JUSQU'AU BOUT DU MONDE

Ecrit par princesse tia

_Ma chérie, Véro ma chérie, où es tu ?


C'était Joseph qui criait d'une voix essoufflée en entrant dans la cour de Dada Joséphine. 


_Mais qu'est ce que tu as à crier comme ça même Joseph ? C'est parce que tu sais que Dada n'est pas là que tu te permets de faire le pitre, lui répondit Véronique depuis la chambre.


Joseph éclata de rire et dit:


_Toi sors seulement ma chérie. Tu fais quoi dedans là bas même? 


Véronique fini par sortir en traînant des pieds.


_Si tu savais ce que c'était de se déplacer avec ce ventre énorme tu ne me presserais pas, lui dit elle toute essoufflée en cherchant des yeux un tabouret pour s'asseoir.


Elle en était à son septième mois de grossesse mais avait déjà hâte d'accoucher. Cette seconde grossesse, contrairement à celle d'Angela, l'avait beaucoup plus épuisée. Elle se sentait beaucoup plus grosse et plus lourde. 


Angela avait un an lorsque Véro était retombée enceinte. Dada Joséphine s'était plainte que c'était trop tôt et que Joseph n'avait toujours pas demandé sa main , mais elle n'avait eu d'autre choix que d'accepter ce nouvel arrière petit fils ou petite fille qu'elle allait avoir. Véronique quand à elle avait été très heureuse de cette nouvelle grossesse. Elle était plus amoureuse de Joseph que jamais et continuait de croire fermement qu'il l'épouserait en bonne et dûe forme dès que possible, comme il le promettait chaque jour.


_Bon dis moi pourquoi tu cries mon nom à tue tête ainsi ? 


_Je pars à Abidjan chérie, nous allons partir à Abidjan, répondit Joseph en souriant jusqu'aux oreilles. 


Véronique le regardait en se demandant s'il n'avait pas fumé de l'herbe par hasard. 


_Abidjan? Mais comment ça Abidjan ? Ça n'a jamais été dans nos projets, c'est quoi cette histoire encore Joseph ?


_Bien, je t'explique ma chérie. Il se fait que nous les infirmiers avions passé un concours au dispensaire et les deux premiers seront envoyés à Abidjan pour une formation et je suis deuxième. N'est ce pas formidable Véro ? 


_Je peux savoir pourquoi je n'entends parler de ce concours que maintenant ? 


_Je ne savais pas vraiment si ça allait marcher alors je n'en ai parlé à personne ma chérie, tu sais que je suis un peu superstitieux.


_Huuum! Tu continues donc de me cacher des choses Joseph. Pourquoi tu me fais ça?


_Pardon ma Véro, pardon d'avoir omis de te dire ça, je ne le referai plus promis. Allons, calme toi ma belle, ce n'est pas bien pour le bébé que tu t'enerve. 


Véronique ne voulant pas faire des histoires soupira et lui demanda:


_Et ce sera pour combien de temps cette formation ?


_Un an, ma chérie. Je voudrais que tu viennes avec moi.  Moi je dois partir dans un mois. Tu pourrais me rejoindre après l'accouchement qu'est ce que tu en dis ?


Le visage de Véronique s'assombrit.


_Joseph, mais je ne peux pas quitter ma grand mère pendant un an. Je ne pourrai pas t'accompagner je suis désolée.


Cette réponse contraria Joseph.


_Ta grand mère, ta grand mère, tu n'as que ça à la bouche. Ta grand mère elle a déjà eu sa vie de famille depuis des années, maintenant c'est à ton tour de fonder la tienne. Si tu ne le sais pas je t'informe. 


_Mais enfin Joseph pourquoi te comportes tu de la sorte ? 


Véronique était au bord des larmes. Elle était choquée qu'il minimise autant ce lien fort qui la rattachait à sa grand mère. 


_Elle est vieille tu sais, il faut que je je sois là pour prendre soin d'elle. Je ne serai pas tranquille si je devais la laisser seule pendant une aussi longue période. Comprends moi Joseph. 


Voyant qu'elle était sur le point de pleurer, Joseph se radoucit un peu. 


_Huuum! D'accord. Mais tu viendras quand même avec les enfants pour quelques semaines n'est ce pas ? 


_Oui chéri pour quelques semaines ça peut aller. 



