Ami et Joël, la rencontre (1ère partie)
Ecrit par Dja
A peine Joël venait-il de fouler le sol de sa terre natale que son cœur fit une embardée dans sa poitrine. Il était si heureux de rentrer chez lui que rien n’aurait pu détruire son bonheur aujourd’hui. Le soleil doux en cette période de l’année rajoutait encore à son bonheur.
Sa famille était venue à l’aéroport: son père, sa mère, ses oncles et tantes, ses 2 frères et sa petite sœur. Quel accueil ! Il était attendu comme un roi qui rentrait de vacances. Les voitures qui attendaient au parking qu’il ait fini de récupérer ses bagages avaient pris la direction du domaine familial qui se trouvait à une borne de Saly.
Joël avait choisi de rentrer précisément à cette période de l’année car le temps était d’une fraîcheur presque semblable à celle qu’il avait connue en France. Comme il était heureux d’être enfin chez lui. La mer pas très loin, la plage, les cocotiers et palmiers, tout cela lui avait manqué. La spontanéité des gens à venir vers vous. L’amabilité et le respect des aînés, autant de chose qui lui manquaient depuis son départ. Son père avait insisté sur le fait qu’il ne devait revenir qu’après avoir terminé avec ses études et son contrat auprès de Richard. Il ne voulait pas qu’il se laisse distraire par la vie au pays. Rien ne devait venir perturber les plans qu’il avait pour son fils. Ce dernier ne devait revenir qu’après avoir tout réussi en Occident et ensuite seulement il pourrait rentrer. Ce que Joël avait fait. Quelques jours plus tard, une fête fut donnée en son honneur. On célébrait le retour du fils prodige et toute la famille. Les cousins et cousines, les amis et même certains passants qui avaient réussi à entrer étaient là. Le soir, la fête battait son plein. Tout le monde était heureux et enfin, arriva la famille d’Ami. Elle était belle dans un ensemble vert avec un voile qui lui couvrait le dessus de la tête. Fatoumata sa mère avait spécialement choisi ses vêtements, car elle voulait que Joël soit tout de suite sous le charme de sa fille. Et ses espoirs ne furent pas vains. Ismaël les voyant arriver alla à leur rencontre : « _ Comment allez-vous mes amis ? Oumar, comme je suis heureux de te revoir. _ Bonsoir mon ami ! Cela fait quelques jours en effet. Comment vont les enfants ? La famille ? _ Ca va, tout le monde se porte bien ! Et de ton côté ? _ Moi ça va ! (…) » Les salutations d’usage se firent donc et les mères prirent le relais. Elles étaient également heureuses de se revoir. Pourtant, elles restaient en contact plus souvent que leurs maris. Depuis l’annonce du retour de Joël, elles échafaudaient des plans en tout genre pour que leurs enfants se fréquentent. Mais, elles savaient que leurs maris ne seraient pas contents d’apprendre qu’elles complotaient derrière leur dos, en particulier Oumar. Elles étaient toutes les deux dans l’arrière cour à rire aux éclats quand Joël vint les retrouver : « _ Bonsoir Mesdames ! Yaye (maman) ! Baye (papa) vous attend. _ Bonsoir mon fils (c’était Fatoumata). Comment vas-tu ? _ Ca va bien merci Tanta Fatou. _ Viens, je vais te présenter ma fille. (se tournant vers Ami) Viens dire bonjour à Joël. » Aminata se leva et vint saluer le saluer. Ce dernier s’attendait à ce qu’elle baisse le regard, comme le voulait la coutume. En effet, cela était mal vu qu’une jeune fille ou une femme pas encore mariée regarde un homme dans les yeux. De même, elle devait se tenir à une distance respectable d’un homme qui n’était pas de sa famille. Seulement, Ami n’était pas de ces filles-là. Elle lui répondit donc : « _ Bonjour Joël. Je suis bien heureuse de te connaître enfin. Tout le monde parle trop de toi. _ Ha bon !? (il était un peu décontenancé par son effronterie) Et que dit-on ? _ Rien d’intéressant ! (se tournant vers sa mère) Yaye, on y va ? » Sa mère ne s’attendait pas à l’entendre parler ainsi. Elle fronça les sourcils et regardant son amie, elle secoua la tête et lui prenant