Les grandes réformes

Ecrit par L'Africain

Puis sur le chemin du retour pour le Gabon, c’est avec une grande joie que François se prépara à aller retrouver ceux pour quoi il décida d’abandonner tout au Canada : Rosa.

Vêtus d’une chemise en pagne avec des motifs comportant des masques africains, le voici de retour à Libreville. Connaissant bien le pays, il n’eut besoin d’un guide pour l’accompagner là où il souhaitait aller. Il se rendit tout seul sur Gamba, cette ville où il avait fait la connaissance de Rosa. Arrivé sur les lieux, il constata que les choses n’étaient plus les mêmes. La ville pétrolière n’était plus qu’une ville quasi morte. De nombreux ressortissants africains, comme européens durent plier bagage, en raison de la baisse des revenus qui leur avait été imposé suite à la chute des prix au niveau mondiale des matières premières. De plus, l’instabilité politique dans le pays créa une amertume envers les habitants, qui exprimaient à qui voulut entendre, l’avalanche de problèmes qui était leur quotidien. Les quartiers animés par les bars, ainsi que les commerces fleurissants d’entant, étaient devenus muets. La consommation d’alcools était devenue l’activité principale pour de nombreuses personnes. La joie de vivre s’était soudainement estompée du jour au lendemain. Il comprit la dépendance de certains pays face à l’exploitation irrationnelle des énergies non renouvelables. Aussi, il prit conscience que l’épuisement de ces réserves conduira inéluctablement à la fin de la machine industrielle sur laquelle l’occident s’est construit. Il fallait agir. Alors il se mit à la recherche de Rosa en questionnant les gens et même des vieux copains européens, restés malgré la crise, car n’ayant plus rien dans leur pays d’origine, vivre au Gabon était ce qu’il leur restait.

Puis il se rendit à la gare routière pour être conduit vers Minkebe. C’est alors que des personnes le reconnurent et crièrent ainsi :

- Hey ! Mais c’est notre ami Olamba le blanc nègre. Tu avais disparu pendant un bon bout de temps. Nous pensions que comme tes confrères, tu étais rentré chez toi en raison de la crise pétrolière. Même moi qui travaillais comme soudeur de pipeline sous-marin dans une société de la place, je suis maintenant au chômage. Du coup, je me suis reconvertie comme chauffeur routier avec mon clando pour subvenir à mes besoins. Alors que cherches-tu encore dans cet endroit pourri ? Chez toi n’est-il pas mieux qu’ici ?

- Je suis de retour car j’aime d’abord ce pays et je cherche surtout Rosa ; Quelqu’un l’aurait-t-il aperçue ?

-Ben ici comme tu le vois les gens ont désertés les lieux. Mais je pourrai demander à des personnes pour savoir si quelqu’un l’aurait aperçu dans les parages. 

C’est alors qu’en raison de la sympathie manifestée par tous à son égard, le message se transmis de bouche à oreille. Tel le téléphone arable, la nouvelle arriva aux oreilles de Rosa qui était repartis vivre à Minkebe suite elle aussi à un licenciement pour motif économique. Tout le village fut mis au parfum de cette nouvelle qui procura une grande joie chez les plus jeunes. Car Olamba fut celui qui apporta beaucoup de bien aux villageois, notamment celui d’instruire les jeunes sur les nouvelles technologies de l’information via son ordinateur portable.

Connaissant les différentes voies menant à Minkebe, François s’empressa d’emprunter un clando pour s’y rendre. Sur le chemin qu’il connaissait bien, il laissait défiler sous ses yeux toujours admiratifs, ce panorama qui l’avait tant manqué. Aussi, comme ci s’était hier, il revivait tous les instants passé ici avec Rosa. Les secousses et même la poussière ne lui dirent plus rien, car il se sentait chez lui. Pour prendre une pose et permettre à tout un chacun de relaxer, le chauffeur s’arrêta dans un village à mi-chemin de Minkebe. Les uns en profitèrent pour faire mixtion et les autres pour ingurgiter quelques aliments.

