Jour 10 : Plan d'évasion
Ecrit par Owali
JOUR 10
***Adam Ntchango***
Miraculé!
Je sors de la mer en me hissant sur un des rochers qui bordent la côte. Je reprends mon souffle et me mouche pour faire sortir l’eau entrée par mégarde dans mon nez. J’étais en train de faire quelques longueurs sur une mer à priori calme lorsqu’une grosse vague sortie de nulle part est venue s’abattre sur moi. N’eut été mon réflexe de survie, je crois que j’aurais été projeté contre la paroi rocheuse. Quelle ironie! Moi Ntchango, fils de pêcheur, mourir par noyade... si ce n’est pas le comble de la bêtise, il faut qu’on m’explique.
Assis sur une pierre, pensif, j’observe le soleil décliner au loin.10 jours…ça va faire 10 jours que je suis ici.
J’ose espérer que la récompense est conséquente, car si je me tue à la tâche pour des clopinettes, ce RACH entendra parler de moi. Lorsqu’il y a quelques jours, en embarquant dans le Yatch qui devait me conduire sur cette île, j’ai reçu le coup de fil d’Aïcha qui me prévenait avoir un empêchement et qu’elle me rejoindrait plus tard, j’avoue avoir été quelque peu contrarié. Après réflexion, j’ai tout de même accepté de poursuivre le voyage. Les longs mois de tournages avaient eu raison de moi et ces vacances tombaient plutôt à pic. Quand je me suis fait larguer par mon guide, j’ai rapidement saisi que je m’étais fait avoir comme un puceau et qu’Aïcha ne viendrait jamais. Fils de la forêt, j’ai trouvé mes repères sans mal et me suis adapté à mon environnement comme si j’avais toujours vécu sur cette île. Intrigué par la raison de ma présence dans cet endroit, j’ai commencé à inspecter les environs. Aux aguets et attentif au moindre indice, j’ai remarqué que ce lieu n’était pas si vierge et si sauvage qu’on voulait nous faire croire. Bien dissimulé entre les lianes et des branchages, j’avais trouvé des mini caméras de surveillance wifi.
Rassuré sur le fait qu’il s’agissait d’une caméra cachée ou un truc dans le genre, j’étais plus serein et j'ai décidé de jouer le jeu.
Lorsque je suis tombé sur mes autres compagnes, je les ai briefées sur la situation. Il était devenu évident que nous étions dans une nouvelle version d’un jeu de télé-réalité du style de Survivor et bien que les premiers jours furent compliqués à gérer, surtout émotionnellement, avec le temps nous nous sommes fait à la situation. Meublant nos journées entre chasse, pêche, cueillette et autres activités, nous avons considérablement amélioré notre confort.
Seulement cela commence à devenir inquiétant.
10 jours! Ca fait 10 jours que nous sommes ici et nous n’avons toujours pas vu l’ombre d’un présentateur ou d’un indice quelconque nous donnant des épreuves d’immunités ou d’ autres défits à relever comme on voit souvent.Je commence à sérieusement me poser des questions.
Et si je m’étais trompé sur toute la ligne?
Je fais des efforts surhumains pour ne pas laisser transparaître mon inquiétude et la transmettre aux autres. Mais la...
-Adam!
Cette voix... Rien qu’à sa façon de prononcer mon prénom, tout mon être s'éveille.
Je me redresse et penche légèrement ma tête dans sa direction. Je lui présente mon meilleur profil en essayant d’adopter une posture sexy. Avec les gouttelettes d’eau qui perlent le long de mon torse et les effets d’ombre et de lumière que permet le soleil couchant…hum Je suis sûr que le spectacle ne la laisse pas aussi indifférente qu’elle veut me faire croire.
Je réponds d’une voix grave et posée en la regardant du coin de l’oeil.
-Eve…
Elle se racle la gorge et reprend précipitamment:
-Le repas est prêt!
Puis elle repart en direction de notre camp. Mais je l’interpelle:
-Attends Eve…
-Quoi? proteste-t-elle un peu sèchement en s’arrêtant sans se retourner..
-Regarde-moi.
Elle s’exécute en poussant un soupir excédé.
-Que veux-tu? Dépêche-toi parce que j’ai faim moi!
Je souris intérieurement, me lève en me tournant complètement vers elle. Elle ne peut s’empêcher de se mordiller légèrement la lèvre inférieure en fixant mes abdos. Je tends ma main dans sa direction.
-Viens là.
Elle émet un gloussement ironique.