la main, elles allèrent retrouver les autres convives. Toute la semaine elle avait expliqué à sa fille qu’elle espérait qu’elle ferait bonne impression auprès de Joël. Elle ne voulait pas que d’autres filles lui mettent la main dessus. Elle se voyait déjà en train de célébrer les noces des deux jeunes. Ses rêves n’avaient eu pour effet que d’agacer Aminata. Celle-ci ne voulait pas se marier avec lui. Elle avait d’autres plans et ne se voyait pas épouser quelqu’un avant longtemps. Et surtout pas lui. Elle avait appris des choses et ce qu’elle savait ne l’encourageait pas à entamer une relation avec ce garçon. Alors que tout le monde avait fini de manger et que la musique faisait se mouvoir les plus courageux sur la piste. Joël se mit à la recherche d’Aminata. Elle était assise avec d’autres jeunes filles en train de se moquer gentiment et papoter sur les garçons. Il vint là et leur demanda de les laisser seuls. Ils étaient derrière la maison et leurs pères ne pouvaient les voir. En riant sous cape, les autres filles s’en allèrent. Ami feignant de s’en aller, Joël la retint par le bras : « _ Attends ! Où vas-tu ? Je peux te parler ? _ Que veux-tu ? Je vais retrouver ma mère. _ Attends, s’il te plaît. _ Bon, fais vite ! (elle s’assit en face de lui, mais à une distance respectable. De façon à ce que si un parent venait à les surprendre, il n’y aurait aucune équivoque). _ Ma mère parle beaucoup de toi avec la tienne. _ Oui, je sais, mais tu vois, je ne comprends pas pourquoi elles s’imaginent qu’on se mariera toi et moi. _ Tu es toujours aussi directe ? (il n’en revenait pas de l’aplomb de cette fille.) _ Oui ! Je n’aime pas tourner autour du pot. Alors, que me veux-tu ? _ Je voulais juste faire connaissance. Et savoir si l’on pouvait se fréquenter. _ Je ne crois pas ! Tu ne me plais pas ! _ Mais, tu viens à peine de me rencontrer. Et… _ Et, j’ai aussi entendu parler de toi. Je sais par exemple que tu as déjà promis à Fanta de sortir avec elle. Vous êtes bien amis sur facebook. Et puis il y a Jeneba aussi. Mais, ne t’inquiète pas, ça ne les dérange pas. Elles se sentent flattées que tu t’intéresses à elle. J’ai aussi appris que tu as eu plusieurs conquêtes en France. _ Hum ! » Joël ne savait plus quoi dire. Il ne s’était pas attendu à ce que cette fille lui parle ainsi. Il pensait qu’elle aurait été heureuse qu’il lui fasse la cour. Mais, on dirait qu’il ne lui plaisait pas. Ou alors, elle faisait semblant. « _ Wouah ! Tu es d’une franchise pas possible. _ C’est ce que l’on me dit souvent. Bon, pour répondre à ta question, je ne pense pas que cela serait bien de se voir. Les filles attendent depuis longtemps ton arrivée. Et je ne voudrais pas leur faire de l’ombre. _ Donc, tu ne serais pas contre le fait que l’on se voit ? _ Je n’ai pas dit ça. Je ne veux tout simplement pas. _ Mais pourquoi ? _ Ecoute ! Je ne veux pas, c’est tout ! _ Qu’en pense ta mère ? _ Qu’a-t-elle à voir là dedans ? _ Je sais qu’elle ne serait pas contre. _ Hé bien, l’avis de ma mère ne compte pas. C’est de moi dont il s’agit. _ Ok ! Mais, donne-moi au moins la possibilité de discuter avec toi de temps en temps. » Joël s’étonnait lui-même. Lui qui ne suppliait jamais et qui faisait tomber les filles. Il ne comprenait pas que celle-ci fasse exception. Pourquoi le repoussait-elle ? Il n’avait jamais rencontré une fille comme elle. Aussi, se sentait-il touché dans sa fierté de mâle et un peu vexé. Il aurait voulu continuer de discuter avec elle, mais elle se levait déjà. « _ Bon, je te laisse ! Il se fait tard et mes frères risqueraient de te donner une correction s’ils nous voyaient ensemble. _ Ha !? Mais ce sont tes cerbères ? _ Tu ne dirais rien si tu les voyais. D’ailleurs je les entends qui m’appellent. » En effet, Moussa, Demba et Oumar Jr (homonyme de son père) arrivaient dans leur direction. Oumar qui avait été longtemps aux USA avait lui-même appelé son fils comme cela se faisait là-bas : Oumar