu sauras que j’avais raison. Au lieu de me remercier de te sauver la vie, tu te moques. Faux Tarzan và!

_ Oh ma Jane ! Viens, moi Tarzan ! Moi, pas peur des animaux. Moi te sauver si eux arriver. »

Elle se mit à rire.

 

Abou était heureux de la voir aussi pleine de vie. Il commençait à connaître certaines de ses habitudes. Comme par exemple qu’elle se pinçait le nez lorsqu’elle réfléchissait. Ou encore, qu’elle relevait ses cheveux lorsqu’elle était embarrassée.

Le lendemain, ils se rendirent au marché artisanal à Libreville. A l'hôtel, Aminata avait fait la connaissance d’une jeune femme, elle également mariée récemment, qui lui avait parlé d’une certaine « pierre de Mbigou ». La femme lui avait parlé de la sculpture d'un tableau représentant un couple.

Le soir, ils rentrèrent éreintés, mais contents de leur découverte de la capitale politique et administrative gabonaise. Il n’y avait pas trop de différence avec Dakar, en dehors de l’accent traînant des librevillois qui avait amusé Aminata. Elle avait fait de bonnes affaires au marché et avait acheté des petits cadeaux pour tout le monde au pays.

 

Alors qu’ils regardaient un film à la télévision, Abou se leva brusquement :

« _ J’ai faim !

_ Mais, on vient de terminer un repas gargantuesque. Comment peux-tu encore vouloir manger ?

_  Si, si ! J’ai très faim, mais d’autre chose. (il la regardait avec des yeux qui en disaient long)

_ Tu ne penses vraiment qu’à ça dis donc.

_ Et alors ? Quand on est marié à une femme aussi séduisante et extraordinaire que toi, c’est normal.

_ Espèce d’obsédé ! »

 

Mais, lorsqu’il se déshabilla en mimant maladroitement le jeu d’un strip-teaser, Ami le rejoignit dans son obsession. Le lendemain, le service de nettoyage trouva une chambre impeccable qui ne traduisait pas le chantier qu’ils avaient fait au cours de la nuit.

 

L’après-midi, ils suivirent un guide qui leur fit découvrir une autre partie de l’île. Ils s’amusèrent à ramasser des coquillages. Ils visitèrent le parc national de Pongara et allèrent à la rencontre des baleines un peu plus loin sur l’océan. Le skipper leur racontait des anecdotes sur le lieu et aussi, sur certains voyageurs qui les avaient précédés. Il leur avait précisé être natif du sud du Gabon, dans une ville nommée : Mouila. Souvent à cette période, il y allait en vacances avec sa famille. Mais, cette année, sa deuxième femme avait accouché de leur huitième enfant. Il avait donc renoncé à aller se reposer, préférant se faire encore un peu plus d’argent, tandis que ses épouses et les enfants étaient allés dans les familles respectives de chacune.

 

Alors que le soleil commençait à descendre, Abou alla louer un jet-ski. Il voulait passer un moment seul avec sa femme, loin des regards et de l’agitation des vacanciers. Trouvant un point de chute, ils accostèrent sur une plage vide.

Ami plongea dans l’eau et fit plusieurs brassées alors que son mari la regardait faire. Amusée par le spectacle qu’il donnait avec son chapeau de cow-boy et ses lunettes de soleil, elle l’invita à le rejoindre. Ils s’amusèrent comme des enfants et coururent s’allonger dans le sable après avoir fini de patauger.

 

D’autres voyageurs arrivèrent ensuite et, n’étant plus seuls, ils conclurent de rentrer à l’hôtel. Alors qu’ils descendaient de leur embarcation, Ami jeta de l’eau sur Abou qui s’était rhabillé alors qu’elle était restée dans son maillot de bain deux-pièces vert, coupé par un paréo. Elle lui tira la langue et s’enfuit en riant vers leur hôtel. Abou lui laissant quelques mètres d’avance la poursuivi et la rattrapa avant qu’elle n’atteigne leur bungalow. Il la souleva sur son épaule et courut avec elle tandis qu’elle essayait de se dégager et la reposa délicatement  sur le sol. Ils décidèrent finalement que le jour n’était pas tout à fait couché et qu’ils feraient la course en quad jusqu’à un point éloigné.

