Jour 8 : Les uns et les autres

Ecrit par Owali

*** J.K ***


JOUR 4


Je m'ennuie. Je m’ennuie ferme.

Ces premiers jours sur l’ile, à devoir essayer de retrouver notre chemin et je ne sais quel fantomatique hôtel, sont un véritable calvaire pour moi.


Déjà que tout ce qui n’est pas mangas ou programmation informatique m’ennuie - à moins de porter un jupon – mais en plus, je suis habitué à réfléchir et à décider seul. Alors devoir consulter Solène et monsieur-je-joue-les-beaux-gosses-car-j’ai-des-yeux-de-couleur à chaque fois que je veux faire un truc, ça me fait juste chier.


A vrai dire, je me fait chier depuis le début de cette aventure, depuis le moment où j’ai mis pieds dans mon jet jusqu’à ce que je sois obligé de cohabiter avec une ex que j’ai envie de sauter de nouveau et un type que je déteste.


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Quand j’ai embarqué dans l’avion, au lieu de cette pointe d’excitation que je ressens à chaque fois que je vais découvrir un nouvel endroit, je n’ai ressenti qu’un ennui profond et une envie irrépressible de rentrer chez moi.


Ni les magnifiques images de l'ile que madame martin a téléchargé pour moi, ni le merveilleux goût de mon whisky de 80 ans n'ont réussi à me mettre dans l'ambiance.


Pas même le spectacle hautement érotique de mes hôtesses en train de s'embrasser et de se tripoter n'a eu d’effets. La plupart du temps, je me joins à elles, mais là, je me suis contenté de leur lancer un regard las avant de proposer à Howard d'échanger de place. Le bon bougre m’a cédé les commandes sans se faire prier, et si le plaisir que j'ai d'habitude à voler était présent, ça n’a pas suffi pour que cette expression blasée disparaisse de mon visage.


Je m'ennuyais.


Quand on atterri au Zanzibar, mon niveau d'ennui a augmenté. J’ai été obligé de faire les formalités de douane et de police étrangère avec la populace. Comme s’ils n’avaient pas de poste pour les VIP. A quoi ça sert d'avoir un avion privé si au final, on doit se mélanger au commun des mortels?


Une fois ce calvaire terminé, je suis sorti dans le hall de l'aéroport, Becka et Woodie sur mes talons.


J’ai scruté et observé la foule et au bout de 5 minutes, il a été assez évident que la personne supposée m’attendre depuis 9heures du matin aurait des sérieux soucis si je mettais la main sur elle.


Je me suis donc dirigé vers le comptoir d’accueil, et après avoir bavé, balbutié et rougi devant l’être parfait que je suis, la réceptionniste a fini par me donner l’info que je voulais: la personne qui devait venir me chercher a eu un empêchement et je devais prendre un taxi pour me rendre a la marina.


Un taxi? Et puis quoi encore?


J’ai chargé Becka d'aller me trouver une voiture à louer et elle est revenue dix minutes plus tard avec la clef de ce qu'elle a trouvé de mieux: une Peugeot 407. 


Inutile de vous dire que mon irritation est montée d'un cran. Je devais vraiment monter dans ce genre de véhicules du siècle dernier? 


Pour un endroit qui fait piège à touristes fortunés, ils pourraient au moins avoir des Bentley, non?


Au moins, l'épave était dotée d'un GPS, et tant bien que mal, nous sommes arrivés à la marina.


Là, mon irritation a atteint des sommets quand ils m’ont montré le ‘’yacht’’ que j’étais supposé utiliser pour aller sur l’île. Le truc avait plus trait à une pinasse qu’à un bateau. Certes, il n'était pas minuscule, mais il ne m'inspirait rien qui vaille. Et ce nom: the Sailor? Quelle idée de nommer un bateau ainsi? C'est un bateau, nom de Dieu, c'est évident qu'il navigue!


J'ai hésité vraiment à monter sur cette espèce de radeau à moteur, et quand je me suis enfin décidé, Hughes, le type qui devait m’accompagner sur l’ile a porté le coup fatal à mon humeur : mes hôtesses ne pouvaient pas venir.


J’ai cru devenir fou et me suis retrouvé à gueuler sur le pauvre type.


J’étais en train de lui passer le savon du siècle quand soudain, toute cette journée merdique s’est éclairée : mon regard est tombé dans celui de Solène.


Ah, cette femme. Une pure bombe. Elle arrive facilement dans le top 3 des meilleurs coups de ma vie.