Jr. Les triplés étaient toujours à l’affut d’une bagarre et ils menaçaient souvent leur sœur de « corriger » le garçon qui s’approcherait d’elle d'un peu trop près. Ils estimaient qu’à 18 ans, Ami devait respecter la tradition et attendre que leur père la donne en mariage. Ce qui avait pour résultat de provoquer de grosses disputes entre eux. En effet, pour la jeune fille, la tradition était un poids pour elle. Elle avait de grands rêves d’émancipation et ne se voyait pas être avec quelqu’un qui lui aurait été présenté par la famille. Malgré toute l’attention que lui apportait son père, elle se sentait prisonnière de tout cet amour et parfois voulait se rebeller contre lui. Mais, où irait-elle ? Elle ne connaissait que la ville à travers les maigres occasions qu’elle avait d’y aller. Elle suivait ses cours dans un lycée privé de Saly et ne pouvait jamais s’échapper hors de la concession familiale. Ses aînés les triplés qui avaient deux ans de plus allaient déjà à l’université. A la rentrée prochaine, ils iraient aux USA pour suivre une formation en électronique. Ils voulaient travailler dans le secteur de l’aviation et avaient toujours eu de bons résultats scolaires. Leurs parents en étaient fiers. Ainsi que des trois autres qui travaillaient l’un comme collaborateur de leur père (propriétaire d’une grande chaîne hôtelière), l’autre était ministre après des études en relations internationales. Et celui avant les triplés s’était tourné dans l’agriculture. Chacun d’entre eux avaient été dans les plus grandes écoles pour suivre des formations en relation à leur métier. Leur père souhaitait qu’au moins l’un d’entre eux le remplace au niveau national. Même si c’était à Aminata qu’il devrait remettre l’héritage familial. Il espérait ainsi qu’elle le rendrait à ses frères car il ne voulait pas qu’un homme mette la main sur ses terres, maisons et autres biens. Il avait amassé une grande fortune et s’était juré que personne n’en dépossèderait sa famille. Il avait donc demandé à ses fils de surveiller leur sœur et de mettre en garde quiconque s’en approcherait. Comme cette fois, où un ami du lycée d’Aminata avait osé l’accompagner jusqu’au grand portail de la maison blanche. Elle venait d’avoir 16 ans et lui 17. Ce jour là, ils avaient fini les cours plus tôt et Aminata avait voulu prendre un taxi. Mais, Charles, avait tellement insisté pour la raccompagner qu’elle avait finalement accepté. Alors qu’ils étaient près d’arriver, elle avait souhaité descendre de la voiture. Charles avait de nouveau insisté pour la mener jusque devant le portail. C’est alors que ses frères les virent. Ils étaient en train de discuter avec le gardien à qui ils donnaient des instructions. En voyant la voiture approcher, Ami hésitait à descendre. Ses frères s’approchèrent. Oumar Jr : Alors, comme ça on se fait raccompagner ? Moussa : Descends un peu pour qu’on puisse faire connaissance (il s’était dirigé vers la portière côté conducteur). Le pauvre Charles ne savait pas que mal lui en ferait d’ouvrir la porte. Dès qu’il mit le pied à terre, Moussa le plaqua contre la voiture : _ Alors, tu amènes ma sœur dans ta voiture ? _ Tu arrêtes ça tout de suite (Ami commençait à avoir peur. Elle savait que ses frères pouvaient aller très loin dans leurs menaces.) Charles qui n’avait rien compris à ce qui lui arrivait se retourna d’un coup et le poing de Moussa se retrouva sur son visage. Aminata n’en attendu pas davantage et couru se placer entre eux d’eux. Elle ne voulait pas de bagarre et ses frères étaient champions en la matière. Pourtant, Charles ne voulu pas en rester là : C : Non mais, tu es fou ? Ca ne va pas ? M : Tu veux voir jusqu’où va ma folie ? A : Arrête Mouss, sinon tu auras affaire à moi. Demba : Tu vas quitter là et nous allons ôter toute envie à ton petit ami de t’approcher à nouveau. A : Ce n’est pas mon petit ami. Il m’a juste raccompagné. Arrêtez ça tout de suite. Sinon, je dis à papa que c’est