Ils se retrouvèrent dans un coin isolé. A cette heure, ils étaient sûrs de ne pas être dérangés. Abou l’invita à descendre et ils regardèrent ensemble le réveil de la lune. Ils avaient avec eux un talkie-walkie emprunté à l’hôtel. En cas de problème, ils seraient facilement joignables.

 

Alors qu’Ami s’était allongée sur un pagne qu’elle avait étalé sur le sable, Abou se pencha au dessus d’elle et, la maintenant au sol, il plongea ses yeux dans les siens. Ses doigts courraient le long de son cou, de sa poitrine, de ses hanches. Ami n’en revenait pas. Depuis leur arrivée, il n’avait eu de cesse de lui montrer combien il avait envie d’elle. C’était un amant merveilleux qui lui donnait tellement de plaisir et lui apprenait des danses qu’elles n’auraient jamais pu imaginer.

Abou dégrafa le soutien de son maillot et pressa son visage entre les deux monts de sa poitrine. Malgré son envie de se soustraire à son contrôle, elle se laissa faire. Il avait noué ses mains au dessus de sa tête, à l’aide d’une liane qu’il avait ramassée non loin de là.

 

Ami était sa prisonnière. Pourtant, elle pouvait à tout moment dénouer les attaches. Mais déjà, son cœur se soulevait au rythme de l’excitation qui montait au fur et à mesure des caresses de plus en plus osées de son mari. Elle vivrait ce moment intensément. Elle ferma les yeux.

 

La langue et les lèvres d’Abou travaillaient à la faire frissonner et gémir de plaisir tandis qu’elle sentait la pointe du désir exacerbé par ses mains expertes. Il la faisait onduler telle une danseuse berbère, grâce à ses doigts qu’il introduisait dans sa moiteur intime. Elle poussait des gémissements qui petit à petit, la désinhibaient de la timidité du début de leur voyage.

 

Ouvrant les yeux de surprise, elle se cambra en sentant l’haleine chaude de son amant sur son pubis puis, sur ses lèvres gonflées. Abou instilla la pointe de sa langue sur le bouton de sa féminité et le mordilla délicatement. Ami sentit la montée de l’orgasme. La langue d’Abou la rendait folle.

 

Elle cria de plaisir et en redemanda encore et encore. Abou ne se fit pas prier. Il voulait lui donner beaucoup plus. Pinçant un mamelon d’une main, il plongea deux doigts en plus de sa langue dans son vagin. Elle se cambra à nouveau en criant son nom. Alors, se hissant au dessus d’elle, Abou se perdit entièrement dans sa moiteur, allant et venant au rythme d’une danse connue d’eux seuls. Aminata était au bord de l'implosion. Le plaisir qu’elle ressentait lui donnait des picotements allant des pieds à la tête. Abou se sentait merveilleusement bien.

 

Lui non plus n’aurait pas imaginé une amante aussi formidable. Aminata ondulait et rendait à son mari le plaisir qu’il lui offrait. Elle avait réussit à briser les liens qui la retenaient et enserrait à présent fermement les fesses d'Abou dans lesquelles elle planta ses ongles. Abou frissonna allègrement. Il lui lécha la pointe des seins tel un chaton assoiffé et agrippa la masse de ses cheveux dans une de ses mains. Puis, il mit une main sous sa gorge et maintenant son menton levé vers lui, il lui susurra :

« Regarde-moi darling ! Je veux voir dans tes yeux combien je te rends heureuse. »


Ami ouvrit les yeux. Elle pouvait lire dans le regard de son mari le maelström d’émotions qui le traversaient. A cet instant précis, elle su qu’elle était perdue. Elle comprit qu'elle était amoureuse de cet homme à qui elle avait dit oui devant les hommes, devant Dieu et en elle-même. Elle était liée à lui pour le restant de sa vie.

