la conspiration
Ecrit par L'Africain
Parallèlement à cette réunion nocturne, le Grand Chef, grand initié, ne trouva point le sommeil. D’ailleurs il avait remarqué l’atmosphère étrange qui régna dans le village dès la tombée de la nuit. Il se dit que cela présageait un évènement dramatique avenir ou l’annonce dès le lendemain d’une mauvaise nouvelle. Mais il garda son calme et attendit patiemment le levé du jour pour analyser avec les membres de son assemblé la situation.
Dès le lever du jour, il s’arrêta dans plusieurs cases pour recueillir les plaintes des habitants, notamment le bruit des chiens et surtout des nouveaux nés qui ont peiné à s’endormir. Puis arrivé dans l’assemblé des anciens, le Grand Chef convoqua une réunion afin d’interpréter les signes inquiétants qu’ont présagés la nuit précédente. Chacun se parlait entre eux en décrivant ce qu’il avait dû observer. Aussi le groupuscule de mutins se prêta au jeu, celui de se questionner avec les autres sur l’origine des évènements de la nuit passée. Mais le Grand Chef observait avec beaucoup d’attention le regard de certains membres qui semblaient baisser les yeux face à aux siens. Son intuition lui laissait présager une conspiration au sein même de cette assemblée. Mais n’ayant aucune preuve convaincante, il opta pour une investigation avec le concours de son service de renseignement. C’est alors qu’à la levée de la séance, sans qu’aucune réponse quant à la situation de la nuit d’hier n’y soit apportée, le Grand Chef se dirigea directement vers les ateliers de François pour constater l’avancement des projets qu’il avait commencé à entreprendre.
Arrivé sur les lieux, grande fut sa surprise de voir tous ces jeunes qui s’attelaient à réaliser avec minutie le métier qui était le leur. Les boulangers préparaient leur pate avec beaucoup d’enthousiasme. Certains étaient au four à attendre avec impatience la cuisson de leur premier pain. D’autres recueillaient la monnaie que les clients leur remettaient pour acheter une miche de pain. Puis le Grand Chef sortie un billet et acheta une miche de pain à son tour. Ensuite il fit appel à François qui était dans ses ateliers et lui remercia pour tout ce qu’il faisait pour ces jeunes. Il l’exhorta de continuer et aussi de l’aider à réaliser son projet, celui du musé. C’est alors qu’il lui répondit qu’il y travaillait. Le premier travail lui dit-il, consistera à faire un éventaire de toutes les antiquités qu’il avait non seulement en sa possession, mais aussi par les autres membres de la communauté. Après un recueil dressé, un local sera aménagé pour l’exposition. Aussi il donna son assurance pour rechercher des mécènes afin d’aider à financer ce grand projet. Au moins cette contrée qui avait abrité des postes de commandement de l’administration coloniale française, pourra raconter à toutes les générations son histoire. Parallèlement François pensa à son mariage avec Rosa dont les préparatifs avaient démarré depuis un certain temps.
Le temps passa et voici arrivé le jour inoubliable pour François et Rosa cette belle fille au teint noir ébène. Les parents de Rosa demandèrent une dote pour accepter de donner en mariage leur fille. La dote constitue des présents à tire symbolique, que le marié accompagné de ses parents, apporte à sa belle-famille en guise de remerciement, pour l’éducation, la beauté et la bonne santé de la femme qu’il désir aujourd’hui. Naturellement le Grand Chef se porta garant en tant que tuteur pour François à Minkebe.
Ainsi, une cérémonie grandiose fut organisée au domicile du père de Rosa pour la célébration du mariage entre les deux amoureux. Il y avait beaucoup de nourriture et de boisson ce jour-là. L’otangani selon certains allait celer son alliance avec la communauté à partir de maintenant.
Puis dans une espèce de mise en scène, le père de Rosa pris la parole dans sa concession en ces termes :
-Mbolo Samba à tout le monde, que me vaux la présence d’un aussi grand nombre de personne dans ma concession ?
