Jour 22 : De découverte en découverte
Ecrit par Owali
*Adam Ntchango*
(JOUR 21)
« Tu m’as trouvé avec mon godet bebe oh oh… »
‘TCHAK TCHAK !’
« Tu m’as aimé avec ma boisson chérie oh oh… »
‘TCHAK TCHAK !’
« Laisse-moi vider mon verre… »
‘TCHAK TCHAK !’
« On va régler tout ça à la maison… »
‘TCHAK TCHAK !’
« Eyonga zalougou eh eh eh… Eyonga zalougou eehhh »
Bon, je crois que c’est bon là je devrais en avoir assez. Il commence à se faire tard, il vaut mieux que j’aille rejoindre Sissi.
Ca fait déjà un petit moment que je l’ai laissé, ce n’est pas très prudent au vu des dangers qui nous guette ici.
Je me remets donc en route en direction du rivage.
« Tous les rotisseurs sont cablés… ah ah ah… Rotission programmée… ebah ! A lalala à droite ! Au couloir de la mort hein…. Eh eh eh… Je ne te trompe pas… au couloir de la mort… je suis avec mes potes, chez jeanot à louis… je bois mon godet mama… au boulevard bessieu… mi diong’ alougou mami…»
Sur cette piste sinueuse, j’esquisse quelques pas de danse sur cet air de Landry Ifouta.
Les souvenirs. C’est tout ce qui me reste. Je m’y accroche pour garder le moral.
Ah vraiment ! Qu’est-ce que je ne donnerai pas pour une bonne Regab bien fraiche à l’heure actuelle. J’ai envie de rentrer chez moi. Plus de 20 jours dans cette brousse, c’est bon la, j'ai eu ma dose. J’ai beau être capable de survivre dans ce milieu, je n’y suis pas à l’aise pour autant. Nous avons été emmenés ici par ce Rach, mais dans quel but ? Seul lui le sait. Lui ou Delomé a qui on a faussé compagnie quelques jours plus tôt. Elle est trop suspecte cette fille, plus loin on se tiendra d'elle, mieux on se portera.
En tout cas pour ce qui est de jouer avec nos nerfs et tester notre résistance physique et mental, pour ça je crois qu’il a réussi son coup. Pour le reste, à savoir ce qu’il a l’intention de faire de nous, je n’ai pas l’intention de rester une journée de plus ici pour le savoir. Dès que j'aurai finis de renforcer le radeau, on se mettra en route pour X.
Je franchis le rideau de feuille qui délimite la forêt de la plage. Au loin, de gros nuage gris sont apparut. Le vent commence à se lever et les arbres se mettent à danser.
Eh merde ! Il ne manquait plus que ça.
Je cherche Sissi du regard, aucune trace. Je dépose les lianes que j’ai cueillies plus tôt et me dirige rapidement vers l’abri de fortune que nous avons construit en arrivant au nord de l’île quelques jours plus tôt.
Elle n’y est pas. Mais ou est-ce qu’elle a bien pu passer ? Je lui ai bien dit de m’attendre ici.
Je ressors et me mets à la chercher du regard tout le long de la côte.
Je cherche, je cherche… j’aperçois un point rouge à une vingtaine de mètre dans la mer. Je plisse les yeux.
On aurait dit… je vois des traces de pas qui partent de l'abris à la mer.
Oh non ! Pas ça !
« TIENS BON EVE ! »
Sans réfléchir je cours, plonge dans l’eau la tête la première et nage aussi vite que je peux vers elle. Le courant est fort et l’orage qui approche ne va pas pour m’aider dans ma progression. Tiens bon Adam, tiens bon. Je redouble d’effort et plonge en profondeur pour éviter que les grosses vagues me renvoient en arrière. Rapidement j’arrive à l’endroit que j’avais repéré mais je ne la vois plus.