 

Abou la regardait avec une passion sauvage mêlée de tendresse. Son cœur battait à tout rompre. Ne pouvant plus se contenir, il se laissa consumer par la vague de plaisir qui finit par se déferler en sa femme. Comme elle était merveilleuse avec les cheveux épars et la bouche gonflée. Elle était d’une beauté si sauvagement exquise qu’il se sentit perdu à son tour. Les yeux de sa femme étaient maintenant deux grands puits noirs dans lesquels il était prêt à se noyer tous les jours. Il su à cet instant qu’il était fou d’elle. Aminata Traoré l’avait envoûté.

 

Au même moment, il s’arcbouta. Il était arrivé au point culminant de ce qu’il attendait. Il se laissa aller et cria son nom. Ami le rejoignit dans le tourbillon de l’ivresse. Abou se versa en elle tandis qu’elle plantait ses ongles dans son dos. Des larmes de plaisir roulèrent sur ses joues. Abou les lécha tendrement.

 

Pendant plusieurs secondes encore, elle sentit battre au-dedans d’elle le membre d’Abou qui se vidait. Epuisé, il se coucha sur le côté en passant un bras en dessous d’elle et l’attira à lui. Tout doucement, il ferma les yeux.

 

Ami entendait le ressac de l’eau pas très loin des deux gros rochers qui les cachaient des regards indiscrets. Elle se sentait bien, elle était satisfaite. Elle se mit à regarder son amant et passa un doigt sur les contours de son visage. Comme il était beau ! Elle remercia intérieurement son père qui lui avait choisi un aussi beau parti. Il était à la fois tendre, doux et farouche. Elle l’avait vu à l’œuvre avec Joël. Elle savait qu’il saurait prendre soin d’elle et la défendre en cas de danger.

 

Ami posa ses lèvres sur les siennes. Abou ouvrit les yeux et la serra dans ses bras :

« _ Hum ! C’était exquis !

_ Tu m’as donné beaucoup de bonheur Sama mbëggël [1]

_ Répète s’il te plaît ! Je n’ai pas bien entendu.

_ Tu m’as comblée de bonheur.

_ Non ! Pas ça. Même si je sais que je suis performant (il lui pinça un mamelon et se mit au dessus d’elle) Comment m’as-tu appelé ?

_ Quoi !? Je ne sais pas, je ne comprends pas trop (un sourire dans la voix)

 _ S’il te plaît ! (Et il lui lécha l’autre mamelon). »

 

Ami sous l’effet de la surprise se cambra. Elle sentit le sexe durci de son mari frôlant l’ouverture de son jardin secret qui s’humidifia à nouveau et, se mit à onduler sous lui. Elle prit son visage et captura ses lèvres dans un baiser langoureux. Chuchotant plus que de raison, elle le supplia d’éteindre le feu qui reprenait en elle. Sans se faire prier plus, Abou la pénétra d’un coup sec. Ami ouvrit encore plus grand les yeux et enroulant les jambes autour de lui, se mit exécuter une danse à laquelle ils s’accordèrent.


Tout d’un coup, Abou se retira. Ami fronça les sourcils et ouvrit ses yeux fermés par le plaisir :

« _ Pourquoi tu t’arrêtes ? (lui demanda t-elle dans un souffle)

_ Appelle-moi comme tu l’as fait précédemment.

_ Oh, s’il te plaît, continue, je le ferais !

_ Non ! J’attends, sinon, tu n’auras rien ! »

 

Il fit mine de se relever. Mais, elle lui planta les ongles dans le dos et dans un murmure, s’exécuta :

« _ Sama mbëggël !