-Sérieux? Tu penses vraiment que je vais me laisser avoir encore une fois après tout ce que…
-S’il te plaît Eve, s’il te plaît…Ne me refuse pas ça…juste une minute…une toute petite minute. Je suis en train de perdre pied ici et j’ai besoin de m’accrocher à quelqu’un pour tenir le coup…Il n’y a que toi…Tu es la seule en qui j’ai confiance…
L’air qu’elle prend m’indique qu’elle se livre un combat intérieur pour évaluer ma sincérité.
Alors, je la regarde sans sourciller, plongeant mon regard dans le sien...Et bien sûr, elle cède en traînant des pieds.
Quand elle prend ma main, je la tire vers moi et l’enlace tendrement.
Je la sens mal à l’aise et surtout pressée de se détacher au début pour ensuite cesser de résister et enfin répondre à mon étreinte.
Prudent…il faut que je sois prudent cette fois, sinon elle va me griller. J’exerce une pression un peu plus forte. Ses seins s’écrasent contre mon torse et je sens son souffle s’accélérer.
Ma main droite est autour de sa taille. Je la bouge légèrement et du bout des doigts caresse la fossette qu’elle a dans le bas du dos. Je connais son corps par cœur et je sais ce que ce geste provoque chez elle. Elle commence à se mouvoir légèrement. J'arrête, car si je continue, elle risque de se braquer. Sa tête contre mon torse, elle semble être bercée par mon rythme cardiaque. Je la serre encore une fois avant de la relâcher complètement.
-Merci…
Elle semble surprise. Nos yeux se croisent. Je la sens à la fois troublée et intimidée car elle ne soutient pas longtemps mon regard et baisse la tête. Je retiens un sourire encore une fois. Je t’avais bien dit que je finirais par t’avoir…
-On y va ?
-Oui oui…
Nous remontons prudemment la petite falaise qui nous sépare de notre abri. Une grande caverne creusée dans la roche.
Située à environs 10 mètres au dessus du niveau de la mer, nous sommes plutôt bien protégés de toutes sortes d’ intempéries. Elle soulève l’amas de feuille de palmier savamment tressé qui fait office de porte et nous pénétrons dans notre demeure. Au centre, un grand feu crépite. Delomé est affairée à dépecer quelque chose qui ressemble à un lièvre tandis que Courtney est, comme à son habitude, recroquevillée dans un coin devant un livre.
Je me dirige vers mon espace privatif, un coin de la grotte cloisonné à l’aide d’un mur constitué de branchages, de feuilles de palmier et de terre battue. Oeuvre de Delomé et Sissi. On peut reconnaître qu’elles ont fait du bon boulot. Chacun a donc son petit espace aménagé à son goût. Moi je n’ai que le strict minimum: un tas de sable recouvert de quelques chemise font office de lit, le reste de mes affaires est rangé dans mon unique sac de voyage. Je retire mon short de bain et revêt des vêtements secs avant d’aller les rejoindre autour du feu.
-Tiens voici ta part, me fait Sissi en me tendant une demi noix de coco qui fait office de bol. A l’intérieur, un gros morceau de poisson grillé accompagné de tubercules de manioc bouillies.
-Merci Eve…
Elle me fait un léger sourire avant de se servir à son tour.
Sissi...Eve...mon Eve...la seule femme avec qui je peux dire que j’ai été moi même. Nous nous sommes aimés, réellement. Avec elle je ne ressentais pas ce besoin insatiable de séduire, de me prouver qu’aucune ne pouvait me résister. Son seul regard posé sur moi me comblait. Nous avons vécu une histoire intense. Tout est allé très vite. Trop vite. Et hélas...tout s’est arrêté du jour au lendemain. Fin de mission. Retour au pays et à ses réalités. Une femme et un enfant à l’époque. Elle me manquait énormément et j’avais essayé de garder le contact mais sans que je ne comprenne pourquoi elle avait rompu tous liens et je n’avais plus eu que son répondeur comme unique interlocuteur.
-Bon, je ne sais pas pour vous, mais moi je commence à en avoir marre de ce jeu dont on ne comprend ni les tenants ni les aboutissants. J’ai une boîte à faire tourner alors je n’ai pas l’intention de passer un jour de plus ici, annonce Sissi.
Je lui réponds:
- Je crois qu’aucun d’entre nous ne se réjouit de la situation dans laquelle nous sommes mais bon...rien de ce que nous avons tenté de faire pour qu’on vienne à notre rescousse n’a marché!
-Eh bien plutôt que d’attendre bêtement pendant je ne sais combien de temps un hypothétique secours, on devrait plutôt se concentrer sur trouver un moyen de se barrer d’ici. Si ça se trouve c’est ça le but du jeu...renchérit-elle en prenant son allure légèrement hautaine.
-Quoi?!? Mais tu n’y penses pas nous sommes sur une île je te rappelle...il n’y a rien d’autre que de l’eau à perte de vue autour de nous. Comment tu comptes partir d’ici? A la nage?