-Mbolo Samba répondis le Grand Chef, soyez rassurer, la présence de ce grand nombre de personne ne viens pas vous annoncer une mauvaise nouvelle, bien au contraire, c’est pour une bonne nouvelle que nous sommes ici.
-Alors je vous écoute ; répondis-il
-d’abord veuillez recevoir ce billet de dix milles f CFA pour avoir déranger votre quiétude dans votre demeure. C’est une façon symbolique dans la tradition d’indemniser un dérangement dans la concession d’autrui. Puis il ajouta par ailleurs : « L’un de mes coqs a apprécié une poule de votre concession ». Puis il rajoute : « pour que ce coq n’escalade plus votre enclos comme un voleur, nous sommes venu ici pour nous présenter, afin qu’il passe d’dorénavant par l’entrée officielle. »
-Mais laquelle, demanda le beau-père en rappelant qu’il avait plusieurs poules
-Il s’agit de la belle Rosa répondit le grand chef.
-Mais elle n’est pas ici pour l’instant, elle est à Gamba ; toujours à titre de mise en scène.
-Alors voici dix milles f CFA pour la faire venir à Minkebe, dit le Grand Chef. Sur ceux voici les présents que nous vous offrons pour repartir chez nous avec elle, rajouta le Grand Chef. Il y avait entre autres : des boissons sucrées et alcoolisées, des étoffes de pagnes, des ustensiles de cuisines, des feuilles de tabac et de l’argent en espèce.
Puis après l’acceptation de ces présents par le père de Rosa avec le concours de sa mère, le bal fut ouvert pour célébrer cette alliance. François esquissa des pats de danses traditionnels qui provoquèrent l’hilarité de tous les convives. L’ambiance fut très agréable. Les gens dansèrent jusqu’au petit matin. Toutefois, le couple se retira en milieu de la soirée pour entamer leur nuit de noce.
Puis ils celèrent leur union à l’état civil devant le maire de la ville de gamba, cette fois ci avec un nombre restreint d’invités. Par la suite, Ils partirent en voyage passer leur lune de miel comme ce veux les usages. Rosa fut très heureuse d’avoir été honoré par François qui finit par tenir sa parole, notamment celle de revenir vivre au Gabon et de l’épouser.
Peu de temps après cette période festive, une rumeur tonitruante selon laquelle, le Grand Chef ne serait pas issu de la contrée, circulait dans la bouche de tous les habitants. Tel le téléphone arabe, cela dépassa les limites de la celle-ci, pour aller jusqu’aux contrée voisines. Certains dignitaires commencèrent à s’indigner face à l’imposture présumée du Grand Chef, qualifié « d’étranger » à présent. Des jeunes instrumentalisés se mirent à manifester haut et fort dans tout le village sur la nécessité par Grand Chef de prouver sa filiation à cette contrée, au risque d’être destitué de ses fonctions. Même certaines femmes se prêtaient au jeu, qui comme une trainée de poudre contaminait une grande partie du village. Il fut même qualifié de sorcier et les gens le prirent pour responsable de tous leurs malheurs. Tout cela comme si la population s’était enivrée d’un breuvage provocant l’amnésie, car elle semblait avoir fait fi, de toutes les réalisations effectuées à ce jour par celui-ci. Comme la peste, du jour au lendemain, toute sa réputation fut partie en fumée à cause de cette rumeur qui l’aurait soudainement souillée. Arrivée à ses oreilles, il ne comprit rien de ce qui se passait. Lui ayant toujours vécu ici, même certains anciens encore vivants, le connaissant depuis sa petite enfance et l’ayant vu s’amuser avec d’autres gamins à l’époque, s’en souvinrent encore. Malheureusement pour lui, sa mère et son père n’avaient plus la parole car n’étant plus de ce monde, ils durent partir avec la vérité. Mais il décida de ne pas se laisser faire en commençant par mener une investigation avec des personnes de confiance, car il se méfiait de tout le monde à présent. Même sa propre femme n’était pas exempte de suspicion. Il convoqua une réunion de crise avec un nombre restreint de membres dont figurait Zumba l’un des docteurs de la loi. Il s’exprima en ces termes :
-Mbolo samba Grande assemblée
-Mbolo samba répondit l’assemblée
-Comme vous le savez certainement, une fausse rumeur circule depuis un certain temps dans le village concernant ma filiation à cette contrée. Je ne sais pas d’où est parti cela, mais l’objectif de ces fouteurs de troubles est certainement de me destituer de la chefferie. Depuis un certain temps je constate une ambiance très particulière dans le village. Des manifestations inhabituelles se sont produites il y de cela quelques semaines. Je pressentais une mauvaise nouvelle arriver dans ce village, mais j’ignorais laquelle. Jamais et au grand jamais je ne pouvais m’imaginer une pareille affabulation à mon égard. Je tiens à vous rappeler tous ici que je suis Nziengui fils de Makaya et de Lari tous deux fils et fille de cette contrée. J’y suis un pur-sang de cette de père et de mère. Alors que quelqu’un ici me prouve le contraire.