Putain ! Ou est-ce qu’elle est passée ? Je plonge à nouveau et nage un peu à l’aveugle car l’eau est tellement trouble que je n’y vois rien mais quelques minutes plus tard, je dois me rendre à l’évidence…
-Oh non pas ça… pas ça... NOOOONNNN !!!
Pas elle, pas Sissi, pas ma Eve…
Une grosse vague s’abat sur ma tête et je me retrouve propulsé encore plus loin du rivage. Je suis sous l’eau, j’ai tellement mal que je n’ai même pas la force de regagner la surface. Mais un flash me pousse à sortir.
Awana, ntsé yami, Mandji, Lémbaréni … Zélé, zélé,zélé, mi re bé dyuwa gunu (Les enfants, ma terre, Port-Gentil, Lambarené… non, non, non je ne vais pas mourir ici).
Je sens quelque chose frôler ma nuque. Je me retourne et tombe sur… son tee-shirt rouge que j’ai aperçu au loin. Mais…
« ADAAAAMMM !!!! ADAMMMMM !!! »
Je me tourne à nouveau vers la voix lorsque j’entrevois une silhouette… l’eau salée qui s’insinue dans mes yeux m’empêche de voir distinctement mais je crois reconnaitre Sissi.
RRHHHAA ! Elle va m’entendre celle-là.
Elle me fait de grand geste.
Oui, oui c’est bon je t’ai vu.
Je m’apprête à nager pour regagner le rivage lorsqu’un aileron passe devant moi.
Mon sang se glace en une fraction de seconde.
Il ne manquait plus que ça ! Mais c’est quoi cette poisse ?!? Ok ok… bon réfléchie, réfléchie. Les règles élémentaires à connaitre lorsqu’on se retrouve face à un requin sont restées calme, ne pas paniquer et… ne JAMAIS le quitter des yeux !
Il tournoie autour de moi et je le suis du regard. Lentement je commence à nager vers le bord. Il se rend compte de ma manœuvre et se rapproche dangereusement de moi. J’arrête ma progression. Les cris de Sissi se font de plus en plus désespérés. Si elle pouvait se la fermer, ça m’aiderai pas mal. J’essaie de me reconcentrer sur un moyen de m’échapper. Je remarque que je tiens toujours le tee-shirt rouge dans ma main. Ah mais bien sûr !
Je prends mon élan et le balance le plus loin possible. Mais la bête continue de tourner autour de moi. Je commence sérieusement à me fatiguer. Le tonnerre gronde et les vagues sont de plus en plus violentes. Je décide de faire le mort. Je me laisse flotter à la surface en faisant toutes les prières qui me passent pas la tête. Contre toute attente, le squale s’éloigne ; Probablement attiré par l’objet que j’ai lancé. Sans perdre une minute de plus, je me mets à nager aussi vite que je peux. Il se rend compte et se lance à ma poursuite. Je redouble d’effort sous les encouragements de Sissi. J’échappe de justesse à un de ses coups de mâchoire. Une grande vague me soulève et Dieu merci lorsque j’atterrie dans l’eau, il n’y a plus aucune trace de lui. Il a abandonné sa chasse.
Essoufflé, mais vivant, je parviens à rejoindre la plage.
-Oh ! La la j’ai vraiment cru qu’il allait t’avoir ! s’écrit Sissi en plongeant sur moi.
Je suis allongée sur sable. Je n’ai même plus la force de l’engueuler. Des gouttes d’eau commencent à tomber du ciel.
-Adam, il ne faut pas qu’on reste la, l’orage arrive. Lève-toi, j’ai trouvé une grotte dans laquelle on peut aller s’abriter.
Je trouve la force de me lever et m’appuis sur elle pour marcher jusqu’à la fameuse grotte qu’elle avait repéré. Voyant le temps se dégrader, elle avait pris l’initiative de se lancer dans l’exploration d’un meilleur endroit pour rester au sec le temps que l'averse passe. Elle avait peut être bien fait mais je restais furieux contre elle.