_ Encore s’il te plaît ! J’aime t’entendre m’appeler ainsi. Désormais, je souhaiterais que tu le fasses toujours darling. Tu me rends fou !

_ Sama mbëggël »

 

La voix d’Ami n’était plus que murmure dans l’air marin. Avec un râle de mâle fou et satisfait, Abou la retourna avec douceur et plaqua ses mains sur sa cambrure. Puis, attrapant la masse de cheveux d’une main, il tira sa tête en arrière. Elle était maintenant à califourchon et en redemandait encore.

Abou était agréablement étonné de la voir ainsi prête à l’accueillir à nouveau en plus de tout ce qu’il lui avait déjà fait. Sans plus attendre, il s’introduisit en elle en poussant un grognement rauque. Aminata était si moite qu’elle en ruisselait de plaisir :

_ Oh oui, c’est si bon sama mbëggël. Encore, encore, encore ! Ne t’arrête pas ! »

 

Elle laissa échapper un hoquet de surprise, et s’immobilisa en sentant le sexe de son mari s’enfoncer de plus en plus fort au-dedans d’elle. Elle cria plusieurs fois son nom. Une myriade d’émotions la traversait tandis qu’elle était prise de frissons qui parcouraient tout son corps. Elle jouit alors qu’Abou était totalement imbriqué en elle. Puis, sentant également l’orgasme arriver, il lui donna un dernier coup de butoir et la rejoignit tandis que son jus coulait en elle, se mêlant à celui de sa femme.

 

Ils rentrèrent épuisés à leur hôtel alors que la nuit étoilée avait fait son apparition depuis des heures. Ami s’endormit tout de suite après qu’il leur ait fait couler un bain dans lequel, ils continuèrent d’inventer des jeux qui l’auraient fait mourir de honte si sa mère en connaissait seulement la moitié. Quelques minutes plus tard, Abou la retrouva sous la couette et profitant de son sommeil, il lui murmura :

« Yakar naa ni ma ngi ley bëgg nopp [2] Aminata Traoré. Fais de beaux rêves ! »


Deux jours plus tard, alors que la veille, ils avaient fait leurs bagages, , Ami se réveilla en sueurs. Elle venait de faire un rêve dans lequel elle se revoyait les vêtements tâchés de sang et entendait une voix lui crier qu’elle n’aurait jamais d’enfant.

Elle se retourna et vit son époux qui souriait dans son sommeil. Ils rentraient au pays dans quelques heures.

 

Ami alla prendre une douche. Elle passa longtemps le jet d’eau sur sa tête, comme pour enlever ces idées noires qui venaient obscurcir ce séjour idyllique. Puis, elle descendit sur la terrasse, des lunettes noires et rondes qu’ils avaient achetées à leur arrivée à Libreville sur le nez, un chapeau blanc sur la tête. Elle avait porté un short tout aussi blanc avec des sandales vertes. Un débardeur d’un vert turquoise complétait le haut de sa tenue. Abou la trouva plus tard, le visage caché sous un journal, allongée dans un hamac, en face de la piscine. Voyant la trace de sillons sur ses joues, il su qu’elle avait pleuré :

« _ Qu’y a-t-il darling ? Pourquoi pleures-tu ?

_ Ce n’est rien ! N’en parlons pas.

_ Mais, si, dis-moi ce qui ne va pas. C’est au pays, as-tu reçu une mauvaise nouvelle ?

_ Non ! Ce n’est rien, ne t’en fais pas ! (fuyant son regard, elle prit le journal qu’il avait ôté de son visage) Je lisais seulement le journal et, un article m’a attristé. Ce n’est rien ! Passons à autre chose veux-tu ? »

 

Abou n’insista pas. Il se doutait bien que quelque chose de plus important la tracassait. Il commençait à bien la connaître. Ils en rediscuteraient plus tard se promit-il in-petto. Pour l’heure, il voulait qu’ils profitent des dernières heures qui leur restaient avant de rentrer chez eux.