-Hum ! Grand Chef, s’exclama Zumba, je pense que le problème n’est pas à notre niveau car nous connaissons ta filiation pour avoir fait allégeance à ton autorité lors de ton intronisation. Mais les villageois eux, ne le vois pas comme ça. Pour eux tu n’es pas d’ici et du coup tu n’as pas le droit de leur diriger. Surtout, selon eux, ta présence ici comme chef serait la source de leur malheur. Donc à mon humble avis, pour la stabilité de votre pouvoir, il serait souhaitable d’en apporter la preuve officiellement et devant tout le monde avec des témoins encore vivants. S’il y en a encore bien entendus !
-Oui Grand Chef s’exclama un et deux autres membres, vous devriez faire comme l’a dit Zumba au moins ça va calmer les villageois.
-Ok j’ai compris merci et sur ceux je lève la séance ! D’un ton embarrassé.
Puis le Grand Chef, resta seul dans sa demeure et donna l’ordre de ne pas être dérangé. Il resta enfermé pendant des jours sans boire ni manger, sans que personne ne sache ce qu’il y faisait. Pendant ce temps, les manifestations au village allaient crescendo surtout qu’il y avait de plus en plus de problèmes de chômage pour les jeunes. Des marches furent organisées l’invitant à quitter la chefferie pour laisser la place à un fils de la contrée qui, selon eux, prendra beaucoup plus soin d’eux.
De retour du séjour de lune de miel et en joie avec des cadeaux, François et Rosa constatèrent le climat délétère qui régnait au sein du village. Les gens ne parlaient plus que du malheur apporté par le Grand Chef dans cette contrée. Même les gamins sans savoir pourquoi les gens protestaient, se prêtaient au jeu en érigeant des barricades sur la voie publique. Aussitôt ils furent mis au parfum et cherchèrent à rencontrer le Grand Chef.
C’est alors qu’après avoir sollicité avec insistance une audience auprès de celui-ci, François fut finalement reçu. En entrant dans la salle où il était depuis plusieurs jours, il constata un homme très affaibli par l’âge d’abord, mais aussi et surtout par cette fausse rumeur à son égard qui entachait gravement sa réputation. Les villageois révoltés, se mirent à l’insulter, le vilipender et le cracher dessus. L’estime et la crainte qu’il inspirait autrefois, avait été misent aux oubliettes depuis bel lurette par ces derniers. Son nom était assimilé au malheur et à la désolation qui se lisait sur les visages. Mais curieusement, malgré tout cela, François vit tout de même un homme calme à l’écoute d’une mélodie de cithare joué par un grand initié d’un rite traditionnel.
