Joël, retour au bercail.
Ecrit par Dja
Après la mort de Marlene, Joël s'absenta pendant 2 semaines.
Il se fit porter malade. Il s'étonna d'ailleurs lui-même d'être aussi touché. Il ne se doutait pas de ressentir des sentiments aussi forts pour elle. La disparition de son amante le toucha beaucoup plus qu'il ne s'en serait douté. Richard qui connaissait la véritable raison de son mal fit semblant de croire en cette maladie et alla même jusqu'à lui accorder des jours de plus pour pouvoir se reposer. A son retour, alors que Joël n'avait pas été à l'enterrement de Marlene, Richard le fit appeler dans son bureau : « _ Comment vas-tu mon cher ami ? J'espère que tu t'es bien reposé.B Bonjourd’abord ! Excuse-moi, je manque à la plus grande des politesses. _ Bonjour Richard ! Ça va mieux merci. Encore désolé de n'avoir pas pu être là pour l'enterrement. Je n'avais pas encore récupéré. Je ne sais pas comment tu fais pour venir travailler. _ Tu sais Joël, seul le travail m’aide à aller bien. C’est comme un médicament. A la maison, tout respire Marlene. Elle me manque beaucoup ! Je l’aimais énormément tu sais ! » Il prononça ces dernières paroles d’un ton qui fit sursauter Joël. Se doutait-il de quelque chose ? Non ! Bien sûr que non ! Il était juste marqué par le chagrin. Après cet échange, les deux collègues se mirent à parler travail. Richard voulait revoir certains dossiers et ils devaient le faire ensemble. Ils prirent une pause alors que la journée était presque finie. C’était l’occasion qu’attendait Richard. Il fit appeler le reste de l’équipe : sa secrétaire personnelle, celle affiliée aux autres, les trois autres avocats du cabinet et même la femme de ménage qui passait par là. Il fit asseoir tout le monde autour de la table de réunion. Et attendit qu’ils soient tous installés. Le bureau de Richard était vaste et au milieu, il y avait une table ovale qu’il utilisait pour discuter avec d’autres collaborateurs ou clients. Dans un coin, il y avait un réfrigérateur et un four à micro-onde. Il n’avait pas souvent le temps de rentrer chez lui, et il remplissait toujours le frigo. Faisant attention à son hygiène de vie, il apportait ses repas depuis chez lui ou se faisait livrer par une enseigne spéciale. Lorsque tout le monde se fut assis, il se dirigea vers le réfrigérateur et en sorti deux bouteilles de champagne. Les autres étaient étonnés, que célébraient-ils ? C’était quand même bizarre pour une personne qui venait de perdre sa femme. Richard se mit à leur servir. Il insista pour le faire lui-même auprès de la femme de ménage qui se sentait gênée d’être assise là. Ensuite, il leur annonça : « Je sais que vous vous demandez pourquoi tout ceci. Hé bien, je ne vais pas vous faire languir plus longtemps. A partir d’aujourd’hui, Joël ici présent est mon associé. Il a travaillé dur pour y arriver et je sais que c’est un projet qui lui tenait à cœur. Toutes mes félicitations, partenaire ! » Joël qui ne s’y attendait pas en resta bouche bée. Il était interloqué par cette nouvelle. Lui qui avait pensé depuis son absence que la mort de son amante mettait désormais fin à son rêve de partenariat avec le cabinet. Il ne savait quoi dire. Richard s’avança vers lui et lui donnant la main pour le féliciter, il le prit dans ses bras avec un grand rire. Les autres se levèrent et tous burent à sa santé et à son nouveau statut. Puis, ils lui demandèrent de dire quelque chose. Joël était toujours aussi ébahi. Mais, se reprenant, il trouva les mots justes. « _ Merci beaucoup Richard ! je ne sais quoi dire d’autre. C’est vraiment une surprise agréable. Si j’avais su (il le rajouta avec une pointe d’humour), je me serai habillé en costume cravate. _ Mais non mon cher ! il n’y a pas à me remercier ainsi (répondit Richard.) C’est grâce à ton travail et ton acharnement que tu es parvenu à me faire flancher. Bien sûr, il est vrai que ma situation actuelle est compliquée. Mais, ça va. D’ailleurs, c’est grâce à elle (si j’ose) que je me le permets. Je me suis aperçu que j’ai un grand besoin de vacances. J’ai décidé de prendre quelques jours pour aller retrouver mes enfants et passer du temps avec eux. J’irais en fin de semaine en Italie avec eux. Ils ont quelques jours de vacances et je crois que cela nous fera du bien de sortir du pays. _ Merci encore mon ami ! » Les autres le félicitèrent également. La semaine passa vite et Joël qui connaissait tous le clients même intimes de Richard n’eut aucune difficulté pour remplacer. Les termes de son nouveau contrat stipulaient qu’il était désormais associé à « RICH & MAR COURTIER ». Il n’avait aucune part dans la société, mais il pourrait au moment de son départ compter