Arrivé à Minkebe, à peine descendu du clando, que des gamins accoururent vers lui pour l’embrasser, certains manifestèrent des larmes de joies tellement l’émotion des retrouvailles était forte. Ils étaient tous content de revoir Olamba dans le village, l’otangani qui a su braver les épreuves auxquelles ces gamins aspiraient réaliser le moment opportun. Puis la nouvelle arriva aux oreilles de Rosa qui effectuait des travaux ménagers au domicile de ses parents. Abandonnant tout sur les lieux, elle s’empressa d’aller à sa rencontre tellement elle avait attendu ce moment avec impatience. Les retrouvailles furent remplis d’émotions, Ils se mirent à faire couler des larmes et s’embrassèrent devant tout le monde. Cette expression de l’amour provoquait la gêne du plus grand nombre, car il n’était pas d’usages ici de le faire en public. Mais tant pis, car pour eux, ces retrouvailles importaient plus que tout, n’en déplaise aux jaloux.

Après ces moments de retrouvailles, François fut conduit auprès des sages dans la case des anciens par le cousin de Rosa. Il fut accueilli avec tous les honneurs dû à son rang d’homme de la communauté par le Grand Chef. Celui-ci ne cacha point sa joie de le revoir et surtout du fait qu’il comptait ci-installer. Aussi, comme se veut la tradition, il apporta au Grand Chef une bouteille de gin en guise de cadeau.

Puis le Chef prit la parole en ces termes :

-Nous venons de recevoir notre fils Olamba, partis pour des raisons professionnelles, mais ayant toutefois été rappelé par nos ancêtres, le voici de retour. Je pense que c’est une personne bien, et sa présence ici dans notre village nous aidera certainement à entrer dans la modernité. Car je pense qu’il est temps que des réformes profondes soient entreprises dans notre façon de gérer le village, afin de s’adapter au mieux aux nouveaux enjeux que nous impose le développement du pays.

-Si je peux me permettre de prendre la parole dans cette honorable assemblée, répondis François, sachez également que vous comptez beaucoup pour moi, j’ai appris beaucoup de choses grâce à vous.  Ici j’ai trouvez ma raison d’être, ce dont je recherchais depuis longtemps. Je me sens chez moi. Loin du monde où la quête folle des biens matériels au détriment de valeurs essentiels d’humanisme, de respect de l’environnement et des générations futurs sont au premier plan. Sachez que le monde aujourd’hui reconnait qu’il s’était trompé sur la notion de développement. Il a pris conscience qu’un développement qui compromet l’avenir des générations futures, ne peut être un développement. Si l’occident ne se ressaisit pas, elle courra à sa perte. Le bassin du Congo est devenu l’un des poumons de la terre à l’instar de l’Amazonie. Donc sachez que ce que vous avez veux de l’or.  Ma place est alors ici parmi vous. Je veux m’investir dans la protection de cet environnement, de ce patrimoine culturel, afin qu’ils rappellent constamment au monde entier vers quelle voie, il doit se diriger.

Suite à son allocution, François suscita une vive émotion dans l’assemblé, surtout envers le Grand Chef qui entrevoyait en lui, un précieux conseillé pour l’aider à prendre des réformes courageuses.

Le soir venu, le Grand Chef envoya des émissaires vers François, afin de l’inviter à partager un repas avec lui dans sa demeure. L’information lui parvint au moment où il était avec Rosa à parler de leur avenir ici dans ce village. Il accepta volontiers, sans toutefois dire qu’il n’y avait pas trop le choix. Arrivé sur les lieux, il vit sur une table immense, des mets diversifiés qu’il n’avait d’ailleurs jamais vus auparavant. Il y avait entre autres, du poisson appelé silure et préparé sous des braises de feu de bois emballé dans un paquet fait de feuilles de bananiers. Aussi, il y avait divers types de viandes de brousses fumées et préparés dans une sauce à base de noix de palme et de chocolat indigène. De la semoule de manioc, des taros et de la banane braisée accompagnait le tout. Puis, le Grand Chef l’invita à se servir. Etant curieux de nature, il s’empressa de savourer ces mets auxquels les effluves déclenchaient, tel le réflexe de Pavlov, le processus de salivation. Aussi comme le constatait le Grand Chef, il appréciait et avait vraiment faim. Tout en gratifiant les personnes ayant fait la cuisine, François ne cessait de dire que tel ou tel plat était délicieux. Puis le Grand Chef sortis un grand crue en lui disant que cette bouteille lui avait été remise par son père, qui fut tirailleur sénégalais durant la seconde guerre mondiale, au côté de la résistance Française. C’était un vin très ancien et bien conservée. Puis François lui dit :