Puis il lui dit :
-Mbolo samba Grand Chef
-Mbolo samba lui répondit-il
-Je suis rentré au village avec mon épouse et j’ai appris avec stupéfaction la rumeur qui entache gravement votre illustre personne
-Tu sais, répondit le Grand Chef, « on ne jette les pierres que sur les arbres qui portent des fruits ». Alors sache qu’étroite et difficile est la voie qui mène à la gloire, je pense que tu t’en souviens lors de ton apprentissage précédant la circoncision.
-Oui je m’en souviens
-Saches que tout ce que tu feras de bon ne sera jamais simple ou sans obstacles. Toutefois pour moi cela n’est pas un obstacle mais plutôt une opportunité.
-Une opportunité ! S’exclama-t-il, mais comment voyez-vous une opportunité dans une pareille situation ?
-C’est une opportunité pour moi afin de renouveler notre grande assemblé en y insérant plus de jeunes et de femmes.
-Mais comment ferez-vous Grand Chef
-Hum ! Tu sais la nature s’auto régénère. Lorsqu’une feuille flétrie, meurt et tombe, un bourgeon aussitôt en sort pour en produire une feuille plus jeune. Mais je ne peux pas tout te dévoiler maintenant car si je te le dis, tu ne vivras pas longtemps, ta propre langue te tuera.
-Mais comment ?
-Tu en parleras certainement à une personne de confiance, qui lui le dira à son tour à une autre personne de confiance et ainsi de suite, cela arrivera aux oreilles des ennemis. Donc pour te protéger, je préfère que tu en sache le moins possible. Allez laisse-moi seul, j’ai besoin de méditer.
-Ok Grand Chef.
Ainsi, seul le Grand Chef savait comment régler cette affaire qui selon lui permettra de rajeunir l’assemblée et ainsi entrer dans la modernité.
Le lendemain François de son côté repris ses activités de boulangerie et de menuiserie. Naturellement des jeunes apprentis se joignirent à lui pour ne pas retomber dans l’oisiveté. De plus il se mit à sensibiliser ces jeunes sur la nécessité de croire aux projets du Grand Chef qui avait une grande vision pour la contrée. Puis peu à peu, la tension dans le village, concernant la rumeur sur le Grand Chef, retombât en un calme relativement trompeur. Il aurait suffi d’une nouvelle étincelle pour ré-enflammer le tout.
Après un certain temps, le groupuscule de membre ayant fait allégeance à la cause prônée par Zumba, se réunirent à nouveau pour faire le point de la situation. Toujours via un mot de passe, ils se donnèrent rendez-vous aux heures et lieu habituel. Puis ils se mirent à constater l’effet produit par la rumeur distillée via leur réseau de jeunes instrumentalisés. Mais cela n’était pas suffisamment fort pour amener une destitution. Alors il fallait d’avantage durcir le ton, afin de créer la situation la plus chaotique possible dans le village.
C’est ainsi que Zumba prit à nouveau la parole :
-Mbolo samba grande assemblé, nous devons réfléchir à nouveau sur une situation à mettre en œuvre pour créer d’avantage l’indignation des villageois. Alors vous avez la parole.
-Heu ! s’exclama un membre, tant que l’otangani pourra rendre quelques jeunes heureux cela ira en son avantage. Commençons par s’attaquer aux boutiques qu’il vient de bâtir. Mettons le feu partout au moins là, il réfléchira deux fois s’il faudra reconstruire.
Oui mais ! ce n’est pas suffisamment fort pour susciter l’ire des villageois, répliqua Zumba.
-Alors commençons par enlever des gamins, comme ça les parents vont s’indigner sur ce qui se passe au village et cela contribuera à exacerber les villageois qui monteront à nouveau au créneau. Là je pense que ce sera la goutte qui fera déborder le vase.
-Moi j’opte finalement pour l’élimination physique du Grand Chef. Répliqua Zumba. Un empoisonnement fera l’affaire.
-Mais comment comptes-tu t’y prendre ?
-Ah ah ! En mimant un rire diabolique, j’ai un cheval de trois. Son otangani me servira de vecteur pour l’atteindre. Comme le Grand Chef dispose d’une attention particulière à son égard, c’est par lui que sa mort va passer.
