Jour 13 : Visions

Ecrit par Owali

***Dèlomè Kpassassi***


Dix jours plus tôt


Les yeux fermés, je concentre toute mon énergie dans ma méditation. 


Je les sens autour de moi, ils ne sont plus loin. Je souris et garde les yeux fermés. 


J’ai besoin de rester concentrée. J’espère qu’en dépit de leur lenteur, ils sauront trouver le chemin vers moi. 


Ils ont assez tergiversé comme ça.


Comme je l’espérais, quelques minutes plus tard, je sens leur présence derrière moi. 


Je devine leurs regards plein d’incompréhension. Je suis assise en tailleur à quelques pas à peine de la mer. Les vagues viennent régulièrement lécher le bas de ma tunique.


- Eh vous là-bas ! vous nous entendez ?


Cette voix appartient probablement à Sissi. 


La working girl. Elle me fait rire celle-là avec ses tenues sophistiquées et ses attitudes maniérées. Elle est grande gueule en général. Mais pas avec moi. Je crois que tout ce qui est mystique la fait flipper un tout petit peu. 


Je l’ai rencontrée à plusieurs séminaires pour écrivains. Mais la première demeure mémorable. Je m’étais tellement marrée intérieurement devant son malaise. Elle m’avait suivie pour papoter un moment après la conférence mais avait été stoppée net par mes suivantes qui lui avaient signifié qu’on ne pouvait pas me toucher. 


Félix avait vraiment de drôles d’idées pour créer le mystère autour de ma personne. Soit ! Depuis ce jour, elle se tenait plus ou moins loin de moi. Malgré la levée de ladite interdiction.


- Vous pensez que c’est encore un piège ? demande une voix craintive


- Arrêtes un peu toi avec ta paranoïa ! réplique la voix impatiente de Sissi


- Elle ne nous entend peut-être pas suggère la seule voix masculine du groupe


Adam… que de souvenirs sont liés à ce nom. Mais j’y reviendrai plus tard. 


Pour le moment je dois aller à leur rencontre et feindre la surprise. 


Je n’ai aucune envie de devoir m’expliquer sur tout ce que je sais de leur présence ici. 


Je les sens depuis qu’ils sont là. Et je les vois aussi. Ou du moins, depuis que j’ai réussi à me calmer pour sentir les énergies sur cette île. 


Et le moins qu’on puisse dire, c’est que nous sommes drôlement entourés. 


Mais localiser tout ce beau monde est épuisant. Surtout que je n’ai pas tout ce qu’il faut.


Je sens une main secouer doucement mon épaule. Je me retourne calmement en m’évertuant à feindre la surprise dans mon regard. 


Celui-ci se perd rapidement dans les yeux du bel étalon qu’est Adam


-oh ! Dèlomè !?


Je le dirais presque déçu de voir que ce n’est que moi. C’est qu’il ne m’a jamais vraiment aimé le cher homme. Mais qu’importe. Je me suis souvent amusée de ses péripéties amoureuses. C’est déjà suffisant.


- Adam !!? Tu fais quoi là ?


- et toi donc ? J’allais te poser la même question


- c’est bientôt fini vos salamalecs ? Faut qu’on se… ah Dèlomè !


Je ris sous cape. Je vois qu’elle est toujours aussi réservée à mon endroit. Mon regard a suffi à la faire taire. 


- Bonsoir Sissi. Vu vos têtes, je suppose que nous sommes tous logés à la même enseigne ? c’est-à-dire perdus sur cette île


- En plein dans le mille


- C’est qui derrière toi Adam ? tu es venu avec un de tes gosses ?


- Tu ne crois pas si bien dire ! murmure Sissi entre ses dents


- Moi, c’est Courtney


- Oh Court ? je ne t’ai pas reconnue


J’ignore ce qui m’y pousse mais je tends la main pour la saluer alors que je ne l’ai pas fait avec les autres. 


A l’instant où nos mains se touchent j’ai un flash tellement fort que je retire vivement ma main. 


L’espace d’une seconde, je crois déceler quelque chose dans son regard. Mais je n’en suis pas sûre. Ce que j’ai vu est tellement... triste.