-Avez-vous une cave à vin

-Oui répondit-il, je suis un collectionneur de grand cru et de pleins d’autres antiquités

-Savez-vous qu’une pareille collection pourrait vous rendre très riche dans mon pays

-Je ne l’ignore pas, car ce dont j’ai toujours rêvé était de pouvoir ouvrir un musé, afin de présenter au monde entier les objets anciens qui racontent notre histoire commune avec la France. Tu sais à l’époque de la colonisation, plusieurs colons venu ici y ont laissé de nombreux objets. Figure-toi que des batailles de la seconde guerre mondiale entre l’armée loyale et la résistance dirigé par le général De Gaulle se sont déroulées sur nos terres. La victoire de la résistance est partie d’ici. Mais cela n’est même pas enseigné à nos enfants à l’école des blancs. Ils leur racontent uniquement ceux qui s’est passés chez eux.  Encore que là, même les tirailleurs dits sénégalais n’ont aucune place dans l’histoire. Il devient urgent pour nous d’écrire nous-même notre histoire. Car comme le dit une maxime africaine : tant que les éléphants n’auront pas leur propre historien, les histoires de chasses tournerons toujours à la gloire des chasseurs. C’est pour cela qu’il faut que nos enfants sachent, que leurs ancêtres se sont battus au prix du sang pour la liberté. On a longtemps pensé, dans les nations modernes où l’écrit prime sur le dit, où le livre est le principal véhicule du patrimoine culturel, que les peuples sans écriture étaient des peuples sans culture. Si nous ne nous hâtons pas conserver les témoignages et les enseignements des anciens, c’est tout le patrimoine culturel et spirituel d’un peuple qui sombrera avec dans l’oubli, abandonnant à elle-même une jeunesse sans racine. Voilà pourquoi je souhaite développer le tourisme ici, que des Africains, des européens, des asiatiques bref, que le monde entier vienne visiter ce patrimoine historique. Mais aussi et surtout pour les plus jeunes, afin qu’ils n’oublient jamais le passé. Qu’ils sachent ceux qui s’est réellement passés. Ces jeunes ne sont plus intéressés à venir vers les anciens pour apprendre. Ils n’ont aucune histoire, aucun repère. Du coup ils risquent de perdre tout se savoir, voilà pourquoi je pense à tous ces projets-là.