 

A leur retour, ils retrouvèrent Brahim qui les attendaient à l’aéroport Blaise Diagne. Il prenait également l’avion ce jour au bras d’une jeune femme qu’il avait rencontré à la mairie, le jour du mariage des tourtereaux. Après avoir fait connaissance et pris des nouvelles, ils se séparèrent. Tandis que les uns montaient dans un avion, les autres prenaient un taxi qui les conduisit directement chez eux. Ami savait que sa mère était passée leur déposer les plats entreposés dans le congélateur. Yaye Fatou avait pensé que sa fille n’aurait pas l’énergie nécessaire pour s’occuper du repas de son mari aussitôt leur retour. Ami lui envoya un message pour la remercier.

 

Quelques jours plus tard, la mère et la fille se retrouvèrent en ville puisque désormais, Aminata vivait à Dakar. Oumar avait demandé à sa femme de laisser leur fille s’habituer à sa nouvelle vie d’épouse et de ne pas intervenir de trop dans son quotidien. Mais, Ami avait besoin de sa mère. Dans quelques temps, elle irait en Norvège. Et, depuis qu’ils étaient rentrés de voyage, le jeune couple baignait dans un bonheur qu’Ami était loin de ressentir totalement.

 

Les deux femmes étaient assises à la terrasse d’un café. Il faisait chaud en cette période estivale. Il était facile de reconnaître les personnes qui vivaient au pays et, celles qui étaient là pour des vacances. Ami souriait en entendant l’accent des jeunes sénégalaises qui voulaient se faire passer pour des occidentales. Elle, bientôt en ferait partie. Elle avait enfin atteint l’un de ses buts dans la vie et aurait été totalement comblée si seulement elle n'avait pas ce poids sur le cœur. Un mois après son mariage, elle avait besoin de s’épancher auprès d’une personne qui saurait la comprendre et lui prodiguer de bons conseils.

 

Yaye Fatou qui n’avait pas revu sa fille depuis plusieurs semaines la regardait fièrement. Comme sa petite Aminata avait bien changé. En un an, après être passée par des épisodes tous aussi difficiles qu’heureux, elle avait agréablement mûri. Même son mari s’accordait à le reconnaître. Leur fille n’était plus cette écervelée qui n’en faisait qu’à sa tête. Depuis son hospitalisation, elle était différente et, leur vie à tous en avait été changée.


Aminata s’était levée pour aller commander d’autres boissons au bar. Il était quatre heures de l’après-midi. Ses parents rentraient également de voyage. Ils avaient profité de son voyage de noces pour accompagner ses frères aux USA et faire une excursion en amoureux dans des îles espagnoles. Elle se rendait compte combien cela était positif pour sa mère qui rayonnait. Yaye Fatou était à nouveau posée et cela se voyait. Elle revint vers sa mère en reprenant la conversation interrompue quelques secondes plus tôt :

 

« _ Non Yaye ! Bébé Fanta est l’enfant la plus capricieuse que je connaisse. Vous la gâtez trop Baye et toi.

_ Hum, ma fille ! Non, on ne la gâte pas ! C’est seulement que c’est notre dernier bébé. Après elle, je n’aurais plus d’enfant. Nous profitons encore d’elle, c’est tout. Tu verras, quand tu auras des enfants à ton tour, tu comprendras. »

 

Sa mère finissait seulement sa phrase que le visage d’Ami se décomposa. Elle faillit en lâcher la soucoupe qu’elle tenait dans une main. Fatou la regarda avec étonnement. Des larmes s’étaient mises à couler sur le visage de sa fille :

« _ Qu’y a-t-il mon bébé ? Je suis désolée, je ne voulais pas te faire pleurer. Tu n’es pas jalouse de Fanta au moins ? Si !? C’est cela ?