Peu après cette sordide réunion, la bande de malfrat se sépara en se donnant rendez pour une date ultérieure.
Un matin pas comme les autre, François fut surpris de voir la présence de Zumba dans ses ateliers. Celui qui avait toujours manifesté des velléités vis-à-vis de sa présence ici, se trouva bizarrement avec lui nez à nez. Afin d’étancher sa curiosité de savoir l’objet de sa présence, il ne tarda pas à lui demander ce qu’il voulait. Bien entendu Zumba en esquissant un sourire trompeur, lui dit qu’il souhaitait acheter du pain. Alors François l’invita à se diriger vers la boulangerie pour qu’on le lui en donne. D’ailleurs, il l’informa qu’il lui offrait gratuitement ce pain vu que c’était la première fois pour l’encourager à revenir. Tout en acceptant volontiers la proposition, il lui demanda s’il pouvait s’assoir un instant pour discuter un tout petit peu. Naïf de son état, il l’invita volontiers à prendre place dans ses bureaux. C’est alors qu’il lui félicita pour tout ce qu’il faisait pour ce village, car les jeunes étaient de plus en plus épanouis, sauf un certain nombre mécontent de l’usurpation de la fonction à laquelle occupe le chef actuellement. Mais François, tout en n’y prêtant guère attention, continuait simultanément à écrire sur ses notes personnelles. C’est alors que Zumba lui demanda si dans son pays un étranger pouvait diriger des fonctions suprêmes. François lui répondit par une autre question à savoir ce qu’il en pense lui-même de cela ? Zumba perplexe, lui répondit en disant qu’un mouton ne pouvait pas conduire une tribu de lion car ils ne sont pas de la même nature. C’est alors que François lui demanda ce qu’il voulait insinuer à travers cette parabole. Zumba garda son calme et se mit à afficher un sourire narquois. Puis il se leva et partis. En partant il le remercia pour le pain et s’en alla. François ne se douta tout de même de rien quant aux insinuations sous-entendus par celui-ci.
Le soir venu, François à table avec sa dulcinée, se mis à lui poser des questions.
-Dis-moi ma Rosa, j’ai reçu la visite de Zumba ce dignitaire qui dès mon premier jour ici au village, à manifester une colère vivace quant à ma présence. Figure-toi qu’il est venu me voir à l’atelier pour acheter du pain. D’ailleurs je le lui aie offert comme le veut notre politique commerciale.
-Ah d’accord mais bon je pense que les nouvelles sur ton activité vont bon train alors, répondit Rosa
-Je l’espère car après il m’a posé une question qui m’a laissé réfléchir pendant un temps
-Laquelle ?
-Celle de savoir si un étranger pouvait être chef dans mon pays. En ajoutant qu’un mouton ne peut pas diriger un troupeau de lion. Je ne sais pas s’il voulait faire référence à la situation du Grand Chef ?
-Ne te fait pas trop d’idée tu sais bien que cette rumeur dont on ignore l’origine préoccupe la plupart des villageois
-Si tu le dis, conclut François.
Puis il finit par se coucher tout en cogitant sur les propos de Zumba durant la soirée dans ses ateliers.
Après une semaine, le Grand Chef convoqua un important referendum au cours duquel toute la population fut conviée. L’assemblée des dignitaires étaient présent. Même François, assis parmi les hommes du village y était. Le Grand Chef décida de mettre un terme aux rumeurs qui ne font, selon lui que distraire les jeunes des vrais problèmes de la société.