J’ai aussi un autre projet auquel j’y tiens beaucoup et dont je souhaite voir l’accomplissement dans les années avenir. Il s’agit de créer une organisation non gouvernementale à caractère culturel, dont l’optique sera de mener un plaidoyer auprès du gouvernement Gabonais d’une part, mais aussi des organismes internationaux d’autre part, pour le retour sur notre terre, des objets culturels gabonais spoliés pendant la période coloniale. Nos masques et autres reliques n’ont pas leur place dans vos musés. Il est temps qu’ils retrouvent leur terre natale, là où leur âme à vue le jour. Cette terre sainte où leurs ancêtres demeurent. Car c’est une partie de nous-même qui se retrouve en exil contre notre gré, tels nos frères partie par la force travailler comme esclave dans le nouveau monde. Si les otanganis souhaitent les contempler, c’est à eux de venir chez nous pour cela. Je t’épargne d’autre part l’impact spirituel que cela a dans nos vies ou pour notre développement. C’est une source vitale pour notre épanouissement, qui ne coule plus dans nos veines. Sais-tu que certains de nos objets ont été la source d’inspiration de grands artistes de vos pays dans plusieurs domaines notamment la sculpture et de la peinture. Une force se trouve intrinsèquement liée à ces objets là et seul les plus aguerris peuvent en déceler le code pour libérer le potentiel. Il est temps que nos enfants contemplent leur patrimoine culturel pour stimuler la créativité dans la recherche de solutions aux problématiques actuelles. Voilà en résumé ma vision des choses. Dis-moi, j’ai besoin d’un œil extérieur pour m’aider à apporter des reformes qui feront entrer dans la modernité ma contrée. Les politiques nous ont oublié depuis très longtemps tu sais. On ne les voit que pendant les périodes des échéances électorales et après plus rien. Nous sommes abandonnés à nous même. Mais moi je pense à l’avenir de ces gamins-là, qui comme tu le vois ci bien, sont victime de l’exode rurale. Mais pour aller chercher quoi en ville ? Ils finiront certainement par errer dans les rues, devenir des gangsters car les gouvernements n’arrivent plus à résoudre le problème du chômage là-bas. Ils ignorent la richesse qui se trouve sous leur pied. La terre ici est riche, prospère et plein d’opportunités. Ils peuvent s’adonner à des activités agricoles. Aussi, nous avons un patrimoine touristique qui n’attend qu’à être exploité, des paysages naturels, des façades maritimes très attractifs. L’Afrique n’est que le reflet de ce que les africains ont eux-mêmes dans leur esprit. Mais tout cela je pense est dû au fait que nous avions tourné le dos à nos ancêtres, à notre culture. Nous ne sommes plus que l’ombre de nous-même, perdus dans des religions importées qui ne font qu’abâtardir leurs adeptes. L’Afrique regorge de potentialités qui n’attendent qu’à être exploités. Moi je suis devenu un pauvre vieillard, je partirais tôt ou tard. Mais ceux qui vont rester, qu’adviendra-t-il d’eux ? Sommes-nous voués à l’extinction ? Seul Dieu le sait. Ce que je te dis là, jamais je n’ai évoqué cela avec quelqu’un d’autre. Voilà pourquoi d’ailleurs, j’ai ouvert cette bouteille ancienne pour témoigner l’estime que j’ai pour toi : Olamba. 

Suite à cette conversation qui suscita beaucoup d’émotions, François exhortât le Grand Chef à garder espoir. De croire plutôt en cette jeunesse qui ne demande qu’à être écouté et comprise. De leur donner la possibilité de s’exprimer. Et rajouta :

-Sachez qu’il y a un conflit de génération, eux ils sont connectés via les réseaux sociaux au monde. Ils ne sont plus clos dans leur petit village, mais savent à l’instant ce qui se passe dans toute la planète, car le monde est devenu un village planétaire. Ils veulent aussi rêver comme les autres. Ils ont besoin qu’on croit en eux. Il y a parmi eux des artistes qui s’ignorent, connaissant des chants traditionnels et pouvant avec la technologie actuelle, les moderniser et les montrer au monde. Toutes les expressions artistiques sont encore sous exploitées. Très souvent ils méconnaissent eux même leurs propres talents. Mais en voyant les autres, en échangeant avec certains via les réseaux sociaux, ils se découvrent. Il faut juste des plates formes pour leur permettre de s’encourager mutuellement et se dire que tout est possible. Les femmes également, elles ont besoin d’exprimer leurs compétences dans les métiers parfois réservés aux hommes. Il faut que la tradition s’ouvre aux enjeux actuels, celui de l’égalité homme femme. Elles ont aussi un mot à dire dans la gestion du village. Il faut arrêter de penser que leur place est d’être recluse dans les travaux domestiques, elles doivent aussi être partis prenantes de la gestion des affaires courantes. Elles ont jusqu’à preuves du contraire prouvée leurs aptitudes à analyser et gérer méticuleusement certaines affaires. Voilà Grand Chef si vous voulez avoir mon humble avis sur cette question. Vous devez faire des réformes courageuses dans votre législation traditionnelle, faire évoluer certaines dispositions qui ne cadrent plus avec l’évolution actuelle de l’Afrique. Garder un pied dans la tradition certes, mais l’autres doit accepter cette ouverture. Un métissage est nécessaire pour la survie de la tradition. Permettez à ces jeunes et ces femmes de s’approprier cela et si possible transformer pour avoir un produit adapté à cette époque ci et ainsi s’inscrire dans la durée. Nous sommes dans une nouvelle aventure ambiguë. A l’orée de la croisée des chemins entre une jeunesse et des femmes de plus en plus connectés et aspirant à plus de libertés. Ils souhaitent faire bouger les lignes restées trop longtemps figées en raison d’une tradition qui refuse de s’adapter. C’est un bras de fer dont on ignore l’issus, seul l’avenir nous le dira.

