Kocker Luti au collège de Poudry (suite)

Ecrit par Faustin

         Goppy s’était relevé rapidement ; son infortune était lourde mais il s’en était sorti sans une moindre trace d’égratignures.

-      Regarde ce que tu as fait, sale nigaud ! Tu nous as tout fracassé !... C’était les représailles venant des occupants de la table tantôt endommagée ; eh bien, la table était occupée mais les élèves qui la partageaient, l’avaient désertée abandonnant leur petit déjeuner pour aller voir la bagarre tout comme c’était le cas de beaucoup d’autres élèves bien-avant le malheur de Goppy. Pour les propos blessants qu’ils avaient tenus : il faut dire qu’il y avait des grains de règlement de comptes anciens. Le groupe Goppy n’emmerdait pas que les Kocker…

         Goppy, après le coup encaissé, n’était pas prêt à hausser de nouveau la voix. Il avait quand même un regard fou mais il faut avouer qu’il avait très peur d’approcher Kocker une nouvelle fois d’autant plus qu’il ne savait pas ce qui l’avait réellement projeté. Il contempla un court moment, les dégâts qu’il venait de causer surtout ses uniformes tachetés qui avaient perdu leur usage : il va falloir bien les laver… Tout se déroulait dans moins de dix secondes.  Boom ! C’était le surveillant qui venait de glisser ses pieds…

         Les autres ne savaient pas vraiment à qui accorder leurs regards chaudement ahuris. Faut-il plaindre l’infortune de Goppy ? Ou regarder Kocker qui venait de faire la magie indépendamment de sa volonté ? Ou encore, appeler de l’aide pour ranimer le vieux surveillant, qui ayant perçu l’étendue du désordre occasionné et en s’avançant avec colère moralisatrice vers Goppy, glissa dans la bouillie de Tapioca et tomba raide ?...

         Les Goppy se précipitèrent de vider les lieux tandis que Kocker, rallié par les autres de son groupe en plus d’autres collégiens et collégiennes essayaient de ranimer monsieur Toy.

-      Qu’est-ce que je vois là ? Hey, cria monsieur Tiry aux Goppy. C’était le principal du collège de Poudry. Il vint juste de sortir de son bureau, surprenant les Goppy qui se faufilaient affolement et discrètement dans les allées. Ce qui a trahi le groupe, c’était les uniformes tachetés de Goppy. Approchez, répéta-il une deuxième fois, sous  l’hésitation de ses interlocuteurs.

         Une fille courait vers lui, ce qui détourna un moment son attention sur les Goppy : ceux-ci en profitèrent…

-      Monsieur le principal !... C’était les cris d’une voix essoufflée et paniquée, rythmés par les mouvements accélérés du thorax, le cœur frappant fort dans la poitrine, des pieds tordant… c’était Pépéline. Monsieur le principal, reprit-elle, le surveillant est évan…

-      Est quoi ? Une grande chaleur lui traversa le corps, on aurait dit que Pépéline lui avait communiqué son stress : ce fut le cas.

-      Evanoui, termina Pépéline.

         Il n’avait pas le temps pour demander ce qui s’était passé. Il se précipita avec la jeune Pépéline allant à la cantine numéro deux…

-      Orrr… Ces enfants vont me tuer un jour, fit une voix fatiguée : le surveillant était réveillé et tapotait ses  vêtements à l’aide de ses mains pour les dépoussiérer…

-      Nous sommes désolés monsieur Toy.

-      On est sincèrement désolé… les élèves s’excusaient.

-      Qu’est-ce qui s’est passé monsieur Toy ? Lui demanda monsieur Tiry qui arriva au moment où l’autre était sur le point de sortir de la cantine. Toy était suivi des regards figés et désolés.

         Toy était suivi par derrière des regards figés et sincèrement désolés.

-      Oh monsieur Tiry, tout va bien !

-      Vous en êtes vraiment sûr ? Lui relança monsieur Tiry en regardant les taches empâtées blanches et chocolatées sur sa tête.

-      Oui, oui chef ! Ce n’est rien de grave.