On a pris chacun de nos nouvelles et quand j’ai su qu’elle allait aussi sur une ile au large des côtes, mon cerveau s’est mis à fonctionner à mille à l’heure. J’ai calculé que la probabilité qu’on se retrouve sur la même ile et dans le même hôtel était assez élevée, et ça a suffi à me convaincre de m’embarquer dans cette aventure.


On s’est dit au revoir et je l’ai regardée s'éloigner, la croupe frétillante et frémissante. Le balancement de ses hanches m’a rappelé des souvenirs et je me suis trouvé à l’étroit dans mon pantalon.


J’étais plus que motivé à aller donner cette interview et je me suis séparé des deux filles sans grand regret. Il faut dire qu'une Solène vaut largement une Becka et une Woodie. Cette femme a un de ces coups de rein.


Hughes s’est chargé d'installer mes affaires dans une cabine et est revenu me trouver sur le pont, un verre de Scotch à la main. Je l’ai reniflé et me suis enivré de l'arôme de l'alcool avant de le porter à la bouche. Il était excellent. 


J’ai commencé à me détendre et à apprécier le voyage.


Tout absorbé par la contemplation de la merveille de la nature qui s'étendait devant moi, je ne remarque pas tout de suite que je ne suis plus seul. C'est quand j'ai entendu un raclement de gorge que je me suis retourné.


Mon regard est tombé dans celui vert d'une jeune femme vêtue d'un simple paréo.


- monsieur Tomoko? Excusez-moi.


- oui?


- Hughes a dit que vous aviez besoin de moi.


Moi? J’ai haussé un sourcil, un peu perplexe.


-a t'il dit pourquoi?


Elle s’est avancée un peu vers moi et m’a souri. Son sourire était tout sauf innocent.


- il a dit que vous étiez un peu ennuyé d’avoir laissé vos amies sur terre.


Elle a avancé jusqu'à se coller complètement à moi et a posé sa main sur l'érection que je devais à Solène et n'étais pas encore tombée.


- je pourrais peut être... je ne sais pas... vous distraire?


Rectification, je commençais à vraiment beaucoup apprécier ce voyage.


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JOUR 5


La voix de Solène qui crie mon nom me fait sursauter et je prends rapidement congé de madame Martin avant de raccrocher et de remettre mon portable dans le creux d’arbre ou je l’avais caché.


Je sors ensuite du couvert des arbres et rejoins Solène près de la grotte. Je me compose une mine épuisée et me traine plus que je ne marche vers elle. Il ne faudrait pas qu’elle se doute que contrairement à eux, je peux encore boire du café ou du whisky.


Elle se lance dans un monologue sur la disparition de son cher ami et j’ai de plus en plus de mal à ne pas l’interrompre d’un bon débarras. Elle me soule, avec son type là ! C’est vrai quoi, on n’a plus le rabat-joie dans nos pates, on devrait, je ne sais pas moi, baiser ! Au lieu de ça, elle ne fait que se plaindre et s’inquiéter de lui.


Il peut bien être mort, je m’en tape. On meure tous un jour ou l’autre, non ?


Tiens, à parler du loup, le voilà qui émerge du couvert des arbres : Judicaël dans tout son splendide débraillement.


Je me refuse à l’appeler Jude, comme il l’a proposé. Ça donnerait l’illusion qu’on est proches, ce qui n’est pas le cas. On n’est même pas dans la même galère, lui et moi.


Moi, je suis prévoyant, et j'ai bien plus de ressources qu'ils ne peuvent l'imaginer.


********


Nous avions sombré dans un sommeil post-séance-de-distraction-plutôt-intense avec Bella, la jeune fille en paréo, quand Hughes est venu frapper à la porte de ma cabine pour nous informer que le bateau accosterait bientôt.


J’ai donc sorti mon portable pour appeler madame Martin pour lui annoncer que j’y étais et lui laisser certaines instructions.


Cette dernière, avec sa paranoïa chronique, avait réussi à me convaincre qu'il fallait que j'aie des appareils pour pouvoir communiquer avec elle ou Stef, mon second, en cas de panne d'électricité ou de coupure de connexion internet.


J’ai donc mis le quart d’heure restant avant notre débarquement à profit pour bricoler un transistor et le transformer en portable à ondes satellites. 

J’ai aussi modifié ma powerBank pour qu’elle fonctionne à l’énergie solaire.