Il prit ma parole en ces termes :
-Je vous salue peuple de Minkebe, en ce jour, je viens solennellement comme le veux notre loi traditionnelle, vous faire le point de la situation qui prévaut en ce moment dans notre contrée. Depuis un certain temps, mon honneur, ma réputation ainsi que celle de ma famille, s’en trouve gravement entachés par une rumeur selon laquelle, je ne serais pas à fils de cette contrée. Du coup, je me trouve directement frappé par une de nos dispositions traditionnelles qui ne me permet pas de diriger si la preuve n’en ait pas faite. Mais avant toute démarche visant à apporter une quelconque preuve, permettez-moi de me prêter à un petit jeu. Tout d’abord, je voudrai vous dire que le drame de l’Afrique, réside dans le fait que les stigmates de la colonisation qui nous ont divisé, continue encore à le faire aujourd’hui. Il est regrettable qu’au temps moderne ou nous sommes, il faille fouiller les origines de tout un chacun, pour prétendre vouloir améliorer les conditions de vie de ses concitoyens. Pensez-vous que seul un enfant de la contré soit systématiquement habilité à mettre en œuvre les stratégies visant à assurer le bienêtre de son peuple ? Oui j’ai des parents qui pour des raisons indépendantes de leur volonté se sont retrouvés de l’autre côté de la frontière, lorsqu’ils ont « dépecé » l’Afrique. Ils se sont retrouvés entre otangani pour décider quel morceau de l’Afrique devrait appartenir à un tel ou un tel. Si je me suis retrouvé ici comme beaucoup d’entre nous à cette époque-là, et qu’on nous aurait dit que nous serions dorénavant gabonais, ce n’est pas de ma faute. Sachez que si c’est le développement que nous recherchons, n’allons pas le chercher dans les origines de tout un chacun sinon croyez-moi, beaucoup se reconnaitrons et n’aurons même pas accès à certaines fonctions. Moi ce que je désir au plus profond de mon être est de voir cette jeunesse, qui ne l’oublions pas est notre avenir, prospérer. Que de là où je serai un jour, nos ancêtres ne me tiennent pas rigueur quant à l’échec de la mission qui fut la mienne. C’est-à-dire transmettre à cette génération nos valeurs, notre héritage, notre patrimoine, notre histoire, afin qu’ils n’oublient jamais le passé. L’histoire est un éternel recommencement, si nous ne prenons pas acte de ce qui s’est passé, cela va se produire à nouveau. C’est-à-dire demeurer dans la situation à laquelle le maitre blanc de jadis, qui se serait mué en notre semblable noir, continuerait sa domination. Nous sommes devenus nous-même notre propre bourreau faisant ainsi obstacle à notre épanouissement. Sachez que les politiques ne viendront jamais nous sauvez, nous fils et fille de Minkebe. Leurs préoccupations sont ailleurs. La vie est ainsi faite. Nous devons nous battre, nous-même, en identifiant les potentialités qui sont en nous et autour de nous. Seul ce combat nous mènera à la victoire et non demeurer dans cette position de dépendance à attendre tout de l’autre. Je m’adresse à présent aux jeunes, vous qui recevez cette terre en héritage, il n’y a pas de peuple que l’histoire fixe rendez-vous, si lui-même ne fixe rendez-vous à l’histoire. Fixer rendez-vous à l’histoire s’est rêver, créer des utopies pour se projeter dans l’avenir, avoir une vision. Sachez que le plus puissant des pays Otangani a été pensé par des jeunes, ils ont décidé de créer une union pour être plus fort. Etais ce trop tôt ou trop tard, ils l’ignoraient, mais ce qu’ils savaient s’était de prendre une décision sur leur avenir. Vous devez vous-même montré votre capacité par le travail et la créativité. Ayez foi en vous et en Dieu car il n’oublie personne. Ce n’est pas moi ou quelqu’un d’autre de cette assemblée des anciens, encore moins cet otangani qui va vous apporter le développement. On pourra vous aider, créer les conditions propices à la création de richesse, mais la richesse c’est vous qui la détenez. Rechercher les bons outils pour l’extraire. Sachez que le rêve est premier et la construction vient après. Par ailleurs, je profite de ce moment solennel pour vous annoncer que je compte reformer notre illustre assembler. Car je pense que certaines dispositions de notre législation traditionnelle ne cadrent plus avec les enjeux actuels. Je souhaite l’implication de plus de jeunes et de femmes dans la gestion des affaires publiques. Ainsi, les jeunes éliront parmi eux des représentants qui siégeront avec nous les anciens, de sorte que vos aspirations soient prises en compte. De ce fait, dans les jours qui suivront, je convoquerai une assemblée des anciens pour qu’un vote à la majorité soit initié sur cette question. L’issu de ce scrutin devra être également ratifié par le peuple via un référendum. Il est temps de faire évoluer notre loi traditionnelle.
Parallèlement à cette brillante allocution du Grand Chef, la population manifesta une jubilation qui provoqua l’étonnement de tous les dignitaires. On arrivait même à entendre dans la foule des cris d’allégresse qui sommaient le Grand Chef de dire tout ce qu’il avait dans le cœur. Car à présent toute les paroles qui sortaient de sa bouche, tel un élixir envoutant, mis la foule dans un état d’euphorie et surtout d’espoir pour l’avenir. François d’ailleurs qui était assis pas loin du Grand Chef, acquiesçait par un hochement de tête, tous les propos de ce dernier. Des jeunes battaient des tam-tams et dansaient afin de contribuer par l’animation, à l’état de festivité qui régnait sur la place publique.
Puis le Grand Chef rajouta :
- Maintenant je m’adresse à mes détracteurs, je ne réponds pas à cette rumeur, car notre loi traditionnelle dit aussi que si quelqu’un conteste l’appartenance à un clan ou ethnie, il revient à l’accusation d’en apporter la preuve, donc qu’on m’en apporte les éléments contradictoires.
Un membre de la rébellion chuchota à l’oreille de Zumba :
-Il veut nous piéger, car l’un d’entre nous devra ouvertement se proposer volontaire pour en apporter la preuve et je ne suis pas prêt à le faire.
- Moi également ; murmura un autre
-Taisez-vous ? répliqua Rumba d’un ton agacé, sales vermines, vous ne valez rien. Je sais comment je vais opérer.
-Qui ne dit rien consent, Conclu le Grand Chef.
Suite à cet élogieux exposé du Grand Chef, la population qui l’écoutait religieusement, fut très convaincue par ses propos. Même les dignitaires les plus aguerries, furent au final séduits par son discours.
Alors à cet instant, son destin était celé, Zumba fut rouge de colère, ses yeux devinrent rougeâtres comme s’il y avait du sang à l’intérieur. Plus rien à présent ne le retenait pour agir, tel un taureau prêt à foncer vers le ruban rouge brandi par le matador dans une arène. Jamais il n’aurait pu s’imaginer une pareille ruse de la part du Grand Chef et voyant ses espoirs de plus en plus s’amincir, il comprit qu’il était temps de passer à l’acte ultime. Le Grand Chef qui ne servait plus leurs intérêts, était devenu un homme à abattre car il ne faisait plus partie dès leur.
Dès lors, il se mit à concocter un plan machiavélique avec un féticheur, pour qu’il lui prépare un poison mortel à base d’une mixture de poudre de pancréas séchée de panthère. Ainsi, pour ne pas attirer les soupçons, il fallait que ce poison le tue à petit feu. Quelques microgrammes de poudre de ce poison, incérés à l’intérieur de l’ongle de l’auriculaire, pour ceux qui ont des ongles longs, suffit pour donner la mort. Son effet dans l’organisme cause d’abord des tumeurs cancéreuses sur la plupart des organes du corps humain, pour ensuite inéluctablement entrainer la victime au décès. Toutefois, pour une efficacité maximale, le féticheur insista sur le fait qu’il lui aurait besoin soit d’un morceau d’ongle ou de chevaux de la victime, afin d’anéantir au préalable ses génies protecteurs. C’était la condition sine quoi non à la réussite de cet assassinat. Zumba quant à cette demande pour le moins contraignante, garda son silence car il savait comment obtenir les éléments de la requête de ce dernier.