-      Alors, c’est quoi tous ces fracas joliment organisés ? Reprit-il inclinant latéralement sa tête, esquivant ainsi le blocus crée par le corps de Toy pour s’offrir une bonne vue de l’intérieur.

-      Je…

         Il ne laissa pas Toy dire grand-chose.

-      Vous en avez assez vu comme ça, monsieur Toy. Vous pouvez disposez, je m’occupe du reste.

Tiry pénétra dans la cantine sous les regards affolés des élèves.

-      Qui a fait ça ?

         Personne ne répondit.

-       Vous me regardez ; je veux que vous me dites celui qui a fait ça et sur le champ ! Sinon je vous punis tous !

-      C’est moi monsieur ; c’était une voix grelottante, celle de Kocker. C’est moi, reprit-il, au fait…

-      Ah, monsieur Luti ? Mais ça m’étonne venant de toi…

Bi- bip, bip-bip… C’était la croche qui sonnait : la recréation était terminée.

-      Mais vous avez cassé la table, comment est-ce possible ? De la bagarre n’est-ce pas ?

         Kocker essayait de s’expliquer mais il faut avouer qu’il ne savait pas trop que dire.

-      C’est monsieur Goppy qui voulait le frapper après avoir poussé par terre Pépéline, et puis… une voix essayait de porter secours à Kocker mais ne finirait-il pas maladroitement ?

         Kocker ne voulait pas en réalité dire tout avec exactitude mais malheureusement, les mots qui lui venaient à l’idée n’étaient pas bien coordonnés pour en faire une parfaite déformation de l’événement. Et la voix qui essayait de l’aider, l’avait trahi.

-      Et puis, une chose étrange s’est produite… Continuait la voix.

-      Quelle chose étrange ? Réclama monsieur Tiry.

-      « Un truc a… On aurait dit de la magie »

-      Oh non monsieur, ce n’était pas de la magie, Kocker essayait de rectifier…

-      Mais de la magie ? La magie n’existe pas les enfants, c’était Tiry qui parlait, alors, vous regagnez rapidement les classes ! Et toi, fit-il en regardant Kocker, tu me suis au bureau tout de suite.

         Ils retournèrent dans leur salle sauf Kocker qui avait suivi monsieur Tiry dons son bureau.

-      Monsieur Luti, j’espère que vous mesurez la gravité de vos actes ? Quelqu’un aurait pu mourir ! Réprimandait sévèrement Tiry en fixant Kocker. Selon notre règlement, vous devez être exclu après cela…

-      Je suis vraiment désolé. Il hésita un moment puis ajouta : vous allez me renvoyer ?

-      Hm… Vous amènerez votre père demain !

-      Je n’ai pas connu mon papa monsieur.

-      Votre maman alors !

-      Elle n’est presque pas libre dans la journée, monsieur.

-      Qu’est-ce que vous voulez que je fasse maintenant ? Quand on n’a pas de parents capables d’aider en cas de besoin, on évite les problèmes, monsieur Kocker !

-      Je sais monsieur, il perdit deux petites gouttes de larmes.

-      Je te pardonne cette fois-ci mais cette fois-ci seulement ; lança monsieur Tiry après un moment de silence, tu peux disposer…

         Kocker rejoignit la classe. Ils suivaient les derniers cours de la journée… Monsieur Tiry avait un peu de remord : avait-il mal agi ? Les efforts d’une mère élevant toute seule son fils, étaient-t-ils à remettre en cause ? En tout cas, une chose était évidente : il regrettait ses propos.

         Du côté de la classe de Kocker, les cours venaient de terminer. Chacun devait rentrer dans sa maison. L’école ne disposait pas d’internat.

-      Monsieur Kocker, rejoignez-moi dans mon bureau ; appela monsieur Tiry, il passait devant la salle et les élèves étaient sur le point de partir…

-      Qu’est-ce qu’il veut encore Ker ? Chuchota Pépé, elle marchait avec Kocker au moment où monsieur Tiry faisait son appel.

-      Je l’ignore moi aussi Pépé…

-      Hey, tu vas où ? Lui lança Komi.

-      Oum… Disons à demain, Komi !

         Kocker arriva dans le bureau de monsieur Tiry.

-      Salut monsieur Tiry.