-Est-ce que tu comprends au moins que j’ai risqué ma vie en pensant sauver la tienne alors que Madame avait tout bonnement décidé de se balader dans la foret en laissant traîner ses affaires !
-Non mais j’hallucine quoi ?! Combien de fois vais-je devoir te le dire ! Je-n’ai-pas-laissé-trainer-mes-affaires !
-Et comment tu expliques que ton tee-shirt se soit retrouvé là-bas ?
- Ben je n’en sais rien ! Peut-être qu’il a décidé de sortir de mon sac à dos pour aller piquer une tête !? Sérieux tu me soûles, lâche moi la grappe !
Elle va s’isoler dans un coin de la cavité. Je fais de même et finis par m’endormir assis.
Au milieu de la nuit je me réveille car j’ai cru entendre un bruit. Je me lève et scrute les alentours à l’aide de ma lampe torche. Je ne vois rien alors que je fais demi-tour.
En arrivant dans l’abri, je trouve Sissi recroquevillée sur elle-même toute tremblante de froid.
Pfff celle-là, son orgueil va la tuer.
Je sors une chemise longue manche de mon sac et la recouvre avec, avant de me coucher près d’elle. Je passe ma main autour de sa taille et la tire vers moi. Toujours endormis elle rouspète un peu mais fini par se retourner et enfouit sa tête dans mon cou.
Je la réchauffe en frottant mes mains énergiquement sur ses avants bras et quelques minutes plus tard je sens qu’elle se sent mieux vu qu’elle ne grelotte plus. Je remonte alors ma main vers la sienne pour la tenir. Sa paume est fermée alors je force un peu pour l’ouvre lorsque je sens quelque chose dans sa main.
Je saisis ce que je prends pour un bout de papier et l’éclaire à l’aide de la torche.
Il s’agit en réalité d’une photo. A y regarder de plus près, je dirai celle d’un enfant… un petit garçon. Je regarde Sissi, elle est toujours endormie.
Non… ce n’est quand même pas le sien. Elle me l’aurait dit si elle avait eu un enfant… Non ? Si… a moins que… je regarde plus en détail les traits de cet enfant. Les oreilles collé, le menton allongé, les yeux fins… il ne lui ressemble pas… je dirai même qu’il... qu'il me ressemble plus jeune…
Oh Non !
Elle ne m’a tout de même pas caché ça !
(JOUR 22)
Je n’ai pas pu retrouver le sommeil cette nuit. La découverte que j’ai faite m’a complètement retourné et je ne sais pas trop comment réagir. Ne voulant pas créer un nouveau drame, notre condition étant déjà suffisamment compliqué, j'ai décidé de la jouer fine et de l' observer le temps de trouver le meilleur moyen d'aborder le sujet avec elle.
Je devrais peut être lui lancer des pics et voir comment elle réagit...
J'ai fais ma séance de sport matinale habituelle et lorsqu’elle s’est levée nous nous sommes mis en route pour rejoindre la côte.
Elle marche devant moi. La brassiere et le petit short qu'elle a sur elle me permettent d'observer aisément son corps en détail.
Il était parfait, on ne devinerait jamais qu'il a déjà connu les affres de la maternité.
Devant sentir mon regard, elle se retourne brusquement.
- C'est quoi ton problème?
- Hein comment ça?
- Ben tu n'as pas desserré la mâchoire depuis qu'on s'est levé? Tu fais encore la tête à cause d'hier?
- Hier? ... Heu.. non non pas du tout... Je suis juste... pensif...
- Pensif?
- Oui... je pense aux enfants...
- Aux enfants? A tes enfants tu veux dire?
- Oui... à eux et à ceux que j'aurai pu avoir avec toi...
Je la sens se crisper une fraction de seconde mais elle se reprend rapidement.
- Ne remue pas le couteau dans la plaie Adam. Je n'ai pas envie d'aborder à nouveau ce sujet avec toi.
