L'infidèle

Ecrit par Loranna Crew

J'ai aimé une étoile un jour 

Elle s'appelait Blanche

Comme l'écume au soir du jour 

Son rire dévoilait ses dents 
Cette rangée de perles 
Que j'ai pensé m'attacher pour de bon 

Mais l'amour est éphémère 
Dans sa durée et son essence 
Que peut-elle m'offrir 
Outre l'éternité ? 

Je recherchai l'instant 
Pas si longtemps 
Pauvre Blanche 
J'ai cru pouvoir m'asseoir 
Et lui tenir la main un moment 

Je suis presque parvenu à me convaincre 
Qu'il durerai toujours 
Savez-vous ? 

Comme l'homme est prompt à se fourvoyer 
Dans l'espérance de contrarier son cœur 
Pour complaire à sa vie 

Les grandes déclarations de la jeunesse 
Si flamboyantes de conviction 
Et de passion 

Un exquis poison 
Si vous voulez mon avis 

Blanche s'en fut en larmes 
Je réclamais ma liberté 
Elle ne m'en a point voulu 
Mon aurore 

Avec elle s'est levée 
Tant de contrées inexplorées 
Font bouillir mon sang 

Elle n'aurait pas pu me suivre 
Elle si attachée 
À l'idée d'être ancré 

Mais le ciel m'appelle
L'immensité du vent me susurre à l'oreille
Une complainte 
Des chants 

Me parviennent du lointain 
De ces contrées qui parlent
À mon cœur avide d'ailleurs... 

Je t'ai aimé Blanche 
Et je t'aime encore 
Mais tu n'en as jamais douté 
Cependant 

Je m'aime plus fort
La mort point encore 
N'a su triompher 

De moi et de moi-même
Facétieux enfants 
Au diable l'amour 
Toujours en est confus 

Éphémère et ardent 
Brûlante et torturante 
Est la valse mièvre 
De l'amertume 

La lie en est imprégnée 
Cette gueuse se prostitue 
Quelle offense ! 

Dans les rires se perdent 
Et se confondent 
Les perles de Blanche 
Et le collier d'Aurore 

Bientôt ma tendre amie 
Encore un peu de patience 
Et nous verrons éclore 
Le fruit de nos efforts 

Nous la narguons depuis trop longtemps sans doute 
Elle risque d'être jalouse 
De ta ravissante laideur 

J'ai quitté Blanche pour un tâcheron ! 
Son rire éclate 
Telle une bulle de champagne 
Fait fondre mon cœur 
Aux éclats de quartz 

Quelle peau diaphane, ma mie 
Ma tendre amie ! 
Souffrez que je vous soit infidèle 
Je recherche... Encore 

La lueur de regret et de tendresse 
Dans votre regard
Me dit votre compréhension 
Et votre indulgence

Dans vos yeux je vois les leurs 
Mes femmes 
Mes infidélités 
Mes plus belles histoires d'amour

Chacune à sa façon 
Vous avez été exceptionnelles 
Mes trois gloires 
Mes yeux n'ont pu s'empêcher 
De se poser sur une autre

D'une voix rêveuse je trace 
Mes desseins d'ailleurs 
Ma culpabilité s'est envolée 
Avant que je fasse sa connaissance 

Il est temps pour moi
De voguer vers d'autres cieux 
De me perdre dans d'autres bras 
Capricieux 

Peut-être essayerai-je une bûcheronne cette fois ? 
Qui sait si ma peau délicate 
Se contentera 

D'une rustaude 
En fin de compte

La beauté m'a lassé
Délaissé pour la laideur 
Préférée à la finesse 
Pour se perdre dans la boue 
Je recherche 

Foi de plus 
Grande et pieuse 
Fervente et rigide 
Ciel que je m'ennuie ! 

Quelle tragédie que tout cela 
Mais déjà mes yeux se tournent 
Et pénètrent les ténèbres 
D'un cœur qui s'abîme 

Mon âme s'anime 
La langueur le quitte
Un sourire malicieux fleurit sur mes lèvres 
Qui se craquellent 

Qu'importe le soin de sa mise 
Quand l'éloquence du silence suffit ? 
Me voici tout entier 
Le corps livré
À la découverte d'une débauche nouvelle 

Les sens sont morts 
Seul coule le torrent des larmes 
Aiguillé par une discrète douleur 
Les reniflements se cherchent 
Et se lassent vite 
Il ne leur a été fait ici 

Point de place pour les mécréants 
Indignés 
Les éclats vos échardes 
Font mal tendre épouse 

Finalement quel piège 
De liens invisibles 
Habilement tressés 

Il ne vous a fallu pour cela 
Que la ruse tranquille 
D'une femme amoureuse 
Chère Constance. 


Peinture : René Magritte - la valse hésitation

Les femmes, la vie,...