Elle hausse les sourcils et me regarde d’un air de défi.
-Eh ben alors...le fils du pêcheur aurait peur de faire quelques longueurs?
-Hein?!? Ah ah ah! Fils de pécheur ne signifie pas que je suis né avec des nageoires et des bronchies sur moi. Et puis pour rappel, je suis un enfant qui a grandi dans la région des grands lacs donc la mer, ce n’est vraiment pas mon truc...
-Hum trouillard! Non mais plus sérieusement, on pourrait... je ne sais pas, se faire un radeau de fortune. On dispose de tout pour faire quelque chose de convenable la.
-Un radeau pourquoi pas. Mais pour aller où? Nous n’avons rien pour nous repérer. Si ça se trouve, nous allons nous retrouver au beau milieu de l’Océan Indien et avec les tempêtes qui font rage...Non non tu n’y penses pas sérieusement!
-Heu...j’ai...j’ai vu sur la carte...intervient Courtney d’une voix à peine audible
-Ah oui! Nous avons vu sur la carte que normalement nous ne sommes pas loin de la presqu’île qui nous permettrait de rejoindre l’île principale de Zanzibar.
-Sur la carte? Quelle carte?
-J’ai...trouvé...J’ai...begaille Courtney
-En nous baladant tout à l’heure nous avons trouvé une carte dans une bouteille cachée dans un arbre, reprend Sissi.
-Ah oui?! En voilà une bonne nouvelle! Peut-être qu’il s’agit du premier indice du jeu. Mais qu’est-ce que tu attends? Apporte la nous! Crié-je quasiment sur elle.
Cette fille n'énerve. Elle est trop molle et effacée. A tous les coups si nous ne l’avions pas recueillis, elle ne serait plus de ce monde à l’heure actuelle. Toujours dans l’ombre de Sissi, c’est à peine si on se rend compte de sa présence. Peureuse chronique, le moindre moustique qui vole la fait sursauter. En plus je la soupçonne de vouloir que je lui fasse quelque chose. Plus d’une fois elle a tenté à de me rejoindre dans mon alcôve pour que je la réconforte. Mais en pleine tentative de reconquête de ma Sissi, je ne peux pas m’égarer avec... ça! Elle revient avec la bouteille et en ressort la carte sur laquelle on voit toutes les îles qui composent l’archipel. Incroyable!
-C’est...c’est ici qu’on est si je me souviens bien de ce que mon guide m’avait dit… fait-elle en nous indiquant sur la carte une île dénommée Pungume Island.
Nous sommes tous les 4 penchés sur la carte.
-Oui c’est ca! Reprend Sissi. Et je pense que nous sommes tout au sud de l’île vu que c’est le seul endroit avec des parois rocheuses.
-Du coup la presqu’île à laquelle tu fais référence c’est...Uzi Island, c’est ça? demande Delome.
-Oui c’est ça! Tu vois Adam ce n’est pas très loin. Il y a quoi...10 kilomètres à tout casser.
Je la regarde. Elle est même sérieuse quand elle parle comme ça. 10 kilomètres, sur un radeau, en pleine mer…
-Heu je crois que ce projet est quelque peu suicidaire Eve.
Elle me lance un regard noir mais je ne m’en préoccupe pas. Nous sommes au sud de l’île et avec les courants, nous n’arriverons jamais à remonter sur 10km tout en maintenant notre cap.
-Pfff. Moi au moins j’ai le mérite de proposer quelque chose! Tandis que toi…
-...ce que nous pouvons faire en revanche, la coupé-je à nouveau, c’est nous rendre dans le nord de l’île. De là, nous rejoignons Kwale Island, puis nous remontons vers Pamunda. Avec les barrières de corail je pense que naviguer dans ces eaux sera plus aisé.
-Ok..admettons que ce plan marche. Que fera t-on une fois arrivés à Pamunda Island? demande Delome.
-Ben déjà on sera dans une zone ou le trafic maritime sera plus important qu’ici alors on peut espérer croiser des gens...Sinon ben il ne nous restera plus qu’à prier pour réussir a faire en haute mer les 2km qui nous séparent de Fumba, la ville la plus proche de l'île principale.
-Ok. Bon ça me semble une bonne alternative, reconnaît Sissi. Qui est partant?
Elle et moi levons nos mains et nous tournons vers nos deux autres compagnes. Courtney égale à elle même, la tête baissée, lève à peine sa main. Mon Dieu, la timidité de cette fille va la tuer!
-Delomé? Demande Sissi.
Cette dernière sursaute et semble revenir parmi nous.