 

- Bon, la nuit tombe mesdames, il faut qu’on trouve une solution pour nous abriter


-------------- Retour au present------------------------------


Et depuis une dizaine de jours maintenant, nous étions ensemble dans cette grotte ou caverne, je ne saurais le dire. 


Nous avons mis le temps à profit pour nous construire un abri digne de ce nom. Je ne m’attendais pas à une telle aventure en embarquant pour zanzibar. 


J’ai débarqué sur l’île après un voyage des plus paisibles. 


J’avoue que je n’avais pas imaginé que ce séjour était en fait une émission de télé-réalité. 


C’est la nouvelle que nous a annoncée Adam l’autre jour. Je n’y crois pas trop. Bien que la forêt autour de nous soit truffée de caméras, cette grotte ne l’est pas. Et pourtant nous y passons beaucoup de temps. 


Ensuite, depuis tout ce temps, il n’y a eu ni présentateurs, ni gages. Tout cela m’a l’air d’une blague de mauvais goût plutôt.


Je suis interrompue par l’entrée de Sissi et Adam. Elle lui lance de temps à autre des regards qu’elle croit discrets. Ils se croient malins tous les deux. Ils crèvent d’amour ou de désir l’un pour l’autre mais la demoiselle se fait désirer. 


Là n’est pas mon problème. 


Je continue de dépecer le lièvre que j’ai attrapé dans la forêt. Les autres demoiselles sont bien trop précieuses pour une telle tâche. Entre la peureuse chronique de Courtney et la citadine Sissi, la corvée ne pouvait que me revenir. Je ne m’en plains pas, cela arrange bien mes plans car j’ai besoin de ce sang.


Et le fait de le leur demander si elles avaient à faire cette corvée en aurait rajouté à leur méfiance à mon égard. Je vois bien leurs regards suspicieux sur moi. Il y a quelques minutes à peine, Sissi me faisait passer un interrogatoire sur l’origine de ce lièvre. Elle a peut-être peur que je l’empoisonne avant de tuer Courtney pour garder Adam pour moi seule ? Elle a surement remarqué que cette dernière lui tournait autour. Je l’ai déjà surprise pendant mes virées nocturnes.


Je suis sûre que le tombeur qu’est Adam a eu une histoire avec elle. Et vu le sacré coup de reins qu’il doit avoir, je comprends qu’elle puisse en redemander. 


Rien que d’y penser, j’ai une délicieuse chaleur qui se répand dans mon corps. Ce n’est ni le lieu, ni le moment mais quelques pensées coquines ne peuvent pas faire de mal. 


Surtout avec ce qui nous attend. 


Adam… Adam… pensai-je en souriant.


Je l’ai rencontré quelques années après la sortie de mon livre. A l’époque j’étais très demandée et le mystère autour de moi plus que jamais renforcé. La vérité est que j’étais encore un peu traumatisée par mon passé d’une part et intimidée par le faste et l’attraction autour de ma personne. Je restais dans mon coin, parlant vraiment très peu mais observant beaucoup. 


Et je l’ai bien vu faire de l’œil à Fèmi, l’une de mes voluptueuses suivantes. 


Plus tard, elle nous avait raconté leurs ébats avec tellement de détails que j’avais été tentée de l’envoûter pour passer un moment avec lui. Je ne doute donc pas qu’il soit viril. 


Si j’ai besoin de lui… je n’hésiterai pas une seule seconde.


- Dèlomè !


Je suis brusquement tirée de mes pensées par Sissi. Je me rappelle rapidement le sujet de notre discussion afin de lui répondre. 


Nous parlions de la possibilité de quitter l’île pour rejoindre Pamunda Island


- Bien sûr que je suis partante. Je n’ai pas plus que vous envie de moisir ici


Nous réglons rapidement les derniers détails avant de rejoindre rapidement nos alcôves. Il faut à tout prix que je rejoigne au plus tôt la civilisation. 


Cette île m’ennuie déjà tant l’aventure manque de piquant. Mais je sens que les choses vont bientôt bouger. J’ai hâte d’être à demain. Je me couche et laisse mon esprit se vider. 