_ Non Yaye, ce n’est pas ça. J’aime beaucoup Fanta, c’est un amour. Ne t’inquiète pas. Cela n’a rien à voir avec elle. D’ailleurs, il est temps que je te dise pourquoi je voulais que l’on se voit aujourd’hui. »

 

Ami prit le temps de souffler et invita sa mère à aller marcher sur la plage. Elles payèrent l’addition sans terminer leur commande, et prirent le chemin sablonneux face à elle. Ami aimait beaucoup cette partie de la ville. Quand elle était triste ou avait envie d’être seule, elle venait là se cacher du monde. Sa mère qui aimait également la plage enleva ses chaussures et laissa filer à travers ses doigts manucurés le sable fin.

 

Au bout de plusieurs minutes durant lesquelles Ami lui expliquait les raisons de leur rencontre, elle s’arrêta en face de sa fille et la prit dans ses bras, le visage à son tour baigné de larmes. Aminata venait de lui annoncer qu’elle n'aurait jamais d’enfants. La veille, elle était allée à la consultation gynécologique mensuelle prescrite depuis son accident. Elle avait passée une batterie de test depuis sa sortie de la clinique, mais le verdict était tombé. La balle tirée par Oumar avait fait trop de dégâts. Comme les médecins s’en étaient doutés depuis le début, Ami avait été touchée trop bas et son utérus n’avait pu être sauvé. Le traumatisme était trop important.

 

La mère impuissante comprit pourquoi sa fille d’ordinaire plus joviale l’était moins depuis son retour du Gabon. Elle se mit à en vouloir à son mari, mais Ami devinant ses pensées la supplia de se calmer. Elle ne voulait pas revoir ses parents se déchirer par sa faute. Elle réussit tant bien que mal à rassurer sa mère et, le soir venant, chacune regagna son foyer. Avant de s’en aller, Fatou serra très fort sa fille dans ses bras. Elle espérait que la situation s’améliorerait. les miracles existaient bien.

 

Yaye Fatou décida que le lendemain, elle irait voir son beau-fils. Mais, Ami ne voulait pas en parler à son mari pour l’instant. Elle fit promettre à sa mère de ne rien dire de son secret à personne. Elle voulait partir le cœur tranquille pour ses études. Elle craignait tellement que son mari ne la répudie ou qu'il aille chercher dehors cet enfant qu’elle ne lui ferait jamais s’il était au courant de sa stérilité. Le cas de Tanta Coumba lui revenait en mémoire et, elle ne voulait pas subir les affres de la honte, tout de suite après avoir commencé à vivre le bonheur auprès de cet homme bon et patient qu’elle commençait à connaître et à aimer. De même, elle avait trop vu sa mère souffrir des infidélités de son père. Elle doutait d’être capable de supporter cela avec autant de philosophie que Yaye Fatou.

 

Plusieurs semaines plus tard, Ami s’envola pour Genève. Abou avait souhaité l’y accompagner. Mais, elle l’en avait dissuadé. Il était déjà suffisamment difficile pour elle de lui dire au revoir ici. Elle ne voulait pas se sentir abandonnée là-bas après qu’il n’ait fait sur place qu’un court séjour. Abou lui promit de faire tout son possible pour prendre des congés afin de la rejoindre assez rapidement. Quand elle se retourna pour la dernière fois, levant la main avant de se perdre dans le couloir la menant dans l’avion, son mari sentit son cœur se serrer, alors qu’à côté de lui, les familles et les amis dont Tanta Coumba et Yaye Fatou, faisaient couler quelques larmes. Son téléphone se mit à vibrer dans sa poche et il lut le message qui lui ramena un sourire :

« Sama dieukeur[3], bëgg na la ci suma xol. Sama mbëggël ».

 



[1] Mon amour

[2] Je crois que je suis tombé amoureux de toi

[3] Mon mari, je t’aimerai jusqu’à la fin de nos jours

Joël et Ami