Delomé, Delomé...en voilà une autre que je ne sens pas. Si j’avais déjà des a priori négatifs sur elle après la sortie de son livre avec ses histoires de vaudou, depuis que je l’ai croisé sur l’île elle me fait encore plus flipper. Elle parle peu et a toujours cet air mystérieux. J’ai vraiment du mal à la cerner. Quelques chose me pousse à me méfier d’elle. Elle disparaît souvent pendant des heures entières sans prévenir et quand on lui demande des explications à son retour, elle se contente de réponses vagues. Je la soupçonne d’en savoir plus qu’elle ne veut le faire croire...elle n’est vraiment pas net.
-Bien sur que je suis partante, se décide t-elle enfin à répondre. Je n’ai pas plus que vous envie de moisir ici.
-Super! Nous lèverons donc le camp demain à la première heure! Lance Sissi. Il nous faudra voyager léger, n’emportons que le strict nécessaire.
Nous nous mettons tous d’accord sur les préparatifs de notre expédition et allons nous coucher... pour la dernière fois dans notre refuge.
….Au milieu de la nuit…
Je me retourne dans mon lit depuis déjà de longues minutes. Un rêve érotique m’a fait passer l’envie de dormir. Elle est si proche et si éloignée à la fois. Son espace d’intimité est attenant au mien et de là où je suis, je peux entendre le rythme régulier de sa respiration. J’imagine sa poitrine monter et descendre à cette même cadence, le souffle chaud qui s'échappe de ses lèvres charnues, un filet de bave qui dégouline dans le coin de sa bouche. Je me vois le lécher et remonter lentement vert la commissure avant de happer sa langue tout en explorant chaque parcelle de sa peau divinement douce.
Ah Adam...qu’est-ce qui t’arrive? Depuis quand une femme te fait autant languir?!?
J’ai épuisé toutes mes cartouches pour la reconquérir. Là, j’en suis à mon ultime tentative. Il faut que je la laisse venir à moi toute seule. Il me faut être patient et me tenir droit.
‘KOK KOK!’
Je me redresse brusquement et tend l’oreille. J’ai impression d’entendre des pas.
‘Cccchhhrrrrrr’
La porte de la grotte vient d’être ouverte. Un vent frais se répand dans tout l’espace. Je me lève prudemment et inspecte chaque espace pour m’assurer qu’elles vont bien. Sissi ok, Delo...Elle n’est pas là!
Je me précipite vers la sortie. La lune est pleine et les vagues qui s’écrasent contre la paroi sont hautes et violentes. Je l’aperçois gravir les rochers et pénétrer dans la forêt.
Mais où est-ce qu’elle va ?!?
Je retourne à l’intérieur et récupère ma torche avant de la suivre discrètement. D’un pas sûr et lent, elle s’enfonce dans les bois, sans éclairage. Le feuillage est tellement épais que la lumière de la Lune ne le transperce pas.
Mais c’est quoi ce délire? Elle a des yeux de chat ou quoi? Comment fait-elle pour se repérer dans cette obscurité?!? Même avec ma lampe de poche, il m’arrive de trébucher, mais elle, rien. Comme si elle avait l’habitude d’emprunter cette route…
Cela doit faire 15 bonnes minutes que nous marchons et je commence à m’inquiéter car nous avons tellement bifurqué que je ne suis plus sûr de savoir retrouver le chemin inverse. Soudain elle s'arrête. Je m'arrête à mon tour, éteins ma lampe et me cache derrière un arbre. Elle scrute les environs, se baisse et pose quelque chose sur le sol. Je ne vois pas grand chose de là où je suis alors j’entreprends de me rapprocher. Lentement, prudemment, j’avance à pas de loup pour ne pas me faire repérer. Je l’entends murmurer des choses. Elle semble creuser dans la terre.
Putain mais qu’est-ce qu’elle fout?!?
‘CRACK!’
Une branche vient de craquer au loin. Elle s'arrête, se redresse et regarde autour d’elle. Son regard semble se figer dans ma direction.
Mince! On dirait qu’elle m’a repéré. Mais c’est impossible, je suis bien caché pourtant!
Je bloque ma respiration. Mon coeur bat tellement fort que j’ai l’impression qu’elle peut l’entendre. Le silence qui règne est tellement assourdissant que mes oreilles se mettent à bourdonner. Soudain, une voix venue d'outre-tombe semble sortir d'elle:
« AH AH AH ! Je m’amuse comme une folle grâce à vous. Merci, vous êtes géniaux! Hélas... personne ne sortira vivant d’ici ! »
Mon sang se glace d'un coup. Ande mozo?!? Agamba m’ignemba ! (Ça c’est quoi?!? Les choses du vampire!)
Voilà! Je savais bien que je devais me méfier d'elle!