Peu à peu, le calme se fait dans mon esprit. 


Je sens à nouveau cette sensation m’envahir, elle est… forte, concentrée… si vive, si proche. 


Elle ne me quitte pratiquement plus depuis que les autres m’ont retrouvée sur la plage. J’hésite à croire que la fréquence de mes flashes à un quelconque rapport avec notre groupe. 


Et subitement, de plus en plus rapprochés les flashes tant attendus arrivent. Vifs, rapprochés, clairs. Encore mieux que ces inutiles caméras planquées dans la forêt. Presque sans m’en rendre compte, je quitte mon lit de fortune en emportant mes précieux objets avec moi.


Je souris de contentement en traversant la luxuriante faune qui nous entoure. Je suis ici chez moi. J’en connais chaque recoin depuis le temps que j’y viens. 


Contrairement aux autres, je ne la trouve pas hostile. J’ai le perpétuel sentiment de communier avec la nature. Au bout d’un quart d’heure à peine de marche, j’arrive au bon endroit. Un petit cercle est formé par les feuilles que j’ai entassées autour de moi. Je dépose ma petite sacoche au sol et en sort le sang que j’ai recueilli aujourd’hui. 


Je ferme les yeux et effectue mon rite en marmonnant les incantations. Il faut que je me dépêche avant que le moment propice ne passe. J’attends ce moment depuis des jours. 


Je verse méthodiquement le sang dans le sillon qui forme le cercle. Je suis interrompue par un bruit au loin.


Je tends l’oreille, tous mes sens en alerte. 


Je sais qu’il est là. 


Mais il ne perd rien pour attendre. 


J’ai mieux à faire pour l’instant. A peine ai-je finis de prononcer mon incantation que je suis envahie par cette même sensation qui m’assaille par moments. 


De la joie. Une joie folle, une joie intense… démoniaque. 


Du plus profond de mon être s’échappe un énorme rire alors que je les vois sous mes yeux par petits groupes. Les pauvres choux….


« hahaha…HAHAHAHAHA…. Je m’amuse comme une folle grâce à vous. Merci, vous êtes géniaux ! Hélas… personne ne sortira vivant d’ici ! »


Ils sont si stupides et misérables ! Je me demande comment des personnes aussi célèbres et érudites peuvent être si connes. 


Hahahahaha ! Je les trouve presqu’indignes de moi et de la subtilité de mes plans. Pour un peu j’abandonnerais certains de mes projets. Mais rien n’égale ce plaisir devant leur désarroi.


La si stupide Nathalie. Sérieusement, tu viens à peine de frôler la mort et c’est toi qui te précipite sur une nourriture dont tu ignores l’origine ? Elle aurait dû écouter maman plus souvent lorsqu’elle était jeune. 


Mais grâce à elle, Noémie et Charles connaîtront la faim parce que trop apeurés pour manger. 


Hahahahahaha ! Je vois d’ici les hallucinations fantastiques que la faim leur donnera. En plus de s’inquiéter de sa mystérieuse disparition…. 


Hahahahaha… on prend bien soin d’elle déjà


Larissa… affaire classée. Judicaël, Solène et J.K… j’avais tant de projets pour eux. Mais il semble que Monsieur hallucinations va me rendre la tâche bien plus facile. Tout ça traîne en longueur… ils sont déjà de plus en plus en plus fatigués. Il faut que je passe au niveau supérieur. Hahahhahaahaa….


Mon rire se finit en quinte de toux alors que je retombe sur mes genoux. 


Ses escapades me fatiguent de plus en plus. Mais mes visions sont le seul moyen que j’ai de savoir ce qui se passe. Dans mon dos, je sens Adam qui essaie de repartir. Il pense vraiment que depuis tout ce temps, je ne l’ai pas entendu ? 


Il faut absolument que je l’arrêtes avant qu’il ne foire tout.