- Ok. Oublie alors.
Bien ce n'est pas gagné. Il va falloir que je trouve autre chose si je ne veux pas qu'elle se braque à nouveau.
Nous continuons notre marche en silence.
Arrivés sur la plage, elle me laisse pour aller faire un brin de toilette au bord de l’eau. Je retourne à l’endroit où j’avais déposé la veille les lianes devant servir à resserrer les branches d’arbre entre elles pour finaliser le radeau.
Comme je le craignais, la tempête avait tout emporté. Pour couronner le tout, les branches que l’on avait entreposées dans notre abri de fortune avaient pris l’eau. Il me fallait tout recommencer !
Je m’assis dans un renfoncement sous un cocotier et bouillonne de rage en silence. Je suis en colère contre moi-même. On était si prêt du but! Maintenant il faut tout recommencer.
-Regarde ce que j’ai trouvé ! Me lance Sissi en venant vers moi avec une grosse noix de coco dans les mains.
-Pffff
-Quoi encore ? Je t’apporte à manger et c’est tout ce que tu trouves à dire ? Un simple merci aurait suffit ! réplique-t-elle en s’asseyant en me tournant le dos.
-Excuse moi mais... T’en as pas marre de manger tout le temps la même chose ?
-Si mais il faut bien se nourrir. Qu’est-ce que tu veux d’autres ?
-Je veux… Ah tu me demande ce que je veux… hum… un bon poulet fumé nageant allègrement dans de la sauce Odika... Ou alors non! Un bon bouillon de carpe avec de l'oseille accompagné de quelques flotteurs…
Les yeux fermés je me replonge dans des souvenirs gustatifs qui me semblent tellement lointain…
-Adam…
-Hum… Non laisse-moi manger mon ayakwé (Feuilles de manioc) kokolo…
-Arrête ton délire Adam et ouvre tes yeux ! On a de la compagnie…
Hein ?
J’ouvre mes yeux et me redresse légèrement. Je mets ma main en visière pour limiter l’éblouissement du soleil. 3 silhouettes... non 4 à environ 15 mètres viennent de sortir des bois et semblent chercher quelque chose sur la côte.
-Baisse-toi ! Chuchotè-je à Sissi en lui tirant la main vers le bas.
-Aïeee ! Mais...
-Chut ! Tais-toi ! Observe.
Le groupe est constitué d’un homme et 3 femmes. Ils semblent particulièrement bien équipés. L’homme a un genre de talkie-walkie accroché à sa taille.
-Adam…
-Sissi tu peux arrêter de discuter deux minutes et faire ce qu’on te dit ?
-…
Ils se parlent entre eux mais de là où je suis je n’entends rien.
‘KOUM KOUM KOUM’
Ils se tournent tous dans notre direction. Je me retourne et vois avec stupeur Sissi qui, une grosse pierre à la main est en train d’essayer d’ouvrir sa noix de coco.
Non mais je rêve ou elle le fait exprès !
-Mais tu veux nous faire tuer ou quoi? c’est quoi ton problème ?!? criè-je en chuchotant.
Je me précipite vers elle pour lui faire cesser son vacarme avant que…
« Sissi ?!? C’est bien toi ? Oh Dieu soit loué !»
Trop tard…
Je sors de ma cachette complètement et tombe nez à nez avec…
-Si tu arrêtais de faire ton mâle dominant deux minutes, tu m’aurais peut être laissé te dire que j’avais reconnue Charles, Noémie, Massa et Nathalie.
Ils étaient là, tous les 4 devant nous, dans un état tout aussi lamentable que le nôtre mais visiblement heureux de nous voir.
-Nous commencions à désespérer de vous retrouver ! lance Charles. Maintenant que c’est chose faite, reste plus qu’à mettre la main sur les 7 autres.
7 autres ? Heu… quelqu’un peut m’expliquer ce qui se passe ici ?!?