sur l’appui de Richard pour s’installer au Sénégal. Il garderait certains clients et associerait le cabinet de son père à celui de son mentor. L’accord passé, Richard pris donc les jours de congé dont il avait besoin et pendant deux semaines, il fut absent du bureau. Pendant ce temps, Joël s’organisa pour faire marcher le cabinet avec ses autres collègues. C’était un très bon avocat. Malgré ses dehors de gigolo, il faisait du bon travail et n’avait jamais perdu un procès. Depuis trois ans que Marlene l’avait recommandé à Richard, ce dernier avait toujours été satisfait de son travail. Joël en effet apprenait vite et avait déjà à son affectif une vingtaine de cas gagnés. Il s’était spécialisé dans les divorces et crimes conjugaux. Une fois, il avait même défendu un ministre qui s’était fait prendre dans un hôtel avec une mineure escorte-girl. Le ministre était donc poursuivi pour « détournement de mineur et utilisation des services d’une prostituée ». Les journaux s’étaient emparés de l’histoire et on ne parlait plus que de ça dans le pays. Alors que l’affaire semblait perdue, Joël avait réussi à apporter la preuve que la fille s’était faite passer pour une adulte avec une pièce d’identité trafiquée au marché noir. Il avait soudoyé la jeune femme qui avait accepté de raconter finalement cette version en contrepartie d’une somme rondelette que le ministre lui avait versée. Au final, les charges retenues contre lui furent simplement abandonnées. Plusieurs mois étaient passés depuis la nuit tragique où Marlene avait trouvé la mort. Le mois de décembre arrivait et Joël devait enfin rentrer définitivement chez lui. Il s’était préparé pour partir et avait fait ses adieux au cabinet où une réception avait été donnée en son honneur. Certains collègues étaient sincèrement désolés de son départ. D’autres au contraire voyaient là une possibilité d’évolution. Ils pourraient enfin espérer une place plus importante au cabinet. Car, depuis sa nouvelle position, Richard et Joël s’étaient rapprochés. Ils travaillaient désormais ensemble sur les dossiers les plus sensibles et il pouvait même arriver que la nuit les trouve au domicile du quadragénaire. Le jour du départ était arrivé. Dans quelques heures, Joël prendrait l’avion pour le Sénégal. Ses parents l’attendraient à l’arrivée. Enfin, il se sentait prêt. Tout avait été bouclé et son père qui au début était réticent à l’idée de collaborer avec un étranger à distance s’était finalement laissé convaincre par les deux associés. Richard avait reçu M. Ismaël alors que celui-ci était venu pour un contrôle chez son cardiologue. En effet, il souffrait de problèmes cardiaques et préférait recevoir des soins auprès d’un médecin de renom. N’avait-il les moyens suffisants pour le faire ? Les trois hommes avaient donc profité de son séjour pour finaliser l’accord et désormais, les cabinets DEMBA et RICH & MAR COURTIER étaient associés. Richard accompagna lui-même Joël à l’aéroport. Ce dernier malgré l’excitation liée à sa nouvelle vie ressentait tout de même de la tristesse à l’idée de quitter la France. Il y était resté cinq ans. Au moment de se dire au revoir, Richard le pris dans ses bras en lui promettant qu’il se reverrait bien assez vite. Il comptait se rendre au Sénégal pour disait-il « manger africain du terroir ». Il avait pris un accent africain qui fit éclater Joël de rire. Cela réussit à faire tomber la tension et c’est le sourire aux lèvres qu’il prit l’avion de retour. Il était enfin heureux ! heureux de cette vie qui s’offrait à lui. A 26 ans, il avait déjà réussi là où bien d’autres commençait seulement. Et dans un an ou deux, si tout se passait comme prévu, il serait directeur de son cabinet d’avocat personnel. Il voulait représenter tous ces grands hommes d’affaire qui se laissaient éclabousser par des histoires retorses. Il se voyait déjà dans son bureau avec un compte bancaire bien rempli. Il se retourna pour faire un dernier signe de la main à son Mentor et pris le couloir qui le menait à son avion. Son père avait chargé un de ses amis de lui prendre un billet en 1ère classe sur un vol de « AIR France ». Son fils revenait au bercail. Son héritier rentrait enfin à la maison. De son côté, le sourire que lançait Richard était rempli de haine. Si Joël l’avait vu, il se serait agenouillé pour implorer son pardon. Il aurait supplié pour qu’il renonce à son projet. Mais, les dés étaient jetés. Le jeune avocat était déjà dans l’avion en train de siroter son verre de champagne, alors que Richard rentrait chez lui avec des idées aussi noires qu’était devenu son cœur, depuis cette nuit fatidique où il avait poussé sa femme du haut de la fenêtre.