- Je sais que tu es là tu sais ? dis-je d’une voix volontairement forte et glaciale


Je devine la lutte intérieure qu’il doit y avoir en lui en ce moment. Mais c’est un homme. L’orgueil prend toujours le pas sur le bon sens chez eux.


- Tu es vraiment une vile personne Dèlomè dit-il en sortant des bois


Qu’est-ce que je disais ?


- Tu penses être en position de me juger ?


- Tu vas me faire quoi ? me tuer c’est ça ? tu penses vraiment t’en tirer aussi simplement ?


- A ton avis ? ta peur montre bien que tu devines aisément la réponse à toutes ces questions


- Ne m’approche pas ! sorcière !


- Hahahahaha ! Adam… Adam. Je t’aurais cru plus courageux


- Arrête ce que tu essaies de faire Dèlomè. Personne n’est encore mort. Laisse-nous rentrer chez nous et je te promets que je ne dirai rien aux autres… ce sera exactement comme si je n’avais rien vu. Tout sera oublié


- Tu ne crois pas si bien dire très cher


Avant qu’il n’ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrive, je saisis vivement sa tête entre mes mains et colle nos deux fronts. Il se débat avec hargne et je manque maintes fois de perdre l’équilibre parce que c’est un homme. Cependant ma détermination n’est pas des moindres et je parviens à bout de ses résistances.


Peu à peu, il se ramollit et entre dans une léthargie semblable à celle des somnambules.


- Lilè bo lèko sin fi é à gossin é (tourne-toi et retourne sur tes pas). Que rien de ce que tu as vu et entendu ne reste


Il fait demi-tour et me précède vers notre caverne. Je suis lasse. Je n’ai qu’une hâte, c’est me coucher pour dormir d’un sommeil réparateur. 


Je laisse passer quelques minutes après l’entrée d’Adam avant de rejoindre mon alcôve.


------------ Le lendemain (JOUR 12) ------------------


La première chose que j’ai faite a été de m’assurer qu’Adam avait bel et bien tout oublié de notre escapade nocturne. 


Et c’était bien le cas. 


Ce constat a suffi pour me mettre de bonne humeur même son ton directif, la mauvaise humeur de Sissi et le ton plaintif de Courtney ne sont pas parvenus à m’ébranler ce matin.


- Refermez la caverne avec la porte sommaire. Si les choses tournent mal, on pourrait revenir ici


- C’est une bonne idée Adam, mais ne parle pas de malheur


- On est déjà malheureux… murmure Sissi


- Vous avez bien pris tout ce que vous vouliez ? ne vous encombrez pas. J’espère ne pas avoir à gérer vos…


- C’est bon monsieur le mâle dominant, on a compris le coupé-je


Il semble vouloir dire quelque chose mais se ravise. Après une dernière inspection, nous prenons la route. Adam en tête, suivi de moi, Sissi et Courtney la peureuse. 


Je m’attendais à ce qu’elle soit au milieu, mais elle a préféré fermer la marche.


 Au début vif et optimiste, notre pas a perdu de la vigueur au fil des kilomètres avalés sans pour autant voir le bout du tunnel. 


On continue malgré tout avant d’être stoppés une première fois par Courtney qui a soif et une seconde fois lorsqu’elle se tord se tord assez violemment la cheville. 

Bien que sa douleur soit évidente, Sissi semble plus qu’agacée et une dispute finit par éclater entre elles. 


Je vois Sissi déglutir avec peine quand Court mentionne une histoire d’Eve qui aurait caché une pomme à Adam. Je me demande ce que cette histoire cache encore. Elles échangent un regard plein de non-dits sous nos yeux, puis Courtney semble ravaler sa langue et se lève. 


Nous reprenons notre marche mais rapidement Adam et moi distançons les filles. 

Je sens un mal de tête poindre et quand je m’y attends le moins je suis à nouveau en proie aux flashes.


- Oh non ! pas maintenant !


- Qu’est-ce qu’il y a ?


Adam se rapproche de moi et me soutient tant bien que mal pendant que je ploie sous la douleur qui me vrille le crâne. 


- Court… Court…


- Quoi Court ? mais parle !