Quand le bateau a accosté, Hughes m’a sorti son couplet sur les employés de l’hôtel qui arriveraient bientôt et je suis descendu avec mes affaires. Une fois le bateau reparti, j'ai patienté un peu, mais il est bientôt devenu évident qu'il n'y aurait ni staff, ni hôtel.


A ce moment là, j'ai commencé à être intrigué: pourquoi se fatiguer à me déplacer sur une ile déserte, alors que la personne qui a monté cette mascarade, si elle voulait me tuer, aurait simplement pu passer par une belle meuf bien gaulée? 


C'est pas les tueuses à gage sexy qui manquent à NY, non?


C’est cette curiosité qui m’a retenu de rappeler Howard me chercher avec l’avion. 


J'ai juste pris mes affaires et ai longé la plage, à la recherche d’un endroit où installer mon campement.


J’ai trouvé une sorte d’alcôve creusée dans la roche et je m’y suis installé. Avec un morceau de corde que j'avais trouvé en sortant du bateau et des vêtements, je me suis fait un hamac et j’ai passé une excellente nuit.


Le lendemain matin, j’ai commencé la journée ordinairement, avec mon ristretto au nicaraguayen (merci à madame Martin de toujours en glisser une boite ainsi qu’une cafetière dans mes valises) avant d’aller explorer les environs.


J’ai marché tranquillement, sans pression aucune, profitant du silence pour appeler mon adjoint et vérifier que tout allait bien dans la compagnie.


Aux environs de midi, je suis tombé sur Solène, et si le fait de la retrouver là, sur cette ile vierge m’a donné des idées dignes des plus grands chefs d’œuvres porno, la présence à ses côtés de ce bellâtre aux yeux gris m’a tout de suite refroidi.


J'ai toujours détesté cet imbécile de Judicäel, avec ses yeux gris et son air de tombeur à 3 francs 6 sous. Le temps passé depuis la dernière fois que je l'ai vu, à la dédicace du livre de Solène, n'a pas arrangé les choses: j'ai toujours autant de mal à le supporter. 

Et à voir son air, c'est toujours aussi réciproque.


Non, ce n'est pas de la jalousie.


Enfin, de mon coté, parce qu'il est certain que si lui me détestes aussi fort, c'est parce que Solène m'a préféré à lui. Franchement, il s'attendait à pouvoir rivaliser avec moi? il ne peut en vouloir à personne de son manque de lucidité.


Si j'ai tant de mal à le supporter, c'est non seulement parce qu'il me soule, à toujours jouer le type qui a tout vécu et qui est blasé de la vie, alors que les seules expériences qu'il ait vécu viennent tout droit de son imagination.


Et non, ça n'a rien à voir avec le fait qu'il ait tué la seule fille que j'aie jamais aimé.


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JOUR 7


Je jette un regard à mes compagnons. Solène est transie de peur et de froid, et Judicaël, sous ses airs de je-contrôle-la-situation-je-suis-un-dur n’en mène pas plus large.


Moi ? Je jubile. Je suis aux anges. Ça fait tellement longtemps que je ne me suis pas autant amusé. C’était déjà une belle aventure que de devoir survivre avec le minimum au beau milieu de la forêt vierge. 


Mais quand on a commencé à entendre des coups de feu, là, c’est carrément devenu le pied. Non seulement, ça donnait une autre dimension à cette histoire, mais en plus, ça nous rassurait qu’on n’était pas seuls ici.


Après, Judicaël a plus flippé qu’autre chose, du coup, je suis obligé de cacher ma joie, mais c’est juste génial comme situation.


Soudain, j’entends un bruit sourd, comme celui d’un marteau dans une planche de bois.


Je tourne la tête et remarque l’objet fiché dans l’arbre juste au-dessus de la tête de mon meilleur ennemi. J’ai tout juste le temps de penser que c’est de mieux en mieux et d’esquisser un sourire que d’autres flèches se mettent à fuser.


Je leur crie de fuir et me met à courir en direction de l’arbre dans lequel je cache mes objets les plus précieux. Je récupère mon portable et ma boussole et m’enfonce dans la forêt.


Je cours je ne sais combien de temps, puis quand enfin, je n’entends plus que le silence, je m’adosse à un arbre et éclate de rire.


Décidément, je m’amuse comme un petit fou. 


L’invitation de cette association est assurément la chose la plus merveilleuse qui me soit arrivée ces derniers jours.


Quand je suis calmé, je refais le chemin en sens inverse aidé de ma boussole, notre campement étant au sud.