Toutefois J’apprécie cette idée de musée, voici déjà une très bonne initiative que vous avez. Cela pourra non seulement créer de l’emploi, attirer des touristes et toutes les activités annexes, mais aussi rappeler l’histoire aux plus jeunes. Pour ça, vous êtes un visionnaire.

- Toutefois, j’ai une question à vous poser.

-Laquelle répondit-t-il

-Pourquoi n’avez-vous jamais véritablement osé entreprendre ces réformes

-Tu sais mon fils, l’homme ici est réfractaire au changement. Surtout certains qui ne se contentent que de leurs privilèges et refusent de vouloir changer les choses. Je suis un peu entre le marteau et l’enclume. Cette dualité me hante chaque jour. Une partie de moi veut faire évoluer les choses car je pense à l’avenir, mais une autre qui a peur de l’inconnu, me dit que si je le fais, nous allons courir vers notre perte. Mais vu la désolation, l’amertume qui se lit sur les visages des jeunes, je pense qu’il est tant d’oser reformer les choses pour la survie de notre culture. Je reste optimiste, car je croix en cette jeunesse qui pour moi est sacrée. Je veux tout miser pour elle. Pour sa survie dans un monde de plus en plus gagné par cette course effrénée pour le matérialisme. Sans te cacher je ne sais pas moi-même pourquoi je te raconte tout ça. Mais je ressentais juste le besoin d’en parler avec quelqu’un. D’entendre quelque chose d’autre ou du moins, comme ces jeunes qui attendent quelqu’un qui croira en eux, il en est de même pour moi. Quelqu’un qui croira en ces réformes que je souhaite pour ma contrée.

-Humm très bon vin ! s’exclama François en prenant une gorgée.

-L’un des grands projets que je souhaiterai voir de mon vivant, sera certainement ce musé. Je le vois déjà dans mes pensées, sa taille, les multiples objets exposées : documents anciens, objets divers des personnages historiques, etc. Ils n’attendent qu’à se montrer aux yeux du monde pour raconter ceux qui s’est passés ici autrefois. Je vois aussi un guide qui explique aux touristes la chronologie des faits passés. L’histoire de la colonisation et des deux guerres mondiales à partir de cette région du sud du Gabon. Car il est important de nous souvenir, de perpétuer la mémoire, de rappeler le sacrifice des personnes qui nous ont précédés, pour que les générations futures n’oublient jamais. Cela contribue à renforcer les fondements d’une nation, du vivre ensemble. Il doit être tard mon fils ? Rajouta le Grand Chef.

-oui très tard on n’a pas vu le temps passé.

-Tu peux dormir ici il y a de la place.

-Ok merci Grand Chef

-Oh ! Appelle moi juste papa Nziengui c’est moins protocolaire. Allez bonne nuit fiston.