- Elle va avoir un accident


- Mais elle est juste là…. Oh Merde ! dit-il en constatant que ni Court ni Sissi ne sont derrière nous


- je devine ta douleur mais si ce que tu dis es vrai, il faut que tu te secoues pour qu’on la sauve


- La douleur… merde j’ai mal !


- Accroche-toi à moi


Il me soulève tant bien que mal et me tire à sa suite. 


J’essaie de me dépêcher autant que je peux pendant que je suis assaillie d’images de Court accrochée à une branche puis étalée au fond de…


- AAAAHHHHHHHHHH !


Ce cri strident nous pétrifie un instant avant de nous précipiter vers l’endroit de sa provenance. Sissi est à quatre pattes en larmes au bord de ce qui semble être un ravin. 

Adam me laisse pour se précipiter vers elle.


- Sissi (la secouant), Sissi ! où est Court ?


Elle parvient juste à pointer le ravin du doigt entre deux hoquets.


- Merde ! que s’est-il passé ?


- Elle… snif… elle… oh mon Dieu ! je l’ai tuée Adam snif…snif…


- Mais non ! calme-toi


- Elle a glissé… je n’ai pas pu la rattraper. Elle m’a supplié…snif…


Adam braque sa torche dans le ravin mais on n’y voit absolument rien.


Il la relève et on passe bien une quinzaine de minutes à la rassurer et la calmer pendant qu’elle hurle sa rage au monde. 


Trop théâtrale cette femme. 


On reprend la route une fois l’impératrice calmée avant de nous arrêter peu de temps après pour passer la nuit.


Je me sens revivre quand je sens la proximité de l’eau au bout d’une longue journée de marche. Je suis si heureuse que je ne fais même pas cas de leur hésitation à me suivre.


Ils sont pourtant les premiers à se jeter à l’eau à notre arrivée devant la cascade. 


Je prends la peine de remercier les esprits de m’avoir guidée avant de me plonger à mon tour dans cette eau bienfaisante. 

Une fois, notre douche prise on organise rapidement nos tours de garde. 

J’attends impatiemment la fin du mien avant de me glisser dans la forêt sans vraiment donner de réponses aux interrogations d’Adam sur mon expédition. 


Je reviens trois quarts d’heure plus tard déçue et dépitée. 

Malgré toute ma concentration et mes efforts, je n’ai pas eu l’ombre d’un flash.


J’espère ne pas avoir perdu le contact. 

Mes visions sont mon seul écran allumé sur cette aventure pour le moment. J’arrive à notre campement en un rien de temps pour découvrir l’impératrice et son chevalier servant plus qu’emboîtés. 


Franchement ! pour une personne accablée de chagrin quelques heures plutôt, elle récupère drôlement la Sissi. 


Je les ignore et vais me coucher parce que j’ai mieux à faire.


------------ (JOUR 13) ------------------


A mon réveil le lendemain, point de traces des tourtereaux. Je me dirige en baillant vers la cascade pour les découvrir dans un remake de la scène de la veille.


- Vous êtes à ce point en manque ?


Ils se séparent en sursautant et Adam nous laisse seules. Je me plonge dans l’eau en l’observant du coin de l’œil. 


Elle sort de l’eau de sa démarche chaloupée et s’essuie le corps comme si elle avait des caméras braquées sur elle. C’est à base de gestes lents et de soupirs. 


Le clou, c’est lorsqu’elle sort un petit tube de crème de son sac à dos.


- Tu ne te refuses rien, toi !


- C’est quoi ton problème Dèlomè ?


- Je n’en ai aucun. Et toi ?


- Moi non plus. Sauf peut-être toi


- Ah oui ? après la pauvre petite Court, c’est moi ton problème ? ne t’inquiète pas, ton chéri ne m’intéresse pas


- Que… qu’est-ce… quoi ?


- C’est vrai quoi. Vous vous disputez quelques minutes après la pauvre disparaît dans un ravin alors que vous étiez seules


Elle jette rageusement son tube de crème et s’habille sans me répondre avant de se diriger vers notre campement


- Dois-je prendre ton silence pour un silencieux et coupable ‘’oui’’ ?