vous qui avez pris les 300 mille francs qu’il cherche depuis un mois." Entendant cela, les trois garçons se calmèrent aussitôt. Ils savaient que la sanction serait belle. Leur père était intransigeant s’agissant du vol à la maison. Ils en savaient quelque chose, puisqu’ils avaient été punis maintes et maintes fois. Comme de se voir annuler des vacances en Afrique du Sud. Ils continuaient de menacer Claude du poing alors qu’Ami le repoussait dans sa voiture. Elle voulait à tout prix éviter qu’une bagarre éclate. Le lendemain elle s’excusa auprès de Claude qui ne voulut plus jamais avoir affaire à elle. En entendant donc ses frères l’appeler, Ami s’éloigna encore plus de Joël. Mais, trop tard, ses frères les avaient vus. Ils coururent vers eux et Moussa fut le 1er à menacer : _ J’espère que vous ne faites rien d’interdit tous les 2. _ Mouss, arrête, on ne faisait que parler. _ Ha bon !? Et dans la pénombre ? _ Bonsoir Messieurs ! (Joël venait de se lever) Je suis Joël, fils de M. Ismaël Demba qui est votre hôte. _ Et qui t’a permis de t’isoler avec notre petite sœur ? lui répondit Oumar Jr. De quel droit oses-tu ? _ S’il vous plaît, arrêtez ! J’étais en train de partir. » Aminata ne voulait pas de scandale. La dernière fois, son père lui avait confisqué tous ses appareils : téléphone, tablette électronique et même son ordinateur. Elle avait dû supplier sa mère pour que celle-ci le supplie à son tour. Ce n’était qu’au bout de deux mois qu’elle avait tout récupéré. Malgré le fait qu’elle était chouchoutée par son père, ce denier lui avait toujours bien fait comprendre que jamais il n’accepterait qu’elle soit « souillée ». Elle devait se préserver pour son futur mari et jamais ne devrait entretenir de relation avec un quelconque garçon. Il serait capable de la tuer si elle passait outre ses avertissements. Aminata craignait donc qu’une altercation éclate et que son père soit mouillé de honte. Car il était également vrai qu’une « jeune fille dite de bonne famille » comme elle, ne pouvait pas être vue toute seule en compagnie d’un garçon. Son père ne le lui pardonnerait pas. Surtout que parmi les invités, il y avait des amis et aussi des potentiels gendres pour son père. Car, au contraire de sa femme, Oumar ne voulait pas marier leur fille à Joël. Il se disait que l’avocat aurait vite fait de détourner toute sa fortune à ses dépends. Lui, voulait pour sa fille un mari qu’il pourrait manipuler et amener vers ce à quoi il pensait. C’est-à-dire qu’il lui ferait signer un contrat de mariage dans lequel il laisserait à sa fille le soin de choisir ses légataires, qui ne seraient personne d’autres que ses frères. Aminata se tournait à cet instant vers eux. Si son père sortait maintenant, elle n’aurait plus le droit de continuer la fête. Elle en était sûre. Or, un feu d’artifice avait été prévu pour clore la soirée. Elle regarda donc ses frères avec des larmes dans les yeux : « _ S’il vous plaît, laissez-le ! Je vous promets que nous ne faisions que parler. _ Mais pourquoi fuir en nous entendant arriver ? demanda Demba _ Je ne fuyais pas. J’étais déjà en train de me rendre dans la maison quand vous êtes arrivés. » Oumar Jr prit alors la parole : « _ Ecoute, si nous te laissons partir, c’est parce que nous ne voulons que papa te punisse à nouveau. Mais ne t’avise plus de rester toute seule avec un homme. _ Je vous le promets (mais en son for intérieur elle les maudissait. Elle avait tellement honte devant Joël) _ Très bien ! Rentre maintenant ! _ Vous me rassurez que vous ne ferez rien ? _ Promis ! (répondirent les 3 frères en chœur en crachant sur le sol et levant 2 doigts au ciel). » Ouf ! Le scandale était évité. Joël les regardait sans rien comprendre. Il voulait rentrer en même temps qu’Aminata, mais ses frères lui barrèrent le passage. Moussa lui dit en lui tenant le bras : « Si on te voit tourner autour de notre sœur, on te casse la gueule. » Et, ils le laissèrent là. Interdit !