Joseph s'en alla un mois plus tard et Véronique donna naissance à leur fils Luc, deux semaines après son départ. Il les appelait souvent sur le téléphone d'un voisin de la concession et il essayait de leur envoyer de l'argent autant qu'il pouvait. Ça ne suffisait pas toujours mais Véronique se débrouillait pour que les enfants ne manquent de rien. Elle avait fini sa formation de couture mais n'avait pas encore les moyens de s'installer à son propre compte alors elle se faisait employer comme ouvrière journalière dans quelques ateliers de couture. Joseph lui demanda plusieurs fois de venir passer quelques semaines à Abidjan avec les enfants mais elle avait du mal à laisser sa grand mère. Cette dernière à cause de ses maux de hanche et de genoux n'arrivait plus à aller régulièrement au marché pour vendre ses produits, ni aux champs pour ramener des vivres comme elle le faisait si souvent dans le temps. Véro était quasiment devenue la seule à nourrir la petite famille. 


Une année passa ainsi et Joseph rentra pas comme il l'avait promis. Lorsque Véronique lui demandait pourquoi, il répondait invariablement que la formation avait été prolongée mais ne disait jamais précisément jusqu'à quand. 


Un mercredi, Véronique alla au marché faire quelques emplettes lorsqu'elle tomba sur Esse une de ses amies, qui était revendeuse.


_Vero comment vas-tu ? Demanda t elle lorsque Véronique s'arrêta devant son étalage. 


_Ça va Esse et toi? 


_Je rend grâce à Dieu copine. Les enfants vont bien ?


_Oui oui il vont bien. Tes ignames là sont à combien ? Est-ce qu'elles sont bonnes pour faire du foufou ?


_Oh! Oui pour ça ne t'inquiètes même pas, ton mari il va adorer si tu lui fais du foufou avec ces ignames là, répondit Esse en lui lançant un regard malicieux.


Véronique croyant qu'elle voulait juste la charrier un peu, se mit à rire.


_Esse attention hein! Tu sais bien que mon mari est absent mais tu te moques de moi. 


_Huuum! Véro tu crois que je ne sais pas qu'il est rentré? Tu veux tellement nous le cacher quoi! Ne t'inquiètes pas copine nous ne comptons pas te voler ton homme ooooh ! Rétorqua Esse en éclatant de rire à son tour.


_Ah! Mais tu parles de quel homme même ? Toi Esse et tes histoires.


_Tu as combien d'hommes Véro ? Je parle de Joseph. Je l'ai vu hier dans leur village. Tu sais que mardi c'est leur jour de marché. J'étais allé vendre là bas. 


Le sourire de Véronique s'évanouit instantanément, son cœur se mit à battre très fort. Au début elle cru que c'était la plaisanterie qui continuait mais elle se rendit vite compte que son amie était sérieuse. 


_Esse tu es sûre que ce n'était pas une ressemblance ? Demanda t elle en priant tous les dieux pour que son interlocutrice ne confirme pas ce qu'elle redoutait. 


_Mais bien sûr que non, c'était bel et bien Joseph. C'est juste qu'il était un peu loin de moi et comme on ne crie pas le nom des gens en plein marché, je ne pouvais pas l'appeler. Sinon c'était bien Joseph, je ne me trompe pas. 


Véronique eu l'impression d'étouffer, il lui fallut de longues minutes pour se reprendre.


_Vero ça va ? Lui demanda Esse plusieurs fois. 


Elle déglutit péniblement et esquissa un sourire. 


_Oui ça va, ça va. C'est juste que je n'ai rien mangé depuis le matin et donc j'ai le vertige. Mais ça va aller. Vends moi un tas d'ignames s'il te plaît, je dois vite rentrer, j'ai laissé mon bébé à la maison. 


Elle fit rapidement ses emplettes et se hâta de rentrer. 


_Vero qu'est ce qu'il se passe ? Ça va ? Demanda Dada lorsqu'elle arriva. 


_Oui ça va Dada, répondit elle d'une voix qui fit comprendre à la vieille qu'il ne fallait pas en demander plus. 


Toute la journée Véro ne parla pratiquement à personne, elle vaqua mécaniquement à ses occupations, comme un robot. 


Le soir à 18h, elle donnait à manger à Angela lorsque Joseph se pointa des colis plein les mains. 


_Surprise, s'écria t_il en s'avançant. 


Angela qui n'était pas très grande lorsque son père partait, ne le reconnu pas. Elle le regarda timidement et même un peu craintive lorsqu'il la prit dans ses bras.


_Ma princesse tu as grandit oh là là, dit il en l'embrassa sur la joue, après avoir poser les paquets qu'il tenait. Après quoi il prit Luc qui gigotait tout seul sur la natte à côté de sa maman et lui fit des câlins.