Le lendemain, après une longue et très enrichissante soirée avec le Grand Chef, François se réveilla avec un peu de difficultés. Mais constatant le bruit des gamins venant de l’extérieur, il s’efforça de se lever.  Il pensa tout de suite aux projets qu’il pourra mettre en place pour ces jeunes. Alors il décida déjà d’installer les matériaux devant servir à construire sa boulangerie. Avec quelques jeunes volontaires, il fit construire un four traditionnel à base de terre cuite et une cabane servant de local ou il allait commercialiser du pain. A l’issu de cette première initiative, plusieurs jeunes furent intéressés par le métier de boulanger. Rapidement des fournisseurs d’origine libanaise des villes avoisinantes, se proposèrent de lui livrer la matière première pour la confection de pain fait maison. Aussi il apprit à ces jeunes l’art de conserver des fruits avec du sucre. C’est de la confiture et cela fut très apprécié par les plus jeunes qui voyait en lui, quelqu’un qui venait apporter un peu de sourire dans un endroit où l’expression « on va encore faire comment ! » exprimant le désespoir, était la plus populaire. Tout doucement dans la contrée, la nouvelle se propageait partout sur les petites activités qui commencèrent à prospérer à Minkebe. Tout naturellement cela ne fit pas le bonheur de tous car certains se voyait voler la vedette sur le leadership dans la contrée. Bien évidement la présence de François commençait à exacerber nos deux docteurs de la loi, qui ne voyait pas d’un bon œil l’épanouissement de ces jeunes. Car pour eux, il fallait toujours faire régner la peur de l’inconnu, les conséquences d’un changement de paradigme. Les réduire aux travaux champêtres de sorte qu’eux, conservent leurs privilèges. Il fallait impérativement distraire ces jeunes, afin d’occuper leur esprit pour qu’ils pensent à tout, sauf aux perspectives d’avenir. Tels furent les sordides ambitions de ces ultraconservateurs, réfractaires à toute possibilité de changement ou de renouvellement de la classe dirigeante. Ainsi, la nuit suivante qui ne fut pas comme les autres, attira curieusement l’attention des villageois. Il y eu en milieu de soirée, un vent mystérieusement glacial. L’atmosphère n’était pas comme d’habitude. Des chauves-souris qui habituellement allaient chasser dès la tombée de la nuit, se mirent à tournoyer à l’unisson autour de l’unique baobab du village, en émettant un bruit assourdissant. Aussi, un hibou de couleur blanc se posa sur la toiture d’une case, en regardant en direction de la demeure du Grand Chef, le cou retourné diamétralement à sa partie ventrale. Bizarrement il y avait ce soir-là, le clair de lune et tous les chiens du village se mirent à aboyer comme s’ils annonçaient un évènement dramatique. De plus, tous les nouveaux nés du village se mirent à pleurer sans raison, au grand étonnement de leur maman. C’est alors, que l’un des deux docteurs de la loi convoqua une réunion de crise en invitant un groupuscule de membre ayant fait allégeance à leur cause, à l’insu naturellement du Grand Chef. Zumba demanda à son acolyte de se rendre dans chaque demeure pour informer à ses profito-situationnistes, la tenue d’une réunion aux environs de trois heure du matin. Celui-ci se rendit de maison en maison avec un code comme mot de passe. Ce code permettait aux adeptes de savoir l’heure, le lieu et les vêtements appropriés à la tenue de la réunion. Ils étaient tous vêtus d’une tunique noire avec capuche qui ne laissait pas entrevoir le visage. La partie faciale était d’un noir ténébreux.

 Arrivé sur les lieux, le leader de cette rébellion teint les propos suivants :