J’y trouve Solène, recroquevillée sur le sol, pleurant toutes les larmes de son délicieux corps. Je crains un instant qu’elle ne soit blessée et quelque chose que je n’avais plus ressenti depuis des années m’envahit. Je m’inquiète pour elle. Je m'approche d'elle et lui parle doucement:


- Lena? Cherie, tu n'as rien?


- ma jambe...


Je me penche et saisi sa jambe pour l'examiner.


Je fais de mon mieux pour refouler la chaleur qui m'envahit au contact de sa peau si douce et me concentre sur ses réactions lorsque je la palpe.


Je constate que sa cheville est enflée et violacée, et le cri qu'elle pousse quand je la touche me conforte dans mon idée qu'elle est foulée.


Je me met a reflechir rapidement a si je dois lui donner un peu de la précieuse pénicilline que j'ai cachée dans mon creux d'arbre. Certes, je suis inquiet pour elle, mais j'ai une réputation de petit con arrogant égoïste et nombriliste a préserver. 


Après, ce n'est pas comme si quelqu'un pouvait me voir. J'ai à peine le temps de formuler cette pensée que notre star bien aimée daigne enfin nous gratifier de sa présence et sors de sous les bois.


Il s'approche de nous l'air carrément stone, et se met a discuter avec Solène de sa foulure. Je profite de ce moment pour me faufiler jusqu'à mon arbre et récupérer un quart de comprimé. 


Quoi? Un quart c'est suffisant pour ma garder en vie. Faut pas non plus abuser, je ne suis pas l'armée du salut.


JOUR 8


Depuis hier, Solène à la cheville foulée, et cet enfoiré de Judicaël utilise ça comme prétexte pour la porter et la tripoter sous couvert de la soutenir et de l’aider à marcher. 


Je vois bien dans son jeu, ce sale type. Il essaie de tourner la situation à son avantage. En plus, il a instauré un système de rotation pour le ravitaillement et la garde du feu, et comme par hasard, je suis celui qui a le plus de tours. 


D’ailleurs aujourd’hui, c’est encore à moi de m’y coller.


Au moment de quitter le camp, min regard tombe sur eux, enlacés, la main de Judicaël courant sur la cheville de Solène sous prétexte de la masser. J’ai juste envie de faire demi-tour et de lui foutre mon poing dans la gueule. Mais comme Solène me l’a fait remarquer hier, on doit garder notre énergie pour de choses plus importantes que nos stupides concours de qui pisse le plus loin. Quoique, je suis certain que je les gagnerais, contre lui.


Je me m’enfonce donc dans la forêt, bouillant de rage.


Je suis tellement occupé à imaginer mille et une façons de torture Judicaël quand on sera de retour à la civilisation que je ne fais pas attention ou je mets les pieds.


Je trébuche et je m’étale de tout mon long. 


Encore heureux que je sois seul.


Je me redresse et donne un coup de pied dans le morceau de bois qui m’a fait tomber et qu’elle n’est ma surprise de constater de le bois ne bouge pas.


Je donne un autre coup de pied, toujours rien.


Je me baisse et essaie de tirer avec mes mains. Au lieu de sortir du sol, le morceau de bois se soulève et révèle une entrée dans le sol. 

Je jette un coup d’œil autour de moi et sors mon portable. Je compose un message à madame Martin pour lui demander de prévenir des secours au cas où je ne lui fais pas signe dans une dizaine de minutes.


Une fois fait, je m’engouffre dans l’ouverture et active la torche de mon portable.


*****Quelques heures plus tard*****


J'ai décidé d'abandonner la cueillette et ai réussi à pêcher deux gros poissons avec lesquels je suis revenu au campement.


Judicaël se charge de fabriquer une rôtissoire et je m’éloigne dans le couvert des arbres.


Je sors mon portable de ma cachette, entre dans le menu et me connecte au satellite. de là, je cherche l'ordinateur auquel je veux accéder et trouve rapidement la caméra que je cherche.


Je contemple presque hypnotiquement le reste de cadavre qui se balance sur l'arbre, au milieu de cette sorte de clairière. L'adrénaline afflue dans mes veines à la vue de cet amas de chair qui fut autrefois un être vivant. Quelques choses attire mon attention au niveau de l'arbre sur lequel le corps est accroché. 


Je zoom au maximum pour essayer de distinguer...se qui ressemble à...on dirai une feuille blanche...hum...il faut que j'aille voir ca de plus pret!


Oui, assurément, j'adore cette île.

LE CERCLE