- JE NE TE PERMETS PAS ! tu m’entends ? je…


- Les filles, les filles !


On se tourne toutes les deux vers Adam qui vient vers nous en brandissant une carte.


- J’ai trouvé cette carte dans un panier qui nous attendait là-bas. On est sauvés ! je le savais !


Je lui arrache la carte pour la lire. 


Je suis aussitôt assaillie par une foule d’images qui ramènent le sourire sur mon visage. Mes flashes sont toujours là…

« suite au regrettable accident de Mlle Courtney, la production vous présente ses excuses et ses condoléances les plus attristées. 


Dans ce panier, vous trouverez de quoi vivre une parenthèse enchantée avant de reprendre la route. 


Vous êtes attendus à Pamunda Island. Bien à vous. Rach »


- Ils nous ont entendus ! n’est-ce pas merveilleux Adam ?s'exclame Sissi


- Qu’est-ce qu’il y a dans le panier ? demandai-je


- Je ne l’ai pas encore ouvert. Je vous attendais


- Ne le fais pas dans ce cas. Tout cela me semble trop simple et beau


- Ouais, c’est ça. Et on devrait te croire peut-être ? tsuiipppp


Elle me plante là et se dirige vers le panier suivie d’Adam. 


Je me tiens à quelques pas d’eux et les regarde s’extasier devant les énormes œufs de pâques si joliment enrubannés. 


Je me retiens à grand peine de rire. 


Ils ne pourront pas dire que je ne les avais pas prévenus. 


J’ai à peine formulé cette pensée que Sissi pousse un cri strident en laissant tomber les deux œufs qu’elle tient


- Aaahhhhhh ahhhhhhhhh oh mon Dieu ! des serpents ! des serpents !


- Ne bouge pas Sissi ! ne bouge surtout pas ! lui dit un Adam tout paniqué pendant que l’un des serpents s’enroule autour de son bras… dèlomè, je sais que c’est toi ! c’est bon, on a compris. Libère-là maintenant ! libère-là ! il va la mordre bon Dieu !


- Ouais… je vois ça


Adam se précipite dans la forêt à la recherche d'un bâton. Sissi bien que droite comme un piquet est toute tremblante. Je ne peux m'empêcher de la trouver drôle tant elle a peur...


Je me rapproche et constate que le serpent bien que gros n'est qu'un python. Les deux autres serpents se sont déjà fondus dans la nature. Adam revient rapidement en brandissant son arme mais je l'arrête. Je me rapproche en prononçant quelques incantations. 


En un clin d'oeil, je déroule tranquillement le serpent de son bras avant de l'enrouler autour de mon cou.

Sissi me regarde comme si j'étais folle avant de se précipiter en pleurant dans les bras d'Adam.


- Pourquoi... snif... snif... pourquoi es-tu si méchante? POURQUOI?


- méchante? Je viens de te sauver il me semble


- c'est toi qui a créé cette situation. nous t'avons laissé seule ce matin en allant à la cascade. et comme par hasard, je retrouve ce panier venimeux à mon retour


- Je vous avais bien dit de ne pas l'ouvrir


- justement! comment tu en savais le contenu?


- pffffff tu es saoulante toi! tu m'as vue me balader avec des paniers ces jours-ci?


- après ta demo de sorcellerie, tu es capable de tout! en plus tu savais pour Court!


- quoi? elle savait quoi pour Court?


- quelques minutes avant qu'on ne revienne sur nos pas, elle m'a dit que Court allait avoir un accident


- putain Adam! et tu nous as laissé passer la nuit avec elle?!


- vous êtes vraiment stupides!


Je lis dans leurs regards toute leur méfiance et leur peur à mon égard. Je m'éloigne dans la forêt qui nous entoure pour libérer le serpent. A mon retour quelques minutes plus tard, c'est sans surprise que je constate que Sissi et Adam m'ont faussé compagnie.


Mais où croient-ils donc aller? 


Nous sommes condamnés à rester ensemble dans cette forêt. Tous! A moins de finir comme Nathalie, Larissa ou Courtney....

LE CERCLE