_Coucou mon garçon, c'est papa. Oh! Tu me ressemble tellement fiston. 


Il reposa le petit garçon et remarqua enfin le regard meurtrier que lui lançait Véronique depuis qu'il était arrivé.


_Mais chérie on dirait que tu n'es pas contente de me voir là. Je ne t'ai pas manqué ?


_ Quand es tu rentré Joseph ? Demanda calmement Véro, trop calmement même au goût de Joseph. Il comprit qu'il ferait bien mieux de dire la vérité. 


_Euh!.... ça fait 3 jours, murmura t il, en se grattant la tête.


_Je n'ai pas bien entendu, répètes un peu s'il te plaît. 


_Ça fait 3 jours Véro. Mais je peux t'expliquer. Ma maman était malade, j'étais très inquiet, il fallait que j'aille là bas directement. 


_Et la maladie de ta maman t'a également empêché de m'appeler ne serait ce que  pour m'informer de ta présence au pays c'est ça? Dis plutôt que tu voulais passer du temps avec Amivi. Tu ne me respecteras donc jamais Joseph ? 


_Non ma belle ne dis pas ça s'il te plaît ne dis pas ça. Je voulais juste te faire la surprise, c'est pourquoi je ne t'ai pas prévenue de mon arrivée. S'il te plaît ne te fâche pas. Je suis là maintenant c'est l'essentiel. Oh! Tu m'as tellement manqué. Toi et les enfants aussi. Je t'aime tellement, je vous aime tous les trois. Je vous ai apporté beaucoup de choses, vous allez adorer. Allons souris ma chérie, si tu savais comme ton sourire m'a manqué tout ce temps.


Véronique se dit que ça ne valait pas la peine de gâcher leurs retrouvailles en boudant. 


_Tu nous as manqué aussi, dit elle en lui souriant. 


Il resta là à causer avec elle et à jouer avec les enfants. Après avoir couché ces derniers, ils allèrent faire une longue promenade sous le clair de lune. La joie de le revoir, de se retrouver à nouveau dans ses bras qui lui avaient tant manqué, fit oublier à Véronique toute sa colère. 


_Alors tu es rentré définitivement ? La formation est enfin terminée ? Lui demanda Véro pendant leur balade.


_Oui oui, elle est terminée mais je dois y retourner  pour effectuer un stage de quelques mois. Je repars dans 3 semaines et je voudrais que toi et les enfants vous m'accompagniez. 


_Mais comment ça tu repars Joseph ? Cette formation était censée durer un an, mais ça a fini par prendre un an et plusieurs mois, presque deux ans. Maintenant que tu es enfin rentré tu me dis que tu repars pour je ne sais quel stage. 


_Le stage ne va pas durer chérie, ce sera juste pour deux mois. Viens avec moi s'il te plaît, venez avec moi. On fait juste les deux mois et on revient ensemble, définitivement cette fois. Deux mois ce n'est pas long chérie. Et puis c'est l'occasion de découvrir un autre environnement, tu reviendras raconter ton aventure au village, tu seras enviée par toutes tes copines. Tu verras Abidjan est une belle ville tu t'amuseras bien.


Véronique dû s'avouer que l'idée de voyager lui plaisait bien. À part ses vacances à Accra chez ses parents, lorsqu'elle était plus jeune, elle n'avait jamais eu l'occasion d'élargir ses horizons et puis deux mois ça passe vite, se dit elle.


_D'accord chéri, je vais y penser. Je te donnerai ma réponse bientôt. 


Le lendemain elle parla de l'idée à sa grand mère. 


_Vero, je t'avais dit que je ne mettrai plus ma bouche dans ton histoire avec Joseph. Tu es une grande fille, tu as 20ans, tu es mère de deux enfants. Si tu veux faire ce voyage avec lui, libre à toi. Sois prudente et prends soin de toi s'il te plaît, c'est tout ce que je te demande. Et ne nous abandonnes surtout pas, tes petites sœurs et moi, nous n'avons que toi, tu le sais.


_Mais non Dada, c'est juste pour deux mois. Et je vous enverrai de l'argent de là, ne t'inquiètes pas. Je m'arrangerai Dada. Je serai bientôt de retour. 


Et c'est ainsi que trois semaines plus tard Véronique prit le chemin d'Abidjan avec ses deux enfants et l'homme qu'elle aimait aveuglément.

Véronique ou une vie...