-      Oum… Dis-moi, qu’est-ce qui est arrivé à ton père ? Lui demanda-t-il.

-      Monsieur, je… ma mère ne m’en a presque jamais parlé. Et puis, j’ai constaté que les jours où je lui demandais de me parler un peu de mon père, elle sombre par la suite…

-      Tu sais, moi aussi j’avais perdu mon père quand j’étais petit...

-      J’en suis navré monsieur Tiry. ..Moi je n’ai même pas connu le mien. Tout ce que je sais, c’est qu’il était mort le jour de ma naissance…

-      J’en suis navré aussi, Kocker… Il ne vous manque pas ?

-      La réponse que ma mère me dit souvent à chaque fois que j’en exprimais un manque, est qu’on ne peut pas prétendre aimer quelqu’un qu’on n’a jamais vu.

-      Ah je vois…

-      Dites-moi monsieur, c’est vrai que vous ne croyez pas vraiment en la magie ?

-      Tout ça, ce sont des mythes inventés mon petit, la magie n’a jamais existé…

         Ils avaient beaucoup discuté. C’était plus qu’une simple relation entre l’élève et son directeur. La discussion prit fin et Kocker sortit du bureau, prenant la direction le menant vers la maison.

-      Hey Ker, vous avez fini ? C’était Pépéline, elle attendait Ker sur le chemin de la maison.

-      Hey Pépé, je te croyais partir…

-      Mais non, tu ne penses pas quand même que je vais partir sans…

         Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase, Ker l’interrompit :

-      Sans quoi ? Toi aussi tu veux me ficher la trouille, c ‘est ça ? Ker était sur ses gardes.

-      Toi même tu sais que jamais je ne ferai une chose pareille. Mais voyons tout est devenu bizarre depuis que ce fameux professeur Keller est venu ce matin. J’ai l’impression que quelque chose va changer. Ker, j’ai très peur. Pépé parlait d’une voix sincère et fractionnée…

-      Je sais, moi aussi je ne comprends rien. Tu sais, j’ai plus peur que toi… Ker lui parlait à présent tout bas et il désolait.

-      Ça va aller, réconfortait Pépé. Ça va aller…

         Kocker se laissa emporter sous la tendresse consolatrice et sentimentale de Pépé. Ils aiment s’appeler entre eux par leur diminutif : Ker et Pépé. Ils se fixèrent dans les yeux. Sur ce chemin tantôt déserté, les deux âmes s’allumèrent. Les cœurs ravivaient les sentiments et ils avaient des papillons dans leur ventre… Ker approcha tout doux Pépé… Soudain, une panthère toute noire tomba de nulle part, troubla l’ambiance.

-      Cours… tonna Ker ; les pieds frôlaient à peine le sol….

         Ker regardait par derrière en courant. A peine, deux secondes de course, il ne vit plus rien les suivre. Ils s’arrêtèrent.

-      C’était quoi ? C’était quoi... Parle Ker !... Tu as vu quoi ? Réclamait Pépé toute haletée, tandis que Ker cherchait des yeux, la bête qui venait de les poursuivre.

-      Un grand truc, un énorme animal… Ker avait fini par parler, d’une voix horrifiée…

-      Mais non, tu hallucines ! Moi je n’ai rien vu…

-      Si, moi-même je l’avait vu. Il était tout noir…

-      Où est-il alors ? Le ton de Pépé devenait rude.

-      Je ne comprends pas…

-      Alors tu sais quoi, dit Pépé sèchement, j’en ai vu assez aujourd’hui, je ne veux plus te voir. Tu es un grand monstre… Pépé courut et abandonna Ker tout seul.

-      Mais un monstre parfait ; rétorqua une voix : c’était celle de la panthère noire qui réapparut.

         Kocker hasarda une témérité : il n’a pas fui.

-      Qui êtes-vous ? Et un animal qui… Mais où est-ce que vous êtes passé ?

         L’animal disparut de nouveau. Kocker reprit la route pour la maison. Il sentait une présence le suivre tout au long du trajet.

 

UVSD (Une Vue Sur Demain) : Prochainement « Les rêves de Kocker : maman, il y a un monde dans mes sommeils… » 

La prophétie de John...