-Mbolo samba grande assemblée,

-Mbolo samba, répondit l’assemblée

-Moi Zumba grand docteur et gardien de nos valeurs traditionnelles, en brandissant la tête de serpent qui était sur sa canne. Je vous ai convoqué ce soir pour vous faire part de la situation qui prévaut actuellement dans notre contrée. L’heure est grave ! Depuis l’arrivée de cet otangani chez nous, il semble avoir ensorcelé le Grand Chef avec ses objets magiques. Ce dernier ne nous écoute plus. Il permet à cet otangani d’apporter le développement ici et les jeunes commencent à s’épanouir. Sachez que notre survie dépend de l’ignorance de ces jeunes et femmes sur la réalité des faits. En leur donnant la possibilité de penser à leurs perspectives d’avenirs, ils ne croiront plus en nous, ainsi qu’aux politiques qui nous financent. Nous ne serons plus les grands auxquels ils viendront toujours demander un peu d’argent. L’heure est grave, nos intérêts sont fortement menacés. Il est temps de commencer à agir sinon nous perdrons nos places. Nous devons coute que coute maintenir la servitude qui est notre marque de fabrique. Alors je vous exhorte dès maintenant à réfléchir sur les voies et moyens qui vont nous permettre de garder nos privilèges. L’option la plus répréhensible qui soit, n’est pas à exclure. Peu importe le prix, nous devons garder le pouvoir.

-Hum ! Puis-je prendre la parole, intervint un des membres de cette lugubre assemblée, je pense que la solution est simple, il nous suffit d’éliminer l’otangani et le problème est réglé.

-Pas si simple ! s’exclama un autre, éliminer l’otangani nous attirera la foudre de sa communauté et les autorités viendrons investiguer. Cela nous exposera grandement. Nous pouvons essayer de le faire partir du village en faisant détruire tout ce qu’il entreprend.

-Vous n’y comprenez rien ! répliqua Zumba à haute voix, il n’est plus question de cet otangani, mais c’est tout un ensemble. Remarquer que toute la communauté semble aspirer à ce changement auquel cet otangani leur apporte. Et surtout la sympathie du Grand Chef à son égard. Je pense plutôt qu’il faut éliminer le mal à la source, voilà la solution.

-Laquelle alors, répondit un autre membre

- « Quand les singes jouent dans les arbres, les branches retombent sur le dos des éléphants », énonça Zumba, c’est un proverbe qui signifie que lorsque les petits font des bêtises, les conséquences retombent sur les parents, alors nous devons prendre le pouvoir suprême par l’élimination physique du Grand Chef

-Heu ! s’exclama un autre, n’es ce pas trop dangereux, l’échec d’une pareille initiative pourrait être considérer comme de la haute trahison.  Ne perdons pas également à l’esprit que le Grand Chef est très informé sur tout ce qui se passe au village. Imaginez-vous qu’avant qu’on opère l’information lui parvienne. Ou bien ses génies lui mettent la puce à l’oreille et le jour même il ne se trouve pas sur les lieux. Vous vous imaginé ce qui pourra se passer ? Nous serons tous pendus sur la place publique. Je propose une solution beaucoup moins radicale et plus subtile. Celui de commencer par distiller des fausses rumeurs sur le Grand Chef, notamment sur des origines douteuses par exemple, ça pourra faire en sorte que le peuple seul se révolte contre lui et comme par enchantement, les portes du pouvoir nous serons grandement ouvertes.

-Ha ! répliqua Zumba, voilà que sortent finalement les bonnes idées. Son père viendrait d’une contrée lointaine et sa mère s’est enfuit dans la forêt durant sa prétendue grossesse auquel on raconte que personne n’a réellement jamais vu. Je propose que nous diffusion la rumeur selon laquelle, il ne serait originaire de notre contrée. Notre loi traditionnelle va devoir imposer qu’il apporter la preuve de sa filiation à notre contrée à travers ses parents. Ainsi, n’ayant pas de preuves suffisantes, on invoquera l’amendement traditionnel selon lequel, ne peut accéder à la chefferie suprême qu’un enfant de pur-sang de notre contrée. Es ce que tout le monde approuve ?

-Oui ! répondit à l’unisson le groupuscule de membres.

-Alors qu’il en soit ainsi. De ce fait, je déclare clos cette réunion et je mets en garde quiconque osera ouvrir la bouche sur tout ce qui s’est dit ce soir.

Puis la séance levée, chacun revêtit un vêtement beaucoup plus conventionnel et se dispersèrent pour regagner